lundi 30 septembre 2024

Un village accueillant ?

L'étranger qui ne parle pas la même langue. Ou bien celui qui traverse la frontière pour envahir un pays et agrandir le sien. Les peuples grecs et romains de l'Antiquité l'appelait le barbare. Une expression assez forte pour traverser les siècles et arriver jusqu'à notre temps pour désigner tout ce qui nous apparaît brutal, violent ou destructeur.
 
Les barbares
... c'est aussi le titre d'un film arrivé il y a dix jours dans les salles françaises. Il se passe à Paimpont, un village breton situé à quelques kilomètres de Rennes. Ses (joyeux ?) habitants s'apprêtent à accueillir un petit groupe de réfugiés ukrainiens. Changement de programme: c'est finalement une famille d'exilés syriens qui vient demander asile. Et pour certains, c'est inacceptable ! Entre racisme décomplexé et incompréhension culturelle, la France n'est pas la meilleure des terres d'accueil possibles pour "ces gens-là". Honnêtement, avec ce pitch, je m'attendais à une comédie lourdingue. Et finalement, le film est plus subtil que je le pensais. C'est un fait: il n'échappe pas tout à fait au piège de la caricature. Laurent Lafitte campe un crétin très bas-du-front, Sandrine Kiberlain une grande gigue éthérée, Jean-Charles Clichet un maire patriote souvent dépassé par les événements... et pourtant, ça fonctionne. Bons points: les personnages syriens sont convaincants et les drames que vivent par les migrants ne sont pas complètement occultés. Ouf !

Les barbares
Film français de Julie Delpy (2024)

Trois étoiles qui auraient pu n'être que deux si ce long-métrage basique n'avait pas laissé une place à quelques scènes touchantes. Disons que la vraie générosité qui s'y exprime me paraît en décalage avec la réalité de l'accueil des étrangers non-européens en France. Bref... je préfère Moi capitaine, mais c'est un tout autre traitement du sujet. Et après tout, un peu de candeur ne peut pas faire de mal...

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Un autre avis vous intéresse ?

Vous constaterez que celui de Pascale est - plutôt - positif également. Comme vous pourrez le voir, celui de Dasola l'est aussi. Admettons...

samedi 28 septembre 2024

La fille de l'Ouest

C'est au moment d'écrire cette nouvelle chronique que je m'aperçois que je connaissais déjà le travail de l'artiste évoqué: Rémi Chayé. Tout récemment, Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary m'a permis de le retrouver. Ce film lui a valu le Cristal d'or du Festival d'Annecy: une récompense prestigieuse et - je trouve - bien méritée !

Je vous laisse consulter Wikipédia ou toute autre source d'information utile pour savoir qui était en réalité Calamity Jane. Cette femme légendaire du Far West de la seconde moitié du 19ème siècle a vécu mille vies... et personne n'est en mesure de dire si elles sont réelles ou imaginaires. Qu'importe: mon (bon) film d'aujourd'hui la réinvente dans une jeunesse fantasmée, comme la fille d'un pauvre pionnier cheminant vers l'Oregon dans l'espoir d'une vie meilleure. Le souci étant qu'elle et lui traversent les grandes plaines au sein d'un convoi dont les chefs apprécient peu la nature impétueuse de Martha Jane. Pensez donc: une fille qui monte à cheval et ose porter des pantalons. Je vous laisse découvrir les conséquences de ce comportement fougueux et contraire, visiblement, aux bonnes moeurs des temps anciens. En vous certifiant que c'est un très chouette dessin animé qui vous attend, plein de couleurs, de bonnes idées et de péripéties. Fluide, l'animation recrée un monde en mouvement 100% crédible. Notez qu'il existe aussi un livre illustré pour apprécier cette histoire...

