Une chronique de Martin
Je m'étais promis de lire le livre avant de voir le film. J'étais finalement arrivé à la moitié quand j'ai vu Sur la route, l'adaptation jugée impossible du roman culte de Jack Kerouac. Quant à savoir maintenant si la génération beat y retrouve ses petits, je préfère laisser ses enfants en juger. Ce que je dis, c'est que le long-métrage m'a plu, peut-être un peu moins que le texte dont il s'inspire néanmoins très largement - avec quelques ajustements et raccourcis. Certains m'ont surpris, mais aucun n'a troublé ma pudeur littéraire.
On retrouve donc bien Sal Paradise, jeune écrivain dans l'Amérique de la fin des années 40. Pour le meilleur et pour le pire, sa rencontre avec Dean Moriarty marque un tournant dans son existence. Fasciné par son cadet, il va un temps délaisser sa machine à écrire au profit d'une expérience de vie à nulle autre pareille. Ensemble et souvent avec les filles qui croiseront leur chemin, les garçons vont traverser les États-Unis de part en part, à plusieurs reprises. Sur la route est aussi un décalque romancé de ce que Jack Kerouac a lui-même vécu. Les kilomètres s'accumulent ici à un rythme encore plus frénétique que les conquêtes, les beuveries ou les shoots à la benzédrine. Itinéraire de deux enfants du siècle, ne revendiquant rien et voulant tout connaître. Les Beatles me pardonneront d'avoir utilisé le titre d'une de leurs chansons pour ma chronique: le parcours effectué n'apparaît pas nostalgique. Il est visiblement sa propre justification.
Que répondre à ceux qui trouvent le film raté ? Peut-être simplement qu'ils feraient bien de sortir un peu le nez de leurs bouquins. Plusieurs réalisateurs ont voulu adapter Sur la route et ont renoncé devant la difficulté de la tâche. Si Francis Ford Coppola lui-même apparaît au générique, c'est "juste" comme producteur: propriétaire des droits, le maître américain s'est incliné devant un cinéaste brésilien, connu d'ailleurs pour d'autres road movies, quand il a fallu faire tourner la caméra. Le résultat est ma foi des plus honorables.
L'interprétation est bonne, sans être pour autant digne de l'Oscar. Encore loin d'être des stars, Garrett Hedlund et Sam Riley, âgés respectivement de 28 et 32 ans, m'ont convaincu. Je ne vois pas trop ce que je pourrais reprocher à Kristen Stewart: si j'ai lu qu'elle jouait beaucoup sur le côté sexuel de son personnage, j'ajouterais simplement qu'elle est en cela assez conforme à la Marylou de papier. D'autres noms apportent un plus, tels Kirsten Dunst, Viggo Mortensen ou un très étonnant Steve Buscemi. La photo, que signe le Français Éric Gautier, est elle tout à fait impeccable. La perfection absolue n'étant pas de ce monde, je passe sur les quelques outrances mélodramatiques, pourtant absentes du roman. Après deux heures passées en voiture, le dénouement arrive peut-être un peu trop vite pour ne pas paraître quelque peu artificiel. C'est l'occasion idéale pour se plonger dans le texte de Kerouac, lui-même un sacré voyage.
Sur la route
Film américain de Walter Salles (2012)
Un autre film de la cuvée cannoise de cette année, reparti bredouille de la Croisette. Aux amateurs de road movies, je peux conseiller deux films: les magnifiques Thelma et Louise, côté filles, ou bien Into the wild, pour la grande aventure en solo et aux images signées d'ailleurs du même chef photo. J'ai bien l'intention de découvrir tôt ou tard Carnets de voyage, régulièrement cité comme le film-phare de Walter Salles, inscrit dans les pas d'un dénommé Ernesto Guevara.
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