dimanche 31 mai 2015

Premières routes

Sauf exception, je ne suis pas amateur de remakes. Je suis content toutefois quand la sortie annoncée de la nouvelle version d'un film connu permet de découvrir l'original en salles. C'est dans ce contexte particulier que j'ai vu Mad Max, premier du nom, avec un Mel Gibson quasi-débutant, à 22-23 ans, dans le rôle-titre. C'était bien sympa. Assurément vieilli, fauché (400.000 dollars de budget), mais sympa...

Je vais vous avouer un truc: je ne m'attendais pas à ce que j'ai vu ! J'avais de Mad Max l'image d'un film de science-fiction, mais j'ai pu constater qu'il s'agissait d'autre chose. Jamais nommé, le monde décrit dans le scénario ressemble au nôtre, avec certes un habillage futuriste. Pour résumer l'intrigue: sur une terre où l'essence se fait rare, des hommes sans foi ni loi sillonnent les routes à haute vitesse et d'autres, vêtus de cuir de la tête aux pieds, tâchent de les arrêter avant qu'ils ne causent des accidents mortels - et ça peut aussi passer par un coup de fusil à pompe entre les deux yeux des contrevenants. On ne fait pas dans la dentelle dans ce western à la sauce asphalte ! C'est précisément ce que j'ai apprécié dans ce scénario: les scènes d'exposition nous sont épargnées et, après un départ sur les chapeaux de roue, le rythme ne retombe jamais. Quand il est soudain question que le héros flic se venge de vilains motards, ça repart de plus belle.

J'avais quatre ans et demi quand le film est sorti dans son pays d'origine, l'Australie, et à peine sept quand il est arrivé en France. Élevé au rang d'oeuvre-culte pour une part du public, le long-métrage n'en a pas moins eu du mal à s'imposer. Pourtant plus suggestive qu'explicite, sa violence lui a causé bien des ennuis: aussi incroyable que cela puisse paraître aujourd'hui, il a même failli être classé X. D'abord interdit aux moins de 18 ans, Mad Max a descendu une à une les degrés de la censure et, sous label "art et essai", ne reste interdit qu'aux moins de 12 ans - mais seulement depuis... le mois dernier ! Honnêtement, j'ai pris un vrai plaisir à ce spectacle radical, daté certes, mais beaucoup plus tranchant que bien d'autres films récents. J'ai aimé découvrir plein de visages inconnus, d'acteurs australiens qui n'ont pas, ensuite, su ou pu percer aussi fort que Mel Gibson. Beau garçon et star en devenir, lui trouve ici un rôle à sa (dé)mesure.

Mad Max
Film australien de George Miller (1979)

Vous savez peut-être que ce long-métrage a donné lieu à deux suites "immédiates", en 1981 et 1985, également signées George Miller. Avec Tom Hardy dans le rôle-titre, l'homme est aussi aux commandes du quatrième opus, projeté au cours du dernier Festival de Cannes. Pas sûr que ça me motivera pour aller le voir. Je préfère les films dans leur sauce, type New York 1997, Terminator ou Blade runner.

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Pour finir, une anecdote étonnante...

George Miller passera sans doute pour un gros bourrin avec ces films. Il est pourtant à l'origine aussi des aventures cinéma d'un cochon bavard (Babe) ou d'un manchot danseur (Happy feet). Comme quoi...

vendredi 29 mai 2015

Libres

Une langue commune doit nous permettre de nous comprendre. Heureusement pour la diversité culturelle, Belges wallons et Français n'ont pas forcément le même regard sur la vie. C'est dans l'espoir d'apprécier un certain "décalage" que j'ai regardé Les géants, un film de Bouli Lanners. En préambule, je voudrais dire aussitôt que j'aime de plus en plus cet acteur, auteur et réalisateur. Il a "quelque chose".

Pas facile de dire ce que c'est exactement que ce "quelque chose" ! Pour faire les choses logiquement, un mot d'abord sur ce que ce film raconte: les héros sont des pré-ados, entre 13 et 15 ans, deux frères et un copain du plus grand. J'ai vraiment apprécié d'être plongé directement dans le vif du sujet, sans digressions explicatives. Brièvement, je vous le dis aussi: on découvre Zak, Seth et Danny livrés à eux-mêmes, au coeur d'une verte campagne (non identifiée). Les adultes ? Sinon absents, ils sont souvent violents et/ou camés. Les géants a ceci d'incroyable qu'il n'est jamais un film plombant. Accrochée aux basques des gosses, la caméra m'a surpris à filmer leurs bêtises et leur solitude avec une tendresse XXL. Cette histoire incroyable charrie beaucoup d'émotion(s). C'est très belge, je crois...

Zacharie Chasseriaud, Martin Nissen et Paul Bartel sont formidables. Je suppose qu'il faut rendre hommage à Bouli Lanners directeur d'acteurs, mais ces petits m'ont vraiment bluffé par leur naturel. Interprétations impeccables, donc, et beau scénario. J'attire toutefois rapidement votre attention sur un possible bémol: cette histoire déplaira à quelques esprits pourtant bien intentionnés. On suggère plus que clairement qu'à défaut d'autorité, des enfants peuvent boire, voler, se droguer, conduire une bagnole... rien de reluisant. Le film m'a touché en montrant aussi la fragilité de ces mômes, à l'égard desquels il est finalement bienveillant. Le récit quasi-initiatique prend des allures de conte, avec, comme le soulignait un chroniqueur d'Arte, un ogre et une bonne fée. Les géants, la porte de l'imaginaire.

Les géants
Film belge de Bouli Lanners (2011)

Alors qu'un nouvel opus du cinéaste est annoncé cette année, celui d'aujourd'hui m'inciterait presque à revoir son précédent, Eldorado. D'ici là, j'espère aussi avoir l'occasion de voir le premier, Ultranova. Dès aujourd'hui, je peux et veux vous encourager à donner une place aux longs-métrages belges dans vos choix cinéma. Et pour retrouver alors ce "décalage", je recommande notamment Cowboy et Torpédo.

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Le film a fait 30 042 entrées dans les salles françaises, mais...

Pascale ("Sur la route du cinéma") en parle aussi, dans un bel éloge. 

mercredi 27 mai 2015

La vérité en face

C'est marrant, le cinéma: il y a de nombreux films que l'académisme rend lourdingues et d'autres pour lesquels il paraît tout à fait adapté. Dans Le labyrinthe du silence, c'est (heureusement) le deuxième cas de figure qui s'impose. Oui, j'ai vraiment apprécié que le réalisateur italien de ce film allemand reste sobre. Son sujet l'imposait, je dirais. J'en sais gré au cinéaste, qui signe ici son tout premier long-métrage.