Calamity - Une enfance de Martha Jane Cannary
Film français de Rémi Chayé (2020)

Quelque chose me dit que la crise Covid a nui à la réputation du film. Sorti peu avant le second confinement, il n'aura connu qu'un succès relatif en salles obscures: un peu plus de 280.000 tickets vendus. Croyez-moi: il vaut vraiment le coup d'être rattrapé (en famille). L'animation française est de toute façon une référence mondiale. Souvenez-vous: Rémi Chayé a aussi réalisé Tout en haut du monde !

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Et pour info...

Le film est aussi présenté chez Pascale. Qui en dit du bien, elle aussi.

mercredi 25 septembre 2024

Dans l'espace...

Sigourney Weaver n'avait pas encore fêté son trentième anniversaire quand Alien, le huitième passager est sorti sur les écrans américains. J'ai enfin découvert ce premier épisode de la saga-culte ! Un film qui, aujourd'hui, est unanimement apprécié (ou presque). Quelle recette pour ce succès ? Un mix de science-fiction et d'horreur.

Deux femmes et cinq hommes sont endormis à bord du Nostromo. Chargé de minerai, l'immense cargo spatial fait route vers la Terre après une longue mission. Soudain, Maman, l'ordinateur de bord, extrait l'équipage de son sommeil artificiel: une intervention humaine est requise pour comprendre l'origine d'un signal radio que la machine vient de capter - une forme de vie totalement inconnue, peut-être. Comme vous le savez peut-être, c'est finalement un monstre tueur qui va monter à bord. Un monstre qui restera tapi dans l'ombre pendant l'essentiel du film, laissant planer le doute sur sa nature réelle ! Et pour titiller nos peurs, je ne connais rien de plus efficace...

Avant sa naissance, cet Alien... a fait l'objet d'un long travail préparatoire. Visuellement, le résultat est proprement bluffant. D'emblée, avant même l'apparition des personnages, la caméra accompagne notre découverte du Nostromo. Un univers technologique qui semble doté de sa propre vie et qui, dès lors, enferme l'humain dans un huis-clos oppressant - surtout quand l'intelligence artificielle refuse de répondre aux questions (de survie) qui lui sont posées. Cernés entre une mécanique désormais récalcitrante et une créature hostile, hommes et femmes découvrent leur immense vulnérabilité. Heureusement que c'est du cinéma... et même du grand cinéma ! Implacable, le scénario peut compter sur une mise en scène virtuose. Côté acteurs, que du bon: outre donc Sigourney Weaver, j'ai été ravi de revoir Harry Dean Stanton, John Hurt et Ian Holm, mais également d'embarquer avec Tom Skerritt, Veronica Cartwright et Yaphet Kotto. Mille autres choses pourraient être dites sur ce spectacle fascinant. Mais je pense qu'il est bon, aussi, d'en préserver un peu le mystère...

Alien, le huitième passager
Film américain de Ridley Scott (1979)

Un long-métrage de plus pour appuyer mon admiration pour le cinéma américain des décennies 1970 et 1980, en attendant que je me décide à découvrir la saga complète (ou au moins les suites immédiates). J'imagine que ce sera mieux que de revoir Life - Origine inconnue. Dans le genre, Event Horizon fait lui aussi figure de quasi-plagiat ! Décidément, il me paraît vraiment préférable de revenir aux sources.

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Et si, avant cela, vous voulez d'autres avis...

Je vous encourage à faire un tour chez Ideyvonne, Benjamin et Lui.

lundi 23 septembre 2024

Des enfants effacés

Je reviens aujourd'hui en Australie pour évoquer les Générations volées. Bon à savoir: un article Wikipédia leur est notamment dédié. Jusqu'en 1970, des enfants métis (et donc d'ascendance aborigène) ont été enlevés à leurs familles et "intégrés à la société blanche". D'abord en étant confiés à des institutions ou des familles d'adoption !

