mardi 30 juillet 2013

Espionnage ludique

Réussir à réunir un trio Gad Elmaleh, Audrey Lamy et Eric Cantona autour d'un même projet pourrait sembler illusoire. Le premier convaincu dès 2010, les concepteurs de Moi, moche et méchant 2 sont ensuite parvenus à persuader ses deux petits camarades. Reprenons. Si vous avez manqué l'épisode 1, sachez que je parle d'une franchise de films d'animation, avec donc les trois larrons précités en doubleurs des personnages. Au menu: du plaisir taille XXL pour les gosses... et ceux qui ont gardé un peu de leur âme d'enfant.

L'intrigue s'appuie d'abord sur le personnage de Gru, un bonhomme assez vilain affublé d'un nez crochu. Ex-candidat à la mise sous cloche du monde entier, le mauvais sujet repenti tâche de tromper l'ennui d'une retraite en banlieue pavillonnaire en organisant des fêtes d'anniversaire pour Édith, Margaux et Agnès, ses filles adoptives. C'était trop simple pour durer: un beau jour, Gru voit débarquer inopinément une dénommée Lucie, laquelle, non sans faire preuve d'une très efficace malice, l'assomme pour le compte et l'embarque dans sa voiture. Quelques instants plus tard, Gru se retrouve espion bénévole d'une agence secrète, chargé de repérer et d'éliminer illico un nouveau sale gosse susceptible de faire péter la planète. Un pitch digne d'un James Bond, Moi, moche et méchant 2 se montrant, genre et style obligent, plus sensible à la loufoquerie radicale qu'au goût éternel du Martini dry. Il n'est bien entendu pas interdit d'y goûter...

Désolé de ne pas pouvoir vous offrir aujourd'hui un comparatif précis avec le premier opus de la série: c'est à l'improviste que je suis allé voir ce deuxième volet au cinéma, sans vraiment avoir eu le temps de prendre les choses dans le bon sens. Cela étant, je n'ai pas connu de regret sur ce point: l'intrigue de Moi, moche et méchant 2 demeure d'une limpidité parfaite, et ce y compris pour les profanes. Un petit mot quand même sur les Minions, les petites créatures jaunes mascottes du film: si ce qu'on m'a dit est juste, elles ont ici une place bien plus prépondérante que précédemment. Bonne idée ! Leur charabia à moitié incompréhensible et les situations rocambolesques dans lesquelles elles s'enferment apportent au film une fantaisie tout aussi débridée qu'appréciable. Sans vouloir détailler exagérément mon propos, j'ajouterais que, cette fois, elles gravitent même au centre du scénario. Les laisserez-vous vous y accompagner ?

Moi, moche et méchant 2
Film franco-américain de Pierre Coffin et Chris Renaud (2013)

Ma mission - et je l'ai acceptée - consistera désormais à découvrir également Moi, moche et méchant épisode 1. J'en reparlerai prochainement. En attendant, au-delà du coup de coeur, j'avoue avoir du mal à désigner ce qui serait le meilleur film (ou la meilleure école) d'animation actuelle. Il est communément admis que la France puisse prétendre aux lauriers d'un bon classement, mais elle n'est pas seule au monde. Je vous conseille dès lors de multiplier à l'envi les plaisirs et de tester les "oeuvres en bleu" que j'ai listées dans mes index...

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Sans aller nécessairement aussi loin...

Vous pouvez lire un avis équivalent sur "Le blog de Dasola".

dimanche 28 juillet 2013

Regards sur Frances

J'ai revu Burn after reading il y a quelques semaines. Pas envie pourtant d'y revenir: si vous y tenez vraiment, vous pourrez retrouver ma chronique sur le film d'un simple clic. Je préfère en fait évoquer l'une des actrices, une comédienne peu glamour selon les canons hollywoodiens, mais que j'ai appréciée pour son talent à chaque fois que j'ai pu voir l'un de ses films, j'ai nommé... Frances McDormand.

Née en 1957, la star fait preuve d'une belle longévité, elle qui arpente les plateaux cinéma depuis bientôt 30 ans. Fille de pasteur, Frances développe très tôt un goût pour la comédie et le théâtre. Elle sortira diplômée de l'université de Yale après y avoir étudié l'art dramatique.

De l'autre côté de la réussite, Frances fut pressentie comme nominée possible aux Razzie Awards, les Oscars des mauvais films américains. C'était en 2005, soit huit ans après avoir reçu une belle statuette dorée, mais elle échappa finalement à cette infamie. Et tant mieux !

En lice pour plusieurs prix au cours de sa carrière, l'Américaine a donc remporté l'Oscar en 1997 pour ce que je considère comme un chef d'oeuvre des frères Coen, Fargo. En guise d'explication, elle notait avec humour que coucher avec le réalisateur l'avait peut-être aidé...

Frances est encore et toujours la femme de Joel Coen. C'est d'ailleurs avec les frangins qu'elle a fait ses débuts au cinéma, dans le rôle principal de Sang pour sang (1984). Depuis, le trio a encore été réuni six fois, la dernière en 2008 pour... Burn after reading. À suivre...

Il arrive aussi que la comédienne prête sa voix. Elle a ainsi connu quelques expériences télévisées dans le domaine du documentaire. Plus amusant, elle a aussi été créditée pour un travail de doublage dans l'opus 3 de la franchise Madagascar et un épisode des Simpson

IMDb, la base de données de référence du cinéma américain, ne cite actuellement aucun projet en cours pour Frances. J'ai vu et apprécié ses deux derniers films: Moonrise Kingdom et Promised land. Courant juin, elle parlait cinéma avec des étudiants... au Paraguay.

vendredi 26 juillet 2013

Saudade etc...

C'est un fait: du cinéma du Portugal, je ne connais quasiment rien. Seul le nom de Manoel de Oliveira m'est familier, parce qu'on présente le réalisateur comme le plus vieux cinéaste en activité (104 ans !). Quand je suis allé voir La cage dorée, je savais qu'il y était question du Portugal, mais je n'étais pas entré dans les détails du pitch. Précisons alors que le film s'intéresse à une famille lusitanienne installée de longue date à Paris. Maria est la très appréciée concierge d'un immeuble de standing, tandis que José est maçon dans le BTP.

Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si le couple n'héritait pas d'une fortune familiale. Le seul problème vient du fait que les conditions testamentaires sont draconiennes: pour pouvoir toucher le pactole, Maria et José devront rentrer au pays. Et personne n'entend les laisser faire ! La cage dorée tire de cette situation ubuesque son principal carburant comique. Les petits chanceux hésitent eux-mêmes à profiter de ce qui leur tombe dessus inopinément, sans qu'ils aient eu besoin d'accomplir le moindre effort. Gentiment farfelu, le scénario rebondit avec une efficacité décuplée du simple fait d'un nombre de personnages important. Il n'y a évidemment aucun vrai méchant dans cette histoire loufoque, le récit s'autorisant juste à pasticher certaines hypocrisies très communes. Conséquence: on s'amuse de bon coeur de ce petit film bien balancé.

Idée intelligente: une bonne partie des rôles reposent sur les épaules de comédiens portugais, Rita Blanco et Joaquim de Almeida en tête. Quant aux autres, écrits avec une tendre justesse, ils ont été confiés à des comédiens populaires, mais assez rares sur les écrans. J'ai eu notamment plaisir à revoir Chantal Lauby et Roland Giraud, mais aussi à découvrir l'inénarrable Nicole Croisille en rombière engoncée dans son confort bourgeois. Sans que ce soit le sujet du film, La cage dorée évoque discrètement le sort réservé à une communauté étrangère sur le territoire français, le film étant d'ailleurs dédicacé aux parents de son réalisateur. Vous découvrirez par quelle pirouette Maria et José se tirent d'affaire et parviennent à changer de vie. Pardon ? Non, je n'ai rien dévoilé de significatif, soyez rassurés. Maintenant, saudade mise à part, je découvrirais bien le Portugal...