Nous sommes de retour dans l'Allemagne de 1958: un artiste juif rescapé des camps de la mort reconnaît soudain l'un de ses bourreaux parmi les enseignants d'une école proche de chez lui. Les autorités judiciaires sont alertées, font état de la situation à l'administration scolaire et, contre toute attente, ne cherchent pas à punir l'ex-Nazi repenti. D'ailleurs, cet homme est-il réellement un criminel ? A-t-il vraiment du sang sur les mains ? Est-il déjà coupable du simple fait d'avoir fréquenté Auschwitz du côté des gardiens ? Ces questions froidement juridiques n'étaient pas résolues alors. Les grands procès de Nuremberg orchestrés par les Alliés avaient laissé les Allemands tourner la page. Le labyrinthe du silence nous rappelle avec force qu'il aura fallu toute l'opiniâtreté de quelques magistrats et le courage d'un certain nombre de survivants pour rouvrir les dossiers et juger enfin une partie de ceux qui devaient l'être. Cela mérite d'être redit !

Et donc, encore une fois, c'est incontestable: le film est académique. Cette retenue formelle rend hommage à un scénario intéressant, porté par des dialogues soignés et emballé par des interprétations impeccables. J'ai apprécié que le récit soit parvenu à éviter les pièges du sentimentalisme et du manichéisme. Des questions importantes sont posées, mais avec une pudeur remarquable: pour ne donner qu'un seul exemple, je citerai la scène où les premières victimes identifiées commencent à venir témoigner de ce qu'elles ont vécu. Plutôt qu'une longue litanie d'horreurs, il nous est donné à entendre quelque musique, tout en regardant défiler les visages aussi dignes qu'ordinaires de ces miraculés, avec parfois de beaux contre-champs sur les juges, attentifs et bouleversés. Le labyrinthe du silence s'inspire de personnes ayant existé, bien sûr, mais en associe parfois plusieurs en un seul et même personnage. C'est intelligent: le propos n'est que plus fort d'être ainsi concentré. Seul petit regret: que le film soit resté muet sur les très nombreux martyrs non-juifs de la Shoah...

Le labyrinthe du silence
Film allemand de Giulio Ricciarelli (2014)

J'aime les gens qui regardent la vérité en face. J'aime les pays capables de considérer les fautes de leur passé, aussi lourdes puissent-elles être, pour s'amender et aller de l'avant, de nouveau. Pour un peu plus de légèreté, j'aime aussi ce cinéma historique allemand, depuis Good bye Lenin à La vie des autres, en passant éventuellement par Phoenix ou Oh boy... et c'est sûr: j'en reparlerai.

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Si vous voulez d'autres avis...
Je vous signale que Dasola et Pascale parlent également du film.

lundi 25 mai 2015

Audiard, etc...

Le Festival de Cannes, c'est fini ! Ethan et Joel Coen ont dévoilé hier le palmarès de leur jury... et je regrette que ce soit passé si vite. Pour être honnête, j'ai le sentiment de ne pas être tout à fait entré dans cette 68ème édition. Je conserve bien sûr l'espoir d'en voir quelques bons films et de m'en enthousiasmer alors, "à retardement". D'ici là, je tenais quand même à dire un mot au sujet des lauréats...

Jacques Audiard
Premier constat: Jacques Audiard revient sur le devant de la scène. Sa Palme d'or complète idéalement une collection de trophées riche par ailleurs de plusieurs César et de deux autres trophées cannois. Cela dit, franchement, Dheepan, son nouvel opus, ne m'attire guère. C'est possible que j'aille le voir pour compléter mes connaissances cinéphiles, mais il ne m'a pas vraiment tapé dans l'oeil jusqu'alors. Théoriquement, la sortie de ce film noir autour d'un Tamoul réfugié en France pour fuir la guerre civile au Sri Lanka est prévue le 26 août prochain - sauf si, sur la vague du succès, il bénéficie d'une diffusion anticipée. Wait and see: pour moi, donc, pas de sentiment d'urgence.

Mads Mikkelsen et Laszlo Nemes
Des gens pressés à Cannes, il y en a, et par exemple Laszlo Nemes. Âgé de 38 ans, le Hongrois, accueilli en résidence à Paris, se voit offrir le Grand Prix du jury pour son premier film: Le fils de Saul. Cette fiction évoque les Sonderkommandos, des unités de travail forcé au sein des camps de concentration nazis. Sortie en novembre.

Le Colombien César Augusto Acevedo, lui, vient juste d'avoir 28 ans. En cadeau, il repart avec la Caméra d'or, le trophée qui récompense une première oeuvre, pour La tierra y la sombra. Son scénario parle de la vie des paysans de la vallée du Cauca, au sud-ouest du pays. C'est à eux que le réalisateur a rendu hommage en recevant son prix.

Ely Dagher n'est quant à lui resté que quelques instants sur la scène du Palais des festivals, pour recevoir la Palme du meilleur film court. Ce cinéaste libanais, 29 ans, signe avec Waves '98 une oeuvre hybride (animation et images réelles) sur la déambulation d'un homme dans Beyrouth. Si j'ai bien compris, il y a mis beaucoup de lui-même.

Vincent Lindon
S'investir à fond dans son travail: c'est sans aucun doute une qualité de Vincent Lindon. Il est probable que je reparle de La loi du marché dans quelque temps, mais je me réjouis déjà que ce comédien attachant ait gagné le Prix d'interprétation, la première récompense de sa vie, a-t-il indiqué. Acteur émouvant, l'homme, hier, était ému.

Du côté de ces dames, Emmanuelle Bercot semblait l'être tout autant. Le fait est que je connais mal cette réalisatrice et comédienne. Cannes lui a offert (je cite) "la semaine la plus dingue de (sa) vie". Soit un Prix d'interprétation pour son rôle de femme folle amoureuse dans Mon roi et l'ouverture du Festival avec son film, La tête haute.

L'une des surprises de cette édition 2015, c'est que deux Prix d'interprétation féminine ont été attribués. La seconde lauréate s'appelle Rooney Mara et joue avec Cate Blanchett une histoire d'amour homosexuelle dans l'Amérique des années 50: Carol. J'attends avec une relative impatience la date de sortie en salles...

Jane Birkin, Agnès Varda et Lambert Wilson
D'une manière générale, il semble que ce duo féminin soit l'arbre dissimulant la forêt d'un Festival encore franchement très masculin. Soulignons alors la Palme d'or d'honneur attribuée à Agnès Varda ! Première réalisatrice récompensée de ce trophée, elle rejoint un club d'illustres papys: Woody Allen, Clint Eastwood et Bernardo Bertolucci. 

J'en reviens au palmarès "ordinaire": parmi les autres films primés que j'espère découvrir, il y a The assassin. Cela m'offrirait l'occasion d'enfin voir mon premier Hou Hsiao-hsien, récompensé pour sa mise en scène de la Chine moyenâgeuse. À noter que le réalisateur taïwanais avait déjà reçu un Prix du jury... il y a maintenant 22 ans !

Autre curiosité: The lobster, du réalisateur grec Yorgos Lanthimos. Qu'on lui ait accordé le Prix du jury renforce quelque peu mon attente à son égard, mais, déjà, le pitch m'intriguait très franchement ! Imaginer un univers où les célibataires endurcis sont voués à être transformés en animaux, c'est assez taré pour me plaire. À suivre...

En revanche, malgré Tim Roth et le Prix du scénario, je suis loin d'être sûr d'aller voir Chronic. Je n'ai lu que des mauvaises critiques autour de ce film du Mexicain Michel Franco, dont le personnage principal est un aide-soignant auprès de personnes en fin de vie. Anecdote amusante: Franco et Roth se sont rencontrés... à Cannes.