But de la démarche: qu'ils apprennent l'anglais et les bonnes manières supposées, afin à terme de favoriser les mariages avec des blancs et, petit à petit, de faire disparaître les prétendues faiblesses raciales. Un film - Le chemin de la liberté (ou Rabbit-proof fence en VO) - témoigne de cette page sombre de l'histoire australienne, l'État central n'ayant formulé des excuses officielles qu'en 2007 et décidé d'indemnisations qu'à partir de 2021 ! J'ai donc vu un long-métrage pour traiter de ce sujet encore sensible. Il est l'adaptation d'un livre paru, lui, en 1996 et signé du nom de Doris Pilkington Garimara. L'histoire ? Celle de sa mère, de sa tante et d'une de leurs cousines. Alors âgées de 8, 10 et 14 ans, elles ont été transportées de force jusqu'à un camp de redressement et sont parvenues à s'en évader ! Édifiante, la suite est donc dans le film et ses très jeunes actrices parviennent facilement à nous y intéresser. Quelques imperfections formelles subsistent, mais cette histoire méritait d'être racontée. D'autant qu'elle a peut-être permis de faire un peu bouger les lignes...

Le chemin de la liberté
Film australien de Phillip Noyce (2002)

Une partie des dialogues est jouée en martu wangka, une langue aborigène, et je veux vraiment saluer cette démarche d'authenticité. Autre qualité du long-métrage: il n'est jamais totalement sirupeux. Bref... je suis content de l'avoir vu et veux en retenir le meilleur. Comme la musique de Peter Gabriel, par exemple, ou les paysages fantastiques. Dans ce même cadre, La randonnée m'a impressionné !

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Attention à ne pas confondre...

Un autre long-métrage, en VF, s'appelle Les chemins de la liberté ! Le récit (controversé)... d'évadés d'un goulag de Sibérie, vers 1940. Tiré d'un livre, ce film a aussi un réalisateur australien: Peter Weir. Sortie fin 2010, sa version anglo-saxonne a pour titre The way back.

Et pour conclure sur le film du jour...
Vous verrez que "L'oeil sur l'écran" en a publié deux avis très élogieux.

vendredi 20 septembre 2024

L'amour absolu

Max Ophuls ? Un grand cinéaste d'origine allemande né en 1902 et qui, de confession juive, a rallié la France - dès 1933 - et Hollywood. Stefan Zweig ? Un grand auteur autrichien né en 1881, lui aussi parti de chez lui devant le nazisme et qui, en 1942, s'est suicidé au Brésil. Il me paraît assez logique que le premier se soit intéressé au second !

Bon... je n'ai pas assez d'éléments factuels pour écrire une thèse universitaire. Je ne veux qu'évoquer Lettre d'une inconnue, le film américain d'Ophuls inspiré par le court roman éponyme de Zweig. Nous retrouvons la Vienne du début du 20ème siècle. Une jeune fille d'origine modeste est tombée éperdument amoureuse d'un pianiste réputé et cherche à en savoir davantage sur lui... sans dire un mot. Ses sentiments n'ont pas de réciprocité, bien sûr, la différence d'âge expliquant sans doute que l'artiste néglige tout à fait son admiratrice. Elle reste absolument fidèle à ses élans et les croit enfin partagés quand, des années plus tard, son aimé lui glisse des mots tendres. Passons: je crois en avoir dévoilé suffisamment sur cette histoire. Plutôt que d'en révéler chaque aspect, je tiens à souligner la grandeur éternelle de ce long-métrage ancien, sublimé par une mise en scène d'une fluidité remarquable et les prestations irréprochables du duo d'interprètes principaux (j'ai nommé Joan Fontaine et Louis Jourdan). Cela ne date pas d'hier, c'est vrai, mais ah ! Qu'est-ce que c'est beau !

Lettre d'une inconnue
Film américain de Max Ophuls (1948)

Ma troisième découverte du cinéaste (contre zéro de Marcel, son fils). Je garde une légère préférence pour l'un de ses longs-métrages sortis quelques années plus tard: Madame de... et son trio franco-italien qualité or massif - Danielle Darrieux, Vittorio De Sica, Charles Boyer. Beaucoup de points communs réunissent d'ailleurs les deux films. D'autres perles vintage d'amours contrariées ? Oui: Marius et Fanny !

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Une double précision importante...
Le livre, lui, date de 1922 et tous ses personnages restent anonymes.

