dimanche 29 septembre 2013

La justice, vraiment ?

Parmi les nombreuses émotions que procure le cinéma, il y en a une que je prise tout particulièrement: celle qui correspond au bonheur d'aller voir un film longtemps anticipé et de le découvrir aussi beau qu'on l'avait espéré. Cette émotion-là, j'ai eu la chance de la ressentir vers la toute fin du mois d'août dernier, grâce à Michael Kohlhaas.

Comme probablement d'autres amateurs de cinéma, j'avais entendu parler du film pour la première fois après sa participation à la course à la Palme d'or du dernier Festival de Cannes. J'ai cru en lui aussitôt. Et, bien qu'il soit reparti bredouille de la Croisette, je l'ai attendu.

Michael Kohlhaas ? Le héros éponyme du film est éleveur de chevaux dans la France du 16ème siècle. Un jour qu'il part à la foire agricole pour vendre ses bêtes, il est arrêté en chemin: fait inédit, on exige de lui qu'il s'acquitte d'un droit de péage. Alors que la discussion s'envenime, notre homme finit par accepter de confier deux chevaux au percepteur, en guise de garantie du paiement de sa dette nouvelle. Problème: quand il revient, les animaux ont été maltraités au point qu'ils sont méconnaissables. Le maquignon demande réparation et, bientôt, faute d'obtenir satisfaction, lance les hommes de son clan dans une vendetta. Laquelle, et c'est à l'évidence le sujet du film, dépasse allégrement le motif de fâcherie initiale. Je crois nécessaire de souligner ici que la violence du long-métrage ne doit rien aux effusions de sang. L'hémoglobine ne prend que peu de place à l'image. Ce que le film a de dur réside plutôt dans ces interrogations qu'il pose de plus en plus frontalement au fil des minutes: le héros vengeur est-il légitime ? Est-ce que le mal qu'on lui a fait méritait vraiment d'être puni de cette façon ? Est-ce qu'en se faisant alors chef de guerre, il ne devient pas lui-même le monstre qu'il dit combattre ?

Soyez prévenus: ici, la parole est juste, mais rare. L'action suggérée plutôt qu'explicite. Le film est anti-spectaculaire, si vous m'autorisez ce néologisme. De fait, cela ne l'empêche nullement d'être beau. Pourquoi ? D'abord parce qu'en replaçant un roman de la littérature romantique allemande dans les Cévennes, le réalisateur a su construire des images d'une beauté saisissante, où la nature sauvage et les caprices de la météo sont presque des personnages à part entière. Je l'ai perçu instinctivement, sans chercher à comparer depuis: esthétiquement, Michael Kohlhaas est le plus fort des films que j'ai vus cette année. Amoureux du cinéma en costumes, j'ai été transporté, ne regardant plus un écran, mais des lieux et personnages réels. Et quel charisme ils avaient, toutes et tous ! En tête d'affiche et en français dans le texte, le Danois Mads Mikkelsen dégage véritablement une prestance hors du commun. Les seconds rôles m'ont donné des frissons. De peur de trop dire, je ne citerais aujourd'hui que le vieux Bruno Ganz et une formidable gamine âgée d'à peine 14 ans et répondant à un très joli nom: Mélusine Mayance. Denis Lavant, lui, n'a qu'une petite scène, mais ce passage change tout au regard qu'on porte à ce qui nous est montré. Le film y puise son juste écho à la France actuelle. Du grand, du très grand cinéma.

Michael Kohlhaas
Film français d'Arnaud des Pallières (2013)

Que dire pour finir ? Que, bien que peu divertissant, ce que j'ai vu m'a paru plus profond, plus pertinent et plus touchant que le spectacle proposé par d'autres films sur fond de Moyen Âge. L'austérité protestante du long-métrage, assumée, m'a littéralement embarqué avec elle. Arnaud des Pallières a par ailleurs l'intelligence d'exposer des événements sans livrer son point de vue. Son film pose nettement plus de questions qu'un Braveheart, mais c'est à chacun d'entre nous d'y répondre. Je me répète: voilà du très grand cinéma ! L'Allemand Volker Schlöndorff avait livré sa propre vision en 1969. Précision littéraire: le roman, lui, a été écrit par Heinrich von Kleist en 1810. Et donc deux ans après La marquise d'O... (cf. Eric Rohmer).

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Et maintenant, je vous conseille d'aller voir ailleurs...
Pascale ("Sur la route du cinéma") a bien aimé le film, mais en parle avec des réserves que je comprends et qu'elle attribue à un sentiment de froideur, si j'ai bien saisi le sens de ses explications. Une preuve de plus qu'au cinéma, il n'y a jamais qu'une seule vision possible. Celle de Liv, qui m'a fait le plaisir de laisser un commentaire récemment, est plutôt positive. Découvrez-la sur son blog: "Liv/raison de films".

samedi 28 septembre 2013

Femme libérée

Vous vous souvenez ? 1984, la chanson de Cookie Dingler ? J'aimerais croire que, bientôt trente ans plus tard et en France, c'est très facile d'être une femme libérée. Mes amies me laissent l'espérer, parfois. Pourtant, à d'autres moments, c'est moins flagrant. Quant à savoir maintenant si le cinéma peut y changer quelque chose, c'est un débat trop vaste pour que je m'y attèle seul. Disons tout de même qu'un film comme Joueuse peut sûrement apporter un regard sur une situation sociale donnée: celle de la femme à petit boulot, mari et enfant ado.

Ce personnage qui m'inspire du respect, c'est Sandrine Bonnaire. Quand Joueuse démarre, elle est Hélène, efficace femme de chambre dans un hôtel chic, en Corse. Son horizon: le travail et la famille. Hélène fait de son mieux pour être heureuse et y arrive plutôt bien. Seulement voilà: un beau jour, elle tombe en arrêt devant un couple jouant aux échecs. Littéralement fascinée, elle veut aussitôt s'essayer au jeu et, rapidement, convainc un vieux médecin taciturne chez qui elle travaille également d'être son professeur. L'incompréhension de ses proches lui vaut alors de s'éloigner d'eux. Bien vite, la rumeur publique fait d'elle une femme adultère. Hélène n'arrive plus à convaincre son époux qu'elle l'aime encore. Se heurte violemment avec sa fille. Subit l'égoïsme de son patron. Et commence donc à se dire qu'au fond, elle n'a plus vraiment besoin des autres pour faire des choses bonnes pour elle. Un véritable cercle vicieux.

