samedi 31 octobre 2015

Dans la tourmente

Jamais deux sans trois: après avoir enchaîné deux films japonais d'époques différentes, j'ai été tenté d'en voir un troisième d'affilée. L'idée que ça me permette de boucler un mini-cycle m'a plu. J'ai choisi ensuite un vieux long-métrage: Je ne regrette rien de ma jeunesse. D'un Kurosawa à l'autre, c'est une sorte de clin d'oeil, même si Kiyoshi et Akira ne sont pas apparentés. Et à l'arrivée, beaucoup de plaisir...

Je ne regrette rien de ma jeunesse m'a bluffé, littéralement. L'envie d'aborder un Akira Kurosawa qui ne soit pas un film de samouraïs était bonne: j'ai a-do-ré ce mélodrame, classique mais pas banal. L'homme qui tient ici la caméra et co-signe le scénario n'a pas 40 ans. Pourtant, en portant le regard quelques années en arrière, il trouve dans l'histoire récente de son pays des événements qu'il juge dignes d'être racontés. Début de la décennie 1930: l'impérialisme japonais pousse l'archipel à entrer en collision avec la Chine. Des universités s'enflamment et contestent la légitimité de l'autorité de l'armée. Quelques jeunes gens, la belle Yukie et ses amis, sont aussitôt pris dans la tourmente qui se généralise, chacun sur une position politique différente. La première qualité du film est là, dans cette évocation subtile de faits réels, sans manichéisme ni complaisance. C'est beau !

Ces vieilles images m'ont également plu pour deux autres raisons. D'abord, je me dois de le préciser: elles constituent une fresque historique. Le scénario avance en effet dans le temps et marque donc des étapes, cruciales, un peu avant le début de la seconde guerre mondiale sur le sol européen, puis en 1941 et 1945. D'autres jalons importants de l'histoire du Japon sont ainsi évoqués, comme l'attaque aérienne sur la base américaine de Pearl Harbor ou la capitulation finale. Par ailleurs, j'ai été très sensible à une décision étonnante prise par le scénariste et réalisateur: avoir confié le tout premier rôle au personnage féminin ! Nous sommes en 2015 et le milieu du cinéma se voit encore régulièrement taxé de machisme: il y a là des leçons d'ouverture d'esprit à prendre pour les mecs trop sûrs de leur talent. Si romanesque soit-il, Je ne regrette rien de ma jeunesse s'affiche avant tout comme un film libre, apte à bousculer bien des préjugés. Qu'il soit sorti dans les salles japonaises un an à peine après la paix retrouvée, c'est fort, quand même ! Ce peuple m'étonnera toujours...

Je ne regrette rien de ma jeunesse
Film japonais d'Akira Kurosawa (1946)
Une demi-étoile "bonus" pour saluer la belle audace du scénario ! Ami(e)s amateurs du 7ème art nippon, il se peut que d'autres oeuvres japonaises arrivent très prochainement sur ces pages. Il est certain que j'ai encore bien des choses à découvrir de ce côté de la planète cinéma. Aux non-initiés, je recommande volontiers Voyage à Tokyo. Setsuko Hara (Yukie) y tient un autre rôle puissant. J'en reparlerai...

jeudi 29 octobre 2015

Le spectre amoureux

Aimer le cinéma, je crois, c'est accepter de croire à l'invraisemblable. Parfois, il m'arrive de batailler pour expliquer à mes parents et amis qu'un film n'a pas forcément à être réaliste, que la cohérence suffit pour charpenter un bon scénario. Vers l'autre rive illustre assez bien mon propos: cette histoire de fantômes japonais pose des enjeux fantastiques, qu'elle tisse ensuite avec une grande maîtrise formelle.

D'autres vous le diront: ce film n'est pas forcément facile à aborder. Le sujet lui-même est assez austère et il me semble que les Japonais le traitent d'une toute autre façon que nous: je veux parler du deuil. L'héroïne du long-métrage est une femme seule: Mizuki, professeure de piano qui a perdu son mari, Yusuke, depuis trois ans. Un jour ordinaire, aussi gris que les autres, le couple se reforme: le spectre de l'époux apparait, comme s'il n'était jamais parti qu'un instant. Pourtant, il est bel et bien mort et il le sait: il confirme à sa veuve que son corps disparu en mer a été dévoré par les crabes. Mizuki s'agite et se réveille. A-t-elle rêvé ? Non, Yusuke est toujours là. Mieux que visible, palpable, en mesure de mener une conversation ordinaire avec d'autres vivants. Vers l'autre rive propose au couple un long voyage à travers le Japon, une nouvelle occasion de se parler. Les suivre au plus proche, c'est aussi, pour nous, une belle escapade.