À présent, si vous souhaitez prolonger le plaisir...
Vous pourrez poursuivre en allant lire un texte de "L'oeil sur l'écran".

mercredi 18 septembre 2024

Une vie à construire

Je compare souvent le cinéma à une fenêtre que nous pouvons ouvrir sur le monde. Aujourd'hui, pour la toute première fois depuis le mois de février 2020, j'embarque vers le Mexique contemporain. L'occasion d'évoquer un très beau film réalisé par deux femmes: Hijo de sicario. On aurait pu choisir Fils d'un tueur à gages comme titre en français...

Pour info, en version originale, ce long-métrage de pile deux heures porte tout simplement le prénom de son personnage principal: Sujo. Une identité dont le secret ne sera révélé qu'à la toute fin du film. Avant cela, nous ferons connaissance avec un enfant de quatre ans élevé par son jeune père, assassin à la solde des barons de la drogue. Moins de dix minutes passent et cet homme est abattu dans le cadre d'un règlement de comptes. Sujo, orphelin, est sauvé par sa tante maternelle, inquiète à l'idée que le petit garçon subisse la destinée tragique de son géniteur et meure sous la balle vengeresse d'un chef mafieux. Finalement, mis à l'abri, il grandira presque normalement. Pour nous le montrer, le film se découpe en quatre chapitres distincts et peut ainsi couvrir une période d'une - petite - vingtaine d'années. Ma "théorie de la fenêtre" en sort renforcée: c'est très intéressant.  Bon, d'accord, je vais laisser à d'autres le soin de juger du réalisme...

Dans le dossier de presse du film, il est rappelé que les réalisatrices se connaissent et collaborent depuis plus de quinze ans. Leur note d'intention commune précise: "Nous pensons que la force de nos films vient de notre appartenance à une minorité". OK. Les deux amies s'estiment dès lors tenues de "raconter les histoires de notre époque" et soulignent que leur film "avance sur différents niveaux de réalité". Je le répète: c'est très intéressant, au moins pour qui serait curieux d'un peu mieux appréhender toute la complexité d'un pays d'Amérique latine d'allure assez familière, mais que j'estime finalement méconnu. Grand prix du jury à Sundance en janvier, Hijo de sicario brille aussi par ses qualités formelles et, entre autres, sa gestion de la lumière. J'ai ainsi été particulièrement sensible à quelques scènes intenses tournées dans l'obscurité, en alternance avec d'autres plus éclairées. De ce film, j'ai aussi aimé les actrices et acteurs, tous d'une justesse exemplaire - une mention spéciale au premier rôle, Juan Jesús Varela. Il serait très dommage que leur travail passe complètement inaperçu !

Hijo de sicario
(ou Sujo)
Film mexicain d'Astrid Rondero et Fernanda Valadez (2024)

Je n'avais plus eu de nouvelles du cinéma au Mexique depuis huit ans et la sortie de Desierto (consacré, lui, au fléau de l'émigration subie). Autant dire qu'on ne rigole pas tous les jours de ce côté du monde. Vous avez certes le droit de négliger cette vérité, mais je crois utile que le cinéma nous la rappelle parfois - a fortiori de cette manière. Requiem for a dream et Mais vous êtes fous n'ont pas un tel impact !

lundi 16 septembre 2024

L'incruste

Elle avait l'opportunité de partir en Australie. Il devait d'abord en finir avec un boulot en Angleterre. Sophie et Alex se retrouvent finalement vers Byron Bay, le point de départ de leurs vacances (de rêve) à deux. Oui, mais un certain Taylor a fait la route avec Alex et s'incruste entre les deux amoureux, sans trop leur faire part de ses intentions...

