samedi 31 octobre 2020

Héros de conduite

Un gentil euphémisme: Miss Daisy et son chauffeur est souvent cité parmi les films étonnamment honorés d'un Oscar. Je veux ajouter deux choses: 1) je ne veux pas revenir aujourd'hui sur la controverse et 2) c'est donc sans fausse honte que je l'ai regardé le 6 de ce mois. Hé ! J'avais au moins une bonne raison ! Son nom ? Morgan Freeman !

Vous l'aurez compris: le chauffeur, c'est lui. Un brave type (noir) embauché par un autre (blanc) plus riche qui souhaite que sa mère arrête de conduire et, si c'est vraiment nécessaire qu'elle se déplace encore, soit dès lors véhiculée par une personne de confiance. Évidemment, ladite maman a une autre idée de la bonne attitude d'une vieille dame. Et, en prime, elle a un vrai caractère explosif ! Sans surprise, ses incompatibilités d'humeur avec celui qui est censé devenir son ange gardien sont le premier moteur du scénario. Avons-nous à faire à une comédie ? Non. À un drame ? Pas davantage. Miss Daisy... n'est pas un film plombant, mais c'est un film "sérieux" !

J'ai mis des guillemets pour signifier que l'humour garde une place significative dans le déroulé du récit et l'évolution des personnages. D'aucuns ont estimé que le propos général était raciste: il est vrai que, parfois, le regard porté sur les Afro-américains manque un peu de subtilité. De là à y voir de la condescendance... c'est exagéré ! Évidemment, depuis la cérémonie des Oscars de 1990, l'eau a coulé sous les ponts et la question raciale est toujours sensible aux States. Le mieux serait peut-être de (re)découvrir Miss Daisy... avec du recul et de l'indulgence, comme un p'tit film au charme patiné par le temps. Ces années qui passent inexorablement forment précisément le coeur de son sujet, traité dignement et avec une belle maîtrise de l'ellipse. Le résultat n'est pas parfait, sans doute, mais je refuse de chipoter...

Miss Daisy et son chauffeur
Film américain de Bruce Beresford (1989)

Ni délicieusement vintage, ni outrageusement rétro: le film se place dans un entre-deux... qui m'a donc plutôt plu. L'actrice principale s'appelle Jessica Tandy: elle avait 80 ans et joue très correctement. Maintenant, les Oscars ont une autre référence de tandem blanc/noir et patron/chauffeur: Green book, l'opus couronné l'année dernière. C'est un récit très différent, dirais-je. Et peut-être un peu meilleur...

vendredi 30 octobre 2020

Nos chers voisins

Diantre ! Cela fait déjà plus de cinq ans que j'ai publié une chronique consacrée aux actrices belges et à leur relative popularité en France. Après le film présenté mercredi, je me suis rappelé mon idée/envie d'écrire aussi sur les acteurs que j'apprécie chez nos proches voisins. Une liste tout sauf exhaustive - que je vous invite donc à compléter !

Olivier Gourmet

57 ans et un charisme naturel, avec sa masse et sa voix rauque. L'acteur en joue évidemment, mais n'en abuse pas pour autant. J'apprécie qu'il ose s'exprimer dans des films de styles très différents. Jamais je ne l'ai trouvé mauvais ou déplacé. Chapeau bas, Monsieur !
-> L'odeur de la mandarine / L'exercice de l'État / La tendresse

Benoît Poelvoorde

Je crois que je l'ai aimé d'abord pour l'un de ses rôles de bouffon. Même si je le trouve un peu borderline, je continue d'être admiratif de son travail dans des films sérieux, profonds et/ou dramatiques. Souvent, il parle de tout arrêter et j'espère, moi, qu'il va continuer...
-> Cowboy / Le grand soir / Les émotifs anonymes

Bouli Lanners

Parmi ses compatriotes, il est devenu celui que je surveille, impatient de voir son nom à l'affiche d'un film, comme acteur et/ou réalisateur. Pour moi, c'est un comédien rare, qui mériterait d'obtenir le rôle principal plus souvent que ça ne lui arrive vraiment ! Non mais alors ! 
-> Les premiers les derniers / Lulu femme nue / Eldorado

Matthias Schoenaerts

Un beau gosse, OK, mais pas seulement. Je le sais capable d'un jeu intense, au service de projets ambitieux. Cela dit, je n'ai pas vu beaucoup de ses films - un étrange paradoxe. Au fond, le meilleur reste peut-être à venir. Oui, il est encore jeune: 43 ans en décembre.
-> Bullhead / Le fidèle / De rouille et d'os

François Damiens

Je n'aurais pas aimé être la victime de l'une de ses caméras cachées. Objectivement, sans renier sa féroce drôlerie, je le préfère sur un ton plus posé et sérieux (je n'ai pas dit "austère" non plus !). J'ai l'idée que c'est un mec bien, amoureux de son job, des océans et de la vie. 
-> Suzanne / La délicatesse / Les cowboys

Jérémie Renier

Vu son coffre, j'ai du mal à admettre qu'il n'a pas encore 40 ans ! Finalement, je le connais mal, mais je sais l'avoir trouvé excellent dans la peau de chacun de ses personnages. Une impression favorable que, du coup, je ne demande qu'à étayer davantage. À suivre, donc...
-> Elefante blanco / Cloclo / Possessions

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En attendant la suite, j'ouvre le débat...

Je vous invite désormais à parler de VOS acteurs belges préférés. Évidemment, vous pouvez relire ma chronique sur les comédiennes. Ou, à partir de l'un des liens ci-dessus, revenir sur un film spécifique.

mercredi 28 octobre 2020

Dernières neiges

C'est l'hiver dans un petit village français. Il y a de la neige partout. Georges et Eddy s'ennuient ferme, désespérés par l'absence de clients pour... leur entreprise de pompes funèbres ! L'arrivée impromptue d'une famille éplorée rend le sourire à leur patron et on s'embarque avec eux pour transporter un corps jusqu'au cimetière des environs...