À ce stade de ma chronique, j'ai envie de saluer deux personnes importantes: Kazumi Yumoto, la romancière qui a signé le texte originel, et Takashi Ujita, qui a contribué à l'écriture du scénario adapté. Le réalisateur, Kiyoshi Kurosawa, a déjà reçu des lauriers pour ce film, jugé un peu atypique dans sa filmo: au mois de mai cette année, il est en effet reparti du Festival de Cannes avec un Prix de la mise en scène, mérité, dans la sélection Un certain regard. Bonne nouvelle pour lui qui semblait avoir connu quelque difficulté pour financer certaines de ses oeuvres précédentes. Ce qui est bien pour nous, membres du public, c'est que le cinéaste est demeuré fidèle à sa ligne artistique et à sa spiritualité. Vers l'autre rive innove par son aspect plutôt apaisé, mais, ainsi que je l'ai souligné d'emblée, c'est bel et bien une histoire de fantômes (au pluriel, oui !). Visuellement, je l'ai aimé pour quelques-unes des plus belles images que j'ai vues au cinéma en 2015. La lenteur du rythme de l'ensemble m'a un peu dérouté, mais j'ai tenu bon. Et la conclusion m'a cueilli...

Vers l'autre rive
Film japonais de Kiyoshi Kurosawa (2015)

Bon... tout ça prouve aussi que j'ai eu raison de regarder Shokuzai. Si je ne l'avais pas fait, je serais resté sur une impression mauvaise quant au talent du cinéaste. Résultat: désormais, après avoir pris deux fois plaisir à regarder l'un de ses films, j'ai envie... d'en voir d'autres ! D'ici là, je surveille un peu d'autres réalisateurs japonais contemporains, tels Naomi Kawase et Hirokazu Kore-eda. À suivre...

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Des avis contrastés sur le film ?
Oui: vous en lirez chez Tinalakiller, Dasola, Pascale et Princécranoir. C'est donc une occasion de vérifier aussi qu'il ne fait pas l'unanimité.

mardi 27 octobre 2015

Une bonne soupe

Je ne dis pas ça pour lui faire de la pub (quoique...): mon association cinéma a quand même un talent certain pour nous dénicher des films de derrière les fagots. Le dernier en date ? C'est Tampopo, un carton du box-office japonais en l'an de grâce 1985 de notre bonne vieille ère chrétienne. Au fait, pour info, le titre, c'est le prénom de l'héroïne...

Cette gentille dame est une jeune veuve et la maman d'un garçon d'une dizaine d'années. Pour s'en sortir, elle tient une vague échoppe traditionnelle, où elle cuisine exclusivement des ramen - c'est-à-dire des soupes de nouilles, autant le préciser. Le souci, c'est qu'en dépit d'une bonne volonté évidente, notre amie n'est pas un cordon bleu. Heureusement, un client de passage la prend en pitié et accepte généreusement de lui venir en aide. En guise de fil conducteur narratif, Tampopo raconte alors comment et avec qui. C'est loin toutefois d'être l'unique sujet du film: très décousu, le scénario s'autorise d'innombrables déviations autour de personnages étonnants et même-pas-secondaires. Je vous jure que c'est vrai: le métrage s'enrichit de plein d'autres histoires, comme autant de mini-sketchs !

On découvrira notamment un yakuza dans de drôles de pérégrinations érotico-alimentaires, une mémé assez frappadingue pour tripoter compulsivement toutes sortes de mets sans les acheter, une femme mourante qui trouvera juste la force de préparer un dernier repas pour son mari et ses enfants, des hommes d'affaires bien incapables de lire le menu d'un restaurant français... ça n'est pas évident présenté ainsi, mais ça nous parle beaucoup de bouffe, tout ça. Tampopo est une comédie, en réalité, à classer du côté des films improbables du cinéma asiatique. Pas sûr que ça vous fasse rire. Derrière la gaudriole, le réalisateur s'amuse, lui, à parodier gentiment certains de ses confrères, américains par exemple. Son style d'apparence naïve est un écran de fumée: il tourne aussi en dérision certains des travers de la société nippone. Rien de très agressif là-dedans. Les yeux écarquillés de surprise, je me suis plutôt marré.