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Voilà, j'ai fait le tour du palmarès...

Je conclus avec trois films non-primés que je pense voir: Mia madre de Nanni Moretti et Notre petite soeur de Hirokazu Kore-eda devanceront sans doute Marguerite et Julien de Valérie Donzelli. Avant leur sortie, je suis désormais à l'écoute de vos commentaires. 

dimanche 24 mai 2015

Toc toc badaboum !

Il déclarait encore récemment qu'il reviendrait volontiers au cinéma. Qu'après une longue maladie, il se sentait mieux depuis trois ans. Malgré sa formidable carrière, je connais mal Jean-Paul Belmondo. Voir Le magnifique, c'était pour moi une envie ancienne, encouragé que j'étais par plusieurs de mes copains - Stéph, Fred... dédicace ! C'est bel et bien une part du patrimoine cinématographique français.

Deux mots peuvent résumer le film: franchouillard et sympathique. Plus d'un quart de siècle avant le DJ, un dénommé Bob Saint-Clar, espion de son état, affronte des bad boys à Acapulco, quelques jours seulement après qu'un de ses camarades a été retrouvé dévoré vivant par un requin dans une cabine téléphonique - si, si, j'vous jure ! Scènes de course-poursuite et pirouettes dans le sable, on s'attache bien vite à ce sous-James Bond, tout droit sorti d'un roman de gare. Toc toc badaboum ! Une autre histoire commence: celle... de l'auteur qui invente ses histoires et dont la vie est beaucoup moins agitée. J'imagine que vous aurez déjà compris que Bébel joue les deux rôles. Le magnifique, c'est lui, évidemment, ou disons un personnage parfait pour lui, saltimbanque de l'action à 200% et de l'autodérision.

Je vous passe les détails de l'intrigue, OK ? Une bonne partie du plaisir procuré par le film est qu'il tient son parti pris jusqu'au bout. L'alternance des scènes entre le héros de papier et son créateur continue sans véritable temps mort, pour le meilleur et pour le rire. Rien n'est sérieux ici et je dirais que c'est même une joie enfantine qui est proposée au spectateur d'hier et d'aujourd'hui. Mon conseil consistera donc à vous encourager à éviter de vous prendre la tête. Passé le cap de son tout premier degré, Le magnifique ne recèle d'aucun trésor caché: c'est un film de divertissement, point final. Quelques cascades peuvent amuser à condition d'oublier un instant qu'on fait désormais beaucoup plus fort avec les effets spéciaux numériques. C'est possible: moi, sans mentir, je me suis bien marré.

Le magnifique
Film français de Philippe de Broca (1973)

Je n'ai pas encore vu L'homme de Rio, considéré par beaucoup comme la meilleure des collaborations du duo Belmondo / De Broca. Toutefois, je cite volontiers le réalisateur en valeur sûre du cinéma français populaire: à vérifier, si vous le voulez, avec L'incorrigible. Un aveu maintenant: des films que je lui connais, ma préférence continue d'aller à Cartouche, qui fait aussi vibrer la corde sensible.

samedi 23 mai 2015

Sauver le président

Vous l'avez peut-être remarqué: de temps à autre, j'aime (re)parler de films pas franchement indispensables, mais qui ont pu marquer leur époque au point d'en être un peu les représentants. Je crois juste de classer New York 1997 dans cette liste, le visage de Kurt Russell l'oeil gauche couvert d'un bandeau me paraissant bien assez iconique pour justifier cette audace. Et laissez-moi vous raconter la suite...

New York 1997 construit un monde dystopique, où la criminalité urbaine a tellement explosé que les autorités ont décidé d'abandonner la métropole derrière de hauts murs et d'en faire une prison à ciel ouvert. C'est dans ce sombre contexte que, détourné par une attaque terroriste, l'avion du président des États-Unis est détourné et plonge soudain vers une tour de Manhattan ! Unique rescapé, l'élu se trouve désormais à la merci des camés et autres fadas qui courent les rues de la grande ville sacrifiée. L'armée n'a d'autre choix que de faire appel à un certain Snake Plissken, un très illustre ancien soldat tombé lui-même dans la délinquance. S'il ramène le président, il sera blanchi. Le deal est, c'est vrai, vu et revu dans le cinéma amerloque. Reste qu'il n'est pas interdit d'y prendre toujours un certain plaisir...

Dans son genre particulier, et compte tenu de son âge, le film s'avère franchement réussi sur le plan formel. La culture geek de mes années d'enfance explose à l'écran, avec notamment l'usage de technologies informatiques visuellement très largement dépassées aujourd'hui. New York 1997 fait également la part belle à un héros quasi-nihiliste sommé d'affronter des hordes de punks, quitte à devoir se défendre en combat singulier et à coup de batte à clous: c'en est touchant ! Personnellement, une partie de ma joie à me plonger sans hésitation dans cette histoire tient aux acteurs, Ernest Borgnine + Lee van Cleef chez les gentils, Harry Dean Stanton et Isaac Hayes côté crapules. Sans être franchement un inconditionnel, j'apprécie aussi les aspects jusqu'au-boutistes du scénario, qui sacrifie quelques-uns des "bons" en cours de route - la guimauve étant de fait totalement proscrite. Bref, du cinéma droit dans ses bottes - ce ne saurait être un défaut.

New York 1997
Film américain de John Carpenter (1981)

Il y a quelque chose du western dans cette mission presque-impossible confiée à Snake Plissken. Un peu d'humour noir, aussi, le "héros" trouvant sur son chemin plusieurs personnes qui le croyaient mort. Encore une fois, sans m'extasier devant ce type de films, j'apprécie cet aspect radical qu'ils peuvent avoir, comme le premier Terminator ou Predator à ses débuts. J'en citerai un autre très prochainement...

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Ailleurs sur le Web...

Vous verrez notamment que Chonchon ne boude pas son plaisir.

Dimanche 24, 20h22... je dois ajouter quelque chose...

Dasola, entre deux sorties récentes, avait également parlé du film.

vendredi 22 mai 2015

Multipass

Luc Besson ne fait pas partie de mon Panthéon cinématographique. Toutes ces dernières années, je ne me suis jamais vraiment senti attiré par l'un de ses projets. Pourtant, quand Le cinquième élément est sorti en salles, je suis allé le voir et sans hésiter, il me semble. J'étais trop jeune pour me soucier des polémiques sur la nationalité réelle du film. Il me semble même que je l'avais trouvé plutôt sympa.

Mes souvenirs ont perdu de leur précision, mais, de mémoire, je crois bien qu'une partie de la critique reprochait au film son estampille française, sachant que la majorité des acteurs étaient anglo-saxons. D'autres n'en avaient cure et soulignaient justement l'originalité formelle du long-métrage, compte tenu précisément de son côté surprenant pour une oeuvre bleu-blanc-rouge. Force est de constater que le public, lui, fit un triomphe à ce récit, avec 7.727.697 tickets vendus dans notre beau pays. Mais stop avec les données chiffrées ! Ceux qui n'ont pas vu le film aimeraient certainement en savoir plus sur ce qu'il raconte. C'est bien simple: il s'agit pour le héros de sauver le monde, ni plus, ni moins. Korben Dallas / Bruce Willis envisageait plutôt une journée de repos, mais là, non, ça ne va pas être possible.

