mardi 30 novembre 2021

La peur par quatre

Allez... j'enchaîne dès aujourd'hui avec une chronique d'un format quelque peu différent de celui dont je me sers habituellement ! Objectif: évoquer La quatrième dimension, le film à tendance geek venu prolonger la série télé éponyme (1959 - 1964). Un autre temps...

Sorti en salles en 1983, le film dure un peu plus d'une heure et demie. Le long-métrage ayant été confié à de jeunes réalisateurs ambitieux qui l'ont découpé en plusieurs segments, je vous en parle de manière descriptive. Ce qui ne veut pas dire que je vais TOUT vous dévoiler...

Prologue: Something scary (John Landis)
Deux gars sur une route, la nuit: un conducteur et un autostoppeur. Image classique de la mythologie américaine contemporaine. Entente parfaite entre les deux larrons, qui reprennent à tue-tête une chanson de Creedence Clearwater Revival. Bref, tout roule ! Jusqu'à ce que...

Premier segment: Time out (John Landis)
Trois copains se retrouvent dans un bar après le travail. L'un d'eux vient d'apprendre qu'il n'aurait pas d'augmentation. Aigreur et colère. Notre homme juge les Juifs, les Noirs et les Asiatiques responsables de son malheur. Des déclarations qu'il pourrait regretter ! Angoisse...

Deuxième segment: Kick the can (Steven Spielberg)
Un peu d'optimisme dans ce monde de peur: Peter Pan n'est pas loin ! Nous voilà envoyés dans une maison de retraite avec tout un groupe de petits vieux pas pressés (et un peu inquiets) à l'idée de vieillir. Est-ce pénible ? Vu chez Kubrick, Scatman Crothers va leur montrer...

Troisième segment: It's a good life (Joe Dante)
Le parfait opposé du segment précédent ? En somme, ce court parle d'enfermement, lui aussi, mais en mode négatif. Une jeune femme qui a abîmé le vélo d'un petit garçon le ramène chez lui en voiture. Bien accueillie par toute la famille, va-t-elle déchanter ? Pas certain...

Quatrième segment: Nightmare at 20,000 feet (George Miller)
Les statistiques sont claires et nettes: elles démontrent que l'avion est le moyen de transport le plus sûr. John Valentine, lui, en a peur. Avec de bonnes raisons, peut-être ? C'est l'enjeu de ce mini-récit. Attachez vos ceintures, ça va secouer fort ! Vivement l'atterrissage...

Épilogue: Even scarier (John Landis)
Arrivée à destination, enfin ! On boucle la boucle dans un aéroport américain lors de l'inspection de l'appareil, arrivé en catastrophe. Alors, causes naturelles ou délire paranoïaque d'un passager lambda ? Pour le savoir, je vous suggère de monter avec lui dans l'ambulance...

La quatrième dimension
Film américain - J. Landis, S. Spielberg, J. Dante, G. Miller (1983)

Un bilan très nuancé à mes yeux: j'aime le concept de ce film original associant quatre réalisateurs emblématiques de l'époque, mais trouve que le résultat déçoit tout de même compte tenu de leur standing. Notons également que la plupart des segments reprennent les thèmes originaux de la série - seul John Landis a proposé des idées nouvelles. D'où aussi la forme de mon billet... et deux "bonus" à lire ci-dessous !

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De ma part, un malentendu au départ...
J'ai longtemps cru que La quatrième dimension était l'hommage sincère de cinéastes débutants, sorti avant le début de leur carrière personnelle. Très grosse erreur ! Le film demeure toutefois méconnu par beaucoup, il me semble. Sans doute parce que ses quatre "papas" ont fait mieux ensuite, mais également parce qu'il a dû être tourné dans un contexte tendu, à la suite d'un accident d'hélicoptère mortel pour un acteur important et deux enfants comédiens ! Foutu destin...

Aussi, pour éviter à d'autres ma confusion...
Je me suis dit que ce serait bien de préciser l'âge des réalisateurs quand le film est sorti, ainsi que ce qu'ils ont tourné avant et après. L'occasion aussi de mieux situer le cinéma américain des années 80...

-> pour John Landis - 33 ans, le film arrive...
: après Un fauteuil pour deux (1983)
: avant Série noire pour une nuit blanche (1985)

-> pour Steven Spielberg - 37 ans, le film arrive...
: après E.T. l'extra-terrestre (1982)
: avant Indiana Jones et le temple maudit (1984)

-> pour Joe Dante - 37 ans, le film arrive...
: après Hurlement (1982)
: avant Gremlins (1984)

-> pour George Miller -38 ans, le film arrive...
: après Mad Max 2, le défi (1981)
: avant Mad Max: au-delà du Dôme du Tonnerre (1985)

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Et je termine par un ajout tardif...

Samedi 4 décembre, 10h45: c'est que j'avais zappé le lien de Pascale !

lundi 29 novembre 2021

À l’aveuglette

Ne rien savoir et faire confiance: je crois que ce n'est pas si facile. Pourtant, face à une représentation artistique, quoi de mieux au fond que de ne pas avoir d'attentes précises et de se laisser surprendre ? Hé ! Revenez ! Si je me risque à ouvrir cette nouvelle semaine d'automne par une question philosophique, ce n'est pas pour la frime !

Je voulais juste vous dire quelques mots sur l'initiative qui m'a permis de voir Tre piani deux jours avant sa sortie officielle: l'organisation par l'Association française des cinémas d'art et d'essai (alias AFCAE) de séances-surprises dans environ 200 de ses salles adhérentes. L'idée: l'exploitant reçoit en avance deux, trois ou quatre films inédits et en choisit un pour le diffuser en avant-première, "à l'aveuglette". L'espoir est par ailleurs de favoriser les échanges entre spectateurs directement après la projection. Un concept très sympa, je trouve. Reste dès lors à convaincre le public d'y adhérer: ne découvrir le titre du film qu'au moment où la lumière s'éteint, c'est une p'tite aventure !

Dans le cinéma où j'ai testé ce nouveau format, la jolie salle réservée pour l'occasion était assez correctement remplie. Une bonne partie des personnes présentes est restée pour discuter. J'ai donc bien envie d'assister à la prochaine séance de ce type, prévue le 7 décembre. Franchement, ça peut valoir le coup de vous renseigner également auprès du personnel de votre salle de prédilection: l'AFCAE a prévu que l'opération se prolonge jusqu'en avril prochain, les premiers lundis et/ou mardis de chaque mois, et devrait publier une liste des cinémas concernés sur son site Web. Le secret des films, lui, est bien gardé. Désolé, je n'ai aucune info sur celui qui sera choisi le mois prochain...

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Il y a des "pionniers", dans la salle ?