Repéré au fond du catalogue d'une chaîne payante, Gone reste inédit dans les salles françaises. Ce n'est assurément pas avec ce petit film d'exploitation que vous vous fatiguerez exagérément les neurones. L'idée est de faire monter la pression autour des mystères de Taylor. Assez vite, un personnage l'appelle Jamie et dénonce ses mensonges. Certains de ses regards sur Sophie se chargent alors d'une ambiguïté assez prévisible. La suite ? Elle l'est aussi: à vous de la découvrir. Avant que le scénario atteigne son point culminant, il faut compter sur une heure de crescendo, dans des lieux de plus en plus déserts. C'est l'occasion de voyager à peu de frais... mais peu de plaisir aussi. Sans être mauvais, le long-métrage est somme toute des plus banals. Seul son cadre géographique apporte un peu d'originalité. Et encore...

Gone
Film australo-britannique de Ringan Ledwidge (2007)

À ne pas confondre avec Gone baby gone ou Gone girl, surtout ! Nous sommes plutôt ici dans le registre de La plage, la communauté hippie en moins (et avec quelques emmerdements comparables). Détail amusant: ce soir-là, j'ai failli opter pour un autre film parano. Celui-ci ne tire qu'un profit limité d'un script d'Andrew Upton, le mari de Cate Blanchett. Je préfère l'Australie de Mystery road ou Tracks...

samedi 14 septembre 2024

Comme son fils

Je ne sais pas vous dire ce qui m'a poussé vers Le roman de Jim. J'aime beaucoup Karim Leklou, c'est vrai, et la possibilité de le revoir dans un premier rôle m'a fait plaisir. Est-ce que cela suffit ? Je crois. En tout cas, j'ai vu un beau film d'amour, adapté du livre éponyme paru en 2021 aux éditions POL (et depuis en Folio). Je ne l'ai pas lu...

Aymeric a 25 ans, sort de prison et vient de subir une rupture amoureuse. Il se réinstalle alors temporairement chez ses parents. Puis, très vite, il s'autonomise et retrouve une ex-collègue, Florence. Elle est infirmière et attend un enfant. Le père, lui, a pris le large. Aymeric noue cette solitude à la sienne et accepte d'aimer ce fils comme le sien, jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge qu'on lui dise la vérité. Sauf que le silence perdure et qu'un jour, le géniteur réapparaît soudain: dès cet instant, le trio se doit et tente d'évoluer en quatuor. Bon... pas besoin d'être parent pour être "secoué" par cette histoire. Comme je l'espérais et l'avais imaginé, Le roman de Jim est un film touchant et d'une belle complexité, qui respecte ses personnages. Aucun d'entre eux n'est présenté très négativement: l'atmosphère romanesque du récit ne le rend certes pas moins humain pour autant. Dans ce haut-Jura de cinéma, en somme, on se trouve face à la vie...

Le premier personnage féminin, composé par Laëtitia Dosch, m'a plu. J'ai aussi apprécié le casting secondaire: Sara Giraudeau, Noée Abita, Mireille Herbstmeyer, Bertrand Belin, Eol Personne... entre autres. Plutôt qu'à une litanie de noms, je me suis attaché au regard porté sur chacun et à toutes les émotions que l'ensemble partage avec nous. Les éprouver dans un cadre géographique qui m'est encore inconnu aura été un vrai plaisir de cinéphile: j'aime cette France périphérique que je ne vois que par écran interposé. Sachez-le: Le roman de Jim pourrait sans nul doute faire l'objet d'une analyse plus approfondie. Après s'être emparé du texte de Pierric Bailly, ses deux réalisateurs ont défendu leur film "le plus politique" - mais "pas de militantisme". Le septième art nous permet aussi, bien entendu, de rester neutres. Inutile, de ce fait, de prendre position si vous n'en avez pas envie. Aujourd'hui, je présente un long-métrage qui fait presque l'unanimité dans la presse spécialisée. Et qu'est-ce que cela révèle ? Je l'ignore. Ce consensus me réjouit, c'est tout, et je m'y associe donc avec joie !

Le roman de Jim
Film français d'Arnaud et Jean-Pierre Larrieu (2024)

Cet opus s'écarte dit-on de la veine habituelle des frères réalisateurs. N'ayant vu qu'un seul de leurs autres films, je ne peux le confirmer. Tant pis ! Vous ferez sans, je suppose. Cette France du sentiment tourmenté m'a un peu rappelé celle de Tonnerre, un film plus sombre. Elle s'anime aussi dans Les trois fantastiques et Chien de la casse. On pourra préférer les toiles de fonds un peu plus ensoleillées, mais...

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Pour d'autres avis, avant de lire le livre...

Vous pouvez aussi vous référer aux chroniques de Pascale et Dasola.

jeudi 12 septembre 2024

Un refuge africain

Le chiffre aurait doublé en dix ans: selon l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, 120 millions de personnes vivent dans le monde après avoir été déplacées de force. J'ai découvert il y a peu un film qui évoque cette réalité: Nowhere in Africa (vu en août sur Arte.tv). Il adapte au cinéma un très grand succès de librairie... en Allemagne !

Dans Une enfance africaine, Stefanie Zweig racontait l'histoire vraie de sa famille juive, partie vivre dans le Kenya britannique en 1938. Son exil était bien entendu une fuite devant la montée du nazisme. Le film s'attache d'abord à un duo mère-fille, Jettel et Regina Redlich. Ce n'est qu'après quelques scènes d'illustration sous la neige de Silésie qu'il introduit le père, Walter, l'ex-avocat devenu employé de ferme...

Deux heures durant, nous suivrons ce trio sur dix ans et un chemin pavé de difficultés, de peurs persistantes et de deuils "à distance". Sans échapper à quelques clichés, Nowhere in Africa reste équilibré et ne juge pas ses personnages - un point très positif à mes yeux. Dans la grande tourmente de l'Histoire, chacun a ses raisons pour agir comme il le fait ou pour perdre soudain le contrôle de ses émotions. Nous, spectateurs, échappons (parfois de justesse) à un long-métrage larmoyant: j'ose en effet dire que ce qui est montré m'a paru crédible. Et je ne connais pas d'autres films sur la destinée de Juifs allemands ! Bon... l'autrice du livre n'a pas pris part à la rédaction du scénario. Elle a en revanche écrit plusieurs autres ouvrages autobiographiques. Peut-être que je regarderai pour en dénicher un avant la fin de l'été...

 
Nowhere in Africa
Film allemand de Caroline Link (2001)

Autant l'admettre: bien qu'un peu trop long, ce beau film m'a happé. Je suis vraiment content d'avoir pu le voir en version originale allemande, anglaise et... swahili ! Ma liste de découvertes outre-Rhin s'allonge et ce n'est pas pour me déplaire. Vous voulez des tuyaux pour débuter la vôtre ? Je suggère Elser et Le labyrinthe du silence sur les conséquences du nazisme. J'aime aussi L'oeuvre sans auteur !

mercredi 11 septembre 2024

Ce jour, ce lieu

Les revoir dans Splash m'a soudain rappelé combien les deux tours jumelles du World Trace Center de New York étaient iconiques. Difficile alors de faire comme si je n'avais rien ressenti à leur vision. J'ai cependant hésité à occulter cette fameuse date du 11 septembre pour passer au 12. Dès demain, promis: je vous emmènerai ailleurs...

L'avenir politique des États-Unis reste incertain - et celui du monde avec lui. La fiction saura parfois nous éclairer sur ce qui s'est passé. Dans l'obscurité et l'anonymat d'une salle, il peut arriver que le cinéma soit aussi un refuge pour nos émotions fortes, quelles qu'elles soient. Moi qui suis sujet au vertige des hautes altitudes, je me dis pourtant qu'il n'existe pas de vide qui ne puisse être franchi. C'est la leçon positive d'un film qui, contre toute attente, m'avait ému: The walk. Inspiré d'une histoire vraie, lui aussi redonne vie aux deux tours. Notre chance est peut-être d'y retourner en compagnie d'un Français. Je vous laisse méditer là-dessus... et vous dis donc "à demain midi" !

lundi 9 septembre 2024

Ascendant poisson

Ai-je vu Splash au cinéma ou en VHS quand j'étais enfant ? Je crois. Une info: ce film est le tout premier de Touchstone Pictures, la filiale du groupe Disney censée produire des longs-métrages plus adultes. Active jusqu'à son rachat en 2016, elle aura connu de grands succès publics, mais pas uniquement. Celui du jour n'a pas tout éclaboussé...

Dans son premier rôle principal, Tom Hanks est Allen Bauer, héritier d'un grossiste en fruits et légumes, à New York. Il traverse des ennuis financiers importants et vit très mal une autre situation: son célibat. Allen se croit incapable de plaire durablement à une (jolie) femme. Jusqu'au jour où, au comble du désespoir, il en rencontre une, nue, qui l'embrasse avant même de lui parler. La belle a un comportement déluré et est énigmatique, jusqu'à l'instant où elle adopte un langage cohérent. Elle assure l'avoir appris rien qu'en regardant la télévision...

La blondinette Madison (Daryl Hannah) est en réalité... une sirène surgie du fond de l'océan. Et Splash, donc, une comédie romantique. Sans réelle surprise quand on connaît bien l'esprit made in Disney. Étrangement, je l'ai bien aimée, y voyant un archétype du genre. Quarante ans plus tard, cet opus m'apparaît même comme une étape importante sur le chemin que Mickey et tous ses potes nous proposent d'arpenter en leur compagnie depuis maintenant près d'un siècle. Évidemment, l'opus du jour est particulièrement sucré et pas si adulte que Touchstone a essayé de nous faire croire. Mes brillantes étoiles ne sont pas dupes: elles témoignent sûrement d'un peu de nostalgie...
 
Splash
Film américain de Ron Howard (1984)

Pas d'erreur: je suis, c'est vrai, tout à fait bienveillant aujourd'hui. Cela ne veut pas dire que je me ruerai sur la suite - un téléfilm tourné avec d'autres acteurs ! - ou me languis du remake un temps évoqué. Revenez à samedi: Luca est une autre gentille créature des mers. Vous pourriez préférer La jeune fille de l'eau ou Une sirène à Paris. Et des bestioles "humano-compatibles" - avec E.T. en tête d'affiche...

samedi 7 septembre 2024

À l'air libre

Le magnifique Soul en 2020. Le très correct Alerte rouge en 2022. Et, entre les deux, Luca. Ça y est: j'ai enfin vu les trois créations originales des studios Pixar que Disney n'a pas jugé bon de montrer au cinéma - ce qui me permettra d'arrêter de polémiquer là-dessus ! Aujourd'hui, donc, direction l'Italie pour apprécier une jolie histoire...

Luca ? Ci-dessus, il est au premier plan, devant son copain Alberto. Ces deux gamins d'une douzaine d'années ont fondé leur belle amitié sur une ambition commune: s'offrir une Vespa et découvrir le monde. Seul vrai problème: le premier nommé a une mère ultra-possessive qui préférerait le garder auprès d'elle (ou dans un autre "lieu sûr"). Précision: à l'air libre, Luca et Alberto ont l'air de jeunes garçons ordinaires, alors qu'ils sont en fait... de petits monstres marins. Même s'il en a l'envie, l'un hésite donc à s'aventurer dans le monde des humains, décrit comme dangereux par sa tendre et chère maman. L'autre l'a déjà fait et encourage son pote à faire preuve d'audace. Bon... ce récit initiatique est agréable à suivre, malgré le manque d'originalité qui pourrait lui être reproché. J'ai aimé sa touche italienne et que tout soit censé se dérouler vers la fin des années 50.  Il y a ici comme un petit air de vacances qu'on aurait voulu prolonger !

Luca
Film américain d'Enrico Casarosa (2021)

Un Pixar à l'européenne, imaginé par un réalisateur et scénariste italien, puis fabriqué aux États-Unis: une réussite internationale. J'oublierai donc une fois de plus les enjeux financiers et l'esprit retors de nos amis de chez Disney pour amasser un maximum de bénéfices. Dix-huit ans après Le monde de Némo, cet opus ne démérite pas. D'autres créatures de la mer sont moins avenantes (cf. Underwater) !

mercredi 4 septembre 2024

La douceur d'un cri

Je doute souvent que le long combat des femmes et des hommes résolument engagés contre toutes les violences sexuelles et sexistes permette d'éradiquer ces fléaux. Mais ce combat doit se poursuivre ! Et j'essaye d'y prendre part. Mais... je ne sais pas toujours comment. En passeur de culture ? C'est aussi à cela que ce blog pourrait servir...

Le mois dernier, un peu avant mes vacances, j'ai regardé Moi aussi. Ce court-métrage de 17 minutes est l'oeuvre de Judith Godrèche, l'actrice, scénariste et cinéaste française qui a eu le grand courage d'affronter l'omerta sur ce terrible sujet, dans le milieu du cinéma tout comme dans d'autres environnements, professionnels et sociaux. Elle s'est dressée. Et, à son invitation, beaucoup l'ont fait avec elle...

Et alors ? C'était bien, beau et poignant, cette foule de personnes ayant accepté d'apparaître pour ce qu'elles sont: d'anciennes victimes d'abus, de tous âges, femmes et hommes réunis. Une jeune femme seule habillée de blanc dansait parmi eux: Tess Barthélémy, 19 ans. Info: elle est la fille de Judith Godrèche (et de Maurice Barthélémy). Sa bande-son: un peu de musique, des bruits et surtout les voix, distinctes d'abord, mêlées ensuite, de tous les témoins anonymes. Petit à petit, grâce aux regards à la caméra et aux quelques sourires captés au coeur de la multitude, j'ai cru percevoir une forme de paix retrouvée et, comme mon titre le souligne volontiers, de la douceur. Cela ne veut certes pas dire que tout est réglé - et/ou pardonné. J'espère dès lors que nous serons encore nombreux à voir ces images.

lundi 2 septembre 2024

... et une femme

Le cinéma ? "C'est comme une bataille. L'amour. La haine. L'action. La violence... et la mort. En un seul mot, c'est l'émotion". J'imagine que, peut-être, certains auront reconnu la citation de Samuel Fuller jouant son propre rôle dans Pierrot le fou. Le Godard m'est familier depuis des lustres. Mais je n'avais jamais vu de film de l'Oncle Sam...

C'est chose faite désormais avec 40 tueurs. J'ai apprécié ce western étonnant pour sa concision (une heure et quart) et son originalité. Révélée dès les débuts du cinéma parlant et donc riche d'une carrière débutée trente ans ans auparavant, Barbara Stanwyck en est la figure centrale. Elle incarne une riche propriétaire terrienne et la patronne d'un groupe d'hommes entièrement dévoués à sa cause. Des hommes peu fréquentables qui font et défont la loi dans la ville de Tombstone. Et puis, un jour, un vieux pistolero arrive pour rétablir l'équilibre ! Argument classique, dites-vous ? C'est ce que j'avais d'abord imaginé. Erreur: le film nous offre de nombreux rebondissements inattendus. Pas question que je les dévoile, mais disons que le manichéisme bourrin d'autres "films de l'Ouest" n'a pas cours ici. La mise en scène soignée constitue quant à elle une délectable cerise sur le gâteau. Promis: dès  le début, vous aurez toutes les chances... d'être conquis.

40 tueurs
Film américain de Samuel Fuller (1957)

Atypique, si ce n'est unique en son genre ! Un gros coup de coeur personnel et une bonne entrée en matière avec le fameux réalisateur. Maintenant, si vous voulez voir un second western avec une femme en tête d'affiche, Johnny Guitare (1954 !) me semble incontournable. Une autre piste à suivre ? Barbara Stanwyck joue très bien également dans Pacific Express (1939 !!!). Tant de trésors à découvrir encore...

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Si jamais vous voulez un autre avis...

Je vous propose de regarder ce que "L'oeil sur l'écran" a dit du film.