La cage dorée
Film franco-portugais de Ruben Alves (2013)

Quatre étoiles d'encouragement pour un cinéaste qui fait ses débuts avec ce long-métrage sympa. Il semble qu'il ait d'ores et déjà reçu remerciements et éloges de compatriotes installés en France. Notons toutefois que l'artiste réfute l'idée du communautarisme. Sa Maria m'a fait songer aux Espagnoles vues dans Les femmes du 6e étage.

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Ah, une précision, tout de même...
Pour ceux qui ne le sauraient pas, la saudade est le nom que donnent les Portugais (et les Cap-Verdiens) à une certaine mélancolie. J'imagine que vous comprendrez mieux en écoutant Cesaria Evora...

mercredi 24 juillet 2013

Veronica, la vraie

Le hasard a voulu que je revoie Veronica Guerin très rapidement après que la journaliste est revenue dans l'actualité irlandaise. L'une de ses anciennes consoeurs au Sunday Independent viendrait d'écrire un livre pour la présenter sous un jour - un peu - moins favorable. Quant à John Traynor, que le film désigne comme son indic, il est sorti du bois. Parti d'Irlande après le meurtre, il affirme en être totalement innocent. Je me suis dit qu'il serait plutôt bien d'ajouter quelques mots sur l'histoire à l'origine du film de Joel Schumacher.

Le réalisateur américain aurait un peu trop insisté sur le côté sordide. Son film prend quelques raccourcis et s'autorise des inexactitudes. Exemple: le principal criminel de cette affaire aurait été condamné pour trafic de cannabis et non pas d'héroïne comme le long-métrage l'imagine allègrement. Bon, 28 années de prison, quand même...

Quelque six mois avant qu'elle soit tuée, la vraie Veronica Guerin recevait un prix et soulignait alors à quel point le cadre juridique était contraignant pour le travail des journalistes irlandais. Au cours de sa carrière, elle fut contrainte à inventer plusieurs pseudonymes pour désigner les criminels en cause dans ses articles. Son message fut finalement entendu et la législation sur la diffamation assouplie.

Certains affirment que la journaliste emmenait son fils sur le théâtre de ses interviews et, en règle générale, n'écoutait guère les consignes de prudence émises par son mari. En recevant son prix, elle devait toutefois mentionner leur soutien à tous deux. Pour essayer d'expliquer ce type d'attitudes, d'aucuns jugent qu'elle et son époux n'avaient pas assez d'argent pour confier leur enfant à une crèche.

Quelle que soit sa part d'ombre, il est certain que Veronica Guerin n'a pas été oubliée. Une stèle rappelle sa mémoire au coeur du château de Dublin et une bourse pour jeunes journalistes d'investigation porte son nom. Le film suggère qu'elle n'était pas forcément la meilleure des rédactrices pour l'orthographe. Cette anecdote-là semble exacte. 

Dans ma chronique précédente, j'ai dit que le film restait assez évasif sur la manière dont fonctionne une rédaction. Ce qu'il ne montre pas et qui est avéré, c'est que Veronica Guerin n'a pas toujours été journaliste. En revanche, là où le cinéma colle bien à la réalité, c'est quand il révèle qu'elle avait fait des études de comptabilité. Études utiles, apparemment, quand il s'est agi des investigations futures.

Autre conséquence de son travail: après sa mort, le parlement irlandais vota une loi permettant la saisie de biens des personnes suspectées d'avoir commis des crimes organisés. Un organisme public fut créé pour cette mission. Le film indique que ce type de criminalité aurait chuté de 15% dans la foulée. Je n'ai pas pu vérifier ce chiffre.

lundi 22 juillet 2013

Sa plume, son combat

Je ne sais pas si c'est lié à la faiblesse de leur cote de confiance publique, mais c'est un fait: au cinéma, les films sur les journalistes sont relativement rares. Veronica Guerin en est-il vraiment un ? Bonne question. Il tourne bel et bien autour de l'univers de la presse écrite et il a de fait une femme reporter pour personnage principal. Irlandaise, l'intéressée enquête sur les activités à peine clandestines de quelques vilains garçons, portés sur le trafic de drogue. Au coeur de ses sources: un jeune flic quelque peu frustré par l'inefficacité répressive des services de police et un truand de moindre envergure. Terrain glissant, évidemment, où les dérapages se payent comptant.

Quand j'ai appris les bases du métier, comme mes petits camarades d'école, j'ai souvent entendu parler d'objectivité. Veronica Guerin dresse le portrait d'une femme engagée dans un combat, reflet d'autant plus crédible que la journaliste a existé et même été abattue dans des circonstances obscures. Pour l'objectivité, on repassera, non sans avoir constaté que le scénario prenait quelques petites libertés avec l'histoire qui s'est déroulée dans le Dublin des années 90. L'important n'est pas là. Plutôt qu'à illustrer précisément les rouages d'une rédaction et expliquer comment une professionnelle peut mener une investigation sur des sujets aussi difficiles, le film s'attache d'abord à évoquer une situation sociale très détériorée et l'opiniâtreté qu'une enquêtrice met à la relater. C'est vrai que le long-métrage s'avère du coup un peu tire-larmes. C'est pour moi sa seule limite réelle. Je vois mal pourtant comment il aurait pu en être autrement. Malgré quelques imperfections, il sait dire des choses intéressantes.

Cela ne surprendra mes plus fidèles lecteurs: à mes yeux, l'atout numéro 1 du film reste la présence de Cate Blanchett dans le rôle principal. La belle Australienne échappe généralement aux critiques émises à l'égard du long-métrage lui-même. Son jeu tout en retenue fonctionne bien avec son personnage: il est probable qu'avant même de tourner, la comédienne se soit largement documentée sur celle dont elle endosse le costume - c'est ce qu'elle soulignait à l'époque pendant les interviews promotionnelles. Dans un souci de réalisme évident, les (rares) artistes non-irlandais qui ont planché sur le film ont choisi de tourner avec des acteurs-sosies des réels protagonistes de cette histoire vraie. Même si une partie des décors a été créée spécialement pour l'occasion, le tournage a eu lieu à Dublin, la ville venant renforcer ce sentiment d'authenticité. Veronica Guerin manque parfois de profondeur et pêche par quelques facilités hollywoodiennes. Il présente toutefois le mérite de rouvrir une page douloureuse des médias, sans pour autant oublier qu'il en existe d'autres. Pas de suspense là-dedans, mais une certaine distinction.

Veronica Guerin
Film américano-irlandais de Joel Schumacher (2003)
Lors de mon habituelle recherche sur les à-côtés du film, j'ai appris qu'un autre avait été tiré de cette histoire. Au vu de la bande annonce, When the sky falls - sans rapport avec James Bond - serait beaucoup plus tourné vers l'action que la réflexion. La journaliste "vedette" y a d'ailleurs changé de nom et s'appelle Sinead Hamilton. Maintenant, si vous cherchez un bon film sur le fonctionnement régulier des médias, je conseille plutôt Good night, and good luck.

samedi 20 juillet 2013

Leçon de suspense

C'est devenu une blague habituelle avec mes amis: facile, le jeu consiste à citer un classique que je n'ai pas déjà vu et à se moquer gentiment de cette grossière lacune. Je souris d'autant plus volontiers que je suis heureux d'avoir de larges pans de cinéma à découvrir. Maintenant, ce qui est difficile, c'est de donner un avis intéressant sur un film dont d'autres ont déjà parlé auparavant. J'essaye aujourd'hui avec Frenzy, l'avant-dernier Hitchcock, que j'ai de fait vu pour la première fois dans le cadre d'un cycle Arte, il y a tout juste quelques semaines. C'était une bonne raison de se coucher tard...