Certain(e)s d'entre vous ont peut-être participé à la première séance. J'avoue qu'une fois encore, je me sens curieux de... l'avis des autres !

samedi 27 novembre 2021

Leurs façons de vivre

Je pense que vous pourrez mieux comprendre le titre de ma chronique d'aujourd'hui quand vous aurez vu le nouveau le film de Nanni Moretti. Après un documentaire sur le Chili de Pinochet, le cinéaste italien revient à la fiction en adaptant un roman (ce qu'il n'avait jamais fait). Un livre de l'Israélien Eshkol Nevo qu'il a prolongé et resitué à Rome...

Tre piani
- le film - se passe presque entièrement dans un immeuble bourgeois. Plusieurs groupes de personnes s'y croisent et recroisent constamment. Il y a d'abord Dora et Vittorio, un couple de magistrats dont le fils (Andrea, une vingtaine d'années) a causé un accident mortel. Il y a aussi Monica, qui vient d'accoucher seule, son mari travaillant sur une lointaine plateforme pétrolière. Il y a encore Sara et Lucio, des quadras qui confient parfois la garde de leur petite fille à leurs si gentils voisins de palier, Giovanna et Renato, retraités. C'est à partir d'événements relativement banals de la vie quotidienne que cette communauté va petit à petit devoir renoncer à l'harmonie...

Il paraît qu'à Cannes, cette année, certains ont reproché à Moretti d'avoir renoncé à écrire un scénario original. C'est gonflé ! J'ai bien vu en Tre piani l'une de ces oeuvres ambitieuses dont sa filmographie est pleine. J'oserai même dire que, cette fois, elle déborde un peu. D'une grande finesse et d'une intelligence rare, le propos du cinéaste souffre légèrement d'une surcharge de circonstances dramatiques. Deux heures durant, les personnages n'ont pas vraiment de répit lorsqu'il s'agit ici de rendre compte de leurs malheurs enchevêtrés. Encore me faut-il préciser que la trame du film est censée se dérouler sur dix ans, le métrage étant découpé en trois parties d'importance égale - avec un (vague) marquage temporel en 2010, 2015 et 2020. Nanni, hier autarcique, mise sur l'intelligence des spectateurs. Merci !

Tre piani
n'est pas forcément le plus politique des films du maestro. Quoi qu'il en soit, c'est à mes yeux une oeuvre d'un humanisme profond (et qui a bien des choses à nous dire, même mezza voce). Qu'importe les qualificatifs, au fond: ces histoires ont su me toucher. Il paraît qu'en réalité, seule la première partie correspond au livre originel, le reste étant "brodé" à partir de ce modeste fil conducteur. Nous pouvons donc bien parler d'une oeuvre tout à fait personnelle. Moretti y fait toujours l'acteur, certes, mais il laisse aussi beaucoup de champ à sa troupe pour s'exprimer pleinement. Certains acteurs sont connus, d'autres peut-être moins: j'ai souhaité que mes photos vous les montrent nombreux, car ils sont tous bons, femmes, enfants et hommes confondus. Tel un concentré d'Italie que je juge crédible...

Un constat: certaines critiques sont sévères avec le film, lancé donc sur la Croisette et qui aurait dû sortir en salles beaucoup plus tôt. Honnêtement, tout n'est pas parfait dans Tre piani: les quatre étoiles que je vais lui attribuer témoigneront également du respect que j'ai pour le réalisateur en tant que figure centrale et militante du cinéma européen. Vous avez bien entendu le droit de ne pas être d'accord. Histoire de chipoter un peu, je dirais que ce (long) long-métrage demeure constamment d'un sérieux proverbial: quelques respirations par l'humour n'auraient pas forcément été malvenues. Si cela continue de me convaincre, c'est aussi parce qu'il me semble que l'optimisme finit par prévaloir et favorise ce que j'appellerai de nouveaux départs. À tout le moins, il y a là, sans doute, matière à débat. Et tant mieux !

Tre piani
Film italien de Nanni Moretti (2021)

Je n'ai pas encore vu assez de films de Nanni Moretti pour les classer selon mes préférences, mais celui-ci est assurément un bon cru. L'immeuble m'a parfois fait penser à celui d'un film iranien: Le client. Le quasi huis clos a souvent, au cinéma, quelque chose d'oppressant dont on se libère difficilement. Les bruits de Recife, le démontre superbement et Le locataire, ô combien ! Il me faut encore digérer...

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Je ne suis pas le seul à avoir apprécié...

Vous pourrez vérifier que Pascale a, elle aussi, beaucoup aimé le film. Je tiens à vous signaler également qu'il en est de même pour Dasola. Et que Strum, fidèle à son habitude, nous offre une analyse détaillée !

jeudi 25 novembre 2021

Antoine en deux temps

C'est curieux: alors que François Truffaut est l'un des réalisateurs français que je connais le mieux, ses films continuent de m'étonner. Aujourd'hui, je vous propose un diptyque avec deux longs-métrages autour du personnage d'Antoine Doinel, personnage apparu dès 1959 dans Les 400 coups. Pour le suivre, nous retournerons donc à Paris...

Baisers volés (1968)
Antoine a grandi: il a désormais une vingtaine d'années et travaille dans l'armée. Enfin, en théorie, puisque son comportement rebelle cadre mal avec les besoins de la cause militaire. Chassé, le bougre retrouve sa vie d'avant et Christine Darbon, une fille qui lui plaisait. Très vite, on se rendra toutefois compte... qu'elle n'est pas la seule ! Insouciant, Antoine passe d'un petit boulot à un autre et a des coups de foudre successifs (qu'il a parfois un certain mal à "concrétiser"). Inutile que j'en dise plus si ce n'est pour souligner que cette intrigue est le moteur d'une surprenante - et ma foi très délicate - comédie. Souvent inspiré par sa propre vie, Truffaut s'amuse visiblement derrière la caméra et a trouvé en Jean-Pierre Léaud l'alter ego idéal. Claude Jade, elle aussi, s'avère excellente en vraie-fausse ingénue. Chaque second rôle est bien choisi, avec une mention particulière pour la grande Delphine Seyrig. Belle fiction sur la réalité de l'époque !

En bonus: vous pouvez lire aussi la chronique de "L'oeil sur l'écran".

Domicile conjugal (1970)
Attention à ne pas vous gâcher le plaisir de la découverte (complète) si vous n'avez pas vu le film précédent ! Truffaut avait certes tourné deux longs-métrages dans l'intervalle, mais il livre ici une suite immédiate aux aventures d'Antoine, à présent marié avec Christine. Ensemble, les tourtereaux ont même eu un petit garçon, que son père a prénommé Alphonse, alors que sa mère aurait préféré Ghislain. Antoine n'a pas changé: il vit d'expédients, a aussitôt pour son fils des ambitions pharaoniques et conserve une frivolité qui confine parfois à l'arrogance, ce qui peut alors le rendre assez antipathique. Bref, si c'est un autoportrait de Truffaut, il n'est pas complaisant ! Mon avis, maintenant: on renoue bien ici avec le ton enlevé du film premier, mais j'ai trouvé le personnage de Doinel moins attachant. Rien de grave. C'est logique, oui, et juste un peu frustrant pour moi. Je prendrai sûrement plaisir à le croiser encore. Une prochaine fois...