Joueuse est un premier film. Caroline Bottaro, la réalisatrice, délaye un peu trop son propos. Elle nous offre un beau portrait de femme, sublimé d'ailleurs par la très fine interprétation de Sandrine Bonnaire. Joueuse compte aussi quelques jolis seconds rôles et notamment celui du toubib, judicieusement confié à un étonnant Kevin Kline. Problème: malgré l'indéniable sincérité de l'ensemble, la symbolique paraît parfois un peu pataude - l'idée des échecs était bonne, elle. Récit d'une émancipation, le film a au moins l'intelligence de laisser de côté certains clichés faciles sur la Corse, en évoquant tout au plus quelques limites causées par son insularité. Notons que le scénario est l'adaptation d'un roman allemand, signée Bertina Henrichs. L'histoire veut que l'auteur soit venue demander son avis à sa voisine cinéaste, elle-même née en Allemagne. Au cinéma, le résultat manque un peu de coffre, mais se montre aussi d'une belle humilité.

Joueuse
Film franco-allemand de Caroline Bottaro (2009)

C'est d'abord le tandem Sandrine Bonnaire / Kevin Kline qui a attiré mon regard vers ce petit film. Pas de regret, donc: ils sont très bien tous les deux. Bonnaire tire le tout vers le haut, c'est évident: l'image que j'ai de cette actrice en sort plutôt renforcée et il serait temps qu'enfin, je découvre un peu mieux sa filmographie. Kline, lui, sera toujours pour moi le Otto d'Un poisson nommé Wanda. Il n'empêche que l'Américain prouve ici qu'il sait faire autre chose que le pitre. J'ajouterais un coup de chapeau pour avoir osé jouer... en français !

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Et qu'en disent mes voisins de palier virtuels ?
Ils aiment aussi ! Je vous laisse en juger sur "Le blog de Dasola". Autres pistes à suivre: "Sur la route du cinéma" et "L'oeil sur l'écran".

vendredi 27 septembre 2013

Ne pas oublier

J'ai fait le compte des longs-métrages: Sous le sable est le quatrième des quatorze films du prolifique François Ozon. Ses 701.721 entrées le placent aussi à la quatrième place de ce qui serait un box-office français, réservé aux oeuvres du réalisateur. Son pitch m'a paru suffisamment intéressant pour le mettre sur ma liste. Marie prend quelques jours de vacances à la mer avec son époux, Jean. Visiblement épuisé par la route, ce dernier profite d'une promenade du lendemain pour se baigner, tandis que Marie succombe au plaisir de la sieste sur la plage. Quand elle se réveille, Jean a disparu...

Pour autant que je puisse en juger, il me semble que François Ozon affectionne ces ambiances incertaines. Ici, habilement, il commence par montrer le désarroi de son héroïne, un peu du travail de recherche qu'effectuent des secouristes appelés en renfort et, enfin, le retour d'une Marie restée seule vers sa grisaille d'origine. L'idée du deuil vient nous frapper avant elle ! Muet désormais, je vous laisserai découvrir comment le film aborde les conséquences de la tragédie affective: c'est une partie de ce qui fait de Sous le sable une histoire intéressante et, j'ose le dire, assez touchante aussi. Pour se tenir éloigné du piège du pathos facile, il fallait sans doute aussi pouvoir compter sur une actrice impliquée et expressive. Charlotte Rampling est davantage: d'une belle sobriété, elle est d'une parfaite justesse.

Même si Bruno Cremer et Jacques Nolot sont de beaux personnages secondaires, je qualifierais très volontiers Sous le sable de portrait de femme. Nominé pour trois des Césars 2002, le film ne parvint pas à séduire l'Académie. Il n'a pas si mal vieilli aujourd'hui, peut-être parce qu'il nous met en présence de comédiens qui ont bien dépassé l'âge des premiers rôles. Il serait cela dit assez regrettable de réduire le film à la prestation de ses interprètes, aussi bons soient-ils. L’image qu'il impose s'appuie aussi sur quelques plans d'une beauté aussi discrète qu'indéniable. À titre d'exemple, je garde notamment en mémoire le visage de Charlotte Rampling caressé simultanément par quatre mains, une façon inventive d'évoquer les sentiments contradictoires de Marie. Je n'en dirais pas davantage: ce serait trop.

Sous le sable
Film français de François Ozon (2001)

Quatre... et cinq ! C'est bel et bien le cinquième des longs-métrages du cinéaste que je présente. L'index des réalisateurs vous permettra aisément de retrouver les autres. Désolé si aucune oeuvre comparable ne me vient à l'esprit. Je peux toutefois vous dire que Sous le sable est en réalité une belle histoire d'amour triste. Triste et digne, aussi.

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Je ne suis pas le seul à avoir apprécié le film...

C'est le cas aussi des rédacteurs de "L'oeil sur l'écran".

mercredi 25 septembre 2013

Michelangelo et moi

Plonger dans l'inconnu ? D'après moi, en tant que spectateur, ça fait partie des plaisirs que peut offrir le cinéma. Quand ce n'est pas directement sur écran géant ou petite lucarne, il peut m'arriver d'aborder le septième art par le texte, lecteur régulier de revues spécialisées et propriétaire d'une petite collection d'ouvrages référentiels. Je suis bien moins assidu aux expositions, paradoxe apparent qui s'explique par la quasi-absence d'événements de ce type à Nice, la ville où j'habite depuis quinze ans. C'est bien dommage.

C'est en vacances, cet été et lors d'un séjour à Bruxelles, que j'ai eu l'opportunité de découvrir Michelangelo Antonioni. Je connaissais déjà le nom du réalisateur italien, mais je n'avais pas encore pris le temps de me pencher sur son travail. C'est mon père qui m'y a conduit. Saisissant l'occasion de ma venue chez mes parents, il a commandé trois billets pour une exposition au Bozar, un musée de la capitale belge. Nous avons donc, ma mère, lui et moi, plongé dans l'inconnu. Même sans référence, l'expérience aura été agréable. Merci, Papa !

Que vous dire maintenant qu'il est déjà trop tard pour voir l'expo ? Qu'aussitôt, à l'entrée, j'ai vu le visage de Marcello Mastroianni projeté sur un écran géant, visage connu qui m'a encouragé à aller voir plus loin. J'ai alors vite réalisé à quel point Antonioni pouvait être considéré comme un maître du cinéma moderne. Je restais bloqué sur la seule idée d'un mini-scandale provoqué à Cannes - c'était en 1960, et dans des conditions qu'il me faudra encore clarifier. Intrigué et curieux, j'ai ouvert mon horizon à la carrière d'une vie...