Tampopo
Film japonais de Juzo Itami (1985)

Je vous raconterai peut-être un jour la vie étrange de ce cinéaste nippon, dont j'ignorais tout il y a encore deux semaines. J'ai apprécié cette découverte, en tout cas, et elle en appellera peut-être d'autres. Avant cela, vous offrir un point de comparaison tient de la gageure ! Disons que, pour le côté loufoque, j'ai repensé à My sassy girl pendant la projection. Luis Buñuel n'aurait pas renié ce surréalisme...

lundi 26 octobre 2015

Au sprint

J'ai quelques souvenirs d'enfance liés à la télé: Starsky et Hutch, X-Or et d'autres programmes sérieux. Je devais avoir sept ans environ quand mes parents ont acheté leur premier récepteur. Et aussi loin que je m'en souvienne, ils sont des lecteurs (critiques) de Télérama. Le jeu de mon adolescence, qui consistait à prendre toujours l'avis opposé à celui du journal, j'y ai repensé devant Cours, Lola, cours...

Il faut dire que, sous la plume de Jacques Morice, l'hebdo intello aurait plutôt tendance à dézinguer le film, s'interrogeant au passage sur l'existence d'un fossé culturel entre la France et l'Allemagne. Visiblement apprécié outre-Rhin, le récit aurait-il eu du mal à franchir l'invisible frontière ? C'est possible. Il ne m'a pas emballé non plus. L'hypothèse que je peux faire, c'est qu'étant donné qu'il a déjà 17 ans d'âge, il est désormais quelque peu "bouchonné". Sachant que j'aime follement des films beaucoup plus vieux, ça ne tient guère, tout ça. Bref... il faudra sans doute me résoudre à admettre que le scénario ne m'a pas franchement intéressé. L'idée de départ me semblait pourtant correcte: une Berlinoise aux cheveux rouges a vingt minutes maximum pour apporter 100.000 Marks à son petit ami, faute de quoi il sera abattu par le malfrat avec lequel il magouille. Pas une seconde et pas besoin de réfléchir alors au sens du titre: Cours, Lola, cours !

Je ne vais pas vous en dire plus sur l'intrigue de ce prétendu thriller. Une surprise arrive au tiers du récit: si je la dévoilais, je gâcherais votre (possible) plaisir. Personnellement, c'est là que j'ai décroché. D'improbable et distrayant, Cours, Lola, cours m'a alors paru artificiel, un peu pénible et plutôt décevant, en fin de compte. Frustration d'autant plus vive que je ne lui demandais pas la Lune. L'honnête divertissement escompté a fait long feu. Pour positiver quelque peu, je vais tout de même dire que le rythme frénétique adopté joue en faveur du film, bouclé en moins d'une heure vingt. Quelques inserts de dessin animé et une bande originale techno apportent un soupçon d'originalité, peu maîtrisé mais bienvenu. Situer l'action à Berlin aurait pu permettre d'aller beaucoup plus loin dans cette direction: j'ai eu le sentiment que le réalisateur réfrénait ses ardeurs. C'est tout de même un comble quand on a 33 ans... non ?

Cours, Lola, cours
Film allemand de Tom Tykwer (1998)

La personnalité de notre ami cinéaste se cacherait-elle finalement derrière tout un réseau d'influences ? On peut le croire: Tom Tykwer travaille également sur de gros barnums internationaux (Le parfum) ou en coréalisateur de superproductions américaines (Cloud Atlas). Son prochain film est prévu pour la fin de cette année. Côté frénésie et virtuosité, j'ai préféré l'opus 2015 de l'un de ses acteurs: Victoria.

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Un mot quand même sur l'actrice principale...

Franka Potente est allemande: elle a fêté ses 41 ans en juillet dernier. Elle court vite aussi dans La mémoire dans la peau (2002). Absente des écrans cinéma depuis 2010, elle enchaîne les séries télé.