En bonus:
je vous propose un lien, à nouveau vers "L'oeil sur l'écran".

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Juste un "détail" à ajouter...
Jean-Pierre Léaud n'avait que 24 ans à la sortie de Baisers volés. Claude Jade en avait encore 19 et François Truffaut 36. Jeunesses...

Soyons précis, voulez-vous ?
Pour compléter la série des Doinel, il me faudra tôt ou tard continuer sur la lancée: revoir Les 400 coups et voir L'amour en fuite (1979). Et Antoine et Colette, un segment du film L'amour à 20 ans (1962) ! Quant à vous, vous n'êtes pas tenus au même délai pour en reparler. Notez bien que l'ami Eeguab, vrai passionné, ne m'aura pas attendu...

mercredi 24 novembre 2021

Popcorn

Lundi, je vous ai parlé du 33ème film que j'ai vu sur écran géant cette année - en comptant avec les reprises vues en ciné-concert. J'accorde une relative importance à ce chiffre ordinaire: c'est le total que j'avais atteint en 2020 et la perspective de pouvoir le dépasser rend la crise sanitaire un peu moins sinistre ! Mais ce n'est pas tout...

J'ai la chance de vivre dans une agglo urbaine où il reste possible d'aller au théâtre et au concert à des tarifs tout à fait "raisonnables". Parfois, c'est même gratuit pour tous, dans les musées, par exemple. J'ai saisi pas mal d'opportunités d'étendre mes découvertes culturelles ces derniers mois. J'ai donc pu voir des choses quelconques, d'autres assez peu dignes d'intérêt, et d'autres encore vraiment séduisantes...

Cela vaut bien de décaler quelques-unes de mes sorties au cinéma. Cela m'incite par ailleurs à éviter de parler du "monde de la culture" comme je le fais encore trop souvent. J'ai désormais mieux compris combien ce supposé monde était varié (et pas toujours solidaire). J'apprécie assurément de l'observer, mais je garde un peu de recul pour être aussi attentif à la situation des artistes et des techniciens qui font tourner la machine à rêves. La plupart travaillent beaucoup loin des yeux du public, certains s'en sortent bien, mais toutes et tous ne roulent pas sur l'or. Oui, c'était déjà comme ça avant, c'est vrai ! Et j'ai moi-même quelques constantes: dans ce fameux monde d'après dont nous rêvons parfois, je compte continuer à aller "au spectacle". Et, malgré ma trouvaille photo du jour, à ne pas abuser du popcorn...

lundi 22 novembre 2021

Sur les routes de l'exil

J'ai une désagréable impression: elle me dit que cette crise sanitaire mondiale nous a pratiquement fait oublier la question des migrants. Sérieux oui, mais pas plombant, le film La traversée nous la rappelle avec force, bien qu'il ne cite pas de noms de pays réels ou de dates. Cette merveille d'animation dit en fait beaucoup sans faire de bruit...

Ce n'est qu'à la toute fin que la réalisatrice place un carton-hommage à ses arrière-grands-parents: ils avaient dû quitter l'Ukraine en 1905 avec leurs très nombreux enfants, soucieux d'échapper aux pogroms. Son film - et premier long-métrage - est donc bien une sorte d'écho donné à ces destins tragiques. Florence Miailhe admet franchement qu'elle connaissait mal cette histoire familiale et ajoute qu'un déclic lui était venu au moment des premières migrations de populations subsahariennes. La traversée a bel et bien une portée universelle. C'est une oeuvre d'autant plus touchante qu'elle ne joue pas bêtement sur la corde sensible et qu'au coeur de la multitude, elle s'intéresse toutefois au sort particulier de quelques enfants et adolescents. Gamins que certains, assis sur un tas d'or et leur arrogance, achètent et... rebaptisent: Janet plutôt que Kyona, Peter à la place d'Adriel ! Aujourd'hui encore, il se trouverait des gens pour trouver ça normal...

Trêve de considérations politiques: je tiens à réserver ce paragraphe aux aspects artistiques et techniques du film. Il s'appuie également sur la complicité en écriture de la réalisatrice et d'une de ses amies proches, sa très fidèle coscénariste: la romancière Marie Desplechin. Un duo doué... et encore une plume que je vais devoir découvrir ! L'animation, elle, est créée à partir de peintures sur verre. À ce stade de ma présentation, j'ai choisi de NE PAS chercher à comprendre précisément comment l'artiste donnait vie à ses images: je préfère laisser la magie opérer seule, sans être "passée au filtre" d'un savoir quelconque. C'est que l'émotion reste plus forte ainsi, me semble-t-il. J'aurais sans nul doute pu dire bien d'autres choses sur La traversée en cherchant des informations, mais j'espère que ce que j'ai écrit suffira à vous donner envie (ou au moins à titiller votre curiosité). Tout ce que je pense de positif de l'animation française s'illustre ici. Je n'oublie pas pour autant que la création de cette vraie splendeur associe aussi des Allemands et des Tchèques. C'est tout un symbole...

La traversée
Film français de Florence Miailhe (2021)

Une note presque maximale pour bien confirmer mon coup de coeur ! L'optimiste en moi croit que cette perle intéressera les plus jeunes tout aussi bien que les plus expérimentés des spectateurs de cinéma. En dépit de la dureté de son propos, elle s'autorise des échappées poétiques d'une rare beauté. Plusieurs autres films sur les migrations m'ont (vraiment) ému: Rêves d'or, Harragas, Adieu Mandalay, etc...

dimanche 21 novembre 2021

Un héros (de notre temps)

Le saviez-vous ? En France, l'ami James Bond est multimillionnaire. Les chiffres sont clairs: l'ensemble des films de la franchise officielle a en effet dépassé le cap symbolique du million d'entrées en salles. Mieux: les deux plus populaires, Skyfall et Golfinger, figurent même parmi les cent films les plus vus, aux 81ème et 97ème rangs. Waouh !

Je me suis amusé (si, si...) à compiler les résultats et à les "étudier". L'occasion de voir que Sean Connery avait d'emblée place la barre haut, son 007 n'étant dépassé que tardivement - par Daniel Craig. Roger Moore, Pierce Brosnan, Timothy Dalton et George Lazenby apparaissent loin derrière. Je vous laisse regarder cela de plus près...