S'il y a une originalité là-dedans, c'est peut-être en ce que la mission repose également sur une jolie demoiselle extra-terrestre: Leeloo. Aujourd'hui, des produits comme Le cinquième élément, on en voit débarquer treize à la douzaine chaque mercredi. J'admets toutefois volontiers qu'en 1997, les différentes idées développées dans le film étaient tout de même assez novatrices, sur la forme, en tout cas. Exemple: les costumes sont tout de même signés Jean-Paul Gaultier ! Quant aux décors, sans avoir bénéficié forcément d'une signature aussi connue, ils sont suffisamment réussis pour paraître crédibles. La meilleure façon d'apprécier le spectacle, c'est de ne pas y chercher ce qui n'y est pas: le message d'un artiste engagé. Ici, on est à 100% dans le divertissement. Rien de génial, rien de déshonorant non plus.

Le cinquième élément
Film français de Luc Besson (1997)

Si vous ratez les deux premières minutes et si vous vous retrouvez alors dans l’Égypte de 1914, c'est... normal: le futurisme du scénario ne se manifeste qu'après une petite introduction. Je vous laisse découvrir la suite par vous-mêmes, d'accord ? Vous apprécierez probablement la présence de Gary Oldman, Ian Holm et Chris Tucker. Milla Jovovich, elle, retrouvera Luc Besson pour Jeanne d'Arc (1999).

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Mon titre ?
Dans le monde de Korben Dallas, c'est le nom des cartes d'identité.

Bon, vous n'en savez beaucoup plus sur le long-métrage...
Chonchon ("Sur la route du cinéma") rattrape le coup et le cite au rang de ses films-cultes. David ("L'impossible blog ciné") n'en dit pas beaucoup plus, mais nous offre une petite rétrospective subjective.

jeudi 21 mai 2015

Crise de foi

Nanni Moretti explique à qui veut l'entendre qu'il a reçu une éducation catholique et que ses parents étaient croyants. Lui ne l'est pas. Était-ce dès lors facile d'inventer un film comme Habemus papam ? L'histoire ne le dit pas. C'est moi qui imagine qu'il aura au moins fallu un peu de culot pour imaginer cette histoire de souverain pontife tenté de renoncer à ses hautes fonctions... sitôt après avoir été élu.

Personne d'autre que les cardinaux de la curie romaine ne sait exactement ce qui passe au sein du conclave, au moment où les pères de l'Église catholique sont réunis pour se choisir un nouveau berger. Moi-même bien peu porté sur les choses de la religion, j'ai apprécié que le cinéma s'empare de ce mystère et réinvente le cas quasi-inédit d'un rouage grippé dans la mécanique rituelle. Mais, quelques jours seulement après avoir vu Habemus papam, je ne sais toujours pas comment qualifier le film. Le mieux est peut-être de ne pas le faire. Ce drôle d'argument est finalement d'une telle richesse qu'il est dommage de le réduire à l'une de ses caractéristiques. Oui, il y a sincèrement dans ce récit des passages qui m'ont fait sourire, d'autres qui m'ont ému et d'autres encore qui m'ont fait réfléchir. Parmi les thématiques abordées, la question de la foi passe presque au second plan, après celles de l'engagement et de la responsabilité.

La qualité du long-métrage, à mes yeux, c'est d'aborder des questions profondes, sans pour autant tomber dans l'intellectuel "haut perché". C'est simple: même la psychanalyse est ici traitée avec un  humour subtil, tout en finesse. Aucun véritable temps mort n'est à déplorer dans le déroulé du scénario. Côté acteurs, Nanni Moretti s'est octroyé le rôle d'un thérapeute appelé à la rescousse: il semble s'amuser beaucoup, notamment en transformant les prélats en volleyeurs internationaux, mais ce petit plaisir un peu canaille lui sera pardonné tant il est communicatif. Cela étant dit, pas d'erreur: la vraie vedette de Habemus papam, c'est bel et bien Michel Piccoli, dont le talent fait merveille et crédibilise ce saint-père malgré lui. La performance artistique est d'autant plus belle que l'acteur a bien dépassé le cap symbolique des 80 printemps - je l'ai trouvé aussi beau que touchant. Et dire que ce monsieur tourne depuis 1945... un seul mot: chapeau !

Habemus papam
Film franco-italien de Nanni Moretti (2011)

Il vous faudra encore attendre un moment avant que je fasse éventuellement une liste de mes préférences parmi les oeuvres anciennes ou récentes du réalisateur transalpin: je n'avais vu jusqu'alors que La chambre du fils, un drame honoré de la Palme d'or en 2001. J'ai peu de références d'autres films autour de la religion. Disons que je peux vous recommander Des hommes et des dieux...

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Une double précision s'impose...
Le titre du film signifie, en latin, "Nous avons un pape". Il reprend l'expression consacrée utilisée par la curie quand un souverain pontife vient d'être élu. Historiquement, un seul prélat a refusé cette tâche avant même de l'exercer: c'était le cardinal Hugues Roger, en... 1362.

Certains sites amis parlent du film...
Je termine en les citant: "L'oeil sur l'écran", "Sur la route du cinéma", "Le blog de Dasola" et "Mon cinéma, jour après jour". À vous de voir !

mardi 19 mai 2015

Terra incognita

La première énigme de Jauja, c'est la signification de son titre. Avant même la première image, un carton nous explique qu'il s'agit d'une terre d'abondance et de bonheur, une légende que les années ont amplifiée. D'emblée, il est aussi précisé que "tous ceux qui ont essayé de trouver ce paradis terrestre se sont perdus en chemin". Quant au film, lui, il vous emmènera - au moins - jusqu'en Patagonie.

Aussi déroutant soit-il, le scénario de Jauja s'inscrit dans un cadre historique réel, celui de la "Conquête du désert", une opération militaire argentine de la fin du 19ème siècle. Le gouvernement officiel de l'époque s'était alors décidé à conquérir un territoire important, resté sous la domination des Mapuche, le peuple originel. Étrangement, le long-métrage a pour héros, non pas un soldat hispanique ou un résistant aborigène, mais... un ingénieur danois ! Gunnar Dinesen est venu prêter main forte au pouvoir. Ses plans changent pourtant du tout au tout quand, une nuit, sa fille disparait. La belle Ingeborg est partie avec un déserteur, sans réelle conscience des graves dangers qui la menacent. Stop ! Je souhaite m'en tenir là quant à mes explications sur le récit. Je peux et veux juste ajouter que la suite est nettement plus surprenante. Sachez-le aussi: le film devrait vous ennuyer si vous aimez l'action débridée. Il est (très) lent.