Ma - toute relative - connaissance des films du maître du suspense me laisse pour l'heure une impression mitigée. Je dirais humblement que, sur moi, Frenzy est un long-métrage qui "fonctionne". J'y vois une leçon de suspense, justement, après avoir lu une définition exacte de ce mot si souvent accolé à Hitch. Un bon suspense ferait naître le frisson non pas de la peur de l'inconnu, mais au contraire d'une parfaite connaissance de l'enjeu du film et de l'empathie développée pour le personnage principal, victime potentielle incapable de voir venir ce qui risque de lui arriver. L'illustration est parfaite dans le cas présent. Le scénario tourne d'abord autour d'un assassin de femmes, identifié assez rapidement - et ce au cours d'une scène d'une violence d'allure presque pornographique, libération des moeurs oblige. L'intrigue concerne alors un autre homme, que la société verrait bien en coupable idéal, mais qui n'est au fond rien d'autre qu'un pauvre type, vierge de tout acte répréhensible. La force du film tient aussi au fait que ce bouc émissaire n'est pas des plus aimables.

En un mot comme en cent, l'ami Alfred nous balade et n'hésite jamais à parsemer de cadavres la tortueuse route qu'il nous fait emprunter. La sortie n'est pas une promenade d'agrément, loin de là. Impossible alors de ne pas saluer la justesse du choix du lieu de tournage: revenu de son périple aux States, Hitch livre ici l'ultime opus de son cinéma londonien - et le cadre de la mégapole britannique cadre parfaitement au sujet développé, crédibilisant l'idée que chacun de nous dissimule peut-être d'inavouables secrets. Comme son titre l'illustre également parfaitement, Frenzy est un grand film paranoïaque, qu'un artiste fou ne renierait pas forcément. Fait notable: c'est également un film dépourvu de toute star, Michael Caine ayant dit non à un rôle prévu pour lui. C'est très bien ainsi: parce que, même s'ils jouent tous parfaitement bien, les acteurs n'ont guère de charme, on s'identifie d'autant plus et on prend un plaisir vaguement coupable à contempler ces images malsaines. Et pour finir, on en vient à savourer, cerise amère sur le gâteau empoisonné, une so British dose d'humour noir.

Frenzy
Film britannique d'Alfred Hitchcock (1972)

On dirait qu'après avoir pris un malin plaisir à malmener ses actrices dans ses classiques plus anciens, le maître anglais s'amuse à achever l'ensemble de sa distribution sous le fiel d'une misanthropie galopante. À conseiller à un public averti, comme on le dit parfois ! Les âmes sensibles se tourneront plutôt vers d'autres options. Faites donc un tour dans mon index des réalisateurs pour mieux choisir...

jeudi 18 juillet 2013

Une histoire de famille

Un film évoquant une histoire de famille, porté par une bande originale aux petits oignons: c'est pratiquement tout ce que je savais de C.R.A.Z.Y. avant qu'il ne tourne sur ma platine DVD. Il me semble aussi que j'avais conscience qu'il s'agissait d'un film québécois. Maintenant, allez comprendre ! J'étais convaincu de ne pas devoir prêter attention à l'accent particulier de nos bons cousins d'Amérique. Finalement si ! La langue originale du long-métrage est bien la parlure québécoise, ce qui justifie d'ailleurs assez bien que l'éditeur français ait sous-titré certains passages. Reste alors à découvrir le scénario...

C.R.A.Z.Y. raconte la vie de Zacharie, le quatrième garçon du couple Beaulieu, l'avant-dernier venu d'une fratrie de cinq frères. Il faudra vous contenter de ce descriptif: je ne tiens pas à détailler ici comment les frangins interagissent entre eux. Je peux toutefois dire que le film s'intéresse aussi beaucoup aux parents et à leur façon d'élever leurs enfants. Pour ne pas trop en révéler, j'ajoute simplement que les rebondissements de l'intrigue surviennent souvent parce que Zacharie a quelque chose que les autres n'ont pas. Inutile désormais d'en dire plus: cette histoire saura vous cueillir si vous êtes intéressés par l'idée d'une saga familiale sur une vingtaine d'années depuis 1960 et assez ouverts d'esprit pour apprécier les personnages un peu décalés. Le ton est assez léger, en fait, mais pas seulement.

Pour être franc, quand il a commencé, j'ai eu envie de me plonger dans ce film et j'ai eu l'espoir de l'aimer franchement. Je l'ai aimé tout court, c'est-à-dire que je l'ai plus qu'apprécié, mais pas adoré. Tantôt, j'ai trouvé qu'il sacrifiait un peu rapidement ses personnages secondaires, tantôt, j'ai ressenti quelques longueurs ou répétitions. Rien de gravissime, mais c'est ce qui fait que je n'ai pas accordé quatre étoiles pleines à l'heure du bilan chiffré. Je ne veux pas jeter le bébé avec l'eau du bain: C.R.A.Z.Y. recèle de grandes qualités. Jean-Marc Vallée l'a à la fois réalisé et scénarisé: ça doit vouloir dire qu'il a pour lui une place importante et ça, je respecte. Respect aussi pour une histoire intelligente, un casting et une direction d'acteurs impeccables et, oui, une BO aux petits oignons. Un grand petit film.

C.R.A.Z.Y.
Film canadien de Jean-Marc Vallée (2005)

Le prochain opus du réalisateur est attendu cette année et devrait raconter l'histoire d'un contrebandier de médicaments, par ailleurs séropositif. J'essaye de surveiller sa sortie pour vous tenir informé. Avant cela, si l'opportunité m'est donnée, je ne dirais pas non à l'idée de voir Victoria: les jeunes années d'une reine et Café de Flore. Vous l'aurez compris: je parle bien sûr des deux longs-métrages sortis après C.R.A.Z.Y. (en 2009 et 2011). En attendant, je vous conseille Le premier jour du reste de ta vie, une autre histoire de famille. Bingo ! C'est bien avec le même Marc-André Grondin, alias Zacharie. Cette fois, en revanche, c'est un film français, signé Rémi Bezançon.

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D'autres avis sur le film d'aujourd'hui ?
Celui de Pascale ("Sur la route du cinéma") est plutôt enthousiaste. Celui que publient les rédacteurs de "L'oeil sur l'écran" un peu moins.

mardi 16 juillet 2013

Changer les règles ?

Si vous êtes plus ou moins un habitué de ce blog, vous devez avoir remarqué qu'il se veut assez ouvert à l'opinion d'autrui. Il y aurait mieux à faire pour mettre en valeur d'autres avis, c'est une évidence. Je réfléchis régulièrement à la manière dont je pourrais associer d'autres plumes, comme je le fis début 2011, au cours d'une période trop courte à mon goût. Y a-t-il quelques candidat(e)s, dans la salle ?

Le moteur d'interactivité de ce modeste site, c'est la partie commentaires. Elle est peu utilisée - moins de 400 petits mots laissés sur les 892 chroniques antérieures. C'est vrai: je ne réponds jamais directement (un tort ?). Au fil du temps, je n'ai pas non plus souhaité mettre en place de modération. J'ai toutefois constaté avec dépit qu'après de longues années de contrôle efficace, l'administration Blogger laissait passer un nombre croissant de spams. Il existe bien 2-3 méthodes pour réduire le flux, mais je feins encore l'indifférence.