1. Skyfall / 2012 / 7.003.902 entrées (Craig)
2. Goldfinger / 1965 / 6.675.099 (Connery)
3. Opération Tonnerre / 1965 / 5.734.852 (Connery)
4. Bons baisers de Russie / 1964 / 5.623.391 (Connery)
5. Spectre / 2015 / 4.982.985 (Craig)
6. James Bond 007 contre Docteur No / 1963 / 4.772.574 (Connery)
7. On ne vit que deux fois / 1967 / 4.489.249 (Connery)
8. Meurs un autre jour / 2002 / 4.015.654 (Brosnan)
9. Quantum of solace / 2008 / 3.722.789 (Craig)
10. Le monde ne suffit pas / 1999 / 3.599.609 (Brosnan)
11. Demain ne meurt jamais / 1997 / 3.571.826 (Brosnan)
12. L'espion qui m'aimait / 1977 / 3.500.993 (Moore)
13. GoldenEye / 1995 / 3.493.610 (Brosnan)
14. Casino Royale / 2006 / 3.182.602 (Craig)
15. Rien que pour vos yeux / 1981 / 3.181.640 (Moore)
16. Moonraker / 1979 / 3.171.274 (Moore)
17. Vivre et laisser mourir / 1973 / 3.053.913 (Moore)
18. Octopussy / 1983 / 2.944.481 (Moore)
19. L'homme au pistolet d'or / 1974 / 2.873.898 (Moore)
20. Les diamants sont éternels / 1971 / 2.493.739 (Connery)
21. Dangereusement vôtre / 1985 / 2.423.306 (Moore)
22. Permis de tuer / 1989 / 2.093.006 (Dalton)
23. Au service secret de Sa Majesté / 1969 / 1.958.172 (Lazenby)
24. Tuer n'est pas jouer / 1987 / 1.955.471 (Dalton)

Mourir peut attendre, lui, est encore à l'affiche - depuis le 6 octobre. Aux dernières nouvelles, il était entré dans le top 10 et très bien parti pour dépasser le plus apprécié des quatre opus avec Pierce Brosnan. Autant dire qu'après le "tour de chauffe" Casino Royale, Daniel Craig s'est imposé dans le rôle et qu'il sera donc difficile... de le remplacer !

C'est une belle revanche pour celui qu'on a surnommé James Blonde. Sans amertume, le comédien tourne la page et se tourne vers Netflix pour promouvoir la (les ?) suite(s ?) d'À couteaux tirés. Il a dit aussi qu'il allait se remettre au théâtre pour jouer Macbeth à Broadway. Tiens ! La pièce serait défendue par Barbara Broccoli, la productrice de tous les films de James Bond depuis 1987. La boucle est bouclée...

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Et en attendant le retour de l'espion...

Je peux vous renvoyer à ma chronique sur cinq incarnations de 007.

Ce long laïus n'est pas tout à fait complet...
Il y manque au moins vos avis sur le sujet. Commentaires appréciés !

vendredi 19 novembre 2021

Bond au rebond

Plus de six ans: depuis la transition Timothy Dalton / Pierce Brosnan survenue fin 1995, ses admirateurs n'avaient jamais eu à attendre aussi longtemps entre deux épisodes de la série des James Bond. Mourir peut attendre est aussi le tout dernier opus avec Daniel Craig dans le costume de l'espion. Cela a très logiquement suscité le buzz...
 
Le film replace 007 au volant d'une Aston Martin, coulant des jours heureux avec une jolie blonde dans le grand sud de l'Italie. Cette virée romantique doit aussi lui permettre de tourner une page symbolique en allant se recueillir sur la tombe de Vesper Lynd, son ex-girlfriend. Évidemment, cette improbable retraite va très vite être interrompue par quelques empêcheurs de buller en rond. Aïe ! Il se pourrait même que Madeleine (Léa Seydoux dans le siège passager) ait trahi la cause bondienne. Et nous voilà repartis pour deux - très copieuses - heures autour du monde, à traquer le vilain qui veut en détruire une partie ! Jusqu'à une île-laboratoire cachée entre Russie et Japon, le voyage sera forcément agité, mais pourrait vous réserver quelques surprises. Bon, autant vous laisser les découvrir sur un écran digne de ce nom...

Que puis-je ajouter ? Qu'une fois encore, Daniel Craig a fait le job. D'abord réticent à l'idée de ce retour, il s'est donc laissé convaincre pour un dernier tour de piste et méritera son gros chèque à la sortie. Dans une saga qui, avant lui, n'avait jamais été linéaire, il est clair que Mourir peut attendre marque inéluctablement une conclusion. D'ailleurs, on est en droit de se demander comment les producteurs historiques pourront relancer la franchise. Ils ont grillé des cartouches importantes, mais sont aussi restés très fidèles aux fondamentaux. Courses-poursuites spectaculaires, jolies filles, paysages idylliques et... vodkas Martini au shaker: j'aurais sûrement aimé que la formule évolue un peu, mais la marque Bond n'est pas la plus audacieuse. Clairement, les quelques velléités supposées de renouveler le mythe restent aux oubliettes (et ce n'est pas plus mal, à mon humble avis). Tout cela ne devrait pas priver le film d'un bon score au box-office français: il pourrait même finir avec la toute première place de 2021. Il venait juste d'y arriver au moment où j'ai finalisé cette chronique...

Mourir peut attendre
Film américano-britannique de Cary Joji Fukunaga (2021)

Trois étoiles et demie "seulement": tout cela est un divertissement agréable, mais qui manque tout de même quelque peu d'originalité. Vous me direz que c'est un 25ème épisode et vous aurez raison. D'aucuns préfèrent La mémoire dans la peau (et Jason Bourne). L'espionnage peut aussi être au coeur de films originaux tels Hanna ou plus convenus, à l'image de Mission impossible. Selon vos goûts...

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À l'évidence, 007 attire toujours du monde, mais...
Avant moi, Dasola est la dernière à en avoir parlé, plutôt en mal. Pascale, elle, s'est visiblement régalée avec cette nouvelle aventure. Mais c'est beaucoup moins vrai pour Princécranoir, j'ai l'impression...

jeudi 18 novembre 2021

Une boucherie ?

Delicatessen est l'un de ces OFNIS que le cinéma français produit parfois. J'ai le - très - vague souvenir de l'avoir découvert en plein air et... en version allemande, lors d'un séjour linguistique outre-Rhin. Malgré tout, ce film culte du début des années 90 est bien français. D'aucuns le jugent surréaliste. Quant à moi, je dirais "frappadingue" !