Autant le dire clairement: Grand froid est un drôle de road movie comique. L'humour est une chose fragile et je tiens à préciser d'emblée qu'ici, il n'est pas aussi noir que vous pourriez l'imaginer. Plutôt inspirés, Olivier Gourmet, Arthur Dupont et Jean-Pierre Bacri apparaissent davantage comme une fameuse bande de Pieds nickelés que comme des croque-morts dépourvus d'empathie. Le court chemin parcouru en compagnie des deux derniers cités n'est pas linéaire ! Mieux, il nous conduit en territoire inconnu, le film ne rechignant guère à quitter sa route toute tracée pour s'aventurer en territoire fantastique. Cela n'apporte rien de fou, c'est vrai, mais ça surprend...

À savoir que le film adapte un roman, Edmond Ganglion et fils, paru en 1999 sous la plume d'un dénommé Joël Egloff (moi pas connaître). Le réalisateur a ensuite indiqué avoir eu envie de traiter une histoire qui lui permette "de construire un univers visuel fort". Ces paysages enneigés montrent qu'il y est parvenu, ce qui vient renforcer l'aspect incongru de ce monde de fiction, à la lisière du conte traditionnel. Mais, je le répète, pas l'ombre d'un grand méchant loup ! Le cinéaste s'est aussi expliqué sur son choix de tout bien préparer à l'avance pour rester réactif face aux imprévus et ouvert aux improvisations proposées par ses comédiens. Le résultat n'est qu'à moitié probant. Sans m'ennuyer, j'ai trouvé le long-métrage quelque peu inabouti. J'avais en outre vu venir sa conclusion, ce qui est un rien frustrant. Bon... si vous aimez les acteurs, ça passe, surtout qu'au trio initial s'ajoutent encore Sam Karmann, Philippe Duquesne ou Féodor Atkine !

Grand froid
Film français de Gérard Pautonnier (2017)

Je reste indulgent: il s'agit du premier long-métrage d'un autodidacte formé à la télévision et par la publicité. Le manteau blanc qui habille toutes les images (ou presque) est le vrai point fort de la réalisation. Typiquement, je l'ai trouvé bien mieux utilisé que dans Refroidis. Cela dit, et malgré ses coproducteurs belges et polonais, mon film d'aujourd'hui m'a moins plu que Poupoupidou. Pas obligé de choisir...

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Si vous voulez un autre avis pour trancher...

Je vous signale que Pascale et Dasola ont également évoqué le film. Et j'ajoute que c'était aussi un projet de cinéma calibré pour Laurent !

lundi 26 octobre 2020

(Re)partir un jour…

Les méchants sont punis et l'amour triomphe de tous les obstacles. Réfléchissez-y: vous verrez que c'est le morale de nombreux films. Comme un oiseau sur la branche en fait partie et se range aussi dans la catégorie des buddy movies, où des personnages antagonistes finissent par faire cause commune... et parfois bien plus si affinités !
 
Rick Jarmin déménage régulièrement pour éviter de tomber sur l'un ou l'autre des sales types qu'il a contribué à envoyer en prison. Plusieurs longues années plus tard, il ferait bien une pause durable plutôt que des cartons. Mais Marianne Graves, son ex, l'a reconnu dans le costume sale du pompiste du coin, ce qui met de fait Rick dans une situation particulièrement dangereuse. Et que croyez-vous que notre homme va faire ? Fuir, oui, et en prenant la fille avec lui. Et nous voilà partis pour une heure et demie de course-poursuites ! Rien n'est très sérieux dans Comme un oiseau sur la branche. Franchement, je m'en moque: ça ne change pas le goût du popcorn...

Trente ans après sa sortie, le look du film paraît vraiment révélateur de son époque, ce que j'ai à vrai dire trouvé plutôt sympathique. Même les acteurs sont un peu vintage, à commencer par le duo vedette formé par Mel Gibson et Goldie Hawn, âgés de 34 et 44 ans au moment des faits. En dépit de cet écart, l'alchimie entre eux fonctionne plutôt bien - il faut bien admettre que c'est la loi du genre. Après une semaine studieuse, Comme un oiseau sur la branche repose les neurones, malgré ce qu'il contient d'explosif et pétaradant. Je me suis bien amusé, sans me poser de questions existentielles avant d'écrire cette chronique. Je ne vois pas autre chose à ajouter...

Comme un oiseau sur la branche
Film américain de John Badham (1990)

Une note un peu haute pour un film très correct, mais dispensable. J'assume: j'en ai eu "pour mon argent". Vous noterez éventuellement que le réalisateur est aussi celui de La fièvre du samedi soir (1977) et de Wargames (1983), peut-être bien un très léger cran au-dessus. Cela m'aura au moins donné envie de revoir L'arme fatale, référence du buddy movie. Plus récent, The nice guys offre de belles surprises !

vendredi 23 octobre 2020

Soleils couchants

On a beaucoup critiqué Terrence Malick pour le caractère ésotérique et abscons des divers films qu'il a tournés après avoir obtenu la Palme d'or (c'était en 2011, pour The tree of life). Cinéaste perfectionniste et résolument parcimonieux, il a alors accéléré son rythme de travail. Au point d'avoir presque trahi son public, d'après certains exégètes...

N'ayant pas vu toutes les oeuvres du maître, je me garde d'exprimer un avis tranché sur la question. Ce que je sais, c'est que je suis ravi d'évoquer Les moissons du ciel, le deuxième opus de sa carrière d'artiste et... le dernier avant une "pause" de vingt longues années ! Le film nous embarque à Detroit, vers 1915-16. Bill, un garçon presque trentenaire, travaille à l'usine pour nourrir sa petite soeur. Abby, une femme de son âge, fréquente le duo: Bill la présente comme son autre soeur, mais c'est un mensonge pour la protéger. Bientôt dépourvus d'activité au nord des États-Unis, les trois grimpent sur un train et rallient une grande exploitation céréalière du Texas. Pour une poignée de dollars, les plus pauvres d'entre les pauvres travaillent la terre comme des forçats, au bénéfice presque exclusif d'un propriétaire reclus dans sa grande maison au milieu des champs. Lequel, après avoir repéré Abby, tombera bientôt sous son charme...