Né en septembre 1912, Antonioni tournait encore en 2004, trois ans avant sa mort. Dans un court-métrage, il observait alors une statue sculptée par son homonyme de la Renaissance. Si tant est que j'ai su saisir la démarche du réalisateur, je crois avoir compris que l'image en tant que telle a toujours beaucoup compté pour lui. L'exposition bruxelloise m'a paru bien plus démonstrative sur ce point qu'explicite sur l'intrigue des scénarios filmés par le cinéaste. Lequel, tenté parfois par l'approche documentaire, a aussi su quitter son sol natal.

Visiblement, aimé et honoré partout où il allait, Antonioni demeurait pourtant viscéralement attaché à l'Italie. Il n'est que de contempler ses peintures pour sentir son amour pour les montagnes et couleurs de son pays. Il en partit pourtant, pour travailler aux États-Unis notamment, ou tourner des images de la Chine de 1972 que Pékin s'efforça longtemps de censurer. Vous vous direz peut-être que j'en ai oublié l'essentiel: les films. Ce n'est pas le cas, bien au contraire. Terminées, les vacances: c'est eux qu'il me faudra encore découvrir.

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Et pour tout vous dire...

Passé le portrait, les trois photos qui illustrent ma chronique proviennent des longs-métrages du maître: de haut en bas, Le désert rouge (1964), Blow-up (Palme d'or 1967) et Zabriskie Point (1970). J'espère avoir l'occasion de les voir pour mieux vous les présenter.

mardi 24 septembre 2013

Le petit cheval

Répétons-le tout de go: hormis sans doute quand c'est Jean Rochefort qui parle, j'ai du mal à comprendre l'amour inconditionnel que certains portent aux chevaux. Sauf dans les westerns, voir un homme juché sur ce noble animal me semble dénaturer sa pure ligne athlétique. Question de sensibilité, j'imagine, et je respecte les avis contraires. J'aurais toutefois sûrement fait l'impasse sur Jappeloup si mon ami d'enfance ne m'avait pas proposé de le regarder. Le film reprend directement le nom d'un cheval formé au saut d'obstacles: je laisse Wikipedia - ou toute autre source utile - vous raconter son histoire.

Guillaume Canet en a tiré un scénario de film et s'est offert le rôle principal, celui du cavalier français Pierre Durand, jadis propriétaire de Jappeloup - l'animal a vécu de 1975 à 1991, devenu aujourd'hui légende de l'équitation française. Que dire du long-métrage ? Réalisé sur commande par un cinéaste québécois, il fleure la nostalgie légitime du commanditaire, lui-même ancien professionnel du monde équestre. Rien de scandaleux, même si une recherche Internet complémentaire vous montrera vite que la question du droit à l'image n'est pas franchement réglée. À l'écran, quelques fort jolies séquences ont tôt fait de nous faire oublier la face cachée de cette histoire. Malgré la linéarité de l'intrigue et son côté très prévisible, j'ai mordu à l'hameçon, sans vraiment me soucier du temps passé. Un bon point.

L'ennui vient plutôt d'un certain manque d'émotion et de la manière dont le film "infuse". Après l'avoir vu, il ne laisse aucune trace réellement durable dans mes souvenirs cinéphiles. Je viens à penser qu'en d'autres mains ou simplement en déstructurant un peu son récit historique, il aurait été plus marquant. Tel quel, il me fait l'effet d'une petite collection d'images alignées les unes après les autres. L'ensemble présente bien, mais avance sans la moindre aspérité. Comble du comble: les enjeux dramatiques réels tournent plutôt autour du cavalier que du cheval ! Jappeloup se dissout dans l'humain le plus banal. Je trouve ça dommage: associés en seconds rôles purement illustratifs, Marina Hands, Daniel Auteuil ou Jacques Higelin méritaient mieux. Et le fameux animal éponyme aussi, sans doute...

Jappeloup
Film français de Christian Duguay (2013)

Trois étoiles généreuses pour saluer la qualité plastique du travail effectué. Un peu trop léchée peut-être, la photo est belle, toutefois. C'est plutôt son utilisation qui est moins emballante - et je veux redire mon impression que certains des acteurs valent mieux que ça. Vu en France par deux millions de spectateurs, score correct, le film n'aurait pas encore rapporté autant qu'il a coûté. Un peu trop lisse pour convaincre ? Depuis mon canapé, il m'a fait penser à Pur sang...

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Bon, autant vous le dire aussi, tiens...
Pascale ("Sur la route du cinéma") aurait préféré des lasagnes.

lundi 23 septembre 2013

3+1 = ?

926 chroniques doivent avoir suffi à vous le montrer: les aspects financiers du cinéma sont loin d'être ceux qui m'intéressent le plus. Par peur pour l'art et intérêt pour la phase créative, je lis des choses sur le sujet, bien sûr, et surtout en cette année où 1) les chiffres d'exploitation en salles sont en chute libre et 2) les professionnels français du septième art voient leur statut social remis en question. Quartet, lui, est un film britannique. Il a eu la chance d'un accueil attentif de la part de la critique: il est aussi la première réalisation d'une grande star, le comédien américain Dustin Hoffman. Ça aide...

Trêve de suspense: Quartet est aussi un joli (petit) film, adaptation d'une pièce de théâtre. L'histoire invente une maison de retraite réservée aux anciens musiciens et chanteurs lyriques. Bien jolie idée que cette Beecham House, encore pleine de vie puisque musicale évidemment et par vocation. Crise oblige, l'idée d'une menace financière sur la structure passe comme une note sur une partition d'opéra, idem pour celle de la motivation générale des papys/mamies pour animer leur propre concert de bienfaisance. L'argument maître de l'intrigue est plus commun: évidemment, pour cela, il faut pouvoir compter sur la reformation d'un quatuor. Trois de ses ex-membres sont d'accord, mais pas le quatrième. Vous imaginez la suite, non ? Permettez-moi de m'abstenir d'aller plus avant dans les explications.