Dans ce qui peut ressembler à un Paris post-apocalyptique, un groupe d'hommes et de femmes (sur)vit toujours dans et sous un immeuble dévasté. Manger à sa faim est un luxe. Les seuls aliments disponibles proviennent du boucher habitant le rez-de-chaussée, que l'on suppose capable de trucider son prochain pour fournir de la viande comestible à ses ultimes clients. Un matin, un dénommé Louison, ancien clown de son état, s'installe à l'étage, sympathise avec la fille du malfaisant et, de ce fait, inscrit son nom comme celui d'une possible victime. Comme vous l'aurez compris, rien n'est sérieux dans cette histoire. Gentiment macabre, Delicatessen vaut le détour pour son imaginaire débridé, qui lui valut un relatif succès public - 1,4 million d'entrées - et une petite moisson de César (dont celui du meilleur premier film). C'est une juste récompense pour une oeuvre impeccable sur le plan technique et qui saura agiter vos zygomatiques ! Et plus si affinités...

Delicatessen
Film français de Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro (1991)

Bien calé dans un box-office français dominé par le cinéma américain aux six premières places, ce curieux machin finira au... sixième rang des productions françaises, cette année-là. Et oui, c'est mérité ! J'imagine que Michel Gondry - La science des rêves - a pu en tirer quelques enseignements importants pour sa propre folle carrière. Face à cela, le Poesía sin fin de Jodorowsky semble presque normal...

mardi 16 novembre 2021

Splendeurs et misères

Je crois n'avoir lu aucun livre de Balzac. Cela changera peut-être maintenant que j'ai vu l'adaptation de son roman Illusions perdues. Comme son titre le suggère, il s'agit d'un drame (paru en 1837). Précision pour les férus de littérature classique: le film ne reprend qu'une partie de ce "pavé" ! Pour tout vous dire, c'est bien suffisant...

Il est ici question d'un jeune homme de province, Lucien Chardon. Quand le film démarre, ce brave garçon est l'amant d'une femme noble, Madame de Bargeton, qui apprécie particulièrement ses talents de poète. Un beau jour, le couple illégitime prend la fuite vers Paris. Ce pourrait être le début de la gloire pour Lucien, qui, désormais, fait tout pour être connu sous le nom De Rubempré, celui de sa mère. Mais, faute d'avoir séduit un éditeur, l'ambitieux monnaye sa plume auprès du Corsaire, un journal (à scandales) parmi les plus influents. Que dire ? Cet impressionnant tableau de la France de la Restauration est plutôt glaçant: la morale n'a réellement de prise sur personne. Pour bien vivre, il faut savoir se frayer un chemin entre les quolibets gratuits et les intrigues constantes. Être né du bon côté de la fracture sociale peut sans aucun doute vous offrir d'emblée un avantage certain sur le bas peuple, mais Illusions perdues démontre en outre qu'il n'est pas décisif. Et c'est une leçon qui vaut pour tout le monde...

Je crois me souvenir que sa distribution est la toute première chose qui m'a attiré vers ce beau film. Ravi de retrouver Benjamin Voisin dans un premier rôle, je me suis laissé convaincre par toute la troupe autour de lui: Cécile de France, Jeanne Balibar et Salomé Dewaels sont d'excellentes partenaires de jeu, tandis que Vincent Lacoste, Xavier Dolan et Gérard Depardieu - entre autres - confirment le talent que je leur connais de longue date. J'ignore si le Paris de Louis XVIII ressemblait vraiment à ce que j'ai vu à l'écran, mais la reconstitution est d'une très grande beauté, sûrement sublimée par tous les décors naturels et magnifiée encore par les costumes, absolument superbes. Illusions perdues dure deux heures et demie... et elles passent vite ! Il n'est pas interdit de relever dans ce qui est montré quelques clins d'oeil à notre époque: c'est logique, mais parfois un peu trop appuyé. Si ce n'est cela, je n'ai rien de négatif à dire contre le long-métrage. Je prédis de bonnes chances de gagner quelques César l'an prochain...

Illusions perdues
Film français de Xavier Giannoli (2021)

De l'ascension du héros à sa chute: le récit est vraiment classique. Cela reste toutefois une oeuvre ambitieuse et remarquable, si réussie qu'elle réveille au passage mon envie de découvrir le roman originel. Vous appréciez la littérature du 19ème siècle ? Madame Bovary, Tess et/ou Les hauts de Hurlevent pourraient tout aussi bien vous plaire. Ou, dans le même esprit, Madame de... et Les grandes manoeuvres.

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Le film est très bien accueilli par la blogosphère...

Vous pourrez le vérifier chez Pascale, Dasola, Princécranoir et Strum.

lundi 15 novembre 2021

Sur un malentendu...

Ethan et Joel Coen n'ont certes pas inventé le personnage du crétin attachant: précurseur, un dénommé Marcel Pagnol en avait confié un au grand Fernandel pour créer Le Schpountz, une excellente comédie d'auteur tournée à Marseille, bien sûr, entre mars et septembre 1937. Deux ans avant la guerre, la France savait - et aimait - toujours rire !

Jeunes adultes orphelins, Casimir et son frère Irénée ont élu domicile chez l'oncle Baptiste, un épicier du genre roublard. Le premier garçon s'est adapté à la situation et s'avère aussi filou que son cher tonton lorsqu'il s'agit de vendre une marchandise de piètre qualité. Le second n'est pas un mauvais bougre, mais préfère attendre que sa destinée s'accomplisse enfin: il est convaincu d'avoir un don pour le métier d'acteur. De ce fait, quand le hasard le met en présence d'une équipe de tournage venue de Paris, il se démène pour rejoindre la troupe. Las! Malgré les apparences, le malheureux n'est pas pris au sérieux. Tant mieux: Le Schpountz offre un immense numéro de Fernandel. Joliment entouré (Orane Demazis, Fernand Charpin...), le comédien est d'une irrésistible drôlerie, mâtinée d'un soupçon de mélancolie. Même quand il en fait des tonnes, il est tout bonnement admirable. Irénée triomphera-t-il, au final ? Je laisserai la question sans réponse. Et j'ajouterai simplement que, dans ce film, Pagnol rend un hommage appuyé au génial Chaplin. C'est une autre bonne raison de le (re)voir !

Le Schpountz
Film français de Marcel Pagnol (1938)

Deux heures de joie pour une rigolade à rebondissements multiples ! Difficile d'espérer mieux de chacun des protagonistes: c'est du travail soigné de bout en bout - et qui, à mon sens, n'a pas pris une ride. Pour le duo Pagnol / Fernandel, La fille du puisatier, sorti deux ans plus tard, est un autre incontournable, un peu plus sombre cependant. Et, bien entendu, pour Pagnol "seul", il y a Marius, Fanny et César...

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Je ne suis pas le seul à en rire...

Té ! Je crois même que "L'oeil sur l'écran" est tout aussi enthousiaste.

vendredi 12 novembre 2021

De la jeunesse et du cinéma

Après deux sorties récentes, j'ai envie de clore ma semaine cinéma en revenant sur une longue enquête Télérama, qui évoque le lien entre les jeunes (18-30 ans) et le septième art. Les questions posées m'ont plu et certains des résultats m'ont très sincèrement surpris ! C'est pourquoi je veux tous les donner avec de petits commentaires...