S'il est parvenu à entrer dans mon radar, c'est d'abord parce qu'un jeu m'a permis de gagner ma place de cinéma pour aller à sa découverte. Ensuite, Viggo Mortensen - à la fois acteur principal et producteur - m'a mis en confiance. Au final, il me faut vous dire qu'il y a beaucoup de choses qui ne m'ont pas convaincu dans ce drôle de long-métrage. C'est même du déplaisir que j'ai ressenti en me demandant précisément où le réalisateur et son équipe avaient voulu en venir. Habituellement, je trouve stimulant et agréable qu'un scénario me/nous laisse une marge d’interprétation, mais cette fois, les clés laissées pour nous orienter auront été bien trop peu nombreuses. Qu'est-ce qui peut sauver le résultat ? Les paysages ! Il est évident que, sur le plan strictement plastique, Jauja est une pure merveille. L'extrême fixité du cadre, restreint à un format carré, m'a envouté. Las ! Les choix narratifs opérés pour la conclusion de ce voyage fantasmagorique m'ont paru bêta et, ô rage ! presque trop faciles. C'est donc bel et bien un gros sentiment de frustration qui domine...

Jauja
Film argentin de Lisandro Alonso (2014)

Bon... malgré ma déception, je sauverais aussi quelques hors-champs joliment composés. Maintenant, si vous aimez le cinéma contemplatif et mystérieux, je vous renvoie vers Pique-nique à Hanging Rock. Pour les plus rationnels, La dernière piste peut être un juste milieu. Apocalypse now est très bon pour instaurer une tension sur la durée ! Michelangelo Antonioni me titille aussi dans ce domaine. À suivre...

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Je doute que le film marche fort, mais...

Vous pouvez toujours en retrouver la trace sur "Le blog de Dasola". 

dimanche 17 mai 2015

La vision de Tariq Teguia

Coup double: deux semaines après Sylvain George, mon association de cinéphiles a reçu Tariq Teguia pour parler de Révolution Zendj. Initialement, il était même prévu que l'on diffuse deux de ses films. Faute d'avoir pu retenir le réalisateur plus longtemps, nous n'avons vu que son dernier. C'est déjà très bien et le cinéaste s'est ensuite prêté de bonne grâce au jeu des questions / réponses. J'ai pris des notes...

"Le biographique relève de l'anecdotique". Tariq Teguia, 48 ans, aime évoquer son travail, mais, de prime abord, il parle peu de lui-même. Révolution Zendj est son troisième long-métrage. Le cinéaste explique qu'il referme un triptyque. Après la guerre civile qui a ravagé son pays et la paix retrouvée, cette fois, il pense aux conséquences des printemps arabes. Tout en précisant toutefois que "le tournage avait commencé avant. Il n'illustre pas ce mouvement que je crois toujours en cours". Il ne se voit pas du tout comme un visionnaire...

Complimenté sur la qualité esthétique de son film, Tariq Teguia insiste précisément sur la dimension filmée. "Je ne fais pas de photo. Je travaille en 25 images par seconde. Je préfère cadrer qu'encadrer. Et j'aime ce qui fuit". Ibn Battutâ, son personnage, prend pourtant quelques images figées tout au long du film. Un dialogue explique alors qu'il le fait pour voir... à quel point les choses peuvent changer. Le réalisateur, lui, dit s'être interrogé sur ce que peut être l'Algérie aujourd'hui, dans son double environnement méditerranéen et arabe.

Par l'intermédiaire de businessmen anglo-saxons, Révolution Zendj dresse un portrait assez cynique du monde occidental, sans aller toutefois jusqu'à dire qu'il n'existe pas d'autres visages possibles. L'auteur s'avoue tout de même assez surpris qu'un certain jargon néo-conservateur soit si facilement entré dans les esprits, au point d'imprégner le langage. "En revanche, si je montre des policiers algériens brutaux, ça ne choque personne. Comme si c'était normal". Incontestablement, le film interroge presque notre vision du monde.

Dans l'esprit du cinéaste, les choses sont visiblement loin d'être figées. Elles ne le sont donc pas davantage à l'écran. Tariq Teguia considère un long-métrage comme "un plan, une partition, un corps vivant". En musicien de l'image, il s'efforce "d'équilibrer les masses" pour réussir sa composition. Il a toujours tourné dans les lieux cités par le scénario, si ce n'est pour quelques scènes censées se dérouler en Irak. "Une armée autour de nous, ce n'était pas dans nos moyens". C'est notamment la vallée du Nil qui a servi de décor de substitution.

Un point qui a surpris certains membres du public: Révolution Zendj ne pose guère la question des religions. Tariq Teguia estime d'ailleurs que l'hypothèse d'un islamisme fondamentaliste algérien est en passe d'être dépassée. "Je ne dis pas que l'Algérie sera laïque dans le sens où vous l'entendez", précise-t-il toutefois, prudent. Le cinéaste se dit persuadé que les deux rives de la Méditerranée resteront connectées. Quand il a commencé à tourner, les Grecs n'ont pas aussitôt compris qu'il le fasse chez eux. La poussée des Indignés a changé la donne...

Si j'ai bien compris, c'est toutefois notamment sur le plan religieux que la révolte des Zendj a, jadis, été vivement décriée par le pouvoir califal établi. Une histoire de descendance - ou non - du prophète. Quelque chose subsisterait aujourd'hui de cette contestation ancienne. "Nous sommes là", dit un personnage du film, au moment d'abaisser le voile qui, jusqu'alors, cachait l'essentiel de son visage. Tariq Teguia ose un parallèle avec Spartacus et Rosa Luxemburg. "Mon film est là aussi pour rappeler certains des oublis de l'histoire".

Face à l'idée que les (r)évolutions ne conduisent pas nécessairement les peuples à plus de bonheur, le réalisateur algérien reste très lucide. Il s'accroche toutefois à l'idée d'une persistance, peut-être également parce qu'il estime que l'être humain peut garder en mémoire des faits vieux d'un millénaire. "Si pessimisme il y a, c'est un pessimisme hyperactif, dit-il. Il y aura toujours des communautés, des individus pour dire: nous n'acceptons pas le sort que vous nous faites. L'échec n'empêche pas le recommencement". Presque un discours politique...

L'une des scènes du film montre, en Grèce, des étudiants parler politique et faire la fête. "C'est une mise en scène, mais j'ai vu là-bas des choses que je n'ai pas vues à Paris quand j'y étais étudiant", précise Tariq Teguia. Il souligne du même coup son intérêt manifeste pour voir la manière dont la politique et la joie peuvent s'articuler. "Cela peut gêner, cette façon de raconter les choses en rigolant. Il y a une proposition politique, dans ces mouvements que l'on peut décrier. Et j'espère que les fantômes du passé reviendront de façon joyeuse".  

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Une précision pour terminer cette chronique...

Révolution Zendj dure presque deux heures et quart. J'ai écouté Tariq Teguia après une grosse semaine de boulot et à partir de 23h00 environ. Il se peut donc son propos soit ici quelque peu simplifié. Désolé si je reste assez flou: ce n'était pas une interview "classique".

vendredi 15 mai 2015

Une longue marche

Je l'ai assez souvent entendu dire: le Festival de Cannes diffuserait seulement des films trop pointus pour le grand public. Je comprends que certains puissent paraître impénétrables, mais je trouve ça faux. En revanche, l'oeuvre d'aujourd'hui, Révolution Zendj, m'est apparue comme un long-métrage exigeant. Difficile à financer, elle aurait mis cinq ans avant d'arriver dans les cinémas. Une sortie assez discrète...

