jeudi 31 octobre 2019

Telle une fleur

Allez... enchaînons dès aujourd'hui avec un autre film venu d'Asie ! C'est dans le cadre d'une séance à la bibliothèque que j'ai eu l'occasion de découvrir (et d'apprécier) Rivière noire, au cours d'un petit cycle dédié au cinéma japonais classique. Le cadre: la période d'occupation militaire américaine au Japon, entre 1945 et 1952. Un temps oublié...

Il ne faut toutefois pas considérer le film comme un retour militante sur une page de l'histoire nippone. En toute objectivité, la caméra s'intéresse surtout à ce qui peut se passer dans un foyer-bidonville situé à proximité d'une base de l'US Army. Une riche propriétaire dépourvue de scrupules chasserait bien ses locataires impécunieux pour tirer un maximum de profit des terrains mis à leur disposition. C'est dans ce contexte qu'un étudiant s'installe sur place... et tombe sous le charme d'une jeune femme, admirée par tout le voisinage ! Problème: un chef mafieux a également jeté son dévolu sur la belle. Ce n'est bien évidemment pas la première fois que le septième art nous propose un tel trio. Cela étant dit, Rivière noire s'inscrit donc dans un contexte particulier, qui vient précisément renforcer l'intérêt que l'on peut porter au scénario en tant que spectateur occidental. C'est un film résolument moderne et assez typique de l'après-guerre...

Même si elle manque un peu de nuances parfois, sa couleur de drame social m'a fait penser à celles du néoréalisme italien. Le traitement formel s'écarte toutefois, à en croire certains critiques, des facilités esthétiques d'autres longs-métrages, y compris japonais, de l'époque. Je n'ai pas vraiment de point de vue sur la question: Rivière noire évite certes l'emphase des grandes fresques nippones que j'apprécie habituellement, mais ce n'est pas du tout un film plan-plan du point de vue de la mise en scène. Je l'ai trouvé d'une grande justesse ! Attention à ne pas commettre d'erreur: j'ai parlé de l'occupation américaine comme un élément de contexte, mais cette conséquence ultime de la seconde guerre mondiale reste largement hors-champ. Tant mieux, à vrai dire: elle laisse ainsi libre cours au récit principal. Et les acteurs ? Ineko Arima, Fumio Wanatabe et Tatsuya Nakadai sont très bons. Et les rôles secondaires sont tout à fait à la hauteur...

Rivière noire
Film japonais de Masaki Kobayashi (1957)

Une surprise ? Peut-être pas, mais une belle confirmation de l'intérêt d'apprécier le cinéma japonais dans toute sa complexité. On y trouve des échos à des choses que nous connaissons (et/ou avons connues). D'autres cinéastes nippons ont évoqué l'après-guerre de manière forte, comme Akira Kurosawa (Je ne regrette rien de ma jeunesse) ou Yasujiro Ozu (Voyage à Tokyo). Pour autant de perles à découvrir !

mercredi 30 octobre 2019

Horizons lointains

Un de plus ! Si mes calculs sont bons, mon film thaïlandais de lundi est le 21ème que je vous ai présenté cette année et qui n'est pas issu de la filmographie européenne ou des États-Unis. Avant de parler d'exotisme, je me suis posé la question de l'intérêt du public français pour ces longs-métrages. Et voici donc une (petite) analyse chiffrée...

Un constat: quand les Gaulois cinéphiles font la queue, ce n'est pas pour voir ces productions venues de pays "inattendus". Si l'on écarte les nombreux films européens et étasuniens, le top ten du box-office français depuis 2007 - l'année d'ouverture de ce blog ! - s'établit ainsi:

1. Mad Max : Fury Road / George Miller / 2015
Australie - 2.360.568 entrées

2. Mommy / Xavier Dolan / 2014
Canada - 1.194.684 entrées

3. Une séparation / Asghar Farhadi / 2011
Iran - 976.191 entrées

4. Arrietty, le petit monde... / Hiromasa Yonebayashi / 2011
Japon - 934.073 entrées

5. Ponyo sur la falaise / Hayao Miyazaki / 2009
Japon - 906.455 entrées

6. Une affaire de famille / Hirokazu Kore-eda / 2018
Japon - 778.673 entrées

7. Le vent se lève / Hayao Miyazaki / 2014
Japon - 776.769 entrées

8. La cité interdite / Zhang Yimou / 2007
Chine - 772.469 entrées

9. Albator, corsaire de l'espace / Shinji Aramaki / 2013
Japon - 724.788 entrées

10. Snowpiercer, le Transperceneige / Bong Joon-ho / 2013
Corée du Sud - 678.049 entrées

Je note la présence de quatre films d'animation, aux 4ème, 5ème, 7ème et 9ème rangs, ainsi que d'un long-métrage adapté d'une bande dessinée (française, elle, pour le coup !) à la 10ème et ultime place. Le classement bougera en fin d'année: après la Palme d'or, le Parasite du Coréen Bong Joon-ho va en effet s'installer en nouveau numéro 2. Le réalisateur viendra du coup à bout de son record de fréquentation !

Pour ces sorties encore récentes, les statistiques restent modestes. Le podium des films "exotiques" les plus vus en France n'a plus évolué depuis... 1987 ! Avec 5.950.061 entrées comptabilisées, le champion est toujours Les dieux sont tombés sur la tête, une comédie arrivée du Bostwana en 1983. Crocodile Dundee et ses 5.887.982 tickets échouent près de la première place, mais ont le record australien. Enfin, c'est à Hong-Kong qu'il faut chercher la médaille de bronze symbolique: détaché, Bruce Lee était quand même parvenu, en 1974, à réunir 4.002.004 curieux pour se confronter à La fureur du dragon. Cette année 2019, trois films américains et une production française se sont d'ores et déjà mieux vendus que ces trois anciens succès. Cela ne suffira pas à atténuer mon goût pour le cinéma international !

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Deux petites précisions pour finir...
1) Par souci de cohérence, j'ai retenu les années de sortie en France. 2) Je suis désormais à l'écoute de vos observations et commentaires.

lundi 28 octobre 2019

Un dialogue silencieux

Je n'avais vu jusqu'alors qu'un seul film thaïlandais. Je me souviens d'une expérience marquante face à une Palme d'or souvent décriée. C'était il y a un peu plus de neuf ans. Manta ray est donc le second que j'ai découvert, non plus en solo, mais grâce à mon association. Avant même les images, les sons de la jungle m'ont déjà transporté...

Le nom du premier personnage n'est jamais dévoilé. Il est pêcheur dans un petit village de la côte. Un jour, dans une mangrove proche de sa maison, il découvre un homme blessé, presque agonisant. Costaud, il parvient à le redresser et à le transporter jusqu'à chez lui. Après l'avoir soigné, il continue de l'héberger et accepte sans mot dire la présence constante d'un compagnon... muet ! Autant que je l'écrive tout de suite: d'emblée, Manta ray est nimbé d'une aura de mystère. Avoir quelques notions sur l'actualité de la Thaïlande et la Birmanie voisine n'est pas forcément inutile. On pourra constater que le film est dédié aux Rohingyas, ce groupe ethnique nettement discriminé dans cette région du monde, du fait, entre autres, de sa religion musulmane. Je laisse à d'autres le soin de vous détailler la situation géopolitique du moment, mais vous y piocherez peut-être des indices pour une meilleure compréhension du long-métrage. À vous de voir...

Citation: "Toutes les lectures sont possibles, d'un manifeste politique sur le sort des Rohingyas à un mélo moite queer". Cette critique piochée sur Internet n'est pas inintéressante: il est vrai que la nature de la relation entre les deux hommes à l'écran demeure incertaine. Pour un peu, je serais même tenté de parler de suspense ! Il est clair qu'une tension parcourt le métrage (ou au moins sa première partie). N'attendez surtout pas d'explications précises: Manta ray est un film peu bavard et qui laisse du coup une large place aux interprétations personnelles. Dans les non-dits, il y a sûrement également le symbole fort de l'oppression, traduite par le silence imposé à tout un peuple. Esthétiquement, la proposition est assez captivante, mais je dois admettre qu'il faut parvenir à se laisser embarquer par l'atmosphère du film, à la limite de l'onirisme. Il n'est pas certain que le spectateur occidental puisse parfaitement tout saisir de ce qu'il voit et entend. Peu importe: qui s'immergera dans l'inconnu s'offrira un beau voyage. Et, selon moi, c'est l'une des vraies bonnes raisons d'aimer le cinéma !

Manta ray
Film thaïlandais de Phuttiphong Aroonpheng (2019)

Directeur de la photo réputé, le réalisateur signe un premier long sensoriel, à la fois très contemporain, ésotérique et donc envoûtant. J'ai vite évoqué Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures dans mon introduction: il est encore plus abscons. Cependant, découvrir du cinéma asiatique qui sort des sentiers battus s'avère parfois fascinant. Autre exemple: Dakini, un film du Bouthan !

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Incroyable ! J'ai trouvé un autre avis...
J'avais repéré le logo du Festival d'Annonay sur l'affiche du film. Pascale, que je savais fidèle au rendez-vous, n'est pas passée à côté !

vendredi 25 octobre 2019

New York, New York

Aujourd'hui, pour rebondir après mon film d'avant-hier, j'avais envie d'écrire quelque chose au sujet de la pluie au cinéma. Une scène marquante de Parasite aurait constitué une excellente introduction ! Seulement, le sujet est "pointu": je garde l'idée pour un autre jour. Après deux films à New York, je vais en revenir à la ville elle-même...

Le cinéma l'aurait-il déjà explorée sous toutes ses coutures ? Pas sûr. En tout cas, c'est certain: il l'avait déjà montrée sous la pluie. À titre d'exemple, je retiens notamment la scène finale du superbe Diamants sur canapé, autre fameux mélange de romantisme et de mélancolie. C'est avec ce film que j'ai découvert Audrey Hepburn, installée depuis au panthéon de mes actrices préférées de l'âge d'or hollywoodien. Quelle stupéfaction le jour où j'ai appris qu'elle était britannique ! D'après moi, dans ce long-métrage de Blake Edwards, son personnage d'Américaine quelque peu éthérée est on ne peut plus convaincant. Mieux: il me paraît tout à fait à sa place dans le New York des sixties.

Un peu plus tôt, le septième art offrait à la Grosse Pomme un visage particulièrement frappant: celui d'une métropole de taille démesurée. Si Le monde, la chair et le diable m'a fait forte impression, au-delà même de son titre énigmatique, c'est surtout parce qu'il a osé vider toute la cité de sa population. Suivre l'errance de Harry Belafonte dans ces rues désertes procure à tout le moins un choc esthétique. C'est au petit matin que ces plans ont été tournés, il me semble. L'intensité du noir et blanc en ajoute encore aux fortes émotions procurées par le scénario, en prouvant que la ville a mille potentiels. Et qu'elle pourrait presque se passer d'être habitée pour les exprimer !

Travis Bickle, lui, ne regarde pas tous les New-yorkais du même oeil. De retour du Vietnam, le héros maudit de Taxi driver se réinvente comme possible nettoyeur des lieux sombres, gangrénés par le crime organisé. Si pathétique soit-il, il arrive alors à nous rendre solidaires d'une cause qui semblait perdue d'avance, le temps de sauver une ado rebelle (et insouciante) des griffes d'un proxénète. Martin Scorsese n'est pas le dernier à nous faire visiter les recoins glauques du Bronx ou de Harlem. J'aime qu'il puisse aussi montrer les quartiers lumineux et les plus fréquentés... ou au moins leurs reflets déformés au travers d'un pare-brise trempé par la pluie. Remarquables images de cinéma !

Visiter New York, aujourd'hui comme hier, c'est à l'évidence se frotter aux légendes et aux symboles les plus forts de l'Amérique éternelle. Bien qu'anéanties, les tours jumelles du World Trade Center survivent dans un nombre incalculable de films. Certains réalisateurs modernes n'ont pas hésité à s'attaquer à d'autres monuments emblématiques pour donner de véritables frissons aux amateurs du cinéma de genre. Matt Reeves et Cloverfield, par exemple, nous montrent une Statue de la Liberté décapitée, bien avant d'expliquer la cause du désastre. C'est une image qui s'exporte d'autant plus facilement qu'elle repose sur l'exploitation de l'un des sites les plus représentatifs de Big Apple.

Je tiens à rassurer les anxieux: si certains prennent plaisir à l'abimer voire à la détruire, d'autres s'ingénient à utiliser l'image de New York de manière positive. Même si je ne la connais - encore - qu'au travers du cinéma, je trouve logique que les artistes puissent la considérer comme l'écrin de comédies romantiques et autres feel good movies. Exemple parmi d'autres: New York melody. On est bien loin d'un chef d'oeuvre, mais, si j'ai aimé suivre Keira Knightley et Mark Ruffalo dans leurs pérégrinations musico-sentimentales, c'est bien sûr aussi parce que la ville est leur terrain de jeu. Une visite guidée sympa ! Évidemment, je doute fort que la réalité urbaine soit aussi glamour...

Qu'à cela ne tienne ! Je reste persuadé qu'avec le cinéma, New York saura demeurer une destination de rêve, au moins pour les Français. Après tout, depuis que Marilyn Monroe a fait s'envoler ses froufrous au souffle d'une bouche de métro, les fantasmes sont de mise. Je dois dire que cette photo du tournage de Sept ans de réflexion m'amuse. Et pourquoi cela ? Parce que, si j'ai bonne mémoire, la scène du film en montre peu. Et parce que le cliché ne trahit aucun des admirateurs de la star présents ce jour-là dans l'espoir d'admirer ses gambettes ! Faut-il conclure que la ville a gagné la partie ? Je vous laisse en juger. La beauté du cinéma, n'est-ce pas avant tout une question de regard ?

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Je ne demande qu'à ouvrir le débat...
Sachez-le: si New York au cinéma vous inspire, je suis à votre écoute. Une autre ville vous intéresse davantage ? Pas de souci: dites-le moi !

mercredi 23 octobre 2019

Retour à Big Apple

Soyez prévenus: je n'ai pas envie de remonter le fil de ses démêlés judiciaires pour savoir si je peux continuer d'apprécier Woody Allen. Son tout dernier film - Un jour de pluie à New York - n'est pas sorti dans les salles américaines. Je suis bien content d'avoir pu le voir ici et souhaite n'en parler avec vous qu'en termes cinématographiques...

Un constat: plusieurs des critiques positives que j'ai lues à son égard affirment que c'est le meilleur Woody depuis longtemps. De retour chez lui, dans la Grosse Pomme, Allen évolue évidemment en terrain familier et reste fidèle à lui-même: il nous offre une énième variation des jeux de l'amour et du hasard. Prénommé Gatsby, un jeune homme de bonne famille se réjouit de pouvoir accompagner sa petite amie tout un week-end à Manhattan. Apprentie critique dans les colonnes d'un journal universitaire, la jolie demoiselle a décroché une interview avec un réalisateur de cinéma qu'elle admire tout particulièrement. Or, ce dernier n'est pas avare de confidences et raconte à Ashleigh qu'il traverse une grave crise existentielle. D'où une conséquence prévisible: l'admiratrice s'émeut et ne veut plus abandonner son idole à son triste sort. La suite ? Hum... Un jour de pluie à New York saura mieux vous la raconter que moi. Je vous dirai simplement qu'elle est tantôt rigolote, tantôt (un peu) mélancolique. L'ensemble se suit avec bonheur. Même dans ce qui se révèle cousu de fil blanc...

Serait-ce du cinéma en pantoufles pour Woody Allen ? Je ne crois pas. Mention spéciale pour les p'tits jeunes de la distribution: Elle Fanning est tordante et Timothée Chalamet impeccable ! À 21 et 23 ans ! Autre chose: il se peut que vous soyez surpris par un rebondissement lié à une scène bien précise, avec la mère du personnage principal. Cela dit, je pointerai quand même un défaut du film: il me semble parfois que, petit à petit, il casse l'équilibre du duo Ashleigh / Gatsby pour ne plus faire évoluer que le second nommé. Je n'y vois certes aucun machisme, mais j'ai trouvé que la fille ne sortait pas grandie de ces tribulations urbaines. J'insiste d'ailleurs sur cet aspect citadin du long-métrage: Un jour de pluie à New York témoigne d'une ironie salvatrice sur la grande ville, mais il lui arrive aussi de faire passer les "ruraux" - en l'espèce les habitants de l'Arizona - pour des ploucs. C'est une affaire de dosage, je crois: quelques aphorismes bien sentis m'ont amusé, d'autres m'ont paru trop simplistes pour être honnêtes. Je ne retiendrai que le meilleur: mon indéniable plaisir devant l'écran.

Un jour de pluie à New York
Film américain de Woody Allen (2019)

Pas le meilleur opus du réalisateur, mais un bilan plus qu'honorable. Woody Allen, c'est vraiment une signature: son style très particulier reste absolument inimitable. Du coup, j'ai toujours du mal à trouver quelques autres films qui pourraient alors soutenir la comparaison ! Le mieux à faire est peut-être de revoir les classiques du maître binoclard, en commençant évidemment par LA référence: Manhattan.

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Je suis sûr que vous trouverez facilement d'autres avis sur le Web. Parmi eux, ma suggestion du jour: ceux de Pascale, Dasola et Strum !

lundi 21 octobre 2019

Alors il danse

Je souhaite vous parler ce lundi d'un film que j'ai vu un dimanche soir. J'ai hésité. En fait, je me suis demandé s'il n'était pas préférable d'attendre le week-end pour revenir sur La fièvre du samedi soir. Bon... à part pour la blague, ça n'avait pas de sens de tergiverser davantage ! Sans plus attendre, je vous invite dès lors à me suivre...

Il est certes probable que vous ayez au moins entendu parler du film. De sa musique, aussi: c'est en fait par sa bande originale, composée par les fameux Bee Gees, que le long-métrage a su sortir du lot. Stayin' alive, More than a woman, How deep is your love, You should be dancing... des classiques du disco qui ont su traverser les âges. Au-delà de ces tubes, je savais que j'allais retrouver John Travolta dans le rôle principal, mais sans la moindre idée de ce qui allait m'être raconté: c'est donc par pure curiosité que je m'y suis intéressé. Terrain familier dans un premier temps: les scènes de boîte de nuit que j'avais anticipées sont bel et bien présentes (et nombreuses). Plus de quarante ans plus tard, c'est vintage, mais c'est aussi sympa pour les oreilles... à condition bien entendu d'être amateur du genre !

Et le reste, alors ? J'ai très envie de vous dire que, derrière son titre enthousiaste, La fièvre du samedi soir cache vraiment bien son jeu. En effet, si son héros est un danseur accompli, il est surtout un jeune un peu paumé: 19 ans, un petit boulot (mal payé) dans une droguerie, une famille italo-américaine pauvre et même pas une petite copine régulière pour lui remonter le moral ! Vous vous imaginez peut-être que le scénario nous invite à nous apitoyer ? Euh... pas franchement. Au départ, ce Tony Manero m'est à vrai dire apparu comme un garçon immature et le chef - narcissique - d'une bande de post-ados crétins. La manière dont ses copains et lui se comportent avec les femmes risque bien de paraître détestable à nombre d'entre vous (#MeToo). C'est en comprenant que Tony dissimule sa faiblesse sous son attitude de bad boy que j'ai finalement ressenti un peu d'affection pour lui. Même si elle est assez peu crédible, j'ai été surpris par son évolution. Oui, tout bien considéré, je peux dire que le film aura su m'étonner...

La fièvre du samedi soir
Film américain de John Badham (1977)

Ce n'est pas un chef d'oeuvre, mais sans doute un film générationnel et, oui, potentiellement culte pour les filles et garçons des seventies. C'est bien moins cul-cul la praline que Dirty dancing, en tout cas ! Dans le ton, je trouve que le récit se rapproche de celui de Rocky. Après, quitte à voir John Travolta se déhancher, je préfère Grease. Sinon, je suggère aussi Happiness therapy, mais c'est autre chose...

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Pour finir, pas de lien, mais...

J'ai une anecdote savoureuse: le scénario du film s'inspire d'un article de presse paru en 1975, expliquant comment des jeunes de New York devenaient princes des dancefloors pour oublier leur misère sociale. Nick Cohn, le journaliste, admit un beau jour qu'il avait tout inventé !

samedi 19 octobre 2019

Homo cinematicus

C'est un nom qui me relie immédiatement à l'enfance: en parcourant sa filmographie, je vois que Jean-Jacques Annaud n'a jamais attendu plus de cinq ans entre deux films - et ce depuis son premier en 1976 ! J'avais envie de remonter avec lui aux années 80 et de (re)voir ainsi l'une de ses réalisations parmi les plus anciennes: La guerre du feu...

Avant d'échouer dans le - relatif - anonymat de la large grille cinéma de mon opérateur VOD, cette grosse production franco-canadienne connut mieux qu'un succès d'estime: pour m'en tenir aux chiffres français, elle attira plus de 4,9 millions de spectateurs en salles. Gavé d'effets spéciaux, le public d'aujourd'hui l'a peut-être un peu oubliée. L'histoire, tirée d'un roman, nous ramène aux temps préhistoriques. Nous sommes revenus il y a 80.000 ans: c'est l'occasion d'observer comment nos lointains ancêtres vivaient et comment diverses tribus s'affrontaient, donc, pour le contrôle du feu. Le principe du scénario est en effet que les hommes ont compris son utilité pour améliorer leur nourriture ou lutter contre le froid, mais qu'ils ne savent pas comment en allumer un. Bon... je laisse à d'autres le soin de relever l'ensemble des grosses libertés que le récit prend avec la réalité préhistorique. Moi ? Je m'en fiche un peu, à vrai dire. En mesurant toutes les faiblesses du film, je l'ai revu avec joie pour sa dimension humaniste. J'y vois même, pour être honnête, une forme de poésie...

Y serez-vous sensibles aussi ? Je l'espère, oui. La guerre du feu porte objectivement quelques marques du temps passé depuis sa sortie. Même soignée, la direction artistique ne paraît plus aussi moderne qu'elle ne pouvait l'être à l'époque. Ses aspects de "vieux carton-pâte" pourraient vous dérouter lors de la découverte des premières scènes. Point important: aucun des personnages ne parle une langue actuelle. Au contraire, tous s'expriment dans un mélange (totalement inventé) d'anglais, de français, de portugais et d'italien. Incompréhensible ! C'est précisément pour moi ce qui contribue au charme du film: il fait semblant, c'est vrai, mais il nous sort vraiment de notre quotidien. Mine de rien, tout cela repose également sur de solides prestations d'acteur, pour les dialogues, donc, mais aussi pour toute la gestuelle. Sous les couches de maquillage, le seul visage que j'ai pu reconnaître est celui de l'Américain Ron Perlman, qui débutait alors au cinéma. Chercher à identifier les autres ? Je n'ai pas vraiment jugé cela utile. Aurais-je retrouvé mon âme d'enfant ? Je me suis laissé embarquer...

La guerre du feu
Film franco-canadien de Jean-Jacques Annaud (1981)

Bon bilan: fruit d'un tournage plutôt chaotique réparti sur des sites écossais, canadiens et kényans, le long-métrage reste assez fascinant pour qui veut bien le regarder sans le comparer à ceux d'aujourd'hui. D'ailleurs, peu de films ont évoqué la préhistoire: diffusé en salles l'année dernière, Alpha n'y avait pas vraiment rencontré son public. On peut privilégier l'option animation: L'âge de glace ou Les Croods !

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N'oublions pas les premiers lauriers...

Lors de la cérémonie des César 1982, La guerre du feu obtint celui du meilleur film et Jean-Jacques Annaud celui du meilleur réalisateur. L'année suivante, aux Oscars, il fut récompensé pour les maquillages.

Y a-t-il d'autres amateurs, dans la salle ?
Oui: au moins Ideyvonne qui, comme d'habitude, a publié des photos.

jeudi 17 octobre 2019

Amour et au-delà

Vous le savez: j'aime le cinéma français et j'aime les premiers films. Aujourd'hui, un premier film français: Vif-argent. Ce titre mystérieux ne m'a pas permis d'anticiper sur ce que j'allais découvrir en suivant cette proposition de mon association. J'ai envie de dire tant mieux ! C'est plaisant, parfois, de se plonger dans une histoire sans a priori...

Juste est un drôle de garçon. Comme le dit si ouvertement le pitch officiel du film, il erre dans Paris et y rencontre diverses personnes qu'il semble être le seul à voir. Il recueille alors l'un de leurs souvenirs et semble les conduire dans un au-delà idéal pour chacune d'elles. Finalement, un beau jour, Juste croise le chemin d'Agathe, qui croit reconnaître en lui un jeune homme qu'elle a (trop) brièvement aimé. Sur cette base, Vif-argent nous raconte alors une histoire d'amour atypique, que j'ai trouvée plutôt belle dans sa singularité. Il paraît que le réalisateur souhaitait également faire un portrait de la ville. Ayant aussitôt reconnu les Buttes Chaumont, je dis que c'est réussi...

Stéphane Batut a dépassé la cinquantaine et il connaît bien le cinéma pour avoir souvent été directeur de casting. Il a fait un choix éclairé en retenant Judith Chemla pour le premier rôle féminin et en plaçant le premier personnage masculin entre les mains d'un acteur débutant tout à fait convaincant, Timothée Robart. Je n'ai reconnu personne parmi les quelques comédiens "secondaires"... sauf Jacques Nolot. Vif-argent concentre son propos autour de son duo-vedette. Nimbé d'une aura fantastique, c'est plutôt par la forme que le long-métrage parvient à se distinguer, en utilisant notamment des couleurs vives au coeur de la nuit ou une musique quasi-lyrique lors des scènes-clé. Parfois, il faut dire que ces effets sont très appuyés, au risque donc de tomber dans l'excès. Très honnêtement, cela ne m'a pas dérangé...

Vif-argent
Film français de Stéphane Batut (2019)

Une sortie confidentielle, mais un long-métrage vraiment attachant. Je vous le recommande notamment si les atmosphères fantomatiques vous intéressent. Un tout autre horizon: j'ai retrouvé dans ce film quelques-unes des idées de Vers l'autre rive, la belle réalisation apaisante et intimiste du Japonais Kiyoshi Kurosawa. Des similitudes aussi avec un grand et beau classique: L'aventure de Madame Muir !

lundi 14 octobre 2019

Pendant la guerre

Il existe des films dont le seul titre résonne comme une invitation. Les contes de la lune vague après la pluie est peut-être le plus beau que je connaisse. Malgré cet a priori favorable, j'ai longtemps tourné autour du long-métrage (et alors même qu'on m'avait prêté le DVD !). Finalement, je l'ai vu en séance du samedi matin, à la bibliothèque...

La caméra nous emmène au Japon, au cours de l'une des guerres civiles de l'époque féodale. Le potier Genjuro voit le conflit armé comme une menace, mais aussi comme une opportunité: il s'imagine qu'il lui sera possible de vendre ses créations à un meilleur prix. Tobei, paysan désoeuvré, pense quant à lui qu'il deviendra samouraï. Les deux villageois laisseront-ils leur femme de côté pour tenter l'aventure ? C'est ce qui semble se produire, avant que la rude réalité des temps ne les rattrape finalement. Il n'est dès lors pas incohérent d'envisager le film comme un manifeste féministe avant l'heure ! Encore faudra-t-il souligner, à mon avis, qu'il est bien plus que cela...

Les contes de la lune vague après la pluie peut aussi être perçu comme une fresque historique. Le scénario ne donne aucun détail véritable sur la période abordée, mais je suppose que les Japonais n'ont pas nécessairement besoin qu'on leur fasse la leçon sur ce point. Pour le public occidental, il en va autrement, mais je vous rassure quand même: si vous partez du principe que la société est clivée entre classes dominantes et pauvres gens, vous saurez l'essentiel. C'est ensuite une oeuvre poétique, à la lisière même du fantastique, que vous serez amenés à découvrir. Quelques notions de culture nippone peuvent être utiles. Elles ne sauraient être indispensables...

Les images sont bien assez explicites ! D'aucuns ont comparé ce style avec celui des expressionnistes allemands: cela me paraît pertinent. J'ajoute donc que le noir et blanc apporte beaucoup à l'aspect onirique de certaines scènes cruciales pour le développement de l'intrigue. Constat d'évidence: ce sont les deux principaux personnages féminins qui permettent au film d'avancer. Je suis fasciné par le talent pictural qui s'exprime ici et vient encore magnifier le jeu des comédien(ne)s. Bon... je ne me suis pas penché sur l'étendue des moyens techniques mis à la disposition du réalisateur, mais c'est du très beau travail ! Sachez qu'il fut récompensé d'un Lion d'argent à la Mostra de Venise...

La manière dont le film s'achève est sans doute largement prévisible. Pourtant, jusqu'au bout, Les contes de la lune vague après la pluie permet d'admirer quelques-uns des plus beaux plans du cinéma japonais classique (voire du cinéma "tout court"). Je peux admettre qu'il m'a fallu quelques instants pour me réhabituer à ces thématiques et à ce rythme asiatiques, mais quel bonheur, au final ! Il est clair que ce genre de productions n'a rien à envier à celles des maîtres français ou hollywoodiens. Surprise: l'histoire qui nous est racontée ici s'inspire - entre autres - de deux nouvelles de Guy de Maupassant. Avis aux curieux: en mars 2015, elle est devenue... un livret d'opéra !

Les contes de la lune vague après la pluie
Film japonais de Kenji Mizoguchi (1953)

Une oeuvre de cinéma comme un poème (tragique). Je suis convaincu que le film a déjà des admirateurs/trices parmi mes lecteurs/trices. J'espère motiver les autres à apprécier le cinéma de Kenji Mizoguchi pour sa beauté (voir, en couleurs, L'impératrice Yang Kwei Fei). J'ai encore tant à découvrir moi-même ! Mon index "cinéma du monde" vous placera sur la piste d'autres maîtres: Ozu, Kurosawa, Naruse... 

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Si vous souhaitez lire d'autres avis...

Vous trouverez votre bonheur chez Strum ou sur "L'oeil sur l'écran".

samedi 12 octobre 2019

Le petit Marcel

Je vous assure que ce n'était pas calculé: je dois et vais enchaîner aujourd'hui avec un autre film où la relation père/fils est centrale. Loin des étoiles, La gloire de mon père nous ramène sur une Terre familière et lumineuse, en retenant la Provence pour terrain de jeu. L'idée étant de revenir sur les souvenirs d'enfance de Marcel Pagnol...

Le film adapte (joliment) le roman éponyme du célèbre académicien. Parce qu'il s'appuie sur une voix off, il donne à entendre sa langue dans toutes ses dimensions, simple et géniale à la fois. Le récit développe mille et une anecdotes autour des grandes vacances estivales d'un petit Marseillais et de sa famille, aux environs de 1900. Tout est toujours fluide et bienveillant. La seule source d'inquiétude pour le jeune Marcel ? Savoir s'il pourra accompagner les hommes dans leurs parties de chasse et, accessoirement, revenir humer l'air des collines l'été suivant. Je m'offrirais bien La gloire de mon père en bouquin, oui ! J'ai tout lieu de croire que l'adaptation lui est fidèle.

Partant de cette quasi-certitude, je me dis que le long-métrage plaira principalement à celles et ceux qui aiment le récit littéraire originel. Est-ce réducteur ? Possible. Il me semble que La gloire de mon père "vise" un public familial - ou en tout cas qu'il peut être apprécié collectivement, avec plusieurs générations réunies devant l'écran. Pour ma part, j'ai eu la chance de le redécouvrir lors d'une séance organisée en plein air et en compagnie de nombreux enfants (sages). Dans ces conditions, le cinéma a quelque chose de magique, a fortiori pour un film qui chante si bien les innombrables vertus de la nature. En réalité, je ne suis pas encore tout à fait redescendu du Garlaban...

La gloire de mon père
Film français d'Yves Robert (1990)

Depuis La guerre des boutons au moins, on savait le talent naturel du cinéaste pour les chroniques enfantines. J'ajoute que le film d'aujourd'hui se tient bien seul, même s'il est intéressant de le voir avant sa suite immédiate (Le château de ma mère). Mes souvenirs du reste (le diptyque Le temps des amours / Le temps des secrets) sont moins vivaces. Mais je compte revoir Marius, Fanny et César...

mercredi 9 octobre 2019

Vers les étoiles

Vous avez entendu ? Brad Pitt souhaiterait un peu freiner sa carrière d'acteur pour se consacrer plus régulièrement à la production de films. Pour Ad Astra, il a cumulé les deux postes: acteur et (co-)producteur. Le résultat: un film de science-fiction qui n'est pas un blockbuster. Avec, toutefois, quelques-uns des plus beaux plans vus cette année...

Roy McBride est ingénieur et astronaute à la NASA. C'est un homme solitaire: sa femme l'a quitté, visiblement lassée de son obsession pour son travail. Quand des rayons cosmiques venus de Neptune menacent l'équilibre de la vie sur Terre, c'est Roy que les autorités missionnent pour aller vérifier ce qui se passe là-haut. Une décision dictée aussi par le fait que son père, Clifford McBride, a disparu jadis lors d'une première campagne d'exploration aux confins du système solaire... et qu'il pourrait bien être à l'origine de la situation actuelle !

Un conseil d'ami à ce stade: ne craignez rien quant aux aspects scientifiques de la conquête spatiale trop difficiles à appréhender ! C'est inutile de se compliquer la vie devant Ad Astra: cette histoire s'apprécie également (et surtout) à hauteur d'homme. Le long voyage entrepris par Roy McBride est aussi une introspection: une voix off viendra vous décrire ses états d'âme tout au long de son grand périple vers l'inconnu. C'est là, à l'évidence, que réside le vrai sujet du film. Les quelques scènes d'action s'en écartent, mais elles ne durent pas...

C'était déjà perceptible dans ses films précédents: James Gray s'interroge sur (je cite) "comment l'être humain peut être à la hauteur et se sortir de ses combats intérieurs". De fait, Ad Astra s'inscrit dans un genre nouveau, mais le cinéaste revendique cette diversité d'approches, y voyant même (je cite encore) "l'essence du cinéma". Pourquoi lui donnerais-je tort ? Je le trouve au contraire audacieux d'inventer d'autres façons de faire, au risque de dérouter une partie de son public. À l'heure où Hollywood peine à se renouveler et préfère multiplier les copiés-collés, un tel film s'avère vraiment réjouissant. J'ai lu très peu d'avis modérés: la plupart de ceux que j'ai parcourus avant de rédiger cette chronique étaient fort élogieux ou dépités. Logique, je crois: la nature "psychologisante" de ce récit nous pousse à nous pencher sur nos propres ressentis. Pour ma part, j'éprouve quelque difficulté à avoir une position tranchée à l'égard d'un scénario complexe, mais je sais que les images et la musique m'ont emporté. Conditions optimales: dans le noir et sur le plus grand écran possible !

Ad Astra
Film américain de James Gray (2019)

Quatre étoiles pleines: le film "vieillit" bien dans mon esprit. Je crois qu'il faut juste lui accorder un peu de temps pour produire ses effets. À noter qu'il aborde la question de la relation père/fils: un vaste sujet déjà évoqué dans The lost city of Z, le précédent film de James Gray. Côté SF, on relèvera des similitudes avec 2001, Interstellar, Gravity ou Solaris ! Et on peut envisager un diptyque avec Apocalypse now...

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D'autres avis avant de prendre la fusée ?
Une fois encore, c'est l'amie Pascale qui a été la première à décoller. Strum et Princécranoir se sont alors très vite placés dans son orbite. Et, après réflexion, Dasola et Eeguab ont eux aussi écrit sur le sujet !

lundi 7 octobre 2019

La révélation rock

On dit de la musique qu'elle a le pouvoir d'adoucir les moeurs. Peut-elle aussi changer une vie ? C'est en tout cas le premier postulat de Music of my life, film (britannique) débarqué sur les écrans français le mois dernier. Un feel good movie, comme on dit. Allergiques aux bons sentiments, vous pouvez passer votre chemin...

1987. Dans une petite ville d'Angleterre, Javed est un adolescent timide. La pire des choses qui lui sont arrivées est en réalité d'être né dans une famille pakistanaise, la première installée dans le quartier ! Crise économique oblige, son père doit en outre quitter l'entreprise qui faisait vivre les siens: Javed, sa mère, sa soeur et une cousine. C'est dans ce contexte angoissant - et grâce à un copain du lycée - que le jeune homme découvre alors la musique de Bruce Springsteen. Révélation... ou plutôt confirmation: il sera poète. Je vous laisse découvrir seuls comment cette envie va évoluer, en comprenant bien que le film ne se limite pas à une évocation naïve de la vie d'un ado...

Aussi optimiste soit-il, Music of my life respecte son contexte historique et rappelle qu'il n'était pas facile de vivre dans l'Angleterre de Margaret Thatcher, a fortiori comme fils d'une famille immigrée. Objectivement, si le film a un défaut, il faudrait plutôt le chercher dans une certaine répétitivité. Le mieux est de ne pas attendre trop d'une production somme toute ordinaire et franchement balisée. Reste le plaisir de retrouver les eighties, une période plus insouciante peut-être que celle que nous traversons aujourd'hui. Ce contexte positif joue beaucoup pour le plaisir que l'on a - ou peut avoir - aussi à réentendre les chansons du Boss... et surtout à relire leurs paroles porteuses d'un message fort, très proche bien sûr de celui du film. Sans doute que tout cela semble trop beau (ou naïf) pour être vrai. Pourtant, Javed existe vraiment et son histoire est digne d'intérêt. Pourquoi ne pas le dire ? C'est bien qu'elle ait pu être portée à l'écran !

Music of my life
Film britannique de Gurinder Chadha (2019)

Le titre en VO, c'est Blinded by the light, piqué à Bruce Springsteen. Malgré cette déplorable "traduction", le long-métrage met en valeur les tubes de l'enfant du New Jersey... et c'est donc un vrai plaisir. Pendant la projection, j'ai souvent pensé à Yesterday. Il est bon d'oser le pas de côté pour aborder la carrière musicale des références du rock. Oui, Bohemian Rhapsody était sympa, mais trop linéaire...

samedi 5 octobre 2019

Une femme en danger

La veuve d'un truand doit témoigner devant un tribunal américain. Parce que d'autres criminels entendent la réduire au silence, la justice charge deux flics de l'escorter lors d'un voyage en train, jusqu'au lieu du procès. Pan ! L'un des deux officiers est abattu. Il s'agit désormais pour l'autre d'opérer en solo pour mener à bien la périlleuse mission...

C'est sans nul doute à Hollywood que l'on a inventé le film noir. L'énigme du Chicago Express en est un bon, d'une durée suffisante pour son propos, mais relativement courte: moins d'une heure vingt. C'est une qualité: compte tenu de la grande simplicité des enjeux posés par le scénario, il ne me semblait pas nécessaire de s'étendre davantage. Tel quel, le film est joliment ficelé et on ne s'ennuie pas. Presque tout a été tourné en studio, mais la qualité du travail accompli fait qu'on s'en fiche: ce huis-clos ferroviaire est plaisant. Notez toutefois que le récit ne reste pas sagement sur les rails définis au départ: il s'en détourne un peu à la fin et c'est une bonne surprise !

Des répétitions payées par le réalisateur et treize jours de tournage auront suffi pour aboutir à un résultat plutôt probant. Une anecdote étonnante et amusante: Howard Hughes, le tout-puissant producteur de cette petite perle, mit deux longues années à accepter qu'elle sorte dans les salles ! Il s'était en fait rendu compte qu'aucune grande star n'était présente au casting, ce qui le perturba si fort qu'il envisagea de commander un remake avec le duo Jane Russell / Robert Mitchum. Rassurez-vous: je suis sûr que cela n'aurait rien changé d'important. Tel qu'il a finalement été diffusé, L'énigme du Chicago Express suffit pour passer un bon moment. Oui, j'ai aimé ce noir et blanc classique. Quelques jolies trouvailles de mise en scène assurent un spectacle très décent. Et à ne pas forcément réserver aux amateurs du genre...

L'énigme du Chicago Express
Film américain de Richard Fleischer (1952)

Mention bien pour ce opus "de série", mais tout à fait respectable. Après l'avoir vu, j'ai pensé évoquer d'autres longs-métrages consacrés aux trains, mais je n'ai pas réussi à en trouver d'autres comparables. Je me contenterai donc aujourd'hui de vous rappeler qu'il existe d'autres films de cohabitation forcée flics et truands: les Clintophiles reverront par exemple L'épreuve de force avec notre cher Eastwood !

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Vous voudriez aller plus loin ?
Je vous recommande la lecture de la chronique de "L'oeil sur l'écran". Vincent, lui aussi, cite le film, mais il évoque surtout son réalisateur.

mercredi 2 octobre 2019

Mauvais garçon

Moll s'ennuie à la fête d'anniversaire que l'on a organisée pour elle. Plutôt que de supporter la drague d'un vague copain, la jeune femme préfère fuir dans la nuit. Au petit matin, le type avec qui elle a dansé se montre plutôt insistant: le pire n'est évité que par l'intervention décidée - et armée ! - d'un autre garçon. Ainsi débute Jersey affair...

Bon... une fois de plus, le distributeur d'un film anglo-saxon a jugé nécessaire de traduire le titre original... par un autre en anglais. Pourtant, le Beast initial était me semble-t-il porteur d'une ambigüité certaine, que le long-métrage développe allégrement. De quelle bête s'agit-il donc ? Je vais laisser le scénario vous l'expliquer. Il est clair d'emblée que Pascal, le "sauveur" de Moll, est différent des autres. Pour l'héroïne, c'est une bénédiction et la perspective d'en terminer avec l'étroit carcan qui enserre sa vie, mais on découvrira bien vite que la demoiselle n'est pas nécessairement une innocente oie blanche. D'où un certain suspense. À défaut d'être très original, Jersey affair témoigne d'une relative efficacité. S'agissant du tout premier opus d'un jeune réalisateur, c'est un film tout à fait regardable. Incertain...

Au rayon des thrillers sulfureux, je dois tout de même vous prévenir que celui-ci reste encore assez sage. Ses faux airs de conte macabre sont parvenus à m'intéresser, mais je n'ai pas totalement basculé vers la fascination pure et simple. Le danger qui monte petit à petit n'apparaît pas aussi effrayant que cela, et ce même si son visage demeure longtemps caché. Bref... Jersey affair mérite sans nul doute que vous lui consacriez une soirée plateau-télé, mais sans en attendre monts et merveilles. Du côté positif, je note la prestation inspirée des deux acteurs principaux, Jessie Buckley et Johnny Flynn, rejoints par d'autres comédiens convaincants - je pense à Geraldine James dans un rôle ingrat de mère tyrannique. Du côté négatif, je regrette que le récit n'ait visiblement pas exploité toutes les potentialités offertes par le décor (malgré quelques belles scènes de nuit). Tourner sur une île aurait pu permettre d'aller plus loin dans les aspects anxiogènes et/ou fantastiques de cette histoire somme toute banale. Pour en finir, un aveu: je n'avais pas DU TOUT vu venir la conclusion !

Jersey affair
Film britannique de Michael Pearce (2018)
Rien d'exceptionnel là-dedans, mais du travail bien fait: c'est déjà ça. Les amateurs de suspense y trouveront certainement leur compte. Maintenant, dans le registre ambigu, un bon classique hitchcockien vaut tout l'or du monde: je citerais par exemple L'ombre d'un doute. Vous aimez Simenon ? La chambre bleue pourrait vous convenir. Envie d'une ambiance pulp ? Je suggérerais Le passager de la pluie...

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Vous voulez un autre avis sur la question ?

Rien de plus simple: Pascale et Dasola ont également publié le leur.