Où les jeunes voient-ils les films ?

67% au moins une fois par semaine sur une plateforme payante
60% au cinéma
20% en DVD / Blu-ray
15% à la télé
12% sur Youtube / Dailymotion

Mon avis :
Je ne suis pas franchement surpris: le streaming est à la mode. Toutefois, les salles résistent, ce qui me fait plaisir, assurément. Mais collectionner des DVD ressemble à une manie d'un autre temps...

Être cinéphile, c'est quoi ?

90% : regarder de préférence les films en version originale
89% : aimer les films qui font réfléchir
81% : s'intéresser aux films d'auteurs
80% : voir le cinéma comme un art (plutôt qu'un divertissement)

Mon avis :
Étonné ? Non, car je me dis que les jeunes interrogés n'ont pas parlé de leur pratique, mais de la cinéphilie telle qu'ils la jugent (de loin ?). Et je suis tout à fait persuadé que beaucoup voient des séries en VO !

Pourquoi aller au cinéma ?

94% : pour vivre l'expérience du grand écran
88% : pour vivre des émotions
56% : pour se détendre, faire une sortie
50% : pour passer un bon moment entre amis, avec son entourage
36% : pour bénéficier du confort de la salle

Mon avis :
Le grand écran avant le divertissement et les copains: c'est cool. Apparemment, nos jeunes ne sont pas de vilaines couch potatoes ! J'aurais retenu le même classement, à peu de choses près. Rassurant.

Ce qui donne envie de voir un film ?

92% : le nom du réalisateur
77% : les acteurs à l'affiche
76% : le résumé
74% : le genre cinématographique
73% : ce que les critiques en disent

Mon avis :
À mes yeux, le premier enseignement du sondage: voir les cinéastes classés devant les comédiens, je ne m'y serais pas du tout attendu. Que tant de jeunes pointent la critique m'étonne aussi. Positivement.

Qu'est-ce qu'un bon film ?

93% : il procure des émotions
91% : il marque durablement
77% : il fait réfléchir
73% : il a une mise en scène remarquable
59% : il présente un scénario original

Mon avis :
Pas tellement de grandes révélations ici, mais la joie de constater que le cinéma n'est pas seulement perçu comme un plaisir éphémère. Et la mise en scène plus décisive que le scénario ? Bon, admettons...

Les genres de films les plus regardés :

85% : le drame
53% : le thriller ou le polar
49% : les films d'action ou d'aventures
49% : la comédie
44% : la science-fiction ou le fantastique

Mon avis :
Voilà de quoi démentir celles et ceux qui pensent que les jeunes n'aiment que les blockbusters bourrins ou les comédies potaches ! J'aurais parié sur un tout autre quinté. Ne jamais juger sans savoir...

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Quelques mots de conclusion...
La rédaction de Télérama a même interrogé l'ensemble des classes d'âge et publié d'autres données sur son site Internet. Petit regret personnel: l'absence - sauf oubli de ma part... - de renseignements sur la composition de l'échantillon interrogé. Inspirés ? Je suis preneur de vos éventuelles réactions au sondage. Soyez-en (r)assurés à 100% !

mercredi 10 novembre 2021

La vérité ou la mort

Je dois bien le reconnaître: certaines de mes récentes "rencontres" avec Ridley Scott avaient abouti à une (relative) déception. À 84 ans bientôt révolus, le vieux lion britannique me paraissait presque perdu pour la cause cinématographique. Le fait est que je m'étais fourvoyé. Il rebondit avec son nouveau film, sorti mi-octobre: Le dernier duel !

La machine à remonter le temps s'arrête au 14ème siècle, en France. Le pays est dirigé par un Valois: le roi Charles VI, dit le Bien-Aimé. Vaincu dans une campagne militaire en Écosse, Jean de Carrouges, chevalier, retrouve son domaine et sa femme, la belle Marguerite. Cette dernière lui révèle aussitôt qu'en son absence, elle a été violée par un autre potentat local, Jacques Le Gris. Ex-compagnon d'armes de son époux, l'homme n'en est pas à sa toute première exaction ! Pour en finir, Carrouges s'apprête donc à en référer à son suzerain. Face à la probable difficulté à confondre son rival, il entend réclamer la tenue d'un duel à mort, seul moyen de les départager devant Dieu. Sachez-le: tout cela s'est bien déroulé et conclu en l'an de grâce 1386. Confronté aux incertitudes historiques, Scott choisit de nous proposer trois visions de ce drame: celle du mari, celle du - supposé - violeur et celle de la femme bafouée. Le film est ainsi fait de trois segments de longueur comparable (40 minutes environ), un pour chaque partie. Les variations sont évidentes ou, parfois, plus subtiles. Une réussite !

Il faut dire que le film peut s'appuyer sur des acteurs des plus investis et particulièrement convaincants, à la tête desquels on trouve un trio formé par Jodie Comer, Matt Damon et Adam Driver. La comédienne est sûrement la moins connue du grand public: je l'avais remarquée dans The white princess, une série télé de 2017 où elle montrait déjà quelques belles dispositions pour ce type de personnages des temps anciens. Les garçons, eux, n'ont plus grand-chose à prouver et offrent de nouveau le meilleur d'eux-mêmes, dans des rôles plus complexes qu'on ne peut l'imaginer de prime abord. Précision: si Driver s'en tient au jeu, avec le charisme qu'on lui connaît, Damon est aussi crédité comme coscénariste, secondé par son ami Ben Affleck - lequel incarne au  passage un nobliau influent, libidineux et aux cheveux décolorés. L'un des plaisirs procurés par Le dernier duel vient des résonances de son scénario avec la réflexion du monde actuel liée à la libération de la parole des femmes et à l'attention que l'on daigne leur accorder enfin, plus de six siècles plus tard. On n'a donc pas fini d'en débattre !

Le dernier duel
Film américano-britannique de Ridley Scott (2021)
Bien que marqué par des images très violentes, ce tout nouvel opus de Scott devrait ravir les fidèles du maître et de ses grandes heures dans le genre (cf. Kingdom of heaven... plutôt que Robin des bois). Il est notoire qu'il n'est pas si facile de reconstituer un Moyen-Âge crédible au cinéma: je n'ai même pas de bon exemple à conseiller ! Reste que le sujet m'intéresse. Et du coup, si vous avez des tuyaux...

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Et en attendant le prochain grand classique...

Vous aurez peut-être envie de connaître les avis de Pascale et Dasola. NB: Princécranoir et Benjamin ont également pris part à la discussion.

lundi 8 novembre 2021

Vache de vie

Je cite: "L'oiseau a son nid, l'araignée sa toile, et l'homme l'amitié". C'est sur cette pensée du poète britannique William Blake (1757-1827) et en termes philosophiques que débute First cow, mon film du jour. Il nous ramène au tout début du 19ème siècle et au coeur de l'Oregon sauvage, quand les États-Unis demeuraient très largement inexplorés.

Cuisinier d'un modeste groupe de trappeurs, Otis "Cookie" Figowitz s'efforce de survivre dans ce très rude environnement des pionniers. Une nuit, le hasard lui permet de rencontrer King Lu, un autre homme qui espère trouver bonne fortune dans cette contrée d'allure sauvage. Ce dernier lui explique d'emblée qu'il n'est pas indien, mais chinois ! Très vite, les deux hommes sympathisent et tombent donc d'accord pour mener une opération clandestine: la traite de la seule vache présente dans les environs, qu'un notable a fait venir depuis l'Europe. Son lait pourrait bel et bien leur sauver la mise et cet argument suffire à la crédibilité du scénario, tout à fait insolite au demeurant. De fait, si First cow est un western, ainsi que certains critiques pro l'ont présenté, c'en est un qui ne ressemble pas à beaucoup d'autres...

Certes, Kelly Reichardt, la réalisatrice, autrice de son septième long depuis les débuts de sa carrière en 1994, n'a jamais donné une vision ordinaire de son pays. C'est bien ce qui fait l'intérêt de son cinéma ! Son regard sur l'Amérique de 1820 nous offre une étonnante escapade sur un territoire que nous croyions connaître et pouvons (re)découvrir par la même occasion. Pour en profiter, le mieux est alors d'adopter une posture contemplative: le Grand Ouest qui se révèle à nos yeux n'est pas agité, car l'homme n'y a pas encore pris le pas sur la nature. Au coeur de nos vies parfois tourmentées, First cow peut apparaître comme une respiration très apaisante, d'un peu plus de deux heures. Cela dit, attention: ce n'est pas franchement un film des plus joyeux. Vous n'aurez même pas l'opportunité de vous attarder sur des visages familiers, le casting étant surtout constitué d'acteurs peu connus. Cela ne m'empêchera pas de conseiller le film, en toute connaissance de cause. Allez savoir ! Il est possible que vous en sortiez "modifié"...

First cow
Film américain de Kelly Reichardt (2020)

Une oeuvre d'esthète, exigeante et sensible, comme une définition très personnelle de la beauté. Un constat d'évidence: il y a bien assez de talent(s) dans le cinéma américain pour nous permettre de porter un autre regard sur notre monde - encore récemment, ce beau film qu'est Leave no trace l'avait déjà démontré, à sa fort juste manière. Otis et King Lu m'évoquent aussi les amis du superbe Dersou Ouzala !

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Pour en savoir plus...
Je vous suggère d'aller lire aussi la chronique (positive) de Pascale. Celle de Strum est un peu plus analytique, mais pas moins élogieuse.

Et pour être complet...
Je dédie cette chronique à Rodolphe, le plus ancien de mes potes. D'ailleurs, elle tombe à point nommé: ce lundi, c'est son anniversaire !

dimanche 7 novembre 2021

Encore lui !

Deux Jean-Paul pour un unique film. Je m'étais dit que la flamboyance de Belmondo irait bien avec le cinéma virevoltant de Rappeneau. Confirmation: Les mariés de l'an deux est une comédie très sympa. Ce film de capes et d'épées (tardif) est resté un divertissement solide cinquante ans après sa sortie. Ne boudons pas donc notre bon plaisir !

Va-nu-pieds parti trouver bonne fortune aux États-Unis quelque temps avant la Révolution de 1789, Nicolas Philibert devait même s'y marier avant qu'un fâcheux s'y oppose au prétexte qu'il avait déjà convolé. Notre homme se voit dès lors contraint de mettre le cap vers l'Europe afin d'obtenir fissa un justificatif de divorce en bonne et due forme. Ce sera l'occasion de retrouvailles avec Marlène Jobert, impeccable dans ce rôle de mé(na)gère abandonnée, mais également de découvrir autour d'elle une fort belle troupe, dont Laura Antonelli, Sami Frey, Michel Auclair, Julien Guiomar, Pierre Brasseur, Georges Beller... liste non exhaustive que Wikipédia et/ou IMDb complèteront si nécessaire. En pareille compagnie, le rythme est vraiment haletant et le spectacle assuré: mission accomplie, en somme, avec d'autant plus d'efficacité que les chevaux s'emballent sur une belle musique de Michel Legrand. De quoi terminer au 9ème rang du box-office français cette année-là !

Les mariés de l'an deux
Film franco-italien de Jean-Paul Rappeneau (1971)

J'ai parlé de la voix off de Jean-Pierre Marielle ? Oui, voilà, c'est fait. C'est la cerise sur le gâteau et le parfait complément d'un film attachant, idéal pour un dimanche d'automne (ou d'une autre saison). Bon... avec Bébel toujours, je garde toutefois une préférence sincère pour Cartouche, joyeux aussi, mais bien plus mélancolique, au final. Et je vous certifie que cela vaut nettement Les trois mousquetaires !

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Vous aimeriez prolonger le plaisir ?

Avant même que je parle du film, Benjamin en avait déjà fait l'éloge. J'ai fait un constat identique du côté de "L'oeil sur l'écran". Logique...

vendredi 5 novembre 2021

Une passion parisienne

J'oublie volontairement l'année 2020: c'est en 2019, dernier millésime sans Covid, que je reviens pour étudier la fréquentation des musées et monuments parisiens. Avec 6,1 millions de visiteurs, la Tour Eiffel occupait alors la troisième marche du podium, derrière le Sacré-Coeur et le Louvre, mais devant le Centre Pompidou. La fierté de la France !

Sorti à la mi-octobre au cinéma, Eiffel - le film - ne se penche pas tant sur la dame de fer que sur son créateur, Gustave E. (1832-1923). Audacieux, le récit renonce assez rapidement à la simple revisitation technique, au profit d'une histoire d'amour éminemment romanesque. L'idée est que l'ingénieur, si doué était-il, a avant tout été encouragé par Adrienne Bourgès, la fille de l'un de ses premiers commanditaires. Il est certain que cette femme a existé, mais il n'est toutefois pas dit qu'elle ait réellement fréquenté Eiffel à Paris, comme le long-métrage le montre, et ait su inspirer autre chose qu'une passion de jeunesse. Mais peu importe: les faits historiques ne m'intéressent qu'à moitié...