Sans mon association, je n'aurais sans doute jamais vu ce film algérien et je ne connaîtrais pas non plus son auteur, Tariq Teguia. Sur la base d'un scénario co-écrit avec son frère Yacine, le réalisateur brode la déambulation d'un journaliste, sur la trace des Zendj, esclaves noirs africains révoltés contre le pouvoir des califes abbassides, dans ce qu'on appelle aujourd'hui l'Irak, au... 9ème siècle. Ibn Battutâ porte le même nom qu'un écrivain-voyageur-explorateur berbère du 13ème. En réalisant son enquête au long cours, il va prendre acte de l'état du monde arabe contemporain, en visitant quelques lieux emblématiques de son histoire, Bagdad et Beyrouth notamment, mais aussi Thessalonique et New York. Il sera question de la liberté du peuple palestinien, de l'hégémonie américaine réelle ou fantasmée, d'hommes en arme et de fantômes. J'ai perdu le fil plusieurs fois: Révolution Zendj m'a un peu fait jouer à cache-cache.

L'expérience est intéressante, mais elle peut aussi paraître frustrante si, comme moi, vous manquez de connaissances solides sur l'histoire récente (ou plus ancienne) de ces pays. Il reste alors à attraper quelques idées au vol - c'est toujours ça de bon. Avec le recul pris après la projection, je retiens que Révolution Zendj offre également un montage d'une virtuosité saisissante, ainsi que quelques plans magnifiques. Certaines scènes sont tout à fait accessibles au public profane: j'ai par exemple souri de voir des hommes d'affaires occidentaux arpenter le désert sous protection militaire et s'imaginer déjà un avenir mercantile sur la terre la plus aride et désolée qui soit. Propos politique ? C'est bien possible. Les séquences du long-métrage contiennent de fait d'évidentes allusions à des situations existantes. On se balade donc dans différents environnements, sans conclusion prémâchée. C'est une oeuvre exigeante, vous disais-je. Je le répète.

Révolution Zendj
Film algérien de Tariq Teguia (2013)

C'est aussi pour sa nationalité que j'ai voulu voir ce long-métrage. Parcourir ma page "Cinéma du monde" vous permettra de découvrir deux autres films liés à l'histoire de l'Algérie - si vous en avez envie. Ainsi que je le soulignais, je manque franchement de références sérieuses pour vous offrir une comparaison intéressante. J'ai repensé aussi à Vers Madrid - The burning bright et j'y reviendrai bientôt... 

mercredi 13 mai 2015

Oui, Cannes !

La toute première montée des marches du 68ème Festival de Cannes a lieu aujourd'hui et, malheureusement, j'aurai trop peu de temps cette année pour vous parler de l'événement. Cela dit, je vais tâcher de rester attentif à ce qui s'y passe - oui, ça m'intéresse beaucoup ! Aujourd'hui, j'évoquerai la liste des films en lice pour la Palme d'or.

Rappel: ce choix émane aussi de Pierre Lescure. À droite et en noeud papillon sur la photo, le nouveau président du Festival a fait équipe avec Thierry Frémaux, délégué général, fidèle à Cannes depuis 2001.

Dans leur sélection, il y a des Français...

Trois d'entre eux sont des bizuths de la compétition: Valérie Donzelli proposera Marguerite et Julien, sur un scénario écrit pour Truffaut, Stéphane Brizé La loi du marché, avec un Vincent Lindon moustachu dans le rôle principal, et Guillaume Nicloux The valley of love, porté par le duo Isabelle Huppert / Gérard Depardieu. Récompensé du Prix du jury en 2011, Maïwenn revient avec Mon roi, une histoire d'amour avec Vincent Cassel. Après son Grand Prix en 2009, Jacques Audiard présentera Dheepan, une fiction sur un réfugié sri-lankais en France.

Deux réalisateurs viseront le doublé...
Nanni Moretti et Gus van Sant ne sont plus des perdreaux de l'année. L'un et l'autre ont déjà connu les honneurs de la Palme d'or, le premier en 2001, l'autre en 2003. L'Italien signe, avec Mia madre, un film consacré à une cinéaste qui affronte la maladie de sa mère, la crise d'adolescence de sa fille et l'arrogance de son acteur principal. L'Américain, lui, semble s'être quelque peu écarté des portraits contemporains de ses compatriotes, La forêt des songes se déroulant au Japon. On y retrouvera Ken Wanatabe et Matthew McConaughey.

Ils titillent déjà un peu ma curiosité...
Au rayon des bizarreries, je mise gros sur Yorgos Lanthimos: le Grec débarque avec The lobster, un film où les célibataires sont contraints de trouver l'âme soeur, sous peine d'être transformés en animaux ! J'imagine qu'on va beaucoup parler du MacBeth du cinéaste australien Justin Kurzel: Marion Cotillard et Michael Fassbender y interprètent les deux rôles principaux. C'est très probable aussi qu'on regardera également Le fils de Saül d'un oeil particulier: ce long-métrage hongrois évoque les camps de la mort et c'est la première réalisation de son auteur, Laszlo Nemes. Deux de mes artistes préférés seront là aussi: Cate Blanchett, d'abord, femme soudain attirée par une autre dans l'Amérique de 1950 (Carol / Todd Haynes), le cinéaste japonais Hirokazu Kore-eda, ensuite, avec un nouvel opus, Notre petite soeur.

En bref, les autres sélectionnés sont...
- Michel Franco / Cronic
Tim Roth, infirmier, s'occupe de patients en phase terminale.

- Matteo Garrone / Tale of tales
Une adaptation des contes de Giambattista Basile (1566-1632).

- Hou Hsiao-Hsien / The assassin
Un film d'arts martiaux taïwanais, dans la Chine du 9ème siècle.

- Paolo Sorrentino / La jeunesse
Deux quasi-octogénaires prennent des vacances au pied des Alpes.

- Joaquim Trier / Plus fort que les bombes
Un drame familial avec notamment Jesse Eisenberg et Gabriel Byrne.

- Denis Villeneuve / Sicario
Emily Blunt et Benicio del Toro contre les narcotrafiquants mexicains.

- Jia Zhang-ke / Mountains may depart
Zhao Tao retrouve son mentor, en route jusqu'à l'Australie... de 2025.

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Une petite précision sur l'affiche...
Elle est signée Hervé Chigioni, à partir d'une photo d'un cofondateur de l'agence Magnum, David Seymour. Ingrid Bergman, la star choisie pour cette édition 2015, aurait fêté ses cent ans le 29 août prochain.

Et voilà, je vous ai dit ce que je savais...

Le débat est donc ouvert. Les commentaires sont à votre disposition pour m'apporter vos éclairages ou partager votre avis. Le palmarès sera décerné le dimanche 24 mai prochain: vous avez donc du temps.

mardi 12 mai 2015

Glace et sang

C'est très banal, sans doute, et je l'ai probablement déjà souligné plusieurs fois: j'aime particulièrement le cinéma quand il m'emmène loin de mon quotidien. L'évasion, c'est ce que je suis venu chercher dans On the ice, présenté comme un thriller dans la communauté inuit. Quelque part en Alaska, un jeune en tue un autre par accident. Avec un ami, il fait disparaître le cadavre. Causes et conséquences...