Et non, je n'ai assurément pas la science infuse...
D'autres que moi ont aimé le film. Un exemple: Chonchon.

samedi 24 octobre 2015

Casserole

Tout amateur de cinéma est ponctuellement confronté à ce problème délicat: parler d'un film qu'il a moins apprécié qu'il ne l'avait espéré. C'est mon cas aujourd'hui avec Marguerite, après lequel j'ai couru pendant trois bonnes semaines et qui m'a finalement (un peu) déçu. Catherine Frot, que j'aime pourtant beaucoup, n'aura donc pas suffi...

Résumons: Marguerite Dumont est une châtelaine française à l'aube des années 20. Passionnée d'art lyrique, elle offre très régulièrement des récitals enflammés à ses nombreux amis de la haute société. L'occasion de récolter des fonds pour des oeuvres de bienfaisance. Tout irait vraiment pour le mieux dans le meilleur des mondes bourgeois si la cantatrice amateur avait quelque talent. Or, son chant est une véritable torture pour les oreilles, jugement que chacun partage dans la coulisse, mais que jamais personne n'a osé exprimer en présence de Madame. Il y avait assurément dans ce personnage fantasque, inspiré de la soprano américaine Florence Foster Jenkins, le matériau suffisant pour une comédie décalée. Drôle, Marguerite l'est parfois, c'est indéniable, surtout grâce à l'abattage de l'actrice principale. Las ! Le scénario mise surtout sur les aspects pathétiques de cette pauvre femme inconsciente d'elle-même. Triste spectacle...

Entendons-nous bien: ce choix assumé en vaut sûrement un autre. C'est juste qu'au fond, j'ai du mal à situer exactement les intentions du réalisateur du film. Assez clairement, pour lui, le potentiel comique de son personnage n'a finalement que peu d'importance. S'agissait-il alors de nous émouvoir ? C'est possible et ça marche aussi. Ce que, franchement, je regrette, c'est ce choix d'orienter chaque regard vers l'improbable chanteuse: il ne reste que bien peu de place pour son entourage. Pire, à mes yeux, ce même entourage apparait au mieux effacé, sinon ambigu, voire carrément malveillant. L'époux (André Marcon), le serviteur (Denis Mpunga) et le professeur de musique (Michel Fau) sont bons, mais finalement sous-exploités. Marguerite chausse de trop gros sabots ! Il a toutefois le mérite d'être relativement fidèle à sa source d'inspiration: sur Youtube notamment, vous vérifierez aisément que Florence Foster Jenkins chantait effectivement comme une casserole. Quelques belles scènes sauvent même le film, mais il m'a paru trop mollasson. Dommage...

Marguerite
Film français de Xavier Giannoli (2015)

C'est un autre refrain connu des cinéphiles: les meilleures intentions du monde ne font pas toujours les grands films. Je ne vais pas jeter le bébé avec l'eau du bain: j'ai tout de même vu d'assez belles choses dans cette drôle d'évocation. Il est tout aussi certain que l'art lyrique peut faire naître de grands films, Amadeus n'étant qu'un bel exemple. Il faudra qu'un jour, je voie La flûte enchantée par Ingmar Bergman !

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Le personnage vous intéresse ?

En 2016, Meryl Streep devrait s'emparer de Florence Foster Jenkins dans un film de Stephen Frears, avec musique d'Alexandre Desplat. Wait and see, bien sûr, mais ça sent la grosse machine pour Oscars...

Vous voulez d'autres avis sur le film d'aujourd'hui ?
Je vous proposerai donc d'aller lire ceux de Pascale et de Dasola.

vendredi 23 octobre 2015

Avant Amélie

Vous l'avez sans doute entendu dire: un petit événement survenu ici peut avoir de grandes répercussions à l'autre bout de la planète. Notons toutefois que Le battement d'ailes du papillon, film français méconnu, reste cantonné à un univers 100% parisien. Je trouverais presque logique qu'il ait mieux marché à l'export que par chez nous...

Bon... une info importante: je sais qu'Audrey Tautou est adhérente d'un club fermé - celui des actrices qui certains adorent détester. Sincèrement, si vous ne l'aimez pas, il n'est pas indispensable d'esayer de voir le film: il risque de vous déplaire très franchement. Quand il commence, la miss est dans le métro: une lectrice d'horoscope lui assure qu'elle doit rencontrer le grand amour d'ici la fin de la journée. Bon, vous avez compris, ce n'est pas gagné d'avance. Et c'est bien sûr là que Le battement d'ailes du papillon va s'assurer de la légitimité de son titre: une série de petits événements indépendants pourrait alors permettre à la prophétie de se réaliser...