Autant être honnête: pour moi aussi, le fait que ce film ait été réalisé par Dustin Hoffman est une source évidente d'intérêt. J'étais curieux de savoir à quel point, à 75 ans, la vedette allait se dépatouiller derrière la caméra. Conventionnel mais séduisant, Quartet, je l'ai dit et le répète, est un joli film. Si j'ai parlé de petit film, ce n'est pas par condescendance, mais simplement pour signifier qu'il n'invente rien de franchement nouveau sur les écrans. Tant pis: considéré froidement pour ses qualités propres, le long-métrage tire honorablement sur la corde de l'émotion et, de toute évidence, rend un vibrant hommage à la musique et à l'opéra. Quelques scènes sont un peu "too much", mais l'implication des comédiens et figurants professionnels m'amènera volontiers à parler d'une oeuvre attachante.

Quartet
Film britannique de Dustin Hoffman (2013)

L'histoire ne dit pas si l'ex-Lauréat tournera d'autres films. J'imagine toutefois qu'il sera attendu au tournant, son baptême du feu lui valant quelques bienveillants encouragements à aller plus loin. L'historiette qu'il a choisi d'adapter ne lui offre pas un coup de maître. Le concert m'apparait comme une comparaison valable, bien loin d'Amadeus...

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Un petit contrepoint, voulez-vous ?

Pascale de "Sur la route du cinéma" n'a pas apprécié le ton général. Dasola, en revanche, parle d'un film plaisant ("Le blog de Dasola").

dimanche 22 septembre 2013

Liaisons dangereuses

Nuits d'ivresse printanière est le fruit du travail d'un homme courageux. Certes soutenu par des mécènes occidentaux, le cinéaste chinois Lou Ye a bravé une interdiction de tourner et réussi à réaliser ce long-métrage âpre, ouvert sous une pluie battante, métaphorique des diverses catastrophes qu'égrène son scénario. Je vous préviens d'emblée: il n'y a rien de drôle ici. La société chinoise contemporaine est décrite à partir de deux hommes, amants cachés dans les habits d'hommes d'affaires "ordinaires". On ne sait s'ils s'aiment vraiment. En tout cas, ils couchent ensemble... là-dessus, aucun doute à l'écran.

Réduire le film à sa simple dimension quasi-pornographique m'apparaîtrait toutefois aussi peu sensé qu'évoquer la non-normalité de cette liaison homosexuelle. Sans vouloir me livrer à une attaque non-documentée de la censure chinoise, j'imagine toutefois aisément ce que ces images renferment de transgressif pour les autorités pékinoises - et n'oublions pas de nous interroger sur ce qu'elles sont pour nous, d'accord ? Je le répète donc: Nuits d'ivresse printanière est le fruit du travail d'un homme courageux. C'est un film courageux. C'est aussi un film aux facettes multiples, qui, plutôt que de défendre obstinément la cause homosexuelle, interroge sur les conséquences possibles des tabous et interdits sociaux. Lou Ye, un militant ? Peut-être bien. Je prête cependant au réalisateur une qualité importante entre toutes: plutôt que d'affirmer, il expose. Il laisse chaque spectateur libre de faire son opinion sur ses personnages.

Dès lors, et même s'il faut s'accrocher pour "supporter" la combinaison caméra à l'épaule + VO en mandarin, le résultat se détache nettement d'une thèse manichéenne. Il y a bien sûr des victimes dans le monde brutal que décrit Lou Ye. Je ne suis pas sûr qu'il y ait des coupables aussi clairement identifiables, en revanche. C'est peut-être bien d'ailleurs la clé de la noirceur d'un film comme Nuits d'ivresse printanière. Personnellement, il m'a mis KO sans que je trouve quelqu'un à accuser pour tout le mal qu'il peut faire. On se retrouve livré à soi-même, soumis à des sentiments assez contradictoires. Habitués et/ou amateurs d'un cinéma moins anxiogène, certains auront éteint leur télé avant la fin du métrage - je trouve ça dommage, mais je ne saurais les en blâmer. Un peu tirée en longueur sans doute, l'intrigue peut renvoyer à de très intimes incertitudes. Heureux que nous sommes d'y repenser dans notre vieille France...

Nuits d'ivresse printanière
Film chinois de Lou Ye (2009)

Formellement plus éprouvant que Brokeback Mountain, le film partage avec lui une certaine intelligence: il ne limite pas son champ d'observation au duo homosexuel de départ. Récompensé à Cannes d'un Prix du scénario, le long-métrage confirme aussi l'intérêt renouvelé des sélectionneurs cannois pour la carrière du cinéaste asiatique. Je ne cache pas que c'est bien également grâce au Festival que j'ai découvert Lou Ye, en commençant par... la fin et Mystery. D'un film à l'autre, c'est en fait le même malaise persistant...

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Pour être tout à fait complet...

En contrepoint, vous devriez lire la chronique de "L'oeil sur l'écran". Puis, tant qu'à faire, celle de David ("L'impossible blog ciné"), aussi.

samedi 21 septembre 2013

Au revoir, Hayao...

Je trouve enfin le temps d'écrire un petit mot sur Hayao Miyazaki. Vous connaissez, bien sûr ? Si ce n'est pas le cas, je vous conseille vivement de rattraper votre retard dès que possible - un petit tour dans mon index des réalisateurs vous donnera quelques pistes. J'imagine que je ne serai pas démenti si je dis que le vieux maître japonais est certainement le plus populaire des spécialistes du film d'animation de son pays. Son studio Ghibli a permis à nos contrées occidentales de découvrir quelques vraies perles. Oui, mais voilà...

Invité de la dernière Mostra de Venise, Hayao Miyazaki a saisi l'occasion pour annoncer sa retraite. Le buzz planétaire qui a suivi s'est avéré insuffisant à convaincre le jury d'accorder une récompense au film présenté en compétition officielle. Je n'ai pas l'intention aujourd'hui de décrypter le palmarès pour vous donner mon avis. Cette chronique n'a d'autre but que de rendre hommage à un homme qui, dignement, annonce qu'il se retire du cinéma. Il me faut préciser toutefois que ce n'est pas aussi simple. Interrogé sur ce qu'il comptait faire désormais, l'intéressé a dit ne plus se sentir en état de réaliser des longs-métrages. Il a toutefois également admis qu'il retournerait chez Ghibli aussi souvent qu'il le voudrait. Il semble donc que ce soit "uniquement" aux projets les plus lourds qu'il tourne le dos. Je vois mal ses anciens collègues se passer complètement de son expérience et de ses inspirations. À 72 ans, il n'a pas dit son tout dernier mot...