Je suppose que l'on peut dire que le triangle amoureux est une figure tout à fait classique de l'art en général et du grand cinéma populaire en particulier. Ce qui ne signifie pas que le sujet soit inintéressant. Ici, en l'occurrence, il est nettement sublimé par une mise en scène d'une immense virtuosité, qui confère aux images l'allure de tableaux animés. La plupart des séquences se déroule dans la lumière de la fin du jour, captée, il faut le préciser, par un directeur de la photo incroyablement talentueux et sensible: l'Espagnol Néstor Almendros. Chaque plan est une pure merveille et c'est un petit miracle: l'homme qui les a éclairés perdait alors la vue, lentement, mais sûrement. Pour avoir eu la chance de découvrir ce superbe travail sur l'écran géant d'un cinéma de quartier, je peux vous certifier (ou confirmer) que le film mériterait le détour rien que pour cette contemplation. C'est plus qu'agréable de revenir de telle façon à ce qui fait l'essence même du plaisir cinématographique, dans sa plus simple expression. Et quand vient l'émotion vive, on rêverait qu'elle ne s'arrête jamais...

Les moissons du ciel
n'est pas ce que j'appelle parfois un film bavard. Très économe en dialogues, il dispose cependant d'une bande-son impeccable et d'une magnifique musique, signée Ennio Morricone. Avant les thèmes du maestro italien, ce sont tout d'abord des notes françaises que l'on entend, les belles photos anciennes du générique d'ouverture s'appuyant sur un morceau de Saint-Saëns, le classique qui accompagne la montée des marches, à Cannes. Ce qui m'a surpris et ému, c'est en outre que le long-métrage repose sur une voix off inattendue: celle de Linda, la soeur de Bill, enfant de 12 ou 13 ans. C'est à travers son regard que l'on observe les situations quotidiennes décrites par le film, un regard à la fois lucide et un peu en décalage. C'est vraiment une très jolie idée de cinéma, qui décuple le pouvoir allégorique de ce qui est donné à voir, que ce soit dans la sphère intime des personnages ou dans un registre à vocation spectaculaire !

Toute la force du long-métrage réside dans sa capacité à nous offrir alternativement des moments d'un réalisme social cru, comme saisis sur le vif ou tirés d'un roman de John Steinbeck, et d'autres oniriques. Je me suis senti tout à la fois entraîné auprès de tous ces miséreux ayant vécu il y a juste un siècle et emmené ailleurs, dans un monde étrangement familier, mais qui n'a en fait jamais réellement existé. Terrence Malick est un magicien capable d'ajouter de petites touches historiques à ces univers fictifs: ici, par exemple, Charlie Chaplin s'invite soudain, par l'intermédiaire d'un film vu par les personnages grâce à... une troupe de clowns aviateurs ! Ensuite, c'est un incendie qui m'a mis la chair de poule, comme si j'étais au milieu des flammes. Avec tout cela, on oublierait presque les acteurs, ce qui serait injuste pour Brooke Adams, Richard Gere et Sam Shepard, ainsi bien entendu que pour la jeune Linda Manz (décédée d'un cancer en août dernier). Le temps a apporté au film la reconnaissance dont il avait été privé au moment de sa sortie. J'ai vu peu de choses plus belles cette année.

Les moissons du ciel
Film américain de Terrence Malick (1978)
La densité de cette heure et demie de cinéma est tellement absolue que j'ai presque eu l'impression de voir un film deux fois plus long. Quel pied, mes ami(e)s ! Cela m'incite fort à renouer avec mon idée d'une intégrale Malick, que je parviendrai sans doute à faire un jour prochain. En attendant, pour retrouver d'autres paysans dans un film intense, je suggère 1900. Ou La porte du paradis, côté américain...

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Il semble que le film est toujours très apprécié...

Vous le vérifierez chez Pascale, Sentinelle, Ideyvonne, Eeguab et Lui.

mercredi 21 octobre 2020

Parfum de fan

Mes dernières vacances d'été m'avaient permis de découvrir un film avec le génial Alberto Sordi. J'en ai vu un autre depuis, qui est aussi la première réalisation du grand Federico Fellini: Le cheik blanc. Moins grinçante que d'autres, cette comédie italienne est un bonbon et il serait dommage de bouder son plaisir. Nous irons donc à Rome...

Wanda et Ivan Cavalli, jeunes mariés, viennent d'arriver dans la Ville éternelle: ils doivent y rencontrer la famille de Monsieur et être reçus en audience par Sa Sainteté le Pape. Les choses se compliquent lorsque, émue par les circonstances, Madame disparaît subitement. On découvre alors, amusé, que la belle a gardé son coeur adolescent et qu'elle a cru bon de s'absenter pour remettre un cadeau personnel au premier homme qui l'a fait battre, un gugusse que ses groupies admirent: Fernando Rivoli, acteur célébrissime... de romans-photos. Bien sûr, le bellâtre est aussi un crétin de haut vol ! Et Alberto Sordi interprète avec une évidente jubilation ce comédien de pacotille ! Notez toutefois que, si le film porte le nom de son personnage doublement fictif, il ne tient pas le haut de l'affiche. Pas forcément...

En époux dépassé par des faits qu'il ne saisit pas, Leopoldo Trieste témoigne d'un talent burlesque des plus réjouissants. Le cheik blanc lui doit beaucoup, plus encore qu'à Brunella Bovo, très convaincante toutefois en midinette insouciante (autant qu'on peut rêver de l'être). Bon... n'attendez pas du film qu'il rejoigne franchement le courant néo-réaliste émergeant ces années-là en Italie: les scènes extérieures dans Rome existent, mais elles restent "anecdotiques". On a droit cependant à une extraordinaire séquence sur un tournage, une mise en abîme de ce que peut être la fabrication d'une oeuvre de cinéma lorsqu'elle tombe entre de mauvaises mains: c'est férocement drôle ! En somme, dès que l'on s'éloigne de la capitale, le monde prend l'allure d'une illusion - mention spéciale pour la scène où Wanda et Fernando se rencontrent, autour d'une balançoire si haut perchée que le rêve semble devoir durer toujours. En réalité, ce n'est pas aussi évident...

Le cheik blanc
Film italien de Federico Fellini (1952)

Un humour particulier, un peu audacieux pour l'époque, et bien dosé pour une efficacité comique encore tout à fait affirmée aujourd'hui. Cela dit, on sent aussi la modestie d'un premier film et j'avoue préférer les deux derniers Sordi dont j'ai parlé: Le veuf et Il boom. Nos voisins transalpins étaient très insipirés, dans les années 50-60. Larmes de joie en demeure pour moi l'une des brillantes illustrations.

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Envie de faire durer le plaisir ?

Vous pourrez trouver une image emblématique sur le blog de Vincent. Eeguab et Lui, quant à eux, m'ont bien devancé pour évoquer le film !

lundi 19 octobre 2020

Dinosaures en liberté

Le saviez-vous ? À l'échelle mondiale, Jurassic Park reste aujourd'hui le plus gros succès de Steven Spielberg. J'ai eu et saisi l'opportunité de revoir ce grand classique de mon adolescence sur écran géant. C'est évidemment pour ce type d'expérience que le film a été conçu. Plus d'un quart de siècle après sa sortie, tout fonctionne encore bien !

Il paraît que c'est un peu par hasard, au cours d'une conversation ordinaire, que Steven Spielberg apprit un jour que le romancier américain Michael Crichton avait écrit une histoire de dinosaures. Oups ! Même si j'ai lu le livre, je ne m'en souviens pas suffisamment pour vous indiquer si son adaptation cinéma lui est fidèle (ou non). Unique certitude: dans les deux cas, l'un des personnages principaux est un multi-millionnaire passionné par la génétique, John Hammond. À l'abri du besoin grâce à sa fortune, le vieux monsieur a pu réunir autour de lui les meilleurs chercheurs et, à partir de quelques gouttes de sang récupérées sur un moustique fossilisé, a ramené à la vie quelques-unes des espèces qui dominaient le monde il y a des millions d'années. Son espoir: en faire les stars d'un grand parc d'attractions...

Peut-être n'aurez-vous pas eu besoin de cette image pour comprendre que les choses vont mal tourner ! Je dois admettre que le scénario suit une voie très balisée, qui oppose les idéalistes de la recherche scientifique aux purs pragmatiques, lucides sur les possibles risques qu'elle induit. Hum... je veux être clair: le fait est que Jurassic Park demeure un divertissement et qu'il n'a pas vraiment ce côté réflexif de certains autres films de Spielberg. OK, et alors ? C'est bien ainsi. Très franchement, sur le plan formel, le film n'a rien à envier d'important à la plupart des blockbusters d'aujourd'hui. L'avoir revu dans une salle de cinéma me permet de vous redire que la puissance est toujours au rendez-vous, que ce soit à l'image ou du côté du son. Avec la musique de John Williams en prime, il n'y a donc rien à jeter !

Comme souvent chez Tonton Steven, les enfants occupent une place importante dans l'intrigue. Il n'est d'ailleurs pas interdit de penser qu'ils représentent le réalisateur, même si ce dernier trouve bien sûr d'autres alter egos dans son récit: il pourrait être l'homme riche soucieux de créer quelque chose d'inédit et de spectaculaire à la fois, mais aussi l'un des scientifiques raisonnables qui l'accompagnent. Maintenant, pour en revenir aux mômes de l'histoire, je dirai juste qu'ils me semblent représentatifs du style du cinéaste: un garçon volubile et une fille un peu froussarde, qui se montrent émerveillés par ce qu'ils découvrent, avant d'affronter le danger vaillamment. Petit regret de voir qu'ils ne sont guère autonomes des adultes. La fin du film est même une ode à la famille un rien sirupeuse. Dommage... 

Encore une fois, j'insiste: c'est du point de vue technique que le film impressionne et, encore aujourd'hui, peut sans nul doute être classé parmi les meilleurs du genre. Désormais, de nombreux acteurs s'expriment devant un fond vert avant que des effets spéciaux numériques soient ajoutés lors de la postproduction, ce qui affecte évidemment leur jeu - pour le meilleur ou pour le pire (vaste débat). Jurassic Park, lui, propose une matière un peu plus "artisanale". Ainsi, pour l'animation des dinos, il a été fait appel aux techniques modernes, mais également aux méthodes dites classiques, imaginées par les anciens: construction de poupées motorisées et prises de vue de figurines image par image. Et oui, c'est ce qui marche le mieux ! Seule condition: avoir su conserver un peu de votre candeur de gosse.

Jurassic Park
Film américain de Steven Spielberg (1994)

Dans mon panthéon personnel, ce long-métrage n'est pas le numéro 1 du réalisateur, mais il vaut le détour, surtout dans une salle obscure équipée d'un écran digne de ce nom. On parle ici de cinéma référencé, Quand les dinosaures dominaient le monde (1970) pouvant tenir lieu de point de départ - et étant cité en clin d'oeil ! Pour un léger décalage, je vous suggère de (re)voir Le voyage d'Arlo.

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Et si vous voulez un point de vue extérieur...

Je signale que Pascale parle du film après l'avoir vu en 3D relief. Ideyvonne, elle, publie des images et Dasola... a évoqué le bouquin !

samedi 17 octobre 2020

Nénuphar

C'est un tort qu'il faudra réparer: je crois n'avoir encore lu aucun livre de Boris Vian. Cela ne m'a pas empêché de voir L'écume des jours. Début 2014, le talentueux Michel Gondry s'emparait de cette histoire poétique pour en faire un film à sa façon. Je vous parle aujourd'hui d'une version sortie en 1968 - avec Jacques Perrin en tête d'affiche...

J'ai vu un film qui pourrait aussi bien être un morceau de jazz, libre et virevoltant, avec également une certaine dose de mélancolie. Colin, inventeur romantique d'un piano très bizarre, est fou amoureux de Chloé, qu'il ravit à un couvent et épouse en quatrième vitesse. Heureux comme un enfant, il veut pousser son ami Chick à convoler avec la douce Alise qui lui fait de l'oeil (mais ce n'est pas si simple). L'insouciance fait long feu: Chloé tombe malade et un médecin annonce à Colin, effaré, qu'un nénuphar grandit dans ses poumons. Pour éviter qu'il se développe, il faut... empêcher la belle de boire ! Conseil: surtout, ne cherchez pas dans ce Paris joliment reconstitué quelque chose qui puisse vous rappeler la capitale d'aujourd'hui. Même si des libertés ont pu être prises avec le roman, cette Écume des jours de cinéma ouvre grand les portes d'une ville imaginaire. C'est d'ailleurs l'aspect du long-métrage que j'ai préféré, à vrai dire...

Si j'ai été séduit, c'est, je crois, parce que je ne m'y attendais pas. Avoir choisi d'appréhender ce récit "à l'aveuglette" était une idée intelligente, qui m'a en fait permis de tout prendre au premier degré. Débarrassé de mon souci de réalisme, j'ai plongé dans cette histoire tragico-décalée, sans chercher à la faire rentrer dans une case cinématographique - ou artistique, au sens le plus large - particulière. Cela a laissé le champ libre à un maximum d'interprétations possibles ou au plaisir de la simple contemplation. J'ai d'ailleurs été enchanté de revoir quelques visages connus, à l'image de Marie-France Pisier, Bernard Fresson ou Sami Frey, et de découvrir la jolie Annie Buron dans le premier rôle féminin. Ouvrez vos oreilles: la bande originale de L'écume des jours vient encore sublimer ces images aux couleurs vives. Sortie discrètement en juin dernier, c'est une copie restaurée qui circule actuellement sur les sites de streaming et les supports numériques. D'aucuns estiment que Mai 68 a coupé ce long-métrage d'une partie de son public. Raison de plus pour le (re)voir, désormais !

L'écume des jours
Film français de Charles Belmont (1968)

Pas un incontournable, mais un joli objet de cinéma un peu vintage. Peut-être m'incitera-t-il à lire enfin le roman, plus imaginatif encore. Allez savoir si un film comme Le fabuleux destin d'Amélie Poulain n'a pas pioché ici quelques vagues sources d'inspiration esthétique. Pour l'histoire d'amour triste, je vois également un parallèle possible avec Les parapluies de Cherbourg. Comparaison audacieuse, oui...

mercredi 14 octobre 2020

Un coeur révolté

Avec Eschyle et Euripide, Sophocle est l'un des trois dramaturges grecs antiques dont l'oeuvre est partiellement parvenue jusqu'à nous. Ces écrits datent pourtant... du 5ème siècle avant Jésus-Christ. Dernièrement, je suis allé voir Antigone, qui adapte la tragédie éponyme créée en - 441. Et la transfère dans le Québec d'aujourd'hui !

Antigone vit au Canada avec les siens: ses frères Étéocle et Polynice, sa soeur Ismène et sa grand-mère Ménécée - que l'on appelle Méni. Toute la famille a fui la Kabylie ravagée par la guerre civile au début des années 90, sans renoncer pour autant à la nationalité algérienne. Antigone, bien intégrée, a l'espoir d'être admise dans une université. Son destin bascule pourtant quand Étéocle est victime d'une bavure policière et Polynice incarcéré pour s'en être pris à un représentant des forces de l'ordre. La jeune femme, qui aide son parent à s'évader pour échapper à la sanction, est logiquement emprisonnée à son tour. À partir de là, l'intrigue du film se rapproche du récit originel imaginé par Sophocle: elle nous propose donc le portrait d'une adolescente révoltée par ce qu'elle considère de fait comme une double injustice. Ce portrait, pour ma part, je l'ai trouvé assez réussi. Et il faut dire que Nahéma Ricci, du haut de ses 21 ans, le porte avec un talent fou !

Le film a ceci de remarquable qu'il propose à la fois des images "classiques" et quelques autres qui ressemblent à celles des réseaux sociaux, Instagram, Facebook ou bien TikTok. C'est une bonne idée pour représenter la jeunesse, mais cela peut aussi nous permettre d'interroger notre rapport aux images et leur niveau de crédibilité. Antigone est à ce titre très ancré dans son temps, ce qui me fait dire que l'essentiel de la force du message sophoclien est ici préservé. Cela peut se discuter, bien sûr, mais je trouve que le déplacement géographique de l'action est aussi un atout, a fortiori pour le public français: la parlure québécoise, tout à la fois familière et étrangère, crée un décalage intéressant. Par ailleurs, les origines nord-africaines des principaux personnages fait aussi écho aux liens qui attachent notre pays à ses ex-colonies, en déplaçant le débat sur un autre sol. Ce territoire n'est d'ailleurs pas forcément plus ouvert à la présence durable de non-nationaux, a fortiori s'ils ont un mode de vie différent et/ou un comportement que les locaux jugent inadapté. Vaste sujet...

Antigone
Film canadien de Sophie Deraspe (2019)

Un long-métrage surprenant, au rythme haletant et aux émotions exacerbées, et qui peut sans doute déplaire pour ces mêmes raisons. J'insiste pour souligner l'impeccable prestation de l'actrice principale. Petite précision: William Dieterle (en 1962), Jean-Paul Carrère (1974) et Danièle Huillet / Jean-Marie Straub (1991) ont tous leur Antigone. Adeptes des femmes combattantes, revoyez Aquarius... ou Rosetta !

lundi 12 octobre 2020

Livré à lui-même

Paris, de nos jours. Sam passe chez son ex pour récupérer certaines des affaires qu'il a laissées derrière lui. Une fête bat son plein. Franchement mal à l'aise, le jeune homme s'isole dans une chambre qu'il ferme à clé et s'endort. À son réveil, l'appartement s'est vidé. Répit trompeur: il y a du sang sur les murs... et des zombies en ville !

Les spécialistes disent que, ces dernières années, le cinéma de genre parvient tant bien que mal à percer en France. Un film original comme La nuit a dévoré le monde illustre bien ce phénomène récent. Faut-il s'en réjouir ? Je réponds oui, sans aucun doute, ne serait-ce que pour la diversité de ce qui peut nous être proposé sur les écrans. Cela dit, malgré ses qualités, le long-métrage dont je vous parle aujourd'hui ne m'a qu'à moitié emballé. Une fois lancé, ce huis-clos forcé réserve moins de rebondissements que je n'avais pu l'espérer. Anders Danielsen Lie n'est d'ailleurs pas le comédien le plus expressif de sa génération - il est né en 1979. Bilan: une (relative) déception...

Côté positif, la présence en fil rouge de Denis Lavant et le petit rôle confié à Golshifteh Farahani apportent au film un supplément d'âme appréciable. Les rares scènes extérieures, elles, amènent un regard sur la capitale dévastée plutôt convaincant, mais restent moins fortes que les séquences "entre les murs", où il me semble un peu plus facile de s'identifier à Sam, contraint à une pesante et inquiétante solitude. Vous pouvez l'imaginer: La nuit a dévoré le monde n'est pas un film bavard, mais ses rares dialogues ne sont pas inintéressants du tout. Malgré mes bémols, j'insiste volontiers pour dire que ce long-métrage a de vraies qualités et que les amateurs pourraient donc l'apprécier ! À noter que c'est aussi l'adaptation d'un roman du même nom, écrit par Pit Agarmen et publié en 2012 chez Robert Laffont. J'ai tout dit...

La nuit a dévoré le monde
Film français de Dominique Rocher (2018)

Un bilan en demi-teinte pour ce film: je préfère nettement l'humour improbable des zombies de Shaun of the dead ou la grande peur causée par ceux de Dernier train pour Busan (quelle efficacité !). Cependant, tout n'est pas à jeter et je suis convaincu que ce récit parisien trouvera des adeptes, peut-être attirés aussi par un joli titre et/ou une affiche remarquable. Moi, j'avais préféré Dans la brume...

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Histoire de confronter les points de vue...
Vous pouvez également vous intéresser à ceux de Pascale et Laurent.

samedi 10 octobre 2020

En attendant l'idée...

Je vous propose aujourd'hui de terminer cette semaine d'automne comme je l'ai commencée: avec Benoît Delépine et Gustave Kervern. L'occasion m'a été donnée de voir le dernier de leurs longs-métrages qui manquait encore à ma "collection": I feel good, un film tourné dans un village Emmaüs des environs de Pau ! Bien plus qu'un décor...

Jacques (Jean Dujardin) longe une autoroute en peignoir. Il est parti d'un hôtel sans payer... et sans prendre le temps de s'habiller. Fauché comme les blés, il file retrouver sa soeur Monique (Yolande Moreau) et se persuade qu'il aura très bientôt l'idée géniale qui le tirera d'affaire. D'ici là, il fait comme s'il n'avait aucune raison de douter. Travailler ? De son propre aveu, il préférerait faire bosser les autres. Comme le dit justement le pitch officiel, "plus que des retrouvailles familiales, ce sont deux visions du monde qui s’affrontent". Je pense qu'à ce titre, I feel good ne plaira pas à chacun de vous. Son humour est très particulier et peut passer pour un genre de condescendance...

Ben et Gus, en tout cas, assument la nature politique de leur propos. Leur idée première était de montrer que des petits groupes humains peuvent encore s'en sortir parce qu'ils savent s'aimer et se respecter. D'une certaine façon, je crois que l'on peut considérer I feel good comme un film initiatique: le parfait arriviste qui tient lieu de héros évolue de façon considérable entre le début de son parcours et la fin que lui offre le scénario - et pas seulement du fait de la chirurgie. Attention, hein ? Tout est vraiment fou, caricatural et/ou absurde. C'est l'occasion de saluer Jean Dujardin, il est vrai habitué aux rôles de crétin, mais qui ajoute ici une petite touche sensible bien venue. Yolande Moreau, pour sa part, est impériale... comme d'habitude. Pour la galerie de personnages secondaires, les réalisateurs ont choisi de faire appel à des amis, soucieux qu'ils étaient de ne pas susciter de dissensions au sein de la communauté Emmaüs. De beaux visages apparaissent au générique final: c'est un hommage doublé d'un merci. De la chaleur humaine et une belle conclusion. Et oui, ça fait du bien !

I feel good
Film français de Benoît Delépine et Gustave Kervern (2018)
Le fond de tendresse de ce film démentira aisément les accusations de cynisme dont il pourrait faire l'objet. Je maintiendrai par ailleurs qu'il n'y a décidément guère d'autres cinéastes français capables d'amener leur caméra - de fiction - dans ce type d'environnement social. Pour mieux vous convaincre, (re)lisez ma chronique de lundi sur Effacer l'historique ! Et, juste après, prolongez avec Hiver 54...

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Vous préférez rester avec Delépine et Kervern ?

Soit: je vous signale que Pascale avait d'ores et déjà évoqué le film.

vendredi 9 octobre 2020

Au théâtre ce soir

Ce soir, sauf changement de dernière minute, j'abandonne les écrans pour me rendre au théâtre - une première depuis le déconfinement. Auriez-vous envie que je vous en parle également ? Si le coronavirus n'était pas venu modifier mes plans, j'aurais sans doute vu davantage de pièces (ou de séances de répétition) ! J'espère donc pour l'avenir...
 
Le fait est que, depuis près d'un an, j'ai davantage d'occasions d'assister à des spectacles variés et de découvrir des expositions artistiques ou historiques. Je ne crois pas que Mille et une bobines soit le support idéal pour en parler, mais je ne renonce pas à l'idée d'évoquer certains de ces programmes - si un pont peut être établi avec le cinéma, par exemple. Las ! Il y a peu, j'ai raté la présentation d'une collection de photos consacrée au maestro Federico Fellini ! Impossible à ce stade de proposer un rendez-vous fixe, mais l'idée fera peut-être son chemin, qui sait ? Le septième art n'est pas tout. Cela dit, c'est bien d'un film dont je parlerai demain. Indécrottable...

mercredi 7 octobre 2020

Zéro zéro chat

Un flop: la dernière fois que j'ai regardé, Spycies n'avait su attirer qu'environ 83.000 spectateurs après quatre semaines d'exploitation ! C'est cruel pour ce film d'animation qui, sans être d'une originalité folle, n'est pas pour autant plus mauvais qu'un autre du même acabit. Est-ce que le public serait blasé, en fait ? C'est ma foi bien possible...

Comme son drôle de titre le suggère, Spycies propose une histoire d'espionnage portée par... plein d'animaux (qui parlent, du coup). Aucun être humain à l'horizon, ce qui n'est nullement un problème. Vladimir est un fier matou aussi sûr de lui que James Bond peut l'être dans les mêmes circonstances: dès lors qu'il faut sauver le monde. Après une mission réussie, mais assez destructrice pour l'espace public, son chef - un éléphant - l'envoie sur une plateforme offshore battue par la tempête. Là, il rencontre Hector, un autre agent secret de l'espèce des rats. Un mangeur de pizzas doublé d'un empêcheur d'enquêter en rond avec qui il va travailler, bon gré mal gré, en duo...

Les amateurs de buddy movies, autour de personnages antagonistes devenus amis pour les besoins d'une cause, seront en terrain familier et devraient dès lors y retrouver leurs petits... sauf en cas d'allergie particulière aux animés, bien évidemment. Vous noterez que Spycies n'est pas l'énième suite d'une franchise à succès, mais qu'il vient ajouter son nom à la longue liste des films en images de synthèse. C'est aussi sa limite: vous aurez peut-être une impression de déjà-vu. À vrai dire, je pense que le long-métrage s'adresse plutôt aux kids qu'à leurs parents, parfois sensibles à un possible deuxième niveau d'interprétation: tout ce que j'ai vu est on ne peut plus consensuel. Cela ne veut surtout pas dire qu'il faille bouder son possible plaisir. Mes goûts cinéma s'accommodent encore d'une telle sucrerie colorée !

Spycies
Film franco-chinois de Guillaume Ivernel (2020)

Cette coproduction vaut (un peu) mieux que son score au box-office. Je précise une chose qui m'a étonné: elle parle aussi d'écologie. Apparemment, sa préparation a été mouvementée, de quoi expliquer qu'elle passe relativement inaperçue. Si le côté espionnage vous titille avant de retrouver 007 Dieu sait quand, je conseille Les incognitos. Au même rayon, Moi, moche et méchant 2 est tout aussi délectable !

lundi 5 octobre 2020

Un trio bancal

Divorcée et dépressive, Marie est victime d'un chantage à la sextape. Christine, chauffeur VTC, transporte ses amis gratis et est mal notée sur les sites d'évaluation. Quant à Bertrand, il élève seul une ado harcelée à l'école et espère enfin rencontrer Miranda, la jeune femme qui le démarche au téléphone. Vous croyez les avoir (re)connus ? Ah...

Je ne suis pas surpris d'avoir vu Benoît Delépine et Gustave Kervern, trublions échappés du Groland, s'intéresser à celles et ceux qui prirent d'assaut les ronds-points en endossant alors un gilet de couleur jaune pour se distinguer de la masse - ou disons plutôt de la multitude. Blanche Gardin, Corinne Masiero et Denis Podalydès sont bien choisis pour représenter ces citadins périphériques, que notre cher cinéma national a lui aussi, de fait, largement tendance à laisser de côté. Pourtant, et même s'il s'intéresse surtout aux dérives des réseaux sociaux et d'Internet, Effacer l'historique n'est pas un film politique. Pas au sens militant du mot, en tout cas: c'est d'abord une oeuvre sociale, qui se moque de son sujet pour le rendre plus percutant encore. Dans la filmo du duo de réalisateurs, je me dis après coup que c'est peut-être la plus mélancolique. On rit, oui, mais le ton gentiment sarcastique n'est pas (véritablement) celui de la comédie...
 
Un film où Bouli Lanners interprète un hacker qu'on appelle Dieu peut-il être fondamentalement mauvais ? En réalité, je ne crois pas. J'ajoute que l'acteur-réalisateur belge n'est pas le seul copain invité par le duo derrière la caméra. Ce côté "bande de potes et caméos" rend Effacer l'historique attachant, malgré ses défauts, son humour aléatoire et sa mise en scène un peu plus bancale que bankable. J'avoue: fidèle au tandem Delépine / Kervern, j'ai tenu à les retrouver sans barguigner outre mesure et ne suis donc pas spécialement déçu par ce nouvel opus - leur neuvième long, déjà. Je veux juste préciser pour être honnête qu'à mon humble avis, ce n'est pas leur meilleur. Ben et Gus ont expliqué, eux, qu'une bonne partie des péripéties subies par leurs personnages leur sont arrivées dans la vraie vie. Autant en rire, donc, puisqu'on tient là une partie de leur matière première filmique ! Et je ne suis pas convaincu que le filon soit tari...

Effacer l'historique
Film français de Benoît Delépine et Gustave Kervern (2020)

Je le répète: les deux réalisateurs ont fait mieux dont, sur un thème comparable, Louise-Michel et Le grand soir. Ce type de cinéma social demeure malgré tout, à mes yeux, sans véritable équivalent dans le panorama du cinéma français - un bon point pour eux, donc. Libres à vous de préférer le réalisme de Rosetta (par exemple). J'avais pour ma part été ému devant Hector. Et scotché par Naked...

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Si vous aimez confronter les points de vue...

Vous pourriez également avoir plaisir à lire ceux de Pascale et Dasola.

dimanche 4 octobre 2020

Autour du genre

J'ai un peu de retard sur l'info, mais je me suis dit que ce serait bien de revenir sur la décision de Mariette Rissenbeek et Carlo Chatrian...
 
Ce duo néerlando-italien dirige la Berlinale depuis 2018 et a annoncé un changement très important pour l'avenir dudit festival: les Prix d'interprétation masculine et féminine seront supprimés et remplacés par un unique trophée "non genré". Ce qui a causé quelques remous...
 
L'objectif est bien sûr de porter plus haut le flambeau de l'égalité entre les hommes et les femmes, au sein même d'un milieu artistique qui a déjà beaucoup débattu sur le sujet toutes ces dernières années. Au-delà du symbole, restera donc à vérifier l'efficacité de la mesure. D'aucuns soulignent ceci: quand un jury doit ab-so-lu-ment départager un homme et une femme, il s'oriente le plus souvent vers le mâle. Résultat: certaines candidates de grande qualité passent à la trappe ! Bon, il est vrai aussi que l'on ne pourra le vérifier qu'à moyen terme...

Avec malice, la journaliste Clémentine Goldszal relève que le festival allemand n'aura, cette année, accueilli que 38% de femmes cinéastes en compétition - là où elles étaient 50% à Sundance et 60% à Londres. Cela ne disqualifie pas sa démarche, mais ouvre la porte à un débat prolongé - auquel je vous invite à participer, si vous le souhaitez. Tout cela me donne envie de me pencher sur les actrices (et acteurs) mis en lumière par les plus grandes manifestations liées au cinéma. Les hommes domineront-ils parmi mes préférences ? Pas convaincu...

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Une petite précision pour être complet...
L'Allemande Paula Beer a reçu le dernier Prix d'interprétation féminine remis à la Berlinale pour Ondine, en France depuis le 23 septembre. Hidden away, le film qui a valu à l'Italien Elio Germano le trophée masculin, est inédit dans nos salles: sortie annoncée le 25 novembre !

Vous avez un avis plus approfondi sur la question ?
Je me répète: nous pouvons prolonger la discussion en commentaires.

vendredi 2 octobre 2020

Le réveil du monstre

L'existence de divers blockbusters américains consacrés à la créature nippone m'a donné envie de découvrir le vrai (et premier) Godzilla. Retour, donc, en 1954, neuf ans après que les Japonais ont capitulé face aux Américains dans l'effroyable guerre du Pacifique. J'en parle parce que le film évoque à plusieurs reprises les ravages de l'atome...

Un bateau de pêche est frappé par un vif éclair de lumière et coule presque instantanément. Quelques navires venus lui porter secours connaissent le même sort funeste. D'autres phénomènes inexplicables surviennent... jusqu'à l'apparition soudaine d'un monstre marin géant. Sortie des eaux et incontrôlable, la bête détruit tout sur son passage. Et il se pourrait bien qu'elle ait été réveillée par des essais nucléaires menés dans l'océan, tout en déployant une force plus dévastatrice encore que celle d'une bombe H ! Ce scénario de film-catastrophe lambda, Godzilla l'enrichit de sous-récits, les réactions des hommes face à la menace n'étant pas toujours les mêmes. La curiosité scientifique que représente l'animal est rapidement battue en brèche par les peurs qu'il suscite. La chronique d'une élimination annoncée...
 
Le film dit cependant quelque chose des mutations de la société japonaise, comme de la constance de ses plus ancestrales traditions. Non sans un certain amusement, j'ai d'ailleurs découvert à l'occasion qu'avant de connaître une longue série de suites, il a fait, dès 1956, l'objet de remontages pour sa sortie aux États-Unis et en France. D'après Wikipédia, ce n'est même qu'en 1997 qu'une VHS de la version originelle japonaise fut enfin commercialisée dans notre beau pays ! Pendant ce temps, l'idée maîtresse de ce Godzilla premier du nom eut tout le temps d'être revisitée dans son propre pays, la bête allant jusqu'à prêter main forte aux humains contre d'autres créatures XXL. Ce sont d'autres histoires... que je raconterai peut-être, un jour. Avant cela, pour en revenir au long-métrage du moment, je vous dirai qu'il ne s'agit pas d'un chef d'oeuvre, mais que son statut de classique du cinéma mondial, lui, ne me semble pas usurpé pour autant. Revenir aux sources d'une légende est très souvent une démarche intéressante: c'est ici, à mon avis, la posture qu'il convient d'adopter.
 
Godzilla
Film japonais de Ishirô Honda (1954)

J'ai eu un grand plaisir à découvrir ce film imparfait, mais culte. Énorme succès à l'époque, il attira près de dix millions de spectateurs japonais en salles. Mention spéciale pour Takashi Shimura, acteur vu en chef samouraï chez Akira Kurosawa et ici scientifique raisonnable. À la recherche de monstres récents ? Je suggère Colossal et The host. Vous pourriez également vous frotter à Cloverfield, sur votre lancée !