Le tout, c'est d'y croire. Attachant pour peu qu'on daigne lui accorder un regard bienveillant, le film ne casse toutefois pas des briques. Audrey Tautou étant fidèle à elle-même, la seule vraie surprise vient de la présence à l'écran de Faudel, qu'on appelait alors le petit prince du raï. Vous vous souvenez ? La manière dont la France a changé depuis donne une triste idée du temps qui passe inéluctablement. Trêve toutefois de morosité: Le battement d'ailes du papillon invite plus au rêve qu'à la nostalgie. Il nous encourage aussi à commettre chaque jour de petits gestes apparemment anodins, susceptibles pourtant de changer la face du monde. C'est ce qu'il faut en retenir. Objectivement, si vous vous penchez sur la mise en scène ou le jeu des acteurs, vous risquez d'être un peu déçus. Ça reste un petit film.

Le battement d'ailes du papillon
Film français de Laurent Firode (2000)

D'aucuns reprochent au réalisateur d'avoir aussi écrit le scénario. Concentré sur une seule de ces deux tâches, il aurait pu proposer meilleur spectacle. C'est possible, mais on ne pourra jamais être sûr ! Cet opus a été distribué dans les pays asiatiques sous un titre mensonger: Amélie 2 ! Sorti... un an plus tard, Le fabuleux destin d'Amélie Poulain offre à voir une production nettement plus aboutie.

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Ce petit film, il n'est pas interdit de l'aimer...

Voyez plutôt: mes amis de "L'oeil sur l'écran" prennent sa défense.

mercredi 21 octobre 2015

En présence du futur

Une fois n'est pas coutume: je tiens véritablement à vous proposer aujourd'hui une chronique cinéma à la sauce geek. Je suis presque sûr que certains d'entre vous savent que ce mercredi est une date culte dans la très longue histoire du cinéma. Je me suis donc dit qu'il fallait que je marque le coup, à un horaire précis, bien que très inhabituel...

La raison de ce décalage ? Il s'agit tout simplement de rappeler que, quand Marty McFly, sa copine Jennifer et Doc Brown montent à bord d'une DeLorean vers l'avenir dans Retour vers le futur 2, ils arrivent précisément le 21 octobre 2015, à 16h29, c'est à dire... maintenant ! Bon, ils ne sont pas chez moi: je n'aurai plus qu'à re-revoir le film. Maintenant, pour être tout à fait honnête, ce n'est pas une punition...

Avant cela, un petit mot sur Michael J. Fox, l'interprète de Marty. Cette photo à mes yeux assez douloureuse montre bien que le temps file rapidement: il s'est passé 25 ans (!) depuis ce deuxième épisode de la trilogie et Michael a fêté ses 54 printemps le 9 juin dernier. Touché par la maladie de Parkinson en 1991, il a vu sa carrière décliner ensuite, bien qu'il ait eu de nombreux rôles pour la télévision depuis le début des années 2000. Au cinéma, il est apparu vers Noël l'année dernière, jouant son propre rôle dans Annie, une adaptation de comédie musicale. Une première depuis douze longues années ! J'ai toujours de l'admiration pour cet acteur et cet homme courageux.

Christopher "Doc" Lloyd, lui, aura 77 ans... demain ! J'en ai parlé lundi et il tourne toujours, 40 ans après son premier rôle marquant dans le cultissime Vol au-dessus d'un nid de coucou, pour la télé comme pour le cinéma. Il a sans doute apporté une pierre au succès de Pierre Hatet, son doubleur français, grand comédien de théâtre depuis les années cinquante et vieux monsieur, de huit ans son aîné. Christopher suscite toujours de l'intérêt et des pensées amicales auprès d'un large public. Réservé sur sa vie loin des plateaux, il est réputé - et je dirais apprécié - pour cette même discrétion. Sa filmo me laisse imaginer qu'il aime se moquer de lui-même. Total respect !