Si Barrow, constamment entourée de glace, est pour moi une contrée "exotique", elle est en revanche un terrain on ne peut plus familier pour le réalisateur du film, qui y est même né, si j'ai bien compris. C'est l'un de ces endroits où le soleil ne se couche véritablement qu'une fois par semestre. Le film tire, je crois, le meilleur parti possible de ce décor naturel et transforme le paradis blanc imaginaire en enfer rouge sang. L'enquête policière m'a pourtant semblé réduite aux figures imposées du crime imparfait et du doute qui persiste inévitablement dans la tête de l'enquêteur. L'intérêt du scénario réside plutôt dans ce qu'il montre de la vie d'un peuple méconnu. Depuis les terres de l'extrême-nord, les personnages de On the ice sont bien loin de l'image qu'on peut se faire des Américains lambda...

En une grosse heure et demie, le film fait le tour de la question. Sincèrement, j'ai trouvé intelligent qu'il aille aussi vite droit au but. Pas de digression inutile, pas de suspense artificiel: de pouvoir imaginer comment tout ça va finir n'empêche pas d'y prendre plaisir. J'en viendrai presque à dire que le cinéma américain a grand besoin d'histoires de ce genre, même si, au fond, il en est de plus originales. On the ice reprend en fait la trame d'un premier court-métrage éponyme, signé du même réalisateur. Il a été tourné en 25 jours ! Retenu aux Festivals de Sundance et Deauville, il a aussi été présenté à Berlin et y a remporté le Prix FIPRESCI du meilleur premier film. J'ajoute que la distribution est entièrement composée d'acteurs débutants, non-professionnels. Une bien belle performance de groupe.

On the ice
Film américain d'Andrew Okpeaha MacLean (2011)

L'histoire que le film nous raconte en fait un lointain cousin nordique du remarquable Paranoid Park de Gus van Sant (2007). Plus abouti formellement, cet autre long-métrage dresse aussi un portrait sombre de la jeunesse américaine, sans grande perspective pour l'avenir. J'avais cité Virgin suicides en comparaison, mais on en est loin désormais. Libre à vous de préférer les jeunes d'American graffiti...

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Il n'y a pas grand-monde pour en parler, mais...
Pascale ("Sur la route du cinéma") a bien aimé le film, elle aussi.

lundi 11 mai 2015

Drôle de déesse

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais pour ma part, je trouve que ça fait longtemps que je ne vous ai pas parlé de Woody Allen. Séance rattrapage donc avec Maudite Aphrodite, l'un de ses films sortis au cours des années 90. C'est amusant, d'ailleurs: en explorant les recoins de ma mémoire, je me suis rappelé m'être moqué jadis d'un copain de fac qui l'avait aimé. Les temps changent, ma parole...

Parce que oui, une vingtaine d'années plus tard, je dois bien admettre que moi aussi, j'ai aimé Maudite Aphrodite. Notre bon ami Woody joue classiquement un New-yorkais névrosé. Lenny Wentrib panique d'autant plus fort que sa femme aimerait avoir un enfant avec lui. Précision importante: pas question pour autant de risquer sa carrière pour concevoir le mouflet, l'adoption s'avérant une solution pratique franchement acceptable. De fil en aiguille, le bambin est donc adopté. Et pendant ce temps, Lenny psychote toujours, admiratif de son fils certes, mais torturé par mille questions sur l'identité de sa mère biologique. C'est avec lui que l'on découvre alors que ladite génitrice exerce ses talents dans deux boulots différents: prostituée et actrice porno. Illico presto, Woody/Lenny s'érige en protecteur improbable...

Jamais à court d'idées farfelues, Allen entrecoupe cette fois son récit avec les incantations d'un pseudo-choeur antique. Il faut souligner toutefois que son long-métrage n'a absolument rien d'une tragédie. C'est même tout le contraire, à vrai dire: ici, on s'amuse franchement et, entre deux répliques, on s'attendrit. C'est sans nul doute l'aspect que j'ai préféré dans le film: le personnage de Lenny dissimule mal des tombereaux de gentillesse. Il s'y prend mal, certes, mais il tâche d'arranger les choses au mieux pour les autres. Je ne surprendrai personne en soulignant l'efficacité du casting. C'est avec un plaisir non dissimulé j'ai retrouvé Helena Bonham Carter en épouse ambigüe et carriériste. La vraie surprise est venue de Mira Sorvino: j'ignorais tout de cette comédienne jusqu'alors et son jeu en ravissante idiote m'a vraiment séduit - quel dommage d'avoir dû la découvrir en VF ! Maudite Aphrodite valut à son interprète principale un Oscar mérité. Dans la filmographie de son auteur, c'est peut-être bien une pièce mineure, mais pas au point pour autant de me faire taire mon plaisir.

Maudite Aphrodite
Film américain de Woody Allen (1995)

Dans la foulée de cette oeuvre tendre, notre vieil ami américain conservera sa douce approche des sentiments et en fera le moteur d'un autre petit chef d'oeuvre: Tout le monde dit I love you. D'innombrables réalisateurs de tous pays s'essayent à la comédie romantique... et très rares sont ceux qui en ont une telle maîtrise. Libre à vous toutefois de préférer d'autres opus, Alice ou Manhattan.

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Pour terminer, deux liens complémentaires...
Le film fait également l'objet d'une chronique sur "L'oeil sur l'écran". Princécranoir en dit lui aussi quelques mots (positifs) sur son blog.

samedi 9 mai 2015

Ses chers disparus

Le nom de John May fleure bon le printemps, mais c'est une saison froide qui semble régner sur sa vie. John vit seul et, fonctionnaire dans une petite ville anglaise, il est chargé de retrouver les proches et/ou la famille de ceux qui, anonymes, sont morts dans l'isolement. Une belle fin est un de ces petits films sociaux de l'excellente école britannique. Mais ne vous y trompez pas: son réalisateur est italien...

Qu'importe, au fond: c'est avant tout la prestation d'Eddie Marsan qu'on retiendra dans ce long-métrage peu bavard. Son visage incroyable exprime avec sensibilité les nuances de son personnage. Quelque chose dans ce regard nous entraîne vers un sentiment empathique à l'égard de ce pauvre bougre, coincé dans sa destinée d'homme banal et ne vivant jamais que par procuration. Une belle fin ne tombe pourtant pas dans le piège du larmoyant. C'est un film doux et sensible, qui semble pour ainsi dire apaisé face à l'inéluctable. Quelque part, l'air de rien, il dit aussi quelque chose de notre époque. Quand John May apprend qu'il sera bientôt licencié, il s'efforce de finir correctement son travail et n'envisage rien de la suite. On se prend alors à espérer que les rencontres qu'il fera sauront être plus rieuses.

Uberto Pasolini, réalisateur, explique: "J'aime les gens qui se battent pour avoir la vie la plus simple, la plus digne possible". Faut-il parler de combat pour John May ?  Il est vrai que sa manière d'être semble vraiment décalée, comparée à celle de son supérieur, par exemple. Recroquevillé dans sa routine, notre homme n'est pas "moderne". Pourtant, le figer dans cette posture serait franchement réducteur. Par petites touches, en toute délicatesse, Une belle fin montre aussi qu'il est possible d'évoluer dans une certaine différence, que personne ne mérite de tomber dans l'oubli. Un propos noble, humble et pétri d'humanité. J'ajoute que la conclusion du long-métrage vient donner au titre français - en anglais, c'est Still life - une signification inattendue et assez émouvante. Quelques larmes pourront couler...

Une belle fin
Film italo-britannique d'Uberto Pasolini (2013)

Un mot de biographie: comme son nom ne l'indique pas, le cinéaste est le neveu de... Luchino Visconti. Dans la veine socio-réaliste britannique, son second film de réalisateur frappe juste. J'ajouterai qu'Uberto Pasolini s'est aussi fait connaître comme producteur cinéma et notamment de The full monty. Mais c'est davantage à une chanson que je pensais: Pauvre Martin, pauvre misère, de Georges Brassens...

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Pour finir, un petit tour ailleurs sur la toile ?

Si jamais ça vous tente, Dasola parle elle aussi du film sur son blog. C'est également le cas de l'amie Tinalakiller, tout à fait emballée.

vendredi 8 mai 2015

La séparation

L'heure du bilan est encore loin, mais For Ellen restera sans doute comme l'un des films les plus tristes que j'ai vus cette année. L'histoire tourne autour de Joby, un jeune papa, en complet désamour avec la maman de sa fille. Son très vague statut de musicien rock constitue un obstacle à sa volonté d'être proche de l'enfant. La nature même du conflit entre les adultes n'est ici dévoilée que lentement...

S'il faut vous donner une raison de voir ce film, ce serait Paul Dano. L'acteur américain n'a pas 30 ans et il livre une grosse prestation dramatique. Certains l'ont trouvé outrancier. Moi, non: il m'a semblé au contraire qu'il composait son personnage avec une belle justesse. Bien évidemment, on peut rester complétement à côté: il n'est pas dit que le scénario de For Ellen parle à tout le monde de la même façon. Écrit, produit et réalisé par une seule et même artiste... coréenne élevée en Californie, le long-métrage m'a semblé réussi sur le plan formel. Le choix de tourner presque exclusivement dans des paysages enneigés fait un juste écho à ce qui est raconté. J'insiste pour dire que cette intrigue minimaliste est vraiment portée par les comédiens. Nul besoin d'un grand nombre de personnages pour émouvoir, en fait.

Dans le rôle-titre, la petite Shaylena Mandigo est assez épatante. J'imagine volontiers que l'usage malin de champs et contrechamps pour certains dialogues a dû l'aider, mais tout de même: la gamine joue sa partition avec force et conviction, jusque dans les scènes presque muettes qu'elle interprète au début. En un mot, on y croit ! Pour être tout à fait objectif, je dirais également que For Ellen reste une oeuvre comme on en a vu d'autres dans un certain cinéma américain. Présentée au Festival de Sundance, elle n'a de fait connu qu'une exploitation limitée dans son pays d'origine. Je n'ai trouvé aucune donnée sur son box-office français, mais j'ai d'emblée supposé qu'il ne devait pas être fameux. Dommage: sans pouvoir prétendre aux plus hauts sommets, cette petite histoire mérite (un peu) mieux.

For Ellen
Film américain de Kim So-yong (2012)

Villes mornes sous la neige et héros déprimé: c'est un peu l'ambiance aussi d'Inside Llewyn Davis. La comparaison s'arrête là: les films eux-mêmes ne se ressemblent guère. Mais donc, où trouver ailleurs un rapprochement homme / enfant ? Dans Un monde parfait, le film réalisé par Clint Eastwood ? Mouais... le parallèle reste hasardeux. Pour voir Paul Dano avec le sourire, je conseille Elle s'appelle Ruby

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Samedi 9... 10h16... un petit complément...

Pascale me rappelle qu'elle a parlé du film: c'est à lire sur son blog.

jeudi 7 mai 2015

Dernier voyage ?

C'est un défi: bien malin qui saura m'expliquer pourquoi le film d'aujourd'hui n'a pas, en France, été intitulé Cerisiers en fleurs. Cherry blossoms doit être le titre retenu pour l'exploitation internationale, je suppose. J'imagine aussi que, pour une part importante du public, il est plus facile à traduire que Kirschblüten. Mais pourquoi continuer à utiliser la langue anglaise ? Allez savoir...

Les germanistes parmi vous auront compris que ma chronique du jour sera consacrée à un film allemand. C'est une ancienne prof de langues parmi les membres de mon association qui me l'a fait découvrir. Cherry blossoms m'attirait d'abord comme représentant de son pays d'origine - je continue de penser qu'on en voit trop peu d'oeuvres cinéma sur les petits et grands écrans français. Un autre aspect explique que je me sois intéressé à celle-là en particulier: l'histoire qu'elle raconte se déroule pour partie au Japon. Je me dois d'insister toutefois: une bonne première partie a pour théâtre l'Allemagne uniquement. Trudi y apprend que Rudi, son mari, risque de mourir prématurément d'une grave maladie. Le pauvre homme n'en sait rien. Celle qui a su être une épouse-modèle doublée d'une mère attentive pendant des dizaines d'années s'efforce donc de lui cacher pour vivre aussi intensément que possible ces derniers jours de vie commune...

Pas question de vous en dire plus sur le scénario ! Limite si j'accepte de révéler que l'intrigue connaît un très important rebondissement vers la moitié du métrage. Le reste, c'est à vous de le découvrir. Personnellement, je ne dirais pas que le film est sans défaut. Quelques effets de ralenti le rendent parfois "balourd" et je déplore quelques longueurs ou répétitions - malgré la série de scènes coupées présentées sur le DVD, la durée totale dépasse encore deux heures. Cette précision étant faite, je veux dire que Cherry blossoms reste un long-métrage plaisant, touchant et bien écrit. Les personnages évitent le piège du c'était-mieux-avant. Il y a certes de la mélancolie dans ce récit, mais pas véritablement de nostalgie ou de passéisme. Quelques maladresses, mais une sincérité, que l’imperfection formelle parait même renforcer, par moments. C'est ce à quoi j'ai été sensible, plutôt qu'aux deux ou trois points un peu moins réussis. Grâce aussi à la justesse de jeu des acteurs, j'y ai pris un vrai plaisir.

Cherry blossoms
Film allemand de Doris Dörrie (2008)

Au scénario et derrière la caméra, une femme: la cinéaste connaît d'ailleurs bien la tragédie du veuvage, puisqu'elle a perdu son mari alors que sa fille n'avait que 6 ans. Un point à noter: ce long-métrage a participé et est reparti bredouille du Festival de Berlin, mais a reçu le Prix de la jeunesse au Festival du film romantique de Cabourg. Sans être aussi belle, sa première partie m'a rappelé Voyage à Tokyo.