C'est donc sans fausse pudeur que j'affirme qu'Eiffel est un beau film. Et tant mieux si, en prime, il peut être bien vendu à l'international. Ses quelques imperfections n'ont pas gâché mon plaisir: j'ai apprécié que l'on nous montre la capitale ainsi, c'est-à-dire sans clinquant. Tout au long du métrage, l'exemple le plus révélateur à mes yeux tient au traitement réaliste de la lumière: si ce n'est dans les scènes extérieures, la photo du film garde un aspect sombre, plutôt crédible pour une époque où l'électricité était encore fort peu développée. Malgré des effets numériques parfois discutables, j'ai cédé au plaisir d'une reconstitution soignée, riche de très beaux décors et costumes. J'ai également apprécié le casting - et Emma Mackey / Romain Duris en tête d'affiche. D'aucuns pointent leur différence d'âge, plus grande que celle qui séparait Adrienne et Gustave: c'est un reproche fondé que j'entends, mais que je ne veux pas faire à un film qui est aussi une oeuvre de femmes à la production, au scénario et au montage. Rien n'aurait donc été possible sans elles: camouflet pour les machos !

Eiffel
Film français de Martin Bourboulon (2021)

Notre homonymie de prénom ne suffira pas à expliquer la bonne note que j'attribue au réalisateur, que j'ai connu beaucoup moins inspiré. Ouais, ouais, ouais... rappelez-vous: Papa ou Maman, c'était lui. Évidemment, Paris a un petit truc en plus pour transcender un propos romantique (cf. les grands classiques comme Ariane ou Charade). Pour pleurer d'amour contrarié, j'écouterai vos autres (p)références...

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Et en attendant que vous vous prononciez...

Je peux vous conseiller de lire l'avis (moins enthousiaste) de Pascale.

jeudi 4 novembre 2021

Crimes au soleil

Apparu à l'écran en 1971, L'inspecteur Harry aurait-il fait des émules en France dès cette première année ? C'est ce que j'ai voulu croire devant Sans mobile apparent. Or, surprise: cet opus est en fait sorti quelques mois avant son supposé modèle américain. C'est troublant. Bref, je n'ai plus qu'à remballer mon comparatif et à... corriger le tir !

J'ai tenu à regarder Sans mobile apparent parce qu'il se passe à Nice. Retrouver mon ancienne ville d'adoption m'a fait plaisir: les quartiers sur lesquels la caméra s'attarde n'ont pas beaucoup changé, en fait. Alors dirigée par feu Jacques Médecin, la fière cité de la Côte d'Azur sert de décor ensoleillé à une sombre histoire de meurtres en série. J'imagine que le titre du film suffit à faire comprendre que la police patauge au moment de relier les crimes entre eux. Un homme seul s'acharne: son nom est Carella, il n'est assurément pas le plus aimable des flics, mais il pourrait en revanche trouver enfin la clé de l'énigme. Et, dans ce rôle, Jean-Louis Trintignant se montre très convaincant. Avec lui, on revoit de grands noms de l'époque: Jean-Pierre Marielle et Dominique Sanda, Sacha Distel ou encore Stéphane Audran. Derrière la caméra, Philippe Labro - pour sa troisième réalisation - aurait profité des conseils de Jean-Pierre Melville (excusez du peu !). Les mélomanes apprécieront aussi la B.O. du grand Ennio Morricone. On peut bien sûr savourer ce polar au look vintage... sans être Niçois.

Sans mobile apparent
Film franco-italien de Philippe Labro (1971)

N'en déplaise à Don Siegel et Clint Eastwood, ce "classique" européen demeure un divertissement tout à fait acceptable, sans fausse note. Détail amusant: il est aussi une adaptation de Dix plus un, un roman policier... américain, signé Ed McBain (collection Série noire / 1964). Au petit jeu des comparaisons, je vais oser citer Peur sur la ville
. Dans les années 70-80, on a tourné en France mille films de ce genre !

mercredi 3 novembre 2021

Voiles et lumières

Je ne veux pas vous le cacher: je ne connaissais rien de Loïe Fuller avant de découvrir La danseuse, le beau film qui lui a été consacré. Autre précision: plus que pour le cinéma, c'est en réalité pour la danse que j'ai été curieux de "faire sa connaissance" par écran interposé. Aucun regret a posteriori, mais quelques réserves: je vous explique...

Née en 1862 à Hinsdale, à proximité de Chicago, Mary Louise Fuller rencontre le succès trente ans plus tard, après avoir inventé la Danse serpentine, une superbe chorégraphie "faite de spirales et de volutes de voiles", ainsi que je l'ai vu (et lu sur le site du Centre Pompidou). Son jeu avec la lumière et les couleurs est tout à fait avant-gardiste pour l'époque et s'inscrit pleinement dans le courant de l'Art nouveau. Installée à Paris, l'artiste connaît encore la gloire, aux Folies Bergère notamment. Elle fascine certains de ses plus illustres contemporains. Pourtant, elle finit par tomber dans l'oubli, concurrencée par d'autres qu'elle avait aussi fait monter sur scène, à l'image d'Isadora Duncan...

Plusieurs éléments émergent de ce récit: j'ai ainsi trouvé intéressant d'aborder la danse par sa mécanique, mais ouf... ce n'est pas tout ! Autant le dire clairement: La danseuse met en avant un personnage éminemment romanesque. Et, comme je l'ai dit, c'est du beau travail. Dans le rôle-titre, l'étonnante Soko, elle-même artiste aux facettes multiples, est peut-être un peu jeune, mais elle déploie une énergie communicative et, de ce fait même, convaincante. Elle est entourée d'une jolie distribution secondaire, forte entre autres des talents idéalement conjugués de Mélanie Thierry et Lily-Rose Depp du côté féminin, Gaspard Ulliel et François Damiens chez les hommes. Bravo !

Malheureusement, bien que d'une durée raisonnable (1h45), tout cela passe vite, trop vite parfois pour que l'on s'attache aux protagonistes. Autre bémol: "inspiré de", le scénario se montre un peu révisionniste en gommant l'homosexualité de son héroïne et, du coup, en reléguant Gabrielle Bloch, qui fut sa compagne pendant vingt ans, à la position d'amie fidèle. Face à ce simple constat, la réalisatrice et son actrice principale ont eu des propos discutables. Je vais passer sur les détails et ne garder que le positif car oui, le film m'a plu malgré ses défauts !

La danseuse
Film français de Stéphanie Di Giusto (2016)

Un biopic à prendre avec la réserve d'usage, mais qui peut intéresser aussi bien les curieux que les esthètes oublieux de ses imperfections. De toute manière, son sujet peut difficilement faire l'unanimité, non ? Pour la danse, vous êtes bien sûr en droit de préférer un classique comme Les chaussons rouges ou d'apprécier d'autres longs-métrages actuels (Billy Elliot, Black swan, Yuli...). Le mieux restant la scène !

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Ne reculons pas devant le contrepoint critique...

C'est l'occasion de voir que Pascale est beaucoup moins enthousiaste.