En attendant de découvrir comment ce qu'il a contribué à créer évoluera sans lui, je crois que la bonne façon de dire notre gratitude à Hayao Miyazaki est... d'aller voir son dernier film. Les salles françaises l'accueilleront le 15 janvier prochain - et je suis persuadé que les médias en reparleront le moment venu. Je vous confesse volontiers que je ne ne suis pas toujours aussi sensible aux oeuvres du maître. Je me dis par ailleurs qu'en prenant du recul, il va peut-être libérer l'imagination de quelques anciens collaborateurs jusqu'alors écrasés par le poids de sa figure tutélaire. Nous verrons. D'ici là, j'attends donc Le vent se lève (Kaze Tachinu) de pied ferme. Consacré à la vie d'un ingénieur de l'aviation, ce film a exigé cinq ans de travail. Il marque la première incursion de son auteur sur le thème de la seconde guerre mondiale - d'aucuns parlent d'une oeuvre testamentaire. Je suis presque sûr déjà que ce sera plein d'émotion.

vendredi 20 septembre 2013

Choisir de partir

Trentenaires et copains de longue date, Simon et Julien se retrouvent un jour dans le village où ils ont passé leur enfance. Sans attaches amoureuses ni véritables projets, les deux garçons se décident vaguement à vivre leur vie et à aller voir si, comme certains le disent parfois en pareille occasion, l'herbe est plus verte loin de chez eux. Confiants en leur bonne étoile, les garçons réunissent leurs économies pour acheter un camping-car. Ainsi débute Mobile home, petit film belge trop vite oublié sous nos latitudes. Il mérite votre attention.

Mobile home, c'est aussi le tout premier film du Belge François Pirot. Sans surprise, il a le défaut de sa qualité: il manque parfois un peu d'harmonie ou de liant, mais il fait preuve d'une grande fraîcheur. L'empathie du réalisateur à l'égard de ses personnages est manifeste. J'imagine que certains se reconnaîtront dans l'attitude des deux zozos qui mordent la vie sans souci du lendemain. Je crois juste d'affirmer qu'ils sont joliment campés par Athur Dupont et Guillaume Gouix, deux comédiens français dont j'ignorais tout jusqu'alors. J'ajouterais que la distribution dans son ensemble s'en sort très honorablement. Je veux citer Jackie Berroyer et feu Jean-Paul Bonnaire, papas perturbés par la drôle de décision de leurs rejetons. Les personnages féminins, eux aussi, sont interprétés avec justesse et délicatesse. Combinaison parfaite. Dans la modestie, c'est vraiment une réussite.

Bien que largement immobile, le film est une sorte de voyage. Partis poursuivre leurs rêves, les garçons suscitent vite une forme d'attachement: j'ai aussitôt eu envie que ça marche pour eux. L'utopie légère qui flotte ici et là sur le scénario rend le propos optimiste et légèrement désabusé dans le même mouvement. Il faut croire qu'il y a une école belge de la comédie populaire et sociale ! Mobile home en serait en tout cas un très digne représentant. Jamais vraiment plombant sur la durée, ce cinéma-là parle de choses simples que, nous Français, pourrions tout aussi bien éprouver. Je suis toujours étonné que seul un petit nombre de films wallons passe ainsi la frontière. Relativement ouverte, la fin de celui-là invite à sourire tout en gardant la flamme des espoirs qui nous font avancer. Il est des messages moins agréables à entendre en ces périodes de crise...

Mobile home
Film belge de François Pirot (2012)

Vous l'aurez d'ores et déjà compris: je suis bien content d'avoir pu rattraper ce petit film trop vite oublié des écrans cinéma. S'il me faut épiloguer sur ce que je disais du cinéma belge, je vous conseille d'accorder un peu de temps à d'autres petits films, comme Torpédo notamment ou Le gamin au vélo des frères Dardenne, à la limite. Bien que plus rude, le cinéma de Benoît Mariage est une alternative.

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Un autre endroit où l'on parle du film ?

"Sur la route du cinéma": le blog de Pascale, qui a bien aimé aussi.

jeudi 19 septembre 2013

Duel au soleil

Les faits remontent au 20 mai dernier. Interrogé par un journal américain, le cinéaste français François Ozon déclare que beaucoup de femmes fantasment sur le fait de se livrer à la prostitution. Aussitôt reprise, la petite phrase fait grand bruit et offre au Festival de Cannes 2013 sa première polémique. J'avais complètement oublié ! L'anecdote est revenue frapper à la porte de ma mémoire au moment où je cherchais quelques renseignements sur Swimming pool, un film du même François Ozon, en compétition pour la Palme il y a dix ans.

Swimming pool a d'abord pour personnage principal la comédienne franco-britannique Charlotte Rampling, dans la peau d'une romancière en panne d'inspiration. Convaincu que son éditeur lui préfère désormais un auteur plus jeune, Sarah Morton regimbe, mais accepte tout de même les clés de sa villa française. Elle se laisse convaincre que quelques jours de vacances au soleil lui offriront la sérénité nécessaire à l'écriture d'un nouveau livre. C'est bel et bien le cas pendant quelque temps, jusqu'au jour où Julie, la jeune et jolie fille de l'éditeur, débarque sans préavis, comme en terrain conquis. Instantanément en totale opposition, les deux femmes vont se livrer une rude bataille, à grand renfort de cris et d'insultes. Les choses s'apaiseront quelque peu, assez en fait pour permettre au scénario d'effectuer d'autres rebonds et au film d'offrir plus qu'un bête crêpage de chignons à la campagne. Je ne veux rien vous révéler de plus...

Ce que je peux et dois dire, c'est que, dans l'ensemble, j'ai été impressionné par la mise en scène. Au départ, tout a l'air assez banal. C'est très progressivement que l'ambiance s'installe. En appréhendant l'intrigue par l'intermédiaire de Sarah Morton, je me suis demandé très souvent où allaient me mener les prochaines scènes. J'ai senti une tension allant crescendo, doucement mais sûrement, et me suis laissé embarquer avec le sentiment de ne pas tout comprendre. Chose rare et jubilatoire: j'ai constaté après coup que certains critiques n'analysaient pas comme moi la conclusion du film. C'est ce qui fait l'intérêt de Swimming pool, sans doute, et celui de le revoir un jour. Côté interprétation, Charlotte Rampling joue sur une large gamme d'émotions, avec toujours une égale intensité. Bon jeu également pour Ludivine Sagnier, dont la beauté solaire irradie la pellicule. Il y a sûrement quelques petits défauts, mais voilà du cinéma ambitieux !

Swimming pool
Film français de François Ozon (2003)

Au moment où j'ai écrit cette chronique, je n'avais pas (encore ?) vu Jeune et jolie, le dernier Ozon, sorti il y a maintenant un petit mois. Trois autres films du réalisateur sont évoqués sur le blog: il suffit donc d'un clic sur mes pages d'index pour les retrouver. De ce groupe de quatre longs-métrages, Swimming pool est mon préféré. On peut toujours railler la manière dont le cinéaste use - et, oui, abuse parfois - de références hitchcockiennes ou bunueliennes. Il n'empêche qu'à 45 ans seulement, il a déjà une belle filmographie derrière lui...

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Je ne suis visiblement pas le seul à m'y intéresser...
Mes amis de "L'oeil sur l'écran" livrent également leur avis sur le film. Huit autres oeuvres de François Ozon sont présentées sur leur blog.

mercredi 18 septembre 2013

Brèves de comptoir

Vous connaissez les livres de Jean-Marie Gourio ? L'auteur français a passé des mois dans les bistros à saisir les innombrables expressions et petites phrases, assassines ou rigolotes, de leurs habitués. Le film dont je veux vous parler aujourd'hui renverse le processus. On passe derrière le comptoir et ce sont les paroles des tenanciers que l'on peut ainsi écouter. Plus de bistro, toutefois: Clerks - Les employés modèles s'intéressent à deux jeunes, Dante et Randal, qui bossent respectivement dans une épicerie et un vidéo club. La vraie galère...

Ce qui m'a décidé à regarder Clerks ? Son nom ! Dans ma mémoire embrumée, derrière des piles de souvenirs bien plus concrets, le titre du long-métrage allumait la petite case "film-culte". Aucune idée alors de ce qu'il pouvait raconter, mais la certitude d'en avoir lu des choses positives. Expérience tentée, c'est presque un regret de devoir dire que je suis moins convaincu. Bien que Dante et Randal aient presque exactement mon âge, ils sont loin du Martin de 1994. Leur bla-bla adulescent sur la vie, les filles et la valeur relative des épisodes originels de la saga Star Wars m'ont vite lassé, ne sortant finalement de la platitude qu'en de très rares occasions. Même les personnages secondaires, mythiques pour les uns, ne m'ont pas emballé. J'admets tout à fait que d'autres puissent apprécier ce style. Chacun son truc.

Qu'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas écrit ! J'ai bien aimé certains aspects du film et en particulier le choix de concentrer l'action sur une journée - journée pourrie pour Dante, vous l'aurez compris. Sur le plan technique, Clerks a été inventé avec deux bouts de ficelle. Son noir et blanc porte la marque d'un long-métrage fauché, mais ce n'est pas vraiment un problème: au contraire, ça rend cette production indépendante assez sympathique. Le découpage m'apparaît un peu plus discutable: composé de plusieurs séquences entrecoupées d'un carton-titre, le film m'est en fait davantage apparu comme une série de sketchs (pas toujours drôles). J'ai eu l'impression de rester un observateur, jamais tellement impliqué dans les blagues racontées sur l'écran. C'était le risque de ma séance à l'aveuglette...

Clerks - Les employés modèles
Film américain de Kevin Smith (1994)

Vérification faite, parmi les gens qui ont aimé le film, certains disent que c'est la seule bonne chose réalisée par son auteur. D'autres affirment au contraire que de nombreuses confirmations ont fait suite à ce magistral coup d'essai - il existe d'ailleurs un Clerks 2, sorti en 2006, et un troisième opus serait envisagé. Du côté des films d'ado ultra-référentiels, je préfère La folle journée de Ferris Bueller ou ce bon vieux Retour vers le futur. C'est vrai qu'ils sont plus soft.

mardi 17 septembre 2013

Juste une illusion ?

"Plus vous regarderez de près, moins vous en verrez": on peut dire qu'Insaisissables, le nouveau film de Louis Leterrier, réalisateur français expatrié aux États-Unis, annonce un peu son programme avec cette phrase contenue dans l'un des tout premiers dialogues. Parfois présenté comme l'une des assez bonnes surprises à découvrir en salles cet été, le long-métrage a pour héros quatre magiciens associés pour la production de spectacles XXL. Cet argument original est doublé par une intrigue policière de facture bien plus classique.

L'idée d'Insaisissables, c'est en effet que ces fameux illusionnistes utilisent leur talent pour rançonner des banques ou dépouiller pareillement des assureurs peu scrupuleux. Le mythe Robin des Bois revisité à la sauce David Copperfield, si vous voyez ce que je veux dire. J'en termine avec le suspense: cette idée m'a plutôt bien plu. Jouer sur les illusions, le concept m'emballait franchement. Le fait est qu'après la séance, je me disais aussi que c'était plus facile de monter certains tours au cinéma que sur scène. La débauche d'effets visuels offerte par le long-métrage m'a fait décrocher un peu et dès le début. La découverte tournoyante d'un théâtre de Las Vegas a l'air toc...

Porté par une distribution assez sympa, le film est un peu bling-bling. Louis Leterrier a semble-t-il disposé de gros moyens et il paraît déterminé à nous en mettre plein la vue. Cette non-sobriété constitue l'un des défauts de son long-métrage. Insaisissables ne se pose jamais vraiment et, si la magie n'est pas... votre truc, il y a un risque que vous vous lassiez très vite. Moi ? Je me suis plutôt amusé. Maintenant, pour être honnête, je n'ai pas retenu grand-chose d'autre que le plaisir de l'instant. Deux heures après la sortie de la salle, il y a bien des choses que j'avais oubliées ! Je vous conseille de considérer le spectacle pour ce qu'il est: un produit pop corn du coeur de l'été...

Insaisissables
Film américain de Louis Leterrier (2013)

Je pense que le bouche-à-oreilles sera favorable à ce long-métrage. Inutile d'en dire beaucoup plus, donc. Autant voir un spectacle magique sur scène. Au cinéma, je conseille L'illusionniste, le dessin animé du Français Sylvain Chomet. À ne pas confondre avec le film portant ce même nom, L’illusionniste, de l'Américain Neil Burger.

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Pour en revenir au film présenté aujourd'hui...

Vous pouvez lire la chronique de Pascale ("Sur la route du cinéma"). Dasola, elle, ne s'est pas laissé duper ("Le blog de Dasola").

lundi 16 septembre 2013

Le tuer ensuite

Kill Bill: volume 2 ne devrait pas exister sous cette forme. L'idée d'un découpage en deux parties des aventures de la mariée vengeresse viendrait en fait d'une production effrayée par la longueur du quatrième film de Quentin Tarantino. Et moi qui espérais encore une vraie rupture stylistique entre les deux épisodes... c'est raté ! Plus longue que le premier opus d'une petite demi-heure, cette suite poursuit le programme engagé. L'hémoglobine y coule un peu moins. La trame, elle, reste sans surprise véritable et ultra-référencée...

Je me demande si le film ne serait pas meilleur d'un seul tenant. Initialement, le public a dû attendre un semestre avant de découvrir ce second volet. Pour ma part, j'ai enchaîné les deux longs-métrages. Unique temps mort: une pause d'une demi-heure entre les deux. Conséquence: l'impression que QT s'auto-cite. Uma Thurman démarre avec un gros plan visage pour un petit résumé de l'épisode précédent et, à quelques occasions, des plans passent d'un film à l'autre. Malheureusement, l'enchaînement des séquences s'avère banal. Malgré un flashback sur la formation de l'héroïne auprès d'un maître chinois du kung-fu, Kill Bill: volume 2 n'a pas su me surprendre.

À mon goût, tout ça manque cruellement d'ironie ou de second degré. Justement, diront certains: il faut rester au premier. Je m'en sens incapable. Une fois encore, alors qu'il affirme leur rendre hommage, Quentin Tarantino me paraît plutôt se moquer de ses modèles. L'humour de son long-métrage manque de finesse - les scènes asiatiques de cette nouvelle production m'ont à ce titre paru édifiantes. Quant à la conclusion de l'intrigue principale, au-delà même du sang versé, je l'ai trouvée bêtasse. L'apparition soudaine d'un personnage d'enfant rend Kill Bill: volume 2 un rien ridicule. L'idée d'une suite à la suite a fait long feu. Pas forcément un mal...

Kill Bill: volume 2
Film américain de Quentin Tarantino (2004)
Ma prochaine séance avec ce cinéaste devrait être une redite: j'ai prévu de revoir Jackie Brown, la sortie qui a précédé ce diptyque. Possible aussi que je retrouve les films de ses débuts, Reservoir dogs et la Palme Pulp fiction. J'espère surtout que les prochains parviendront à m'étonner, mais, c'est vrai, je suis assez pessimiste...

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Et, comme avant-hier, je suis bien obligé de le constater...

L'avis du blog "L'oeil sur l'écran" est sensiblement identique au mien. Aelezig, elle, défend le film sur "Mon cinéma, jour après jour".

dimanche 15 septembre 2013

Le retrouver d'abord

Il me faut être cohérent. J'ai vu - et chroniqué - trop de blockbusters pour être crédible en détracteur du genre. Les films américains bourrins, j'aime ça, moi aussi, à dose raisonnable. Je me dis même que classer Kill Bill: volume 1 dans cette catégorie un peu étroite revient à négliger ses vraies qualités. Disons que c'est la preuve que, décidément, j'ai du mal à catégoriser les films de Quentin Tarantino. D'aucuns diront que c'est logique: le cinéaste serait inclassable. Signe de son génie ? Mouais. J'avoue que je ne suis toujours pas convaincu.

Précision: j'ai écrit cette chronique après avoir vu Kill Bill: volume 1 pour la seconde fois. Un soir de désoeuvrement, j'ai eu envie d'aborder le diptyque globalement - seconde partie prévue demain. L'intrigue ? Laissée pour morte après qu'un groupe d'assassins a fait irruption lors de son mariage, une dénommée Black Mamba retrouve ses vieilles habitudes de tueuse à gage et traque le quintette fatal constitué de ses anciens complices en vue de les éliminer tous. Amateurs d'art martiaux, vous aurez peut-être plaisir à découvrir qu'une bonne partie de ce règlement de comptes s'effectuera à l'arme blanche. Le mot revenant à plusieurs reprises dans les dialogues, l'explication tient très vraisemblablement à ce que QT trouve ça cool. Pour la diversité graphique du film, ce n'est pas une si mauvaise idée. Le problème serait plutôt que le long-métrage manque d'âme. Cinéphile émérite et bon copiste, le réalisateur s'amuse à recycler.

En fait, de mon point de vue, si la forme est impeccable, il manque toujours un ingrédient à ce cinéma: l'émotion. QT s'en sortirait encore s'il faisait preuve d'un minimum de distance, mais il abuse d'après moi de références "copiées-collées", sans réelle inventivité. La répétition de certains effets finit par lasser - en vrac, je citerai simplement les jurons, les gros plans sur les pieds des personnages féminins ou encore la violence, si outrancière qu'elle en devient parfois risible. On dira que Kill Bill: volume 1 ne s'embarrasse guère de vraisemblance: c'est là son moindre défaut. Le film me laisse l'impression d'un gâchis. Les personnages sont sympa, la réalisation léchée au possible, la musique entraînante... et je reste sur le bord du chemin, sans grand intérêt pour le déroulement de l'intrigue. Frustré, en fait, par ce scénario qui ne me surprend jamais vraiment. Comme devant un jeu vidéo auquel il me serait interdit de jouer.

Kill Bill: volume 1
Film américain de Quentin Tarantino (2003)
Malgré mes réserves, les aspects réussis du long-métrage me font accorder une note correcte. Neuf ans après avoir obtenu la Palme d'or avec Pulp fiction, QT aurait gagné à se renouveler davantage. Admettons qu'il ait voulu faire ce film pour retrouver Uma Thurman dans un rôle développé. Je demeure déçu de la linéarité du scénario.

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J'aurais aimé proposer un avis divergent, mais...

Le fait est que les rédacteurs de "L'oeil sur l'écran" ont le même ! Heureusement qu'Aelezig est là avec "Mon cinéma, jour après jour"...

jeudi 12 septembre 2013

Trois hommes, un sommet

J'avais d'abord pensé lui consacrer la millième chronique de ce blog. J'ai finalement craqué et, parce qu'un collègue de travail avait envie de le revoir, je l'ai revu avec lui lors d'une soirée DVD-pizza ordinaire. Le bon, la brute et le truand trône au sommet de mon panthéon personnel. J'aimerais parfois l'oublier... pour mieux le redécouvrir. L'idée méritait que j'y réfléchisse plus longuement, mais il me semble que c'est l'unique film sorti avant ma naissance qui me laisse l'impression de m'accompagner depuis toujours. Je ne m'en lasse pas.

Je ne crois pas dire de bêtises en affirmant que ce film culte pour moi l'est aussi pour beaucoup de monde. Je l'ai toujours vu placé très haut dans les innombrables classements des meilleurs longs-métrages publiés ici et là - et je parle de toute l'histoire du cinéma. Il est toutefois possible que certains soient passés à côté du phénomène. Pour eux, un mot du pitch: dans une Amérique déchirée par la guerre de Sécession, trois hommes sont à la recherche d'une grosse poignée de dollars cachée... dans une tombe ! Le bon, la brute et le truand annonce la couleur d'emblée, par son titre. Ces quelque trois heures d'aventures picaresques composent un western à nul autre pareil.  

Le bon, la brute et le truand est le troisième des cinq westerns réalisés par l'Italien Sergio Leone. Tourné en Espagne, il poursuit l'entreprise de démolition du mythe façonné par ses prédécesseurs américains - modèle que le cinéaste tient toutefois en admiration. Une partie de son efficacité vient justement du fait que trois acteurs américains occupent les rôles principaux, j'ai nommé Clint Eastwood, Lee van Cleef et Eli Wallach. Or, surprise, à partir de ces personnages de desperados sans foi ni loi, le scénario tricote un récit teinté d'ironie, où la réelle violence des situations laisse un certain humour noir occuper le premier plan. C'est la foire aux répliques cinglantes !

Pour autant, réduire Le bon, la brute et le truand à la magie éternelle de ses dialogues serait franchement injuste. Le film demeure une véritable merveille de mise en scène, encore sublimée par la non moins extraordinaire musique composée par le maestro Ennio Morricone. Cette fabuleuse bande originale paraît pouvoir transformer l'oeuvre leonienne en opéra, tant elle cadence l'action. J'aime frissonner à la pensée des émotions qui ont dû saisir le public de l'époque, en outre sommé de "digérer" des images jamais vues ailleurs, et notamment un festival de gros plans sur les trognes incroyables de tous les seconds rôles. Et sans reconnaître personne...

Concentré sur le trio Blondin/Sentenza/Tuco, on en oublierait presque que Le bon, la brute et le truand relève aussi d'un engagement. Extrêmement documenté sur le plan historique, le film n'hésite jamais à montrer toute l'horreur du conflit civil qui ravageait les États-Unis un siècle auparavant. Le rire que peut susciter le long-métrage se fait alors amer. Quand la production sort en salles, certains critiques professionnels ne le pardonnent pas à Sergio Leone. L'Italien assume et parle d'une guerre "inutile, stupide". Le public lui donne raison. Même en Amérique, l'afflux de spectateurs est tel que son oeuvre devient le western le plus aimé de l'histoire. Une référence absolue.

Le bon, la brute et le truand
Film italien de Sergio Leone (1966)

Le monde se divise en deux catégories: ceux qui montent à cheval avec les Américains et ceux qui préfèrent la cavalcade à l'italienne. S'il faut absolument choisir, je retiens le deuxième camp. Négliger l'apport de Sergio Leone à l'histoire du septième art serait un affront. Maintenant, si j'aime ce film au-dessus de tous les autres, je dois aussi admettre qu'Il était une fois dans l'Ouest, l'autre référence incontournable du maestro, lui tient la dragée haute - sur un autre ton toutefois. Au fond, le plus simple, c'est assurément d'aimer les deux !

lundi 9 septembre 2013

Quatre jours

Ceux qui me connaissent s'en amusent: si Sur la route de Madison a bel et bien trouvé sa place dans ma collection DVD, il y demeure encore aujourd'hui sous son emballage d'origine. J'ai attendu longtemps que le sort le désigne comme mon programme d'un soir. Finalement, j'ai retrouvé Meryl Streep et Clint Eastwood sur écran géant ! Est-il vraiment besoin que je précise avoir connu un plaisir inégalable au cours de cette projection estivale, réalisée en plein air ? Ceux qui me connaissent - oui, les mêmes - ne s'en étonneront pas.

Aux autres, et surtout à ceux qui n'ont pas vu le film, je veux dire deux mots du scénario. Le début du long-métrage nous fait faire connaissance avec deux quadras, à l'écoute des dernières volontés exprimées par leur mère décédée quelques jours auparavant. Caroline et Michael sont surpris et même choqués: faisant fi du caveau familial, Maman demande clairement à être incinérée. Elle souhaite qu'ensuite, ses cendres soient répandues dans la nature environnante, depuis un petit pont du voisinage. Parcourant les vieux carnets intimes qu'elle leur a laissés, ses enfants découvrent que trente ans auparavant, la sage ménagère avait connu une courte aventure adultère avec un homme de passage. Quatre jours qu'elle avait gardés dans sa mémoire. C'est bien là le sujet de Sur la route de Madison. Un flash-back nous ramène en 1965, dans une petite ville de l'Iowa. Clint Eastwood y débarque, photographe du National Geographic...

J'ai le très vague souvenir d'avoir entraperçu quelques scènes du film lors d'un séjour chez une amie montpelliéraine. J'avais été dérouté par la voix française de mon idole, différente de celle de son doubleur habituel. Privilégiant désormais les versions originales, je n'ai eu cette fois aucune difficulté à "entrer" dans cette histoire. Je peux admettre que les scènes d'exposition initiales sont un peu lourdaudes parfois. En revanche, dès que le couple-vedette vient accaparer l'écran, Sur la route de Madison touche au sublime. Je ne vois pas beaucoup d'autres réalisateurs que Clint Eastwood pour transfigurer ainsi ce qui est à la base un roman à l'eau de rose. Âgé de 65 ans environ au moment du tournage, le cinéaste s'est certes donné le rôle principal, mais je tiens à dire que, même si je l'ai trouvé très bon dans cette prestation, c'est bien sa partenaire qui m'a le plus touché. Meryl Streep fut nominée à l'Oscar pour ce personnage. Elle joue véritablement sur toute la gamme des sentiments: c'est formidable. Techniquement, le film est quasiment irréprochable. Un grand cru !

Sur la route de Madison
Film américain de Clint Eastwood (1995)
Le cinéaste l'a dit lui-même: un peu à l'étroit dans une production aussi portée par le romantisme, il avait envie ensuite de se tourner vers autre chose, quitte à ressortir son .44 Magnum. Ce sera d'abord Les pleins pouvoirs. Il faudra attendre 2004 et Million dollar baby pour trouver une nouvelle histoire d'amour dans sa filmographie. D'aucuns jugeront que son lyrisme évoque ici celui du Robert Redford d'Out of Africa. Et Meryl Streep n'y est sans doute pas pour rien...