Entre les deux monstres sacrés, je m'en serais voulu d'oublier l'homme qui leur a permis de tourner ensemble: l'ami Robert Zemeckis. Beaucoup de ces projets récents m'ont laissé indifférent, mais l'enfant que j'étais n'a pas oublié ses affections passées et refuse de renier ses frissons de bonheur devant Qui veut la peau de Roger Rabbit ? ou À la poursuite du diamant vert. Tout ça ne me rajeunit pas ! Bref... peut-être que ce bon vieux Robert a juste perdu la main. Vraiment ? Je n'en suis pas si sûr. Cinéaste de divertissement il était et cinéaste de divertissement il restera. Et je note aussi qu'onze ans après Le Pôle Express, il a écrit The walk. Sortie mercredi prochain.

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La parole est à vous, à présent...
Je suis curieux de connaître votre opinion sur Retour vers le futur. J'apprécierais aussi de lire vos avis sur d'autres aspects non évoqués.

mardi 20 octobre 2015

Olé !

La postérité des frères Grimm est je crois garantie: non contents d'avoir inspiré un film de Terry Gilliam, Jacob et Wilhelm G. restent les auteurs d'innombrables contes adaptés sur grand écran. Il existe ainsi plusieurs versions de Blanche-Neige et je vais parler aujourd'hui de l'une d'entre elles, sortie voilà trois ans seulement: Blancanieves.

Comme son nom l'indique aux hispanophones, ce nouveau regard proposé sur le mythe est espagnol. Le film a même fait un carton critique de l'autre côté des Pyrénées, glanant dix Goya, l'équivalent local de nos César. Notre propre Académie l'avait également placé dans sa short list pour le Prix du meilleur film étranger. Blancanieves a pour moi un premier grand mérite: il ose jouer le décalage. L'histoire du conte est ainsi transposée dans l'Espagne des années 20. Blessé à la corrida, un toréador s'en sort handicapé mais, sitôt sorti du coma, apprend le décès de sa femme bienaimée. La belle Carmen laisse derrière elle un époux inconsolable et la fille qu'elle portait avant de mourir en couches. Bientôt, une infirmière, aussi belle qu'intéressée, s'insinue dans la vie du duo. Une espèce de sorcière...

Maintenant que j'ai dit deux mots du scénario, il me faut souligner l'aspect le plus important de ce film: en plus d'être en images réelles et en noir et blanc, Blancanieves est muet ! C'est donc à une vision proche du cinéma premier que le réalisateur nous convie élégamment. Si importante dans cette optique, la musique est remarquable. Dépourvue de toute outrance, l'expression des acteurs, elle, véhicule habilement les émotions les plus subtiles. Je n'ai vu (ou entendu) aucune réelle fausse note dans cette partition et ne m'étonne pas, donc, des honneurs rendus au long-métrage. Ce que j'ai trouvé admirable aussi, c'est cette audace qui consiste à offrir de la légende un visage moins connu, si ce n'est plus tragique. Je n'entrerai pas ici dans le petit jeu des sept différences, mais vous pouvez espérer quelques surprises. Bonnes ou mauvaises, c'est à vous de décider. Pour ma part, c'est un fait: vite et bien, je me suis laissé embarquer.

Blancanieves
Film franco-espagnol de Pablo Berger (2012)

Le saviez-vous ? La première apparition de Blanche-Neige au cinéma remonterait à un autre film muet, sorti en 1916. Il faudra patienter 21 ans avant de découvrir Blanche-Neige et les sept nains, le dessin animé des studios Disney. Le film présenté aujourd'hui, lui, est sorti la même année que Blanche-Neige et le chasseur, une relecture guerrière avec Kristen Stewart. Le filon parait toujours inépuisable...

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Si, de votre côté, vous n'êtes pas épuisés...
Vous pouvez encore retrouver le film chez Pascale, Dasola et Tina.

lundi 19 octobre 2015

Marié ou pendu

Et de deux ! La dernière fois que je vous ai parlé d'un long-métrage avec Jack Nicholson, c'était déjà un western. Je récidive aujourd'hui et vais démarrer la semaine en vous présentant En route vers le sud. Ce drôle de film, notre ami l'a aussi réalisé. Il s'y lâche complètement et propose un portrait de mauvais garçon en roue libre. Sacré Jack...