Changer les règles ? Je n'en ai pas envie. Écrire une chronique m'apparaîtra toujours plus intéressant que de chercher une solution pour éradiquer (ou juste endiguer) mes contributeurs fantômes. Détail amusant: Blogger me permet d'avoir une connaissance sommaire des mots-clés qui ont attiré l'attention de la planète Web sur ma modeste page. Je dois dire que, parfois, c'est assez gratiné. Je sais aussi que le relais de mes chroniques via Facebook m'apporte des lecteurs supplémentaires. Vous êtes toutes et tous les bienvenus !

dimanche 14 juillet 2013

Révolution en germe

Vous avez vu le calendrier ? C'est tout sauf un hasard si j'ai choisi d'évoquer aujourd'hui un film sur la Révolution française. Je dois toutefois dissiper une possible ambigüité: l'intrigue de Lady Oscar s'achève le 14 juillet 1789, jour de la prise de la Bastille. Son scénario se développe sur les trois décennies précédentes. Quand l'histoire commence, nous faisons connaissance avec un membre de la noblesse royale, le général de Jarjayes. Sa femme vient de mourir en couches en lui offrant une sixième fille. Privé d'héritier mâle, le vieil homme choisit d'éduquer sa benjamine comme un garçon. Pas de sentiment !

Quelque vingt ans plus tard, Mademoiselle Oscar François de Jarjayes est devenu le capitaine de la garde de la reine Marie-Antoinette. Hormis la souveraine elle-même et un ami d'enfance, rares sont ceux qui ont connaissance de sa véritable nature féminine. Les éléments du puzzle sont déjà en place, même si on les distingue encore mal. Plus qu'à l'inéluctable montée du sentiment contestataire au royaume de France, Lady Oscar s'intéresse d'abord à la destinée d'une femme emportée par les événements. D'aucuns trouveront ce concept scénaristique monstrueusement kitsch. Si le long-métrage assume assez fièrement ses aspects romanesques, il est permis de les trouver un peu trop caricaturaux pour lui pardonner ses outrances. Je souligne donc que, pour ma part, je me suis vraiment pris au jeu. J'ai apprécié que l'on prenne le temps de nous présenter une série de personnages secondaires, par ailleurs souvent inspirés des véritables protagonistes de ces années incertaines. Et tant pis si le reste est pure invention...

En plus de dire que j'ai toujours aimé le cinéma en costumes, je crois utile de préciser que j'ai trouvé dans le propos du film quelques échos à la situation actuelle de la France. C'était ma foi agréable ! J'ajoute que, bien que confiant en la capacité de Jacques Demy à me séduire encore, je n'aurais pas nécessairement misé lourd sur cet extrait-là de sa - belle - filmographie. Peut-être que le titre vous est familier. Retour en arrière: Lady Oscar est au départ... un dessin animé japonais, lui-même adapté de La rose de Versailles, un manga paru au début des années 70. C'est donc bel et bien un producteur nippon, Mataichiro Yamamoto, qui a contacté Jacques Demy pour passer commande du film. Les acteurs, eux, sont pour la plupart sujets britanniques et, suite logique, la version originale du long-métrage est anglaise ! Rarement montré si ce n'est en festivals, ce drôle d'objet cinématographique n'a véritablement été distribué en France qu'à partir de 1997. Un vague problème de droits heureusement réglé.

Lady Oscar
Film franco-japonais de Jacques Demy (1979)

Je n'ai pas renoncé à l'idée de voir un jour le Danton du réalisateur polonais Andrzej Wajda. Je constate en attendant que le traitement de la Révolution française peut changer très radicalement en fonction de la sensibilité du cinéaste concerné. Pour en juger, je vous suggère de vous intéresser aux oeuvres de Sofia Coppola (Marie-Antoinette) et de Benoît Jacquot (Les adieux à la reine). Illustration de la France de Louis XV, le Cartouche de Philippe de Broca a de bonnes chances de séduire lui aussi les adeptes des récits d'amour et de révolution. Autre temps, autre continent: la fin du film évoque aussi celle de No.

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Si vous tenez à vous concentrer sur le Jacques Demy...
Un détour s'impose pour lire l'avis de mes amis de "L'oeil sur l'écran".

samedi 13 juillet 2013

Vivre sans les grands

Au moment de le regarder l'autre soir, j'étais pratiquement certain d'avoir déjà vu La guerre des boutons. Cela doit désormais remonter à une trentaine d'années, si mes repères temporels sont exacts. Autant dire que je ne me souvenais de presque rien. Je note aussi pour commencer qu'à supposer que je l'ai découvert en 1982, le film d'Yves Robert avait alors déjà vingt ans, l'un des petits détails amusants étant qu'il adapte au début des années soixante un roman de Louis Pergaud censé se dérouler en 1912. De là à affirmer alors que littérature et cinéma sont arts intemporels, il y a encore un pas.

Désolé: je ne le franchirai pas. Laissez-moi tout de même vous dire ce dont il est question: à l'image du roman originel, le long-métrage met en vedette deux bandes de gamins, petits habitants de villages de la France profonde. Couilles molles et peigne-culs: quand ils font autre chose que chahuter en classe, Longeverne et Velrans aiment s'adonner aux plaisirs simples de la bataille rangée. Ils évitent consciencieusement tout contact avec le monde bête et raisonnable des adultes: en plein air, leur motivation première est de se retrouver entre marmots pour s'humilier réciproquement. Les vainqueurs pourront fumer et boire comme des grands... ou presque. La guerre des boutons: le titre du film dit tout de leur butin. On connaît tous des quêtes moins raisonnables. La folie des plus jeunes est relative...

Je le dis comme je le pense: La guerre des boutons est un film d'enfants. On a vite l'impression de voir débouler à l'écran les dizaines de pensionnaires d'une jolie colonie de vacances. Ce qui peut conférer au long-métrage un côté charmant, c'est que ces minots n'ont pas l'air dirigés. Entendons-nous bien: il est plus que probable qu'ils le soient. Pourtant, ce qui est frappant, c'est le naturel dont ils font preuve. Qu'ils dialoguent ou agissent sans parole, ils s'impliquent tous à fond. Apparemment, ils ont décidé de s'amuser ! Deux nouvelles versions cinéma de cette vieille histoire sont sorties simultanément il y a quelque temps: je ne suis pas sûr qu'elles aient la même fraîcheur. Ici, il est remarquable que les adultes passent presque inaperçus. Zappés, Michel Galabru, Jean Richard, Jacques Dufilho... rien que ça !

La guerre des boutons
Film français d'Yves Robert (1962)

"Si j'aurais su, j'aurais pas venu"... la réplique-culte de P'tit Gibus rappellera peut-être des souvenirs aux plus nostalgiques d'entre vous. Les autres pourront toujours aimer le film pour la façon dont il place les enfants au centre de tout - ce n'est pas très fréquent au cinéma. La fin laisse certes planer un peu de nostalgie, mais le pragmatisme des grands ne triomphe pas tout à fait. Ouf ! On sera moins éprouvé que devant Les 400 coups. Moi, j'ai repensé à Moonrise Kingdom...

vendredi 12 juillet 2013

Déveine et sentiments

C'est entendu: La chance de ma vie n'est certes pas le film du siècle. Même en matière de comédie romantique, le cinéma français a fait mieux. Ayant manqué le dernier Virginie Efira au cinéma, j'ai regardé celui-là à la télé l'autre jour. Une heure et demie et deux (!) coupures publicitaires plus tard, je dirais qu'il ne m'a pas déplu. Il n'a rien d'inoubliable, mais je ne me suis pas ennuyé. Le cahier des charges de la rom' com' est respecté, sans grande prétention. C'est déjà ça.

Oui, donc, Virginie Efira: la jolie Belge s'est aussi amusée il y a peu dans un rôle de cougar aux côtés de Pierre Niney. Ici, elle préfère jeter son dévolu sur François-Xavier Demaison, son... conseiller conjugal. En dépit de son éthique professionnelle, Julien emballe Joanna en deux conseils trois mouvements. Ce qui devait rester l'histoire d'une nuit pourrait bien finalement devenir celle d'une vie. Sauf qu'évidemment, il y a un souci: Julien ne l'a pas dit, mais il porte la poisse à toutes ses conquêtes. La plus récente a même développé une allergie à sa salive. Vous l'aurez compris: La chance de ma vie est (d'abord ?) celle de ce pauvre garçon. Lequel va braver le destin pour conserver le coeur de sa belle. Joanna succombera-t-elle finalement à autre chose qu'une crise d'urticaire ? Réponse à la fin.

Plutôt light côté scénario, le film conserve quelques arguments convaincants - non, je n'ai pas reparlé de Virginie Efira ! Les rôles secondaires sont plutôt bons, avec notamment Thomas N'Gijol, Francis Perrin, Elie Sémoun ou celui qui pourrait devenir le chouchou des filles, Raphaël Personnaz. À défaut d'originalité, le long-métrage se distingue également de la masse par son rythme assez soutenu. Son montage n'y est pas pour rien, avec quelques petites trouvailles bien senties - et un générique de fin assez sympa, aussi. Je dirais également que les deux comédiens principaux sont bons, en dépit même du fait qu'ils n'ont pas une grosse prestation à délivrer. Il faut prendre La chance de ma vie pour ce qu'il est: une production carburant à l'ordinaire du cinéma français. J'ai su m'en contenter.

La chance de ma vie
Film français de Nicolas Cuche (2011)

Il paraît que le réalisateur a laissé passer dix ans entre son film précédent et celui-là. Si c'est le temps de sa maturation scénaristique ou technique, c'est effectivement un peu long. Il me resterait à voir 20 ans d'écart, le film avec Pierre Niney évoqué un peu plus haut. Amoureux des comédies romantiques à la française, je vous conseille L'arnacoeur ou, bien entendu, Le fabuleux destin d'Amélie Poulain.

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Pour finir, un constat d'évidence...

Pascale ("Sur la route du cinéma") est bien plus sévère que moi !

mercredi 10 juillet 2013

L'argent et la mort

Savez-vous ce qu'est un spoiler ? Pour ceux qui ne fréquentent pas aussi souvent que moi la blogosphère cinéma, j'indique qu'un spoiler désigne la révélation de la fin d'un film - ou celle de son argument principal. On utilise le même mot en verbe: certains spoilent, d'autres se font spoiler. C'est ce qui m'est arrivé avec Psychose, le classique d'Alfred Hitchcock. J'étais parvenu à passer entre les gouttes amères de la vérité jusqu'à ce que mes yeux tombent sur... un documentaire consacré au spoiler ! Pour ma chronique, je préfère garder le silence.

Un débat divise le petit monde des cinéphiles: y a-t-il une prescription pour le spoiler ? Peut-on estimer que dix, vingt, cinquante, cent ans après sa sortie, un film est assez connu de tous pour qu'on parle librement de son intrigue et de sa conclusion ? Ma réponse est non ! Pour parler de Psychose, je dirai donc seulement que le film s'intéresse d'abord à une dénommée Marion Crane, une jeune femme qui entretient une relation cachée avec un homme, Sam Loomis. Lassée de cette vie clandestine, la blondinette d'apparence ordinaire saisit l'opportunité de voler une grosse somme à son patron et prend la route, déterminée à retrouver son amant et à prendre sa destinée en mains. Voilà ! Je n'en dirai pas plus. Le titre d'Alfred Hitchcock suggère des détours vers la folie. Celui que j'ai choisi vous laissera penser à des rebondissements d'ordre criminel. Les deux impressions sont bonnes, mais j'ai décidé de ne rien expliciter. Bien que sachant d'office ce qui allait arriver, j'ai sursauté en une ou deux occasions...

Chose étonnante: nommé pour quatre Oscars en 1961, Psychose revint bredouille de la cérémonie. Il reçut d'abord un accueil critique mitigé. Les choses changèrent rapidement et il est considéré aujourd'hui comme l'un des chefs d'oeuvre du film de suspense. Objectivement, l'ambiance qu'il met en place est des plus prenantes. Ce qui est fascinant, c'est qu'à l'image du premier personnage féminin, l'intrigue prend le chemin des écoliers. Sans jamais s'égarer en chemin, Hitch nous fait également frissonner en allumant ici et là quelques contre-feux scénaristiques: avec génie, il parvient à donner l'apparence d'une menace à ce qui se révèle au final tout à fait banal. Objet de multiples suites, parodies et clins d'oeil, le long-métrage doit beaucoup à sa bande originale: la partition de Bernard Hermann tisse une toile sonore dont on ne s'échappe pas. Un spoiler malvenu fait que je ne peux pas vous dire ce qu'on ressent quand on se frotte à cette oeuvre sans a priori. Je vous conseille vivement d'essayer !

Psychose
Film américain d'Alfred Hitchcock (1960)

Comment évoquer le long-métrage sans évoquer la prestation d'Anthony Perkins, premier rôle masculin ? Je resterai évasif: voyez par vous-mêmes. J'aurais pu dire également qu'après avoir vu Psychose, vous ne prendrez plus une douche sans arrière-pensée macabre, mais ça ne servirait pas à grand-chose. Autant souligner que j'ai vu mon Hitch favori... enfin, à ce stade de mes découvertes. Tourné en noir et blanc, il s'avère aussi sombre que La main au collet est lumineux. Plus apprécié, il a inspiré un remake de Gus van Sant.  

mardi 9 juillet 2013

La chasse au voleur

Voir ou revoir de vieux classiques sur grand écran est un plaisir rare. J'admets volontiers laisser passer quelques opportunités. Si j'ai saisi celle de me frotter à La main au collet, c'est parce que je voulais découvrir le film depuis un bon moment. Je me suis dit qu'il serait dommage de rater l'occasion de l'apprécier à Monaco, là où, à peine deux ans plus tard, la comédienne Grace Kelly allait devenir princesse. Les cinéphiles auront sans doute déjà compris que mon impression était d'autant plus présente que le long-métrage montre la Principauté et les villages français voisins. Autant de lieux que je connais bien...

La main au collet nous ramène presque 60 ans en arrière. Le héros du film est un ancien voleur de bijoux, qui coule des jours heureux dans une somptueuse villa bordant la Méditerranée. Désormais rangé des affaires, John Robie voit sa sérénité troublée: un autre croqueur de diamants dévalise les riches propriétaires des alentours et utilise les mêmes méthodes que le mauvais sujet repenti. Robie décide donc de mener sa propre enquête pour confondre l'usurpateur, démontrer son innocence et retrouver enfin la tranquillité de sa retraite dorée. Cary Grant est très bien dans ce rôle: pour le lui confier, on dit d'ailleurs qu'Alfred Hitchcock l'aurait également sorti d'une période d'inactivité. Le maître du suspense et son complice s'accordent ainsi pour la troisième de leurs quatre collaborations. Le long-métrage n'atteint pourtant pas la popularité d'autres oeuvres hitchcockiennes. Et le glamour l'emporte franchement sur toute considération policière.

Non dénué parfois d'une certaine ambiguïté, l'intérêt qu'Hitch portait à ses comédiennes n'est plus à démontrer. Grace Kelly en est ici aussi à son troisième (et dernier) film avec le réalisateur. Sous le soleil monégasque, sa lumineuse beauté est mieux que justifiée: elle est tout simplement à sa place. Ce qui peut surprendre, c'est la nature même de la relation qu'elle développe avec Cary Grant: à 26 ans seulement, la belle mène le jeu de la séduction, à son propre tempo. D'un bout à l'autre du film, elle est l'initiatrice, celle qui finit toujours par obtenir ce qu'elle veut. Le double sens des dialogues qui lui sont offerts rendent son jeu mutin et assez jubilatoire. La main au collet mérite ainsi le détour pour la vraie liberté de son humour. On notera aussi que le film a reçu un Oscar pour sa photographie, récompense je crois méritée. Fidèle à mes marottes, j'ai apprécié la magnificence de ses costumes et son petit côté rétro. Une belle découverte, oui.

La main au collet
Film américain d'Alfred Hitchcock (1955)

Amis lecteurs francophones, vous apprendrez peut-être avec plaisir que la distribution compte quelques comédiens nationaux, à l'image notamment de Brigitte Auber et Charles Vanel - on entend d'ailleurs quelques mots de notre belle langue. Je vous laisse découvrir seuls pourquoi j'ai utilisé une photo de chat. Et si vous souhaitez connaître d'autres Hitch, mon index des réalisateurs vous aidera à les choisir...

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C'est un fait: le film ne convainc pas tout le monde...
Vous le constaterez notamment chez mes amis de "L'oeil sur l'écran".

lundi 8 juillet 2013

Du rock et c'est tout ?

J'appelle ça me décrasser les neurones. En général, quand j'enchaîne deux ou trois films pointus, j'aime poursuivre avec un truc plus léger. Le mois dernier, dans la foulée de mon mini-cycle algérien, je suis allé reprendre mon souffle au cinéma en allant voir Pop redemption. L'histoire tient sur une feuille de papier à cigarettes: quatre garçons pas forcément dans le vent jouent encore du black métal alors que, pour trois d'entre eux, ils ont envie de passer à autre chose. Le leader du groupe les oblige plus ou moins à une énième tournée. Ouais, il va leur arriver quelques bricoles sur la route. Ça aurait été trop simple...

Vous l'aurez sans doute déjà compris: Pop redemption résonne peut-être au rythme des guitares saturées, mais c'est en premier lieu une bonne vieille comédie franchouillarde. Il vous faudra donc rester indulgent sur les petites ficelles du scénario: ça ne vole pas haut. Est-ce que j'ai dit que c'était mauvais ? Pas du tout ! Je crois même en avoir eu pour mon argent - cinq euros, tarif réduit exceptionnel sur présentation de la carte de fidélité. J'ai en fait pu apprécier plusieurs choses dans ce petit film, à commencer par un générique sympa au début - et un autre à la fin, d'ailleurs. J'ai senti également que le réalisateur se moquait gentiment, ce qui rend les divers gags assez sympathiques. Pour un premier film, ce n'est déjà pas trop mal. Surtout qu'à vrai dire, la distribution est plutôt rigolote également...

Ambiance Kaamelott, messieurs dames. Si le chanteur Julien Doré prête franchement à sourire à contre-emploi, je crois quand même qu'une bonne grosse partie de l'efficacité comique du long-métrage est à mettre au crédit d'Alexandre Astier. Certes, il est vrai également que notre cher roi Arthur ne se renouvelle pas beaucoup quant à ses mimiques et sources d'énervement. Sa trogne fatiguée n'en continue pas moins de faire merveille de peu de choses: on dira que je suis fan, voilà, j'assume - sans oublier que ce type sait jouer de la viole de gambe, tout de même, et qu'il a donc d'autres talents artistiques, inexploités ici. On notera que la technique du carnet d'adresses, elle, fonctionne aussi avec Audrey "Dame du Lac" Fleurot. Bref, un film de copains, à voir avec les siens. Ou pas et sans regret.

Pop redemption
Film français de Martin Le Gall (2013)

Trois étoiles et demie, oui: c'est gentillet et c'est un premier film. Restons sympa. J'attendrai mieux du réalisateur si jamais il commet un deuxième opus. Pas grand-chose à ajouter, en fait. Si vous voulez voir un film vraiment sympa autour de la musique, je vous conseille Killing Bono. Parce que là, pour le coup, ce n'est pas seulement drôle.

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Ce que vous pouvez faire aussi...

C'est lire l'avis de Pascale ("Sur la route du cinéma"), assez positif.

samedi 6 juillet 2013

Ce qu'en dit Nabil Asli

Courts ou longs, les divers films algériens que je vous ai présentés depuis le 23 juin ont tous une caractéristique commune: ils mettent en scène un même acteur, Nabil Asli, 32 ans. J'ai vraiment apprécié sa prestation dans Le repenti. J'ai donc fait une recherche Internet complémentaire pour mieux le connaître et j'ai trouvé... une adresse mail où lui écrire. Nabil a rapidement accepté l'idée d'une interview. C'est lui qui m'a permis de voir Harragas et les deux courts-métrages chroniqués mardi. Je le remercie pour tout et lui laisse la parole...

Comment êtes-vous devenu acteur de cinéma ?
J'ai commencé dans le mouvement associatif. J'ai d'abord fait du sport, avant de dévier pour rejoindre le mouvement scout algérien. C'est là que j'ai appris le théâtre et la musique. Après ça, des amis et moi avons fondé une association dans ma ville natale, une petite cité côtière à 30 km d'Alger. Cela n'a finalement pas abouti: nous n'étions pas assez formés. Deux ans plus tard, j'ai rejoint une autre association, mieux connue dans le monde du théâtre amateur. J'ai fait trois spectacles en deux ans avec eux et j'ai décidé de faire une vraie carrière professionnelle. En 2002, j'ai donc rejoint l'Institut supérieur des arts dramatiques, à Alger.

Comment se sont passées ces études ?
J'ai fait une formation de quatre ans. J'ai pu travailler au Théâtre national d'Alger, comme stagiaire, et faire quelques spectacles avec eux. Il n'y avait pas tellement de possibilités d'accéder au cinéma, peu de castings organisés, mais je m'en moquais un peu, à l'époque. Je continuais à faire du théâtre, des adaptations, un peu de one-man-show également... jusqu'en 2007. Je joue alors dans un petit théâtre appartenant à Adila Bendimered, celle qui joue la femme, dans Le repenti. C'est là que Merzak Allouache me découvre. Il a pris mes coordonnées et, tout de suite après, on a tourné Harragas.

C'est donc votre premier film ?
Mon premier long-métrage. Juste après, je fais un court-métrage avec Khaled Benaissa, qui joue aussi dans Le repenti et est également metteur en scène: Ils se sont tus. Tout s'enchaîne: les deux courts-métrages que vous avez vus, un autre long avec Merzak Allouache, Normal !, sélectionné dans de nombreux festivals. En parallèle, je faisais toujours du théâtre et maintenant, j'anime également une émission sur une chaîne télé privée. Un peu dans le style du Jamel Comedy Club...

Du stand-up, donc...

Voilà, c'est ça. Je continue donc à faire du théâtre, une émission télé avec des éléments bien choisis et du cinéma. Pour l'un de mes derniers films, j'ai travaillé avec Amor Hakkar, un autre cinéaste algérien vivant en France, qui avait notamment réalisé La maison jaune et Quelques jours de répit. Son nouveau long-métrage est actuellement en cours de montage à Paris. Et j'ai un petit rôle également dans le prochain film de Merzak Allouache, Les terrasses. J'aime surtout les films à petit budget, intimes, avec une équipe réduite. Je préfère le cinéma d'auteur aux grosses productions.

Les films que j'ai vus et dans lesquels vous jouez évoquent tous l'histoire de votre pays. C'est important pour vous ?
Oui, très. C'est presque le cas à chaque fois. Un film, pour moi, c'est comme écrire un roman. C'est raconter des histoires.

Dans les courts-métrages, je vous ai trouvé "caractérisé", "typé". Dans les longs, vous êtes un peu plus ambigu: on ne sait pas vraiment ce qu'on doit penser de vous. Qui est le vrai Nabil ?
À vous de voir: c'est votre rôle de journaliste. Les choses sont simples, pour moi: ce ne sont que des rôles. Un rôle, ce n'est jamais qu'un détail dans un film. C'est le film qui apporte une vision, une approche ou des messages dont les rôles ne sont que des éléments. De mon côté, ce que j'essaye de faire, c'est de ne pas faire la même chose à chaque fois, de ne pas tomber dans le stéréotype, ce qui est pour moi le pire ennemi d'un acteur. Dans la comédie comme dans le drame, j'essaye de choisir ce que j'appellerai un rôle de composition. Là où j'ai une expérience de jeu, quelque chose à exprimer vraiment. Premier rôle ou non, je veux simplement pratiquer mon métier.

Vos personnages ont souvent plusieurs facettes. Il doit être agréable de les jouer...
Oui. Si vous posez la question à Al Pacino, il vous répondra la même chose. C'est justement ce qui donne un espace de jeu à l'acteur. Pour moi, jouer est bien plus important qu'apparaître simplement dans le film. Le repenti est un film particulier: c'est le rôle le plus important que j'ai joué jusqu'à présent. C'est aussi le plus dur.

J'ai remarqué que vous jouez des personnages susceptibles d'avoir existé et qui seraient d'ailleurs toujours vivants aujourd'hui...
Tout à fait. Dans Le repenti, je parle de ceux qui avaient 23-24 ans en 2001 ou 2002. J'ai vécu cette histoire, mais j'étais alors à peine ado. Le film est donc pour moi un voyage dans le temps. J'ai pleuré la première fois que j'ai lu le scénario. Je me suis rendu compte à quel point nous avions souffert, à quel point la génération des années 90 est sacrifiée. Pour travailler sur mon personnage, je me suis senti obligé de faire un régime: j'ai perdu huit kilos en un mois. Je ne mangeais plus qu'une fois par jour et je faisais beaucoup de sport. Le soir, je regardais tous les documentaires sur le sujet. Je me suis aperçu que ces gens-là étaient normaux, physiquement parlant, alors qu'à l'époque, on les voyait parfois comme des dieux grecs. Certains n'ont même pas la barbe ! C'est dans leur tête qu'il se passait des choses bizarres. Il ne fallait pas que je tombe dans le cliché.

Dans votre façon de le jouer, on peut voir Rachid comme un gamin dépassé par les événements...
J'ai compris que c'était aussi un innocent, quelque part. Il a été manipulé. Il a vu des massacres et se décide d'entamer une nouvelle vie. Il fuit, donc. Comme il n'a pas d'argent pour quitter le pays, sa seule solution est de prendre celui du couple qu'il rencontre. C'est juste pour lui un prétexte pour partir et oublier le passé. À aucun moment de sa vie, il n'a pris la moindre décision. Il y a donc effectivement une ambiguïté en lui: beaucoup de repentis sont revenus chez eux sans qu'on sache vraiment ce qu'ils avaient fait. Rachid a peur de ses anciens collègues et il est rejeté par la société. J'ai joué là-dessus pour montrer qu'il subissait encore une influence du maquis et qu'il se comportait parfois presque comme un animal.

Vous nous emmenez tout de suite dans cette histoire...
Quand j'ai lu le scénario, je me suis dit que ce serait un rôle très dur. On avait juste deux mois pour faire le film, un de préparation et un autre de tournage. On a travaillé dans une zone à 500-600 km d'Alger, la plus froide de tout le pays. On a souffert mais je crois que ç'a servi le film. Pendant tout le tournage, je ne parlais presque pas: je voulais entrer dans la peau du personnage. Ça valait vraiment le coup !

Il y a cette première scène, spectaculaire, où vous courez tout seul dans la montagne enneigée. Vous avez dû peiner...
Les premiers jours, j'étais mort de froid, mais quelque part, content aussi. Mon visage était presque bleu. Parfois, il arrivait que je mette mes mains dans la neige pour qu'on voie que je souffre. Même le réalisateur m'incitait à manger ! C'était vraiment une belle expérience. Cela m'a touché de pouvoir parler de cette période noire. À l'époque, je ne pouvais pas participer, donner ma vision des choses. Pour moi, le film est un hommage à toute cette génération.

Du coup, sans excuser les terroristes, est-ce que vous pardonnez l'attitude de votre personnage ?

Non. Cela dit, ce que je voulais faire, ce n'est pas condamner, mais simplement raconter une histoire liée à ce personnage. Parler de cette génération. C'est tout. Il ne s'agissait pas de dire qu'il restait quelque chose de bon en lui, ni d'ailleurs de dire le contraire. Il n'y a pas un cas unique de terroriste. Rachid est un cas parmi d'autres.

J'en viens à Harragas. Votre personnage est cette fois le narrateur et, là aussi, on sent en lui un peu d’ambiguïté...
Il représente une partie de cette jeunesse perdue, partie à la recherche d'un monde merveilleux. Il n'a pas d'espoir et veut à tout prix changer de vie. C'est vrai qu'on me pose à chaque fois la question: suis-je pour ou contre ? Je ne suis ni pour ni contre, en fait. Chacun doit faire son travail. Si la France ou l'Europe délivrait davantage de visas, personne ne voudrait forcément y émigrer. Il y a aussi de jeunes Algériens qui ont étudié et veulent venir en France simplement pour visiter...

Dans le film, la réalité complexe de l'émigration est présentée sous son jour le plus tragique...
C'est vrai. Des personnages meurent. Cela dit, il y a d'autres dont on ne connaît pas exactement le sort. Le film reflète bien la vision du réalisateur: il voulait juste raconter une histoire. C'est ça, notre but. Nous ne sommes pas là pour donner des solutions. On ne changera pas le monde avec un film...

Un mot sur vos projets ? Quelles seraient désormais les histoires que vous aimeriez raconter ?
J'ai eu des propositions que j'ai refusées. Il y a aussi ce film tourné avec Amor Hakkar, une belle histoire d'amour autour d'un couple marié dont l'homme est stérile. C'est encore un peu un tabou de parler de la virilité, même en Europe. Ce film, c'est complètement autre chose. À côté de ça, j'écris pour le théâtre et j'ai mon émission chaque semaine. Pour le cinéma, je préfère attendre...

Y a-t-il un rôle qui vous fasse rêver ?
Franchement, non. Je crois également qu'il y a des rôles qu'un acteur ne peut pas jouer, par manque d'expérience par exemple. Sincèrement, si je pouvais, je voudrais jouer tous les rôles, dans tous les styles et tous les genres.

Comment se porte le cinéma, dans votre pays ?
Il en existe de deux sortes. Il y a celui qui est financé par l'État et qui a donc l'argent pour faire des films. Il y a aussi une génération de nouveaux réalisateurs algériens, comme celui de Mon frère ou celui de Demain, Alger ? Ce sont de jeunes cinéastes. L'Algérie produit très peu de films par an, six ou sept, je ne sais pas exactement. Il y a toutefois une société à Alger, Thala Productions, qui a permis de créer plusieurs courts-métrages. Ce genre d'initiatives existe. D'autres cinéastes acquièrent de l'expérience en effectuant des stages en France ou ailleurs. Le problème, c'est qu'il n'y a plus beaucoup de salles de cinéma, même pas un marché du film... il y a vraiment eu une rupture lors des années noires. Il reste tout un travail à faire !

Il existe tout de même un certain dynamisme, donc...

Les jeunes cinéastes ont compris: ils font des coproductions. Aujourd'hui, plus personne ne fait un film avec son propre argent.

Quelle vision avez-vous du cinéma français ? Le repenti a été présenté à Cannes...
Il a été très bien reçu là-bas. On a eu trois projections: les salles étaient pleines. On a vraiment fait le buzz ! Après, compte tenu de l'énorme concurrence qui existe en France, je me demande si les Français ont envie de voir ce genre d'histoires. Pour moi, c'est important que le film puisse marcher en salles. Longtemps, vis-à-vis des Européens, les Algériens étaient considérés comme des terroristes. Dès que nous débarquions en France, nous étions placés sur des listes noires. Le repenti montre ce que nous avons subi: c'est important de montrer ce qui s'est passé, à quel point nous avons pu être menacés par l'intégrisme. À cette époque, nous étions isolés...

Faire du cinéma hors de votre pays, ça vous intéresserait ?
Oui, mais il faudrait d'abord trouver un bon rôle. Je ne veux pas être l'arabe de service. Dans les films français, les Arabes, ils sont souvent moches, ils ne parlent pas bien... c'est un peu comme les Français dans les films américains. Je n'aime pas trop ces clichés. Si j'ai l'occasion de faire un film français, italien ou espagnol, je serais heureux, bien sûr, mais ce n'est pas le seul critère, en fait.

Et passer derrière la caméra, ça pourrait vous tenter ?
Pas trop: je ne maîtrise pas la technique. J'aime écrire, en revanche. Je lis actuellement un livre sur comment structurer un scénario. Au cours de ma formation d'acteur, j'ai étudié la dramaturgie. Je pense vraiment être beaucoup plus proche de l'écriture que de la réalisation.

jeudi 4 juillet 2013

Un autre regard

La question de l'utilité du cinéma a déjà nourri d'innombrables pages d'analyse. Elle peut sûrement se poser à chaque nouveau film. Il n'est donc pas question pour moi de proposer une synthèse de mon opinion sur le sujet. J'aime autant vous entraîner vers d'autres découvertes personnelles et dès lors poursuivre mon approche du cinéma algérien en vous parlant d'un autre film de Merzak Allouache, Harragas. Il y a encore quelques semaines, je ne connaissais pas ce mot ! Il désigne les migrants d'Afrique du Nord, de Mauritanie et du Sénégal qui, clandestinement, voguent en Méditerranée vers l'Eldorado européen.

À nous Français qui pensons la connaître, le film de Merzak Allouache présente donc cette immigration depuis l'autre côté de la barrière douanière - d'où le titre de ma chronique. La sensibilité qu'il déploie n'est en rien accusatrice. De la génération des pères, le cinéaste algérien s'interroge visiblement sur l'avenir de la jeunesse de la rive sud de la Méditerranée, mais il n'accable pas les populations du Nord. Détail révélateur: le seul policier du film est lui aussi un migrant clandestin... et le personnage le plus négatif du scénario ! Ce que j'ai lu par ailleurs sur le long-métrage me fait dire qu'il peut d'ailleurs détourner votre regard de l'essentiel. J'insiste donc un peu: Harragas ne m'est pas apparu comme un film propagandiste. Sans en faire pourtant une vérité absolue, sans s'ériger en directeur de conscience, Allouache pose une situation, montre à quel point elle peut être pathétique... et dangereuse, mais ne conclut jamais sur la question du bien et du mal. C'est bien pour moi tout l'intérêt du long-métrage.

Il est vrai aussi qu'avant le générique final, des cartons de texte donnent quelques chiffres sur les victimes de ces migrations. Difficile de ne pas en être choqué: le nombre de morts dues à ces départs s'avère tellement haut ! Ce cinéma du réel frappe juste: il s'appuie évidemment sur des personnages fictifs, mais il rappelle également que la réalité est bien là, ce qui a pu me rappeler une vieille pièce d'Ariane Mnouchkine, vue il y a de celà quelques années. La force d'Harragas tient aussi à ce que c'est également... une vraie oeuvre de cinéma. Les images captées à terre sont souvent d'une beauté naturelle incomparable. Mieux encore, aussitôt que les migrants embarquent, la façon dont leur périple est filmé nous fait partager avec eux l'inquiétude que tout ça finira mal. Je choisis délibérément de ne pas évoquer le destin des divers personnages pour vous laisser le percevoir par vous-mêmes, avant peut-être de le juger. La voix off qui scande le film ne me fait pas oublier la complexité de ces réalités.

Harragas
Film franco-algérien de Merzak Allouache (2010)

En deux long-métrages, celui-là et Le repenti, le réalisateur réussit pour moi sur deux tableaux: me faire comprendre que son intelligence va bien plus loin que les blagues de Chouchou et me donner matière à regarder de plus près l'histoire de son pays. J'espère avoir l'occasion de voir d'autres de ses longs-métrages, passés ou futurs. D'ici là, j'ai prévu samedi de vous proposer un troisième regard sur l'Algérie. N'hésitez donc pas à me faire part de ceux que vous pourriez avoir !

mercredi 3 juillet 2013

Coups de poings

J'ai commencé il y a une petite quinzaine de jours: je voulais reparler du cinéma algérien. Exprimé ainsi, mon ambition paraît démesurée. Disons donc que je suis heureux d'avoir l'opportunité de vous ramener de l'autre côté de la Méditerranée. Je vous expliquerai pourquoi bientôt. En attendant, je me propose de vous présenter aujourd'hui deux courts-métrages - algériens, donc - que j'ai découverts en juin. Sachez-le: je n'ai pas titré ma chronique Coups de poings pour rien...

Demain, Alger ? est à mon avis le meilleur de ces deux courts. L'intrigue tourne autour d'un trio de copains. L'un d'eux veut entraîner les deux autres dans une bagarre - dont on ne connaîtra la finalité qu'au terme des vingt minutes de ce petit film. La discussion tourne aussi autour d'un quatrième ami, séparé du groupe et en partance pour l'étranger. Amin Sidi-Boumedine, qui a réalisé ce mini-brûlot courant 2011, parvient en deux plans trois mouvements à illustrer quatre visages de l'Algérie contemporaine. Je ne veux pas en dire plus, mais j'ai pris une leçon d'histoire, pas fier de constater l'étendue de mes grandes lacunes. Au plan formel, le film est une belle réussite. Ce que j'ai aimé tout particulièrement ? L'utilisation du hors-champ.

Pour le coup, Mon frère, lui, est plus explicite. Sorti en 2010, porteur lui aussi d'une dimension politique, le film de Yanis Koussim semble d'abord limiter ses enjeux au suivi d'une famille. Ses personnages principaux sont trois soeurs vivant auprès de leur mère. Le père décédé, le seul garçon de la fratrie domine ce tout petit monde replié sur lui-même. Format oblige, l'idée motrice du scénario émerge vite quand l'une des soeurs refuse d'épouser un homme du voisinage. Seize minutes d'une narration pas toujours linéaire: la tension monte autour des conséquences de cette ferme volonté. La conclusion s'avère d'une rare brutalité, pas franchement optimiste, mais laisse une (petite) porte ouverte à plusieurs fins possibles. À vous de voir...

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Et justement, pour voir...

Les deux films sont disponibles sur Youtube, en version originale arabe, sous-titres français pour le premier, anglais pour le second. Pour les découvrir, je vous laisse cliquer sur leurs titres respectifs. J'espère que ça marchera toujours quand vous lirez cette chronique.