samedi 13 décembre 2025

De feu et de glace

19 mai 1942. Albert Camus n'a que 29 ans quand son premier roman paraît chez Gallimard. Je n'ai pas ressenti de plaisir à sa lecture. Aujourd'hui, c'est bien du film L'étranger que je veux vous parler. Enfin... de celui qui est sorti fin octobre, puisque Luchino Visconti avait réalisé une première adaptation, dès 1967. Retournons à Alger !

Dans cette version, c'est Benjamin Voisin qui prête son détachement et ses traits à Meursault, ce jeune anti-héros que Camus lui-même avait refusé de voir apparaître à l'écran. Je trouve presque logique que son prénom reste inconnu, comme si rien ne le rendait unique. Meursault, en fait, est un banal employé de bureau, en 1938. Sa mère vient de mourir: c'est un télégramme du directeur de son asile (oui !) qui lui apprend. Sans émotion apparente, il fait un aller-retour rapide dans une autre ville - Marengo, l'actuelle Hadjout - pour la cérémonie religieuse, la veillée mortuaire et l'enterrement. Il refuse de dîner malgré une proposition en ce sens, boit un café, fume une cigarette et reste insensible au chagrin des autres, avant de très vite repartir dans la capitale. Le lendemain, il va à la plage et y croise une femme avec qui il travaillait trois ans auparavant. Le début d'une liaison. Marie dit qu'elle l'aime. Et Meursault, lui, juge cela "sans importance".

L'étranger
... même après avoir vu le livre, je dois bien reconnaître que le sens de ce titre m'échappait encore. Je l'ai longtemps entendu au tout premier degré: dans cette Algérie encore sous domination française, Meursault se trompait totalement en croyant être chez lui. Le film m'a éclairé: abandonnant la narration à la première personne du roman, il montre un personnage étranger... à tout. Sa mère morte ne l'émeut pas. L'envie de mariage de sa compagne ? Pas davantage. Bientôt, il va "tuer un Arabe". Et alors ? C'est "à cause du soleil". Ressent-il seulement des remords ? Ou des regrets ? Non: "De l'ennui". À beaucoup des questions à son sujet, il répond: "Je ne sais pas". Meursault suit le mouvement. Quand il n'y en a pas, il reste statique. Cette "tendre indifférence du monde" décrite par Camus lui suffit. Hiératique, Benjamin Voisin incarne intelligemment ce personnage peu aimable, mais plus complexe qu'il n'y paraît ! À vous de le juger...

Si le film a attiré mon attention, c'est aussi parce que je suis curieux de ce que François Ozon, le réalisateur, peut nous offrir au cinéma. Dix autres de ses films ont été chroniqués sur les Bobines: son travail m'intéresse, donc, et me fait presque toujours me déplacer en salles. Cette fois, j'étais d'avance enchanté à l'idée de retrouver des acteurs que j'aime beaucoup - Rebecca Marder, Pierre Lottin et Swann Arlaud. En prime, Ozon a su réunir d'autres talentueux visages familiers comme Denis Lavant, Christophe Malavoy et Jean-Charles Clichet. Sans en oublier d'autres, dont j'ignorais tout jusqu'alors, à l'image d'Abderrahmane Dehkani (en photo ci-dessus) et Hajar Bouzaouit. Tout ce beau monde est encore magnifié par la photo en noir et blanc du Belge Manuel Dacosse - sa cinquième collaboration avec Ozon. J'insiste: c'est l'une des plus belles images que j'ai vues cette année. Quand la forme rejoint à ce point le fond, je suis toujours extatique !

Je ne serai pas étonné que L'étranger récolte quelques César 2026. D'aucuns lui reprocheront peut-être un certain "académisme", le fait d'adapter un tel classique de la littérature étant peut-être plus simple que de partir d'une page blanche du côté du scénario. Bien des articles que j'ai lus expliquent toutefois que Camus était jugé inadaptable. Certains disent que même le maestro Visconti a "raté son coup". N'ayant pas pu voir cette version italienne, avec Marcello Mastroianni dans le rôle-titre, je ne peux guère conclure sur ce point aujourd'hui. Restons-en au film de 2025: il m'a paru riche des idées de sa source écrite, qu'il cite d'ailleurs abondamment - et souvent littéralement. Malgré cela, il m'est apparu comme une oeuvre toujours pertinente dans notre 21ème siècle, abordant frontalement des sujets majeurs comme la justice, le racisme, la violence, la sexualité... et d'autres encore, largement transposables dans notre époque. Le fait même que l'intrigue se déroule en Algérie fait sens, compte tenu de ses liens étroits (et parfois douloureux) avec la France. Il est bien d'en parler...

L'étranger
Film français de François Ozon / 2025

J'ai été bavard, OK, mais c'est à la hauteur de mon enthousiasme. Même s'il ne sera pas forcément MON film de l'année, il est certain que j'ai pris un grand plaisir (sensoriel et intellectuel) avec cet opus. Je trouve désormais très difficile de le comparer avec un autre. J'aimerais aller à Alger et peut-être ensuite revoir de très bons films tels Des hommes et des dieux, Les roseaux sauvages ou Le repenti !

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Maintenant, si vous voulez aller plus loin...

Je vous conseille de lire les avis de Pascale, Dasola et Princécranoir. Et le roman ? Oui, bien sûr - j'ai l'impression de mieux le comprendre.

jeudi 11 décembre 2025

Déraison et sentiments

Aujourd'hui, deux films qui ne se ressemblent pas, mais ont un point commun: la liaison entre une femme - d'un âge adulte - et un garçon adolescent. Avis aux pudibonds: il sera question d'amour ET de sexe. Ce n'est pas tous les jours que ces situations sont placées au coeur d'un scénario de cinéma ! Et on a le droit de préférer s'en détourner...

May December
Film américain de Todd Haynes / 2023
Vous lisez toujours ? Parfait. Je vous parle d'abord de Gracie et Joe. Elle approche de la soixantaine et lui a "seulement" 36 ans. Vingt ans plus tôt, ils ont été surpris dans l'arrière-boutique du magasin d'animaux où ils travaillaient, en pleine relation charnelle. La presse s'est emparée de l'affaire, qui a valu à Gracie une peine de prison. Après cela, hop ! Joe et elle... se sont mariés et ont eu trois enfants !

L'histoire de May December commence quand Elizabeth, une actrice de sitcoms qui incarnera bientôt Gracie à l'écran, vient la rencontrer pour mieux la connaître. Bon... je vous laisse découvrir la manière dont le coucou va ainsi s'intégrer au quotidien de sa famille d'accueil. Intelligent, le film repose bel et bien sur un suspense enthousiasmant. Orienté autour de ses personnages féminins, il bénéficie des talents conjugués de Natalie Portman et Julianne Moore, assez remarquables. Problème: le côté sulfureux prend progressivement le pas sur l'aspect troublant et, d'un point de vue moral, le film s'avère assez racoleur. Ce qu'il montre à la fin laisse imaginer que le réalisateur se croit au-dessus d'un certain cinéma - une posture plutôt condescendante. Dommage, sachant qu'au départ, il avait bien réussi à m'embarquer...

(+) D'autres avis chez Pascale / Strum / Benjamin / Elle et Lui. Constat d'évidence, a posteriori: tout cela est loin de faire consensus.

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The reader
Film (germano-)américain de Stephen Daldry / 2008

Cette histoire-là est adaptée d'un roman (publié en 1995) de l'écrivain allemand Berrnhard Schlink, né en juillet 1944. Le réalisateur anglais maintient le récit dans son environnement premier et nous faisons avec lui la connaissance de Michael, un ado de la fin des années 50. Malade au retour de l'école, il reçoit l'aide d'Hannah, une trentenaire. Sitôt guéri, il la retrouve pour la remercier... et en tombe amoureux.

L'appétit sexuel des deux personnages aurait alors pu orienter le récit vers quelque chose de très scabreux, autour d'une passion interdite. Seulement voilà... un beau jour, Hannah disparaît, corps et biens. Michael, devenu un étudiant en droit, ne la retrouve que des années plus tard, lorsqu'un prof emmène sa classe assister à un procès criminel. Je n'en dirais pas plus ici: ce serait atténuer la portée philosophique de The reader, fiction basée sur des faits historiques particulièrement sensibles. Sachez-le: c'est un bel ouvrage. L'occasion de découvrir David Kross, un jeune acteur allemand d'une justesse admirable, mais aussi de revoir à l'oeuvre des comédiens confirmés comme Ralph Fiennes et Bruno Ganz. Et c'est bien sûr Kate Winslet qui aimante la caméra, son rôle ici lui offrant trois récompenses majeures en 2009: le Golden Globe, le BAFTA et finalement l'Oscar ! De petites scories "hollywoodiennes" n'atténuent en rien la puissance du film. Mon seul regret: la version originale est, bien sûr, en anglais.

(+) D'autres avis chez Pascale / Dasola / Benjamin / Lui (tout seul). Vincent, quant à lui, avait choisi d'en retenir une image particulière...

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Pas grand-chose à ajouter aujourd'hui...

Je vous laisse donc reparler de votre opinion sur ces longs-métrages. Et en suggérer d'autres comparables - si vous jugez la chose possible !

mercredi 10 décembre 2025

Bates repetita

Certains films d'Alfred Hitchcock me mettent vraiment mal à l'aise. Ce n'est pas le cas de Psychose (1960), un thriller que je considère comme un superbe classique, mais aussi et surtout un très grand film d'épouvante. Aujourd'hui, j'évoquerai Psycho, son remake "officiel" sorti presque quatre décennies plus tard. Il m'a bien moins emballé...

Un mot sur l'histoire (identique). Jeune femme frivole, Marion Crane fréquente un homme endetté et rêve d'une vie nouvelle. Son patron l'apprécie et la charge de déposer à la banque 400.000 dollars en cash. Marion décide alors de fuir avec l'argent pour rejoindre son amant. Chemin faisant, elle s'arrête au motel Bates: un choix mal inspiré ! Ceux qui ont vu le Hitchcock savent, bien entendu, de quoi je parle...

Qu'on l'ait aimé ou non, je suis convaincu qu'on n'oublie pas ce film originel une fois qu'on l'a découvert. Et on peut bien s'en contenter ! Psycho est réputé le reproduire plan par plan et je dois reconnaître que l'exercice de style m'avait rendu curieux. Le passage à la couleur allait-il rendre le récit encore plus éprouvant à suivre ? Eh bien... non. Le casting est bon, dans son ensemble: Anne Heche, Vince Vaughn, Julianne Moore, Viggo Mortensen et William H. Macy font leur job. J'ai juste trouvé qu'ils étaient un peu caricaturaux, avant de me dire que c'est peut-être pile ce qu'on leur avait demandé. Le copier-coller supposé n'a en tout cas pas été de mise ! On peut d'ailleurs s'amuser au jeu des sept différences avec le travail de leurs prédécesseurs. Tout cela demeure toutefois d'un intérêt fort discutable, je trouve. Par moments, cette version 1998 m'a même paru un brin vulgaire. Comme si on voulait se moquer du maître du suspense ou démontrer que son talent pour susciter la peur n'était en fait que très limité. Reste l'impact du scénario qui, lui, résiste encore au temps qui passe.

Psycho
Film américain de Gus van Sant / 1998

Un bilan en demi-teinte. C'est avec joie que je défends d'autres films malaimés du cinéaste, mais cette fois, je ne perçois pas sa logique. Historiquement, il a d'ailleurs dû batailler pour imposer ses vues ! J'insiste: autant voir le Psychose de 1960 - au moins pour débuter. Les thrillers haletants sont nombreux et j'aime aussi les films parano tels Conversation secrète et Blow out. Un vaste pan du cinéma US...

mardi 9 décembre 2025

Du collectif à l'intime

Je n'ai aucun doute: sur le papier, le monde du travail et les inégalités sociales peuvent nourrir bien des scénarios de cinéma. Je dois dire que j'avais eu l'idée de rapprocher deux films sur ces thématiques. L'envie m'est finalement passée et je n'en ai donc vu qu'un seul. Partie remise (peut-être) pour l'autre. Et voici d'abord... Les braises !

S'agit-il d'évoquer un feu qui couve et qui ne demande qu'à repartir ? Ou bien de parler d'un autre, qui s'éteint doucement ? Il est possible que j'aie mal compris le titre de ce film, sorti début novembre. Virginie Efira incarne une employée d'usine, que l'on découvre mariée depuis vingt ans et mère de deux ados. Sa petite famille ne roule pas sur l'or, mais elle semble avoir une vie paisible et assez confortable. Karine, cependant, rejoint et fédère un petit groupe de Gilets jaunes. Sa situation dégénère un jour, après quelques frictions avec la police. La jeune femme voit son mari, amoureux, mais chef d'une entreprise en difficulté, s'inquiéter des risques encourus à (trop) se "radicaliser".

C'est, il me semble, le sujet du long-métrage, intelligent et bien joué. Arieh Worthalter prend de fait une place de plus en plus importante dans ce rôle d'époux préoccupé par la situation. D'où une question essentielle qui vient relayer celle de la justice sociale: un couple sincère peut-il véritablement perdurer si l'une et l'autre des personnes engagées suivent des chemins différents pour chercher le bonheur ? Chacun jugera de la manière dont Les braises répond. Ma déception personnelle, relative, vient du fait que cette interrogation légitime efface l'approche sociétale que le film semblait privilégier au départ. Le résultat n'est donc pas inintéressant, mais disons... un peu bancal.

Les braises
Film français de Thomas Kruithof / 2025

Bon... j'en attendais autre chose, mais je n'ai rien vu de déshonorant. Une semi-réussite, en résumé: il manque un je-ne-sais-quoi de fort et/ou de percutant pour me toucher vraiment. Un peu plus d'attention portée aux personnages secondaires, sûrement, et donc aux Gilets jaunes que j'imaginais être collectivement les personnages du film. Dans ce genre, Les neiges du Kilimandjaro est une bonne référence !

lundi 8 décembre 2025

Aux origines

Trois jours... c'est le temps écoulé depuis ma précédente chronique. Et aussi celui que j'ai pris pour voir un autre film (très différent) après Les aventures du prince Ahmed. J'aime faire durer l'émotion ressentie à chaque fois que je découvre un film muet et juge parfois que le cinéma "non-parlant" reste trop rare sur Mille et une bobines...

En cette période de fin d'année, ces pensées me ramènent également vers le bon souvenir de l'expo Enfin le cinéma ! - organisée au Musée d'Orsay (Paris) et dont je vous avais parlé... il y a bientôt quatre ans. Le septième art nous a depuis bien longtemps habitués aux images mobiles, mais je suis toujours ravi de m'instruire et de m'émerveiller sur les techniques "primitives", y compris d'avant les frères Lumière. Avis aux érudits: toute info est vraiment susceptible de m'intéresser. J'aime beaucoup partager ce que j'ai pu apprendre dans ce domaine. Quand le ferai-je la prochaine fois ? Je suis incapable de répondre. Promis: si une occasion se présente, c'est avec joie que je la saisirai. Je doute qu'une telle opportunité survienne avant 2026, à vrai dire. Je sais déjà en revanche que mon film de demain n'aura rien à voir...

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Bon... et ma photo du jour, alors ?

Elle émane d'un précurseur anglais du cinéma: Eadweard Muybridge. Vous l'avez peut-être vue dans Nope de Jordan Peele (2022). Un film récent qui raconte N'IMPORTE QUOI à son sujet. Vérifiez vos sources !

vendredi 5 décembre 2025

Un voyage en féérie

Toute cinéphilie est je crois faite d'agréables surprises, d'impressions confortées et de belles retrouvailles. Mon film d'aujourd'hui entrera dans la deuxième catégorie: j'avais d'emblée un bon feeling à l'idée de découvrir Les aventures du prince Ahmed... et cela s'est vérifié. Il faut dire que je l'ai vu sur grand écran ! Et en version ciné-concert !

J'étais de plus très bien accompagné pour découvrir cette perle rare conçue il y a presque un siècle. Ses admirateurs la présentent parfois comme le tout premier long-métrage d'animation - au niveau mondial ou européen, selon leur niveau d'expertise (et/ou d'enthousiasme). Plongés dans l'univers des Mille et une nuits, nous sommes invités dans un royaume imaginaire dont le calife célèbre son anniversaire. Pour l'occasion, un étonnant mage africain lui offre un cheval volant. Le fils du calife, le prince Ahmed, est ébahi et grimpe sur l'animal. C'est ainsi qu'il scelle le sort de sa soeur, la "richesse" que le mage réclame en échange, et se trouve lui-même projeté dans les cieux. Après quelque temps, le voilà arrivé au lointain pays de Wak-Wak ! C'est là qu'il rencontre Pari Banu, une reine dont il tombe amoureux...

Vous verrez: cet icroyable univers est par ailleurs peuplé de monstres gigantesques et de démons prêts à traquer les intrus. Il y en a assez pour nous fasciner pendant une heure et six minutes, à la condition d'accepter de retrouver un peu de notre âme d'enfant. Je veux revenir sur le fait que Les aventures du prince Ahmed demeure un film impressionnant sur le plan technique, compte tenu de son ancienneté. Sa conception aurait demandé plus trois ans d'un travail titanesque ! Tout ou presque est fait à partir de silhouettes de papier découpées et sur le principe des ombres chinoises - la grande Chine impériale étant d'ailleurs l'un des pays que les personnages auront à arpenter. C'est peut-être là que se joue le miracle: nous sommes en territoire fantastique, mais aussi en terrain connu. Bref, en plein rêve éveillé...

Aux côtés d'Ahmed et au gré des cinq courts épisodes d'une narration magique, vous aurez notamment la joie de rencontrer une sorcière bienveillante, ainsi que sa soeur Dinarsade et le noble Aladin, équipé de sa lampe. Cet Orient idéalisé compte aussi son lot de bons génies. Même s'il est effrayant parfois, il pourrait encore plaire aux marmots du 21ème siècle ("à partir de cinq ans", d'après les Fiches du cinéma). Il faut bien sûr se réjouir que cette fantasmagorie leur soit accessible aussi longtemps après qu'elle a été créée et alors que les vicissitudes de la guerre ont bien failli la voir disparaître dans le Berlin bombardé des années 40. Une copie fut heureusement retrouvée entre les murs du British Film Institute, en 1954, et restaurée / complétée en 1999. Une année-symbole, où sa géniale créatrice aurait fêté ses cent ans...

Il y aurait beaucoup à raconter sur Lotte Reiniger, cette Allemande née sous le règne de Guillaume II, hostile aux Nazis et contemporaine de l'éphémère République de Weimar, devenue citoyenne britannique. Elle s'était liée d'amitié avec Louis Jouvet et Jean Renoir, paraît-il. Ce n'est pas mon sujet aujourd'hui, mais j'en reparlerai certainement si j'ai d'abord l'occasion de voir d'autres oeuvres de celle qui fut prof de cinéma d'animation, en Europe et aux États-Unis, avant sa mort survenue dans son pays d'origine, à l'aube du beau printemps 1981. Pour l'heure, je me contente de voir Les aventures du prince Ahmed comme son héritage le plus précieux. Sous réserve, donc, d'un avis différent après l'examen du reste de son travail (sur six décennies). Rien ne doit vous interdire d'user et d'abuser de cette force féérique !

Les aventures du prince Ahmed
(Die Abenteuer des Prinzen Achmed)
Film allemand de Lotte Reiniger / 1926

Nous avons vraiment de la chance que ce film ait traversé le temps. Je courais depuis longtemps après cette merveille et je suis heureux de l'avoir enfin rattrapée ! Ses filtres colorés sont vraiment propices au rêve, tels ceux de Jo Limonade - sans autre comparaison possible. J'ai aussi repensé au réalisateur Karel Zeman (cf. Le baron de Crac). Georges Méliès n'est pas loin. Et Alice Guy, autre pionnière, non plus !

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Pour finir, une mention spéciale...

Je félicite et remercie Marie et Erwan, de la compagnie Intermezzo. Avec la complicité de Florent, un autre musicien, et de leur équipe technique, ce sont eux qui ont permis ce grand moment que j'ai vécu. Vous voulez rencontrer de beaux artistes ? Ceux-là méritent le détour.

mercredi 3 décembre 2025

Et soudain, l'horreur...

J'ai lu dernièrement un article qui estimait à environ 4.000 le nombre de films tournés à Hollywood et évoquant les peuples amérindiens. J'ignore en revanche quelle proportion repose sur des clichés racistes. Soldat bleu, censé les éviter, ne le fait toutefois pas complètement. Disons qu'il vient peut-être rétablir une certaine forme "d'équilibre"...

J'utilise des guillemets ? Oui, parce que le film s'ouvre sur une attaque conduite par des Cheyennes contre une colonne de l'armée américaine convoyant de l'or à destination d'un fort isolé. Une vraie boucherie. N'en réchappent qu'un jeune troufion peu expérimenté et une femme supposément partie pour rejoindre son fiancé. Cette violente scène inaugurale laisse alors place au récit picaresque de la longue errance commune de deux êtres que tout (ou presque) semble devoir opposer. Surprise: Soldat bleu nous offre même quelques scènes assez drôles !

Candice Bergen et Peter Strauss (photo) s'en sont donné à coeur joie. Reste qu'avant même les premières images, un carton nous a permis d'anticiper une suite moins joyeuse, où l'homme blanc venu d'Europe s'avérera au moins aussi barbare que celui qu'il appelle Peau rouge. Au moment de la sortie du film, certains critiques ont fait un parallèle avec le massacre de Mÿ Lai, un crime de guerre dont les troupes US se sont rendues coupables au Vietnam. Ce n'est pas tout: le scénario de Soldat bleu s'appuie aussi sur des actes commis un gros siècle auparavant, à l'automne 1864, à Sand Creek, dans l'actuel Colorado. Une horreur qui ne fut jamais sanctionnée à la hauteur de sa gravité. Je ne vous apprendrai pas qu'une partie de l'Amérique d'aujourd'hui prospère sur un cimetière indien ! Cela porte malheur, dit-on. Mais...

Soldat bleu
(Soldier blue)
Film américain de Ralph Nelson / 1970
Un opus imparfait, dur à regarder sans frémir, mais je crois sincère. Inutile de le nier: je vous vois venir, avec Danse avec les loups. Promis: je reviendrai un jour sur cette référence de mon adolescence. D'ici là, pour la culture amérindienne, voyez les films de Chloé Zhao comme Les chansons que mes frères m'ont apprises ou The rider ! Hostiles peut être un plan B. À moins de remonter à Little big man...

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Et en complément, sur le film d'aujourd'hui...

Sa chronique est notamment disponible du côté de "L'oeil sur l'écran". Et quelques mots aussi chez Pascale, côté pile, et Vincent, côté face.

lundi 1 décembre 2025

Deux filles en fuite

Ruben Amar et Lola Bessis, ça vous dit quelque chose ? Ce couple avait cosigné un premier long-métrage sorti il y a déjà onze ans. Après Swim little fish swim, on le retrouve actuellement en salles avec un tout nouvel opus (du même format): j'ai nommé Silver star. Un film qui compte non pas UNE, mais bien DEUX héroïnes féminines !

Bonnie sort de prison et, pour gagner de quoi vivre, ne peut compter que sur sa participation comme figurante à de vagues reconstitutions de la guerre de Sécession. Franny, enceinte, est l'une des monitrices d'un club d'aquagym pour les seniors, mais se retrouve sans ressource quand elle en est licenciée. Les chemins des deux jeunes femmes restent relativement éloignés jusqu'à ce que la première nommée braque une banque et couvre sa fuite en prenant la seconde en otage. Commence dès lors une cavale, aux conséquences imprévisibles. Enfin... c'est simple, au fond: Silver star n'est pas d'une originalité folle, mais il pourrait vous plaire si vous vous attachez aux filles. L'une est mutique, l'autre volubile, mais sortir de leur vie de galère réclame probablement de la confiance et une solidarité réciproque. Arriveront-elles à s'entendre ? Le scénario repose sur cette question. C'est à vous de le découvrir, désormais. Ou pas, selon vos envies. Grace van Dien et Troy Leigh-Anne Johnson sont les meilleurs atouts de ce petit road movie indé que je n'avais vu venir. Eh oui, ça arrive !

Silver star
Film français de Ruben Amar et Lola Bessis / 2025

Oui... le titre reprend l'intitulé d'une prestigieuse décoration militaire américaine et le tournage (en anglais) a eu lieu dans le New Jersey. Pourtant, il me semble que la production du film est 100% Frenchie. Qu'importe, en fait: c'est le sujet qui compte et il a su m'intéresser. Dans l'évidente lignée de Thelma & Louise, sans atteindre ce niveau. Je rejoins plutôt ceux qui ont fait le parallèle avec American honey...

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Vous devez commencer à en avoir l'habitude...

Je tiens à remercier les amis des Fiches du Cinéma qui m'ont permis de découvrir ce film. Leurs écrits sont à lire "chez eux" et sur Actu.fr.

dimanche 30 novembre 2025

La venue de l'avenir

Que faisiez-vous le 18 octobre dernier ? Moi, je suis allé voir Météors et j'ai ainsi dépassé le nombre total de mes séances projo de 2024. Bon... mon record (78 films vus en salles en 2017) tient toujours. Sera-t-il battu cette année ? C'est jouable, mais rien n'est encore sûr. En décembre, l'an passé, je n'ai vu "que" trois films dans un cinéma...

Conclave
, Vingt dieux et Saint-Ex me semblent déjà loin, désormais. C'est devant ma petite lucarne que j'avais terminé mon millésime d'images en mouvement, avant d'ouvrir 2025 face aux écrans géants d'Un ours dans le Jura et Planète B, jeudi 2 et samedi 4 janvier. Attendez ! Ceci N'EST PAS une chronique rétrospective anticipée ! Simplement, le signe de mon interrogation sur ce que le septième art me et nous réservera pour les 31 jours à venir. Vous avez une idée ? De mon côté, promis: une autre chronique arrive dès demain midi. Quelques semaines avant un probable bilan, j'estime que cette année aura été - et demeure - plutôt bonne pour Mille et une bobines. J'écrirai dès lors encore un peu avant la traditionnelle pause hivernale que la période des Fêtes de fin d'année devrait m'inciter à prendre. Avec, bien sûr, du cinéma au milieu, dont je reparlerai début 2026. Rien que de très habituel, en réalité. Je vous dis donc: "À très vite"...

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PS: un dernier petit détail...

Mes lecteurs les plus avisés auront reconnu ma photo d'illustration d'aujourd'hui, issue du dernier film de Cédric Klapisch, sorti le 22 mai et dont j'ai cru bon de reprendre le beau titre pour ma chronique. L'avenue de l'avenir vaut-il le détour si vous ne l'avez pas vu ? Oui...

vendredi 28 novembre 2025

Le père, le fils

C'est l'histoire d'un homme dont l'opération du coeur a mal tourné. Après une belle carrière de chef opérateur au cinéma, il voit son fils revenir vers lui et, malgré la fatigue de son âge, accepte de réaliser un film à ses côtés. Pierre-William Glenn reçoit ainsi un hommage unique. Il est mort l'an dernier, dans un Ehpad de Nogent-sur-Marne...

Dis pas de bêtises
- c'est le titre du film-souvenir de son fils Vincent - n'est pas un biopic documentaire comme il en existe tant d'autres. Ainsi la carrière de ce grand nom des coulisses du cinéma français n'est-elle évoquée que par bribes, de même d'ailleurs que sa vie familiale, sa passion pour la moto ou ses convictions trotskystes. Glenn fils rend plutôt compte des derniers jours de son "vieux" au fil de plusieurs de leurs discussions sur la manière de bâtir un récit commun qui dise quelque chose de leur relation. C'est une démarche sensible inattendue et ma foi assez émouvante, de la part d'hommes qui, avant que la santé du plus âgé décline, ne se parlaient plus trop. Selon vos propres orientations, vous pourrez en tirer une leçon de vie et/ou un nouveau regard sur le septième art. Tout est bon à prendre !

Dis pas de bêtises
Documentaire de Vincent Glenn (2025)

Personnel ? Ou intime ? Et peut-être un rien confidentiel ? Ce film étonnant correspond sans nul doute à l'ensemble de ces qualificatifs. Je n'y vois cependant pas une raison pour le snober. Je suppose même que les amateurs de cinéma y retrouveront largement leurs petits. Pile: une forme soignée qui fait vraiment honneur au septième art. Face: le portrait d'un grand pro méconnu. Euh... vous hésitez encore ?

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Parmi les noms avec lesquels Pierre-William Glenn a travaillé...
On peut citer ceux de Joseph Losey, André Téchiné, Jacques Rivette, François Truffaut, Alain Corneau, Bertrand Tavernier, José Giovanni, Maurice Pialat, Yves Boisset, Samuel Fuller ou encore Philippe Labro. Sans oublier Jacques Rouffio, Yannick Bellon et Michel Deville, hein ? Vous savez quoi ? Cette longue liste n'est pas exhaustive pour autant !

Et avant de passer à la suite, une toute dernière précision utile...
Le film doit être diffusé dans les salles françaises depuis mercredi. C'est grâce aux Fiches du Cinéma que j'ai pu le voir un peu avant. L'occasion de rappeler que cet éditeur publie aussi sur le site Actu.fr !

mercredi 26 novembre 2025

Fatima (en cinq saisons)

Elle s'appelle Nadia Melliti et, à juste 23 ans, elle a décroché le Prix d'interprétation féminine lors du Festival de Cannes, en mai dernier. Fatima - qu'elle incarne dans La petite dernière - est le premier rôle de la jeune femme, étudiante STAPS à Bobigny, en Seine-Saint-Denis. Depuis six mois, j'étais curieux de la découvrir (sur un écran géant)...

Autant vous l'annoncer tout de suite: je n'ai pas été déçu, loin de là ! Comme vous l'avez peut-être déjà lu, le long-métrage évoque la vie d'une ado de banlieue, originaire d'Algérie et musulmane pratiquante. Dans une famille plutôt ouverte, Fatima est une lycéenne travailleuse et brillante, qui passera bientôt le bac avant d'étudier la philosophie. Elle a un petit ami, mais se trouve soudain attirée par les femmes. Petit à petit, elle va admettre (et comprendre) son homosexualité. Film délicat, La petite dernière est en somme le récit d'une éclosion. Je n'ai pas lu le roman éponyme qu'il adapte, mais c'est partie remise. J'espère que j'y retrouverai une forme de subtilité et une douceur auxquelles je suis sensible. Malgré quelques scènes "banlieusardes" parfois discutables, il est ici davantage question de questionnements intimes que de grandes déclarations enflammées ou de rejets violents d'amours jugées intolérables. Être soi n'est pas si facile pour autant...

D'un printemps à un autre, c'est donc une année entière que la caméra suit Fatima dans son quotidien. Personne n'est alors obligé d'accepter comme une évidence le fait qu'elle puisse être libre d'aller au restau ou de sortir en boîte de nuit, alors même que sa mère est paniquée simplement à l'idée qu'elle fasse un footing matinal dans son quartier. OK, il y a deux ou trois invraisemblances dans La petite dernière. Oui... et alors ? Sincèrement, cela n'a nullement gâché mon plaisir. Aux commandes, Hafsia Herzi parvient bel et bien à traiter d'un sujet intéressant et sensible, sans s'égarer dans une rhétorique politicienne ou militante. Certaines scènes sont explicites, mais je trouve aussi que, dans l'ensemble, elle filme avec pudeur. Une qualité perceptible devant l'usage ponctuel de très beaux fondus au noir, par exemple. Souvent avare de mots, son héroïne ne débite donc aucun discours convenu sur les réelles difficultés d'une vie liée à sa situation sociale. Toute en retenue et non-dits, la fin s'avère suffisamment évocatrice. Pas de doute: l'écoute et l'empathie sont des mots du genre féminin...

La petite dernière
Film français de Hafsia Herzi (2025)

Impossible de ne pas citer le cinéma d'Abdel Kechiche: la réalisatrice était l'actrice du cinéaste niçois dans La graine et le mulet (2007). Son - troisième - film à elle n'est évidemment pas qu'un copier-coller hésitant de La vie d'Adèle (le film palmé d'or à Cannes, en 2013). L'homosexualité féminine n'y est pas abordée de la même façon. Certain(e)s d'entre vous pourraient bien privilégier la classe de Carol.

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Une précision d'ordre littéraire...

Signé Fatima Daas, le roman originel a été traduit... en huit langues !

... et, en guise d'éventuel contrepoint...
Je vous suggère de lire aussi la chronique (très négative) de Pascale.

lundi 24 novembre 2025

Vers d'autres futurs

Il paraît qu'un film de Steven Spielberg sortira en salles en juin l'année prochaine. Or, toute fin octobre, j'ai eu envie de remonter le temps avec deux de ses anciens opus - que je vais donc évoquer aujourd'hui. Avant cela, une précision: j'ai revu le premier et découvert le second. Une nouvelle "escapade" dans le genre anticipation - science-fiction...

Minority report (2002)
L'adaptation d'une nouvelle de l'Américain Philip K. Dick (1928-1982). Dans le Washington de 2054, la police peut se targuer de statistiques flatteuses: six ans se sont écoulés sans le moindre crime de sang. L'incroyable bilan a en fait été rendu possible grâce à un procédé technologique innovant qui, connecté aussi à trois cerveaux humains alimentés par des drogues, permet aux agents de repérer les victimes avec précision. Et surtout avant que les suspects ne passent à l'acte ! Sauf que les choses vont se compliquer du côté des forces de l'ordre...

Un brillant inspecteur se retrouve à son tour pré-accusé de meurtre. La caméra ne lâchera plus Tom Cruise / John Anderton d'une semelle. Elle lui adjoindra juste un pseudo-rival (Colin Farrell) et un protecteur supposé (Max von Sidow), qu'on pensera dépassé par les événements. Minority report joue de faux semblants, mais reste assez prévisible. C'est toutefois un film d'action efficace et très honnêtement réalisé. Bilan: l'un des Spielberg les plus adultes - si ce n'est le plus sombre. J'aurais plutôt tendance à NE PAS le montrer à de très jeunes enfants.

Mais aussi...
3.709.488 entrées en France (dixième du box-office 2002)
► Plans B: Blade runner / Tron l'héritage / Ghost in the shell
► Et sur d'autres blogs de référence: Ideyvonne - Vincent - Elle et Lui.

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La guerre des mondes (2005)
Un autre Spielberg qu'il vaut mieux épargner à vos chers bambins. D'emblée, on sait bien à quoi s'attendre: une voix off - caverneuse - nous explique que l'humanité se trompe en se croyant invulnérable. Depuis l'espace, une autre forme de vie observe la Terre avec l'envie d'en prendre possession, non sans avoir massacré sa population. Après le 11-Septembre, l'allégorie est bien plus qu'évidente: assumée.

Zoom avant sur New York, où un dénommé Ray Ferrier (Tom Cruise) travaille comme docker. Divorcé, il s'occupe mal de ses deux enfants quand son ex a la drôle d'idée de les laisser sous sa surveillance exclusive. Cela devient un vrai gros problème quand un drôle d'orage géant dissimule en fait la toute première attaque des extraterrestres. Tiré d'un roman de H.G. Wells sorti en 1898, La guerre des mondes déploie la grosse artillerie technique dès une première demi-heure placée sous haute tension. Mais ce n'est que le début des hostilités ! La mise en scène joue aussi avec nos nerfs lors d'une longue scène silencieuse, où le héros triomphe... en perdant un peu d'humanité. Moins inventive et très consensuelle, la fin m'a quelque peu déçu. J'avoue que je l'ai même trouvée un peu trop expéditive à mon goût. Elle a cependant un vrai mérite: celui de respecter l'esprit du bouquin.

Mais aussi...
3.910.795 entrées en France (sixième du box-office 2005)
► Plans B: La version sortie en 1953 / Cloverfield / Underwater
► Et sur d'autres blogs de référence: Vincent - Benjamin - Lui (seul)

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Parce que j'espère un jour boucler mon intégrale Spielberg...

Il faut que je revoie trois de ses films: La liste de Schindler (1993) en premier, puis Arrête-moi si tu peux (2002) et Le terminal (2004). En plus de Firelight, son premier long disparu, j'en ai compté cinq encore jamais visionnés: Empire du soleil (1987) est le plus ancien d'entre eux, devant Always (1989), Amistad (1997), Munich (2005) et Le bon gros géant (2016). Bref, il me reste donc un peu de boulot !

J'ai encore une info, tombée (presque) à la dernière minute...
Lundi dernier, cette longue double chronique me paraissait bouclée depuis déjà quelques jours lorsque j'ai appris qu'un Oscar d'honneur avait été remis à Tom Cruise. Et pourquoi pas ? On le cite souvent comme une référence: le numéro 1 des acteurs américains de films d'action. Les voir tous ne me tente guère. Mais c'est un autre débat...

dimanche 23 novembre 2025

Deux enfants, un espoir

Je commence avec une citation: "Il nous faut croire que le meilleur est possible. Il nous faut l'imaginer pour qu'il advienne". Son auteur s'appelle Ugo Bienvenu et il est l'auteur d'un beau film d'animation sorti en octobre dernier: Arco. Un film qui regarde l'avenir: l'histoire est en effet supposée se dérouler dans juste cinquante ans, en 2075 !

Iris, une fillette d'une dizaine d'années, voit un garçon de son âge tomber du ciel. Elle le soigne, aidée par Mikki, son robot domestique. Quand l'enfant reprend enfin connaissance, sa jeune bienfaitrice apprend qu'il vient du futur et qu'il a donc osé voyager dans le temps pour atterrir sur une planète où il espérait observer des dinosaures. Pour cela, il a bravé un interdit parental. Son seul souhait et objectif est donc de rentrer chez lui au plus vite, mais cela s'annonce difficile. Vous l'aurez compris: Arco - c'est aussi, bien sûr, le prénom du môme égaré - mise sur l'idée de la solidarité enfantine pour nous charmer. Une bonne nouvelle: oui, cela fonctionne plutôt bien, dans l'ensemble. J'ai vu des animés plus jolis, mais dès l'instant où le récit est entré dans le vif du sujet, je n'ai plus focalisé mon attention sur l'aspect graphique. Je me suis attaché aux personnages et les ai alors suivis dans leurs aventures avec un grand plaisir ! Émerveillé, c'est le mot...

C'est tellement vrai que je n'ai pas envie de détailler les techniques employées pour arriver à un tel résultat. Il me paraît plus judicieux d'en rester au tout premier degré émotionnel. On peut aussi parler d'Arco comme d'un film écologique, proche donc de la ligne artistique d'un Hayao Miyazaki. C'est une référence assumée d'Ugo Bienvenu. Parmi les oeuvres qui l'ont marqué "au fer rouge", le jeune réalisateur français en a en effet cité quelques-unes du vieux maître japonais. "Sous des allures légères, elles nous arment pour le réel", juge-t-il. J'apprécie beaucoup cette approche, d'autant qu'elle semble s'appuyer sur un relatif optimisme que je partage (au moins en partie, disons). Je me dis dès lors que le film s'adresse aux enfants ET aux adultes. Le voir et en rediscuter entre générations est une très bonne idée. Après tout, notre avenir commence dès aujourd'hui et il se construit. Mon grand-père le disait aussi: "Il n'est pas interdit de rêver un peu" !

Arco
Film français d'Ugo Bienvenu (2025)

Un ravissement, vraiment ! Je l'ai vu dans une salle remplie d'enfants venus avec leur famille, mais aussi d'adultes, seuls ou en groupe. Vous savez quoi ? Cela m'a fait du bien, vraiment, parmi les films complexes - et/ou dramatiques - que j'ai l'habitude de privilégier. Notons la participation de Natalie Portman en qualité de productrice. Et (re)voyons d'autres perles comme Nausicaä, Patéma ou Sauvages !

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Le long-métrage du jour ? Une promesse...

Certains se risquent même à en faire leur favori pour le César 2026 du meilleur film d'animation. Il a déjà remporté le Cristal du Festival d'Annecy et la Cigogne d'or du Festival européen du film fantastique de Strasbourg. Il est attendu dans les salles allemandes et espagnoles.

samedi 22 novembre 2025

Une belle complicité

Les quelques jolis Prix qu'il a reçus n'ont guère convaincu le public français de s'intéresser à son sort: les 146 copies de Mon ami robot n'auront attiré qu'un peu plus de 57.500 spectateurs dans les salles. Dommage ! Sorti peu après Noël l'an passé, ce petit film d'animation méritait mieux. Même si, a priori, il visait d'abord les jeunes enfants.

Imaginez une ville de New York vidée de tous ses habitants humains. Dog y réside et, parce qu'il vit seul, s'y ennuie, la plupart du temps. La solution ? Le brave toutou va la dénicher auprès d'un fabricant professionnel de robots en kit. Quelques heures d'un montage efficace lui suffiront pour avoir enfin un nouveau compagnon et un bon pote. La machine humanoïde serait-elle à l'avenir le meilleur ami du chien ? C'est la première hypothèse du scénario, jusqu'à ce Dog et Robot passent un après-m' à la plage, si doux qu'ils s'endorment sur le sable. Oups ! Au réveil, le quadrupède est obligé d'abandonner son compère mécanique, tombé en panne sèche sur un site... bientôt inaccessible !

Comment l'un et l'autre s'en sortiront-ils ? C'est à vous de le voir ! Pour cela, l'idéal est d'ouvrir grand vos yeux, ainsi que votre coeur. Vos oreilles, elles, devraient se réjouir de la très chouette bande musicale qui accompagne les images ultra-colorées de cette histoire d'amitié pas-comme-les-autres. "Détail" intéressant: Mon ami robot dure environ une heure quarante et ne repose sur aucun dialogue. C'était aussi le cas, semble-t-il, de la BD dont il est l'adaptation. Logique, à vrai dire: parue aux éditions Dargaud et signée de l'autrice américaine Susan Varon, l'oeuvre originelle est en réalité un roman graphique (que je n'ai pas - ou pas encore ? - eu l'occasion de lire). Vous êtes intéressés ? D'accord. Pour info, il s'appelle Robot dreams. Le film, mignon mais "pas que", donne presque envie d'approfondir...

Mon ami robot
Film franco-espagnol de Pablo Berger (2023)

Le grand enfant que je suis assume cette note très haute, révélatrice d'un plaisir né du caractère "muet" de ce bel ouvrage en couleurs. Notez également que le sujet est un peu plus profond et même adulte qu'on ne peut l'imaginer de prime abord. Parfait pour les familles. Bon... on n'est certes pas au niveau de La tortue rouge ou de Flow. Mais c'est avec joie que j'ai identifié l'homme derrière Blancanieves !

jeudi 20 novembre 2025

Le combat d'une vie

Enfant, j'ai pu effectuer plusieurs séjours à l'étranger, en Allemagne et en Angleterre, principalement, dans le cadre d'échanges scolaires ou d'accueils dans des familles. Je n'ai cependant pas le souvenir d'avoir reçu beaucoup d'enseignements sur nos voisins européens. Pourtant, je les perçois plus comme des amis que comme des rivaux !

Sorti en octobre 2024 en Italie, Berlinguer - La grande ambition n'est arrivé qu'une année plus tard dans les salles obscures françaises. Cet excellent film politique m'a permis d'en apprendre énormément sur la vie publique dans la Péninsule au long de la période 1973-1984. Le récit suit longuement les pas d'Enrico Berlinguer, alors secrétaire général du Parti communiste italien. Un homme qui tenait clairement à ce que son équipe garde ses distances avec Moscou et les pays satellites de l'URSS, tout en étant un adversaire farouche du fascisme et le défenseur constant des classes dites populaires et travailleuses. Sans jamais avoir obtenu de majorité absolue, il constatait justement qu'un Italien sur trois votait alors pour le PC... et pensait que ce poids électoral pouvait favoriser des alliances avec d'autres partis modérés pour obtenir un "compromis historique" établi sur la base d'avancées économiques et sociales. Sa stratégie ne lui valait pas que des amis. Et fut mise à mal par l'action de groupuscules terroristes "politiques" !

Sur le fond, une petite précision: dès l'ouverture du film, un carton souligne que son scénario a été écrit à partir de nombreuses sources véritables tout en admettant que certaines des séquences historiques ont été retravaillées dans une logique dramaturgique. Je tiens à dire que j'ai vraiment apprécié le résultat: les scènes 100% politiques alternent avec d'autres qui permettent de découvrir un Berlinguer intime, marié et père de quatre enfants (trois filles et un garçon). Remarquable, le montage s'enrichit également de nombreuses images d'archives - sans voix off - pour mieux montrer le peuple italien d'alors. Il ne reste donc plus qu'à bien se concentrer sur les dialogues pour comprendre une décennie en seulement deux heures de métrage. Ce que j'ai l'impression d'être relativement bien parvenu à faire. Berlinguer - La grande ambition m'apparaît comme une réussite cinématographique, apte à donner espoir à qui connaît des heures difficiles. C'est aussi une oeuvre empreinte d'une certaine mélancolie. L'intégrité de son "héros" n'a pas toujours suffi pour que ses valeurs triomphent. Il faudra s'en souvenir dès aujourd'hui... et pour demain !

Berlinguer - La grande ambition
Film italien d'Andrea Segre (2024)

Quatre étoiles fort enthousiastes pour un film à la fois mélancolique et porteur d'espoirs: je souhaite bien entendu en retenir le meilleur. Et, décidément, j'ai vu de beaux films italiens, cette année ! D'autres suivront, sans aucun doute. Celui-là me semble un héritier du cinéma social italien, porté aussi par des comédies comme Il boom (1963). Que nos frontières soient ouvertes à ce type d'imports est salutaire...

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Un plaisir très personnel...

J'avais vu et aimé le premier film de Segre: La petite Venise (2011). Et mon chouette souvenir, c'est d'avoir même pu en discuter avec lui !

Un autre point de vue pour conclure ?

Vous pourrez aller lire celui de Pascale. Elle a (beaucoup) aimé le film.

mercredi 19 novembre 2025

Cachez ce film !

Un simple accident, film clandestin, est donc un opus remarquable. Loin de moi l'idée de vouloir relativiser les très nombreuses entraves que le pouvoir, à Téhéran, place dans les pas de "ses" cinéastes ! Simplement, en cherchant à illustrer la censure, j'ai d'abord trouvé beaucoup de photos du sieur Sébastien L. (Premier ministre français).

Faut-il en déduire que "notre" cinéma est libre ? C'est allé un peu vite. N'exagérons rien: je dirais que les diverses contraintes susceptibles d'être imposées aux artistes restent très légères si on les compare avec celles qui existent dans d'autres pays - dont l'Iran, évidemment. Cela dit, je pense qu'il est important de se souvenir des périodes sombres de notre histoire. Et de rester vigilants quant à nos libertés.

Wikipédia explique par exemple qu'après l'armistice de Compiègne signé le 22 juin 1940, Vichy fit interdire les films avec des acteurs juifs, les productions jugées hostiles au Reich allemand, puis celles qui venaient d'Angleterre ou des États-Unis. Des bobines de films d'avant-guerre étaient censées ne plus circuler ou alors simplement pour en extraire des matériaux et contribuer à l'effort de guerre nazi. Est-ce que c'est vraiment arrivé ? Possible. Je dois encore le vérifier !

Chaque époque et chaque pays a ses limites et interdits, je suppose. Je ne vais pas m'étendre sur tout cela aujourd'hui, mais j'y reviendrai sans doute quand une autre occasion se présentera. Je veux rappeler dès aujourd'hui qu'à la Libération, certaines personnalités du cinéma français eurent des ennuis en lien avec leur travail sous l'Occupation. C'était vraiment normal pour quelques-unes - et injuste pour d'autres.

Quatre-vingts ans plus tard, ouf ! Nous ne vivons plus dans un cadre aussi tendu, nos lois ne nous sont plus dictées par un ennemi étranger installé sur notre territoire, et nos élans créatifs ne sont plus bridés. Il reste des bornes, cela dit, et pour le septième art une classification des films qui peut limiter leur budget ou le nombre des écrans auxquels ils auront accès. Oui, c'est un vaste, un très vaste sujet ! Vous intéresse-t-il ? Nous pourrions le développer en commentaires. Demain, c'est avec un film italien que je vous reparlerai de politique. Petite confidence: cela fera aussi un écho à la question de la liberté...

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Et l'image que j'ai choisie, alors ?

Vous aurez peut-être reconnu le petit Danny Lloyd, l'enfant tourmenté des Torrance dans l'implacable Shining (Stanley Kubrick / 1980). Notons au passage que le film demeure interdit aux moins de 12 ans !

lundi 17 novembre 2025

Obtenir justice

Il a effectué plusieurs séjours en prison et mené une grève de la faim pour obtenir sa libération (conditionnelle). Au moment où le cinéaste iranien Jafar Panahi a reçu la Palme d'or en mai, j'ai soudain réalisé que je n'avais vu aucun de ses films et donc mis Un simple accident sur la liste de mes envies. Je confirme: cela valait le coup d'attendre !

Je crois que l'on peut se sentir fier et heureux que des producteurs européens - français et luxembourgeois - aient pris part à ce projet. Cependant, je considère que nous avons d'abord affaire à un film iranien, car tourné sur place, dans la clandestinité. Il raconte l'histoire de Vahid qui, un matin, croit reconnaître celui qui fut son bourreau. On comprend petit à petit que ce type avait en réalité été considéré comme un agitateur par la terrifiante police secrète de son pays. Pourquoi ? Juste pour avoir revendiqué... le versement de son salaire.

L'important n'est pas là: le scénario nous parle avant tout d'une envie de revanche. Vahid, qui souffre de très importants troubles rénaux depuis son incarcération, enlève celui qu'il voit comme le responsable de ses malheurs. Il est absolument déterminé à l'enterrer vivant. Mais, bientôt, sa conviction s'effrite: il n'est plus certain à 100% d'être face au vrai coupable des diverses ignominies qu'il a subies. C'est pourquoi il va faire appel à d'autres victimes pour témoigner. Avec elles, il pourrait déterminer le sort de leur supposé oppresseur...

Certains critiques présentent Un simple accident comme un thriller. Cela se tient: on se demande longtemps ce qui va arriver au final. Évidemment, c'est un film "de débat": l'ensemble des personnages n'affronte pas la situation de la même façon et la réelle pertinence d'une vengeance exécutive pose question - pour le dire sobrement. Jafar Panahi, lui, savait où il allait: il a indiqué avoir écrit son film après en avoir imaginé la fin. En interview, il a d'ailleurs bien précisé que c'est ainsi qu'il procède généralement: il pense d'abord à un début et à une conclusion, avant donc de combler le vide entre les deux. Rappel: il a déjà réalisé douze longs-métrages. Non sans difficultés...

Je ne crois pas que, pour plaire, son travail ait été "occidentalisé". Toutefois, soyez assurés d'une chose: le récit du film est limpide. Franchement, il est inutile de tout savoir des (indéniables) exactions du régime iranien: le propos a, à mes yeux, une valeur universelle. Vous noterez d'ailleurs qu'aucune indication réelle ne nous est donnée sur le lieu de l'action ou même l'époque à laquelle elle se produit. J'imagine que c'est aussi un moyen de contourner la censure officielle. Quoi qu'il en soit, le long-métrage s'avère toujours d'une intelligence remarquable et a le très grand mérite de solliciter celle du spectateur. C'est pour sûr l'une des grandes oeuvres cinéma de cette année 2025 !

Un simple accident
Film (franco-luxo-)iranien de Jafar Panahi (2025)

Je n'ai pas expliqué le titre, mais vous saurez vite de quoi il retourne. Bien des choses dans cet excellent film reposent sur le plus pur hasard et les conséquences des choix que les personnages vont lui opposer. En exil ou pas, le cinéma iranien regorge décidément de pépites ! Parmi mes préférences personnelles, je citerais volontiers Les chats persans, Une séparation ou Un homme intègre - à titre d'exemples.

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Et, avant de passer à autre chose...

Vous trouverez d'autres films iraniens en index "Cinéma du monde". Autre option: lire les avis de Dasola, Pascale, Princécranoir et Strum.

samedi 15 novembre 2025

Au nom du frère

À 44 ans, on pourrait croire qu'il n'avait plus grand-chose à apprendre. Pourtant, à la toute fin du générique, on découvre qu'il dédie son film à son frère aîné August, "mon premier et meilleur professeur" (sic). Comme quoi ! Malgré deux Palmes d'or, trois Oscars et plusieurs prix internationaux, Francis Ford Coppola n'a rien effacé de ses origines...

Certains exégètes affirment que Rusty James, adaptation d'un roman pour ados, est aussi issu de ses souvenirs. Ma seule vraie certitude est qu'en cette année 1983, le maître en est à son deuxième film consacré aux bandes rivales de Tulsa, la capitale de l'Oklahoma. Quelques mois seulement après le précédent, ce nouvel opus étonne néanmoins parce qu'il est presque totalement tourné en noir et blanc. Ce n'est toutefois pas qu'un exercice de style. On s'attache très vite au personnage principal, Rusty, un jeune qui a abandonné ses études et, à l'image de son frère avant lui, se rêve comme un chef de gang. Un beau soir, il apprend qu'un autre petit caïd veut lui faire la peau. Résultat: il rameute ses copains en vue d'un règlement de comptes définitif, sous forme de bagarre générale, et ce au mépris du danger. Heureusement pour lui, alors qu'il est gravement blessé, son frangin jadis disparu sur sa moto revient soudain en ville et lui sauve la vie ! L'occasion de renouer les liens familiaux ? Je vous laisse le découvrir. Échec au box-office, le film est je crois mieux apprécié aujourd'hui...

En son temps, il reçut tout de même un assez bon accueil critique. Après quoi, il obtint deux prix au Festival de Saint-Sébastien 1984. Vous vous intéressez aux acteurs ? Il y aura là de quoi vous satisfaire. Il faut dire que notre ami Coppola a fait confiance à une ribambelle d'interprètes de talent: têtes d'affiche, Matt Dillon et Mickey Rourke côtoient ainsi Nicolas Cage, Diane Lane ou encore Dennis Hopper. Larry Fishburne, Tom Waits et Chris Penn ont chacun un petit rôle. Côté technique, j'ai littéralement été ébahi par la direction artistique de Dean Tavoularis et la superbe photographie de Stephen H. Burum. La baston du début, admirablement chorégraphiée, m'a impressionné. La bande-son du film est tout aussi remarquable, avec une musique de Stewart Copeland (la première au cinéma du batteur de Police). Décidément, le cinéma US des années 80 est d'une grande richesse. Ce n'est plus un scoop, certes, mais j'apprécie toutes les opportunités que je peux avoir de le vérifier - disons, un peu plus "tardivement". J'espère donc que j'en aurais donné l'envie à certain(e)s d'entre vous !

Rusty James
Film américain de Francis Ford Coppola (1983)

Il n'est assurément pas trop tard pour découvrir ce petit bijou noir ! Moins clinquant que Le parrain et financièrement moins gourmand qu'Apocalyse now, il est l'un des films plus modestes de son auteur comme L'idéaliste (sorti, quant à lui, en 1997). Ses bandes rivales peuvent rappeler celles de West Side story et de Shotgun stories. Soyez prudents: souvent, ces histoires-là se terminent dans le sang...

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Un petit complément ?

Je n'ai malheureusement pas trouvé de chronique sur mes blogs-amis. Cela dit, Ideyvonne avait rendu un bel hommage... à Dean Tavoularis.