Au départ, autant vous dire que ça sent très franchement le roussi pour son personnage: voleur de chevaux non repenti, Henry L. Moon est promis à la potence à brève échéance. Une loi lui sauve finalement la peau et le reste in extremis: étant donné que l'Amérique panse ses plaies d'après la Guerre de sécession et qu'elle manque cruellement d'hommes dans la force de l'âge, toute femme volontaire peut obtenir la grâce d'un bad boy, pour peu qu'elle se déclare disposée à l'épouser sans délai. C'est le petit miracle qui survient donc pour Moon, par l'entremise d'une mémé d'abord, vite morte d'émotions, puis d'une dénommée Julia Tate, propriétaire d'une mine et bien déterminée à y trouver de l'or. Je vous laisserai la surprise quant à ce que réserve par la suite le scénario d'En route vers le sud.

Loin d'être exceptionnel, le film est un aimable divertissement. Malgré tout le décorum du western, c'est plutôt une comédie potache qui nous est proposée ici. Les plus connaisseurs d'entre vous identifieront d'ailleurs sans difficulté quelques-uns des trublions fameux du cinéma américain d'alors: Christopher Lloyd en tête d'affiche, sans doute, mais également John Belushi et Danny DeVito. Chez ces dames, on remarquera surtout le premier rôle féminin confié à la jolie Mary Steenburgen, mais Veronica Cartwright tire elle aussi son épingle du jeu, avec le sourire. C'est vrai: En route vers le sud ne gagnera pas forcément l'admiration des habitués du Grand Ouest. Maintenant, je dois dire que j'ai pris quelque plaisir à le regarder. J'aurais pu ne pas le faire sans dommage, mais c'était rigolo, au fond.

En route vers le sud
Film américain de Jack Nicholson (1978)

L'autre western que j'évoquais en préambule, c'est Missouri Breaks. Sorti deux ans plus tôt, il offre une atmosphère bien différente. Comme souvent en pareil cas, je recommande de ne pas choisir. Autant voir les deux films si possible: c'est ce que je vous conseille. Pour ceux qui auraient flashé sur Mary Steenburgen, une info-cadeau en bonus: elle joue aussi une cowgirl dans... Retour vers le futur 3 !

dimanche 18 octobre 2015

Les conquérants

Je croyais que L'homme qui voulut être roi était le tout dernier film de John Huston. Une recherche Wikipédia m'a suffi pour corriger cette erreur grossière: une dizaine d'autres longs-métrages ont suivi. Il n'empêche que cet opus exerçait une véritable attraction sur moi. J'avais dû le voir déjà et souhaitais le redécouvrir, excité par l'idée d'apprécier à nouveau un duo de choc: Sean Connery et Michael Caine.

Fidèle au rendez-vous de mes attentes, les deux acteurs britanniques ne m'ont pas déçu. Le premier cabotine comme rarement, le second démontre beaucoup de flegme. Leurs deux (beaux) personnages vivent en citoyens de sa Gracieuse Majesté la reine Victoria, en exil volontaire au fin fond de l'Inde. Leur commune soif d'aventure encourage Daniel Dravot et Peachy Carnehan à s'entendre sur un rêve fou: celui de conquérir par la ruse le coeur et le territoire d'un peuple nomade des montagnes pour, à terme, devenir rois. Vous noterez évidemment que le titre du film ne rend guère crédible la simple idée que deux couronnes puissent coexister. Je vous laisserai découvrir comment L'homme qui voulut être roi règle ce "problème". Un aparté d'ordre littéraire: le scénario adapte une nouvelle de Rudyard Kipling.

Clairement, le film a encore les deux pieds en plein dans le style hollywoodien traditionnel. Je l'ai aimé pour cette façon de ressusciter avec faste les grandes fresques de l'âge d'or. C'est un fait toutefois qu'il s'en démarque aussi, par sa durée d'abord: deux petites heures. L'homme qui voulut être roi a le goût de l'aventure et peu de temps pour se perdre en chemin. On se croit embarqué avec les deux héros sur les sommets de l'Himalaya, alors même que la plupart des scènes extérieures ont été tournées... au Maroc. Magie du grand cinéma ! Personnellement, plus que l'aspect épique ou picaresque, ce qui m'a réellement surpris dans ce très beau long-métrage, c'est le ton adopté. Roublards et sympathiques d'abord, les deux héros évoluent au fil du récit et, au final, affichent les visages peu amènes d'hommes blancs convaincus de leur supériorité ethnique. Les talents conjugués des interprètes nous emmènent alors au-delà du Kafiristan.

L'homme qui voulut être roi
Film américano-britannique de John Huston (1975)

J'insiste: dans toute cette histoire, je ne suis pas sûr que l'homme occidental ait le beau rôle. En ce sens, même si je m'en souvenais relativement bien, la fin est à nouveau parvenue à me surprendre. Dans le comportement de ceux qui appréhendent un monde différent du leur et le récit en flashback, quelques ressemblances sont à noter avec Little big man. Avec, en prime, une fièvre mégalo à la Aguirre.

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D'autres tandems d'acteurs avaient été envisagés...

Au départ, John Huston pensait à Humphrey Bogart et Clark Gable. Après leur mort, Kirk Douglas et Burt Lancaster furent sur les rangs. Peter O'Toole / Richard Burton ou Paul Newman / Robert Redford auraient également eu leur chance. Les aléas des grands tournages...

Bon... un dernier petit mot pour être complet...

Dans la distribution des seconds rôles, j'ai aussi découvert et apprécié un acteur anglo-indien, Saeed Jaffrey, le guide des deux Occidentaux. Réflexe cocardier: je note également que deux Français ont contribué au film, Alexandre Trauner aux décors et Maurice Jarre à la musique.

D'autres blogs parlent également de ces bobines...

Ideyvonne en montre plein d'images. "L'oeil sur l'écran" en dit du bien.

vendredi 16 octobre 2015

Double trouble

Parmi tout ce qui peut me plaire au cinéma, les films qui daignent laisser une marge importante à mon imagination tiennent une place élevée. Enemy est de ceux-là: il pose plein de questions sans donner toutes les réponses. À nous de "marcher" ou pas: le divertissement proposé m'a assez séduit pour que je passe un bonne soirée-canapé...

Adam Bell est prof d'histoire à l'université. Sa vie maussade s'inscrit dans un cadre peu attrayant, dans un immeuble de Toronto. Sa mère s'inquiète pour lui et, sur son répondeur, lui dit qu'elle aimerait le voir un peu plus souvent. Adam reste seul le plus clair de son temps. Parfois, en soirée, sa petite amie lui rend visite, mais leurs rapports sont froids, mécaniques. Tout bascule un jour où Adam loue un DVD pour passer le temps: il y découvre Anthony Saint-Claire, son double. A-t-on la même vie quand on a exactement le même visage ? L'idée trouble suffisamment notre ami pour qu'il cherche à vérifier, déniche les coordonnées de son sosie, l'appelle et, auprès d'une autre femme inconnue, parvienne sans mal... à se faire passer pour lui, le timbre de voix des deux hommes étant lui aussi strictement identique. Enemy propose donc un jeu de miroir flippant, d'autant qu'il s'avère que la vie d'Anthony, elle non plus, n'est pas très enthousiasmante...

Il me semble clair que cette histoire ne peut pas faire l'unanimité. D'aucuns se perdront avec bonheur dans ses méandres, quand d'autres décrocheront rapidement. Tout du long, c'est aussi une ville qui est filmée. Vue d'en haut, avec quelques incursions d'une araignée fantasmagorique digne de Louise Bourgeois et presque constamment sous un voile jaunâtre, la métropole oppresse, sans laisser d'instant de répit aux femmes et hommes tourmentés qui la peuplent. J'imagine sans la moindre difficulté que cette atmosphère poisseuse déplaira fortement à certains d'entre vous. Enemy n'est pas un film aimable: s'y plonger, c'est accepter de s'y enfoncer un peu. Personnellement, j'ai trouvé très motivant de s'y risquer, ne serait-ce que pour apprécier le remarquable (double) jeu de Jake Gyllenhaal. Face à lui, Sarah Gadon, Mélanie Laurent et Isabella Rossellini forment un trio incertain et inquiétant. Pourrez-vous trouver la clé ?

Enemy
Film canadien de Denis Villeneuve (2013)

Il s'agit en réalité d'une coproduction espagnole. L'atmosphère générale m'a un peu rappelé celle de Under the skin, autre film controversé. Certains critiques et internautes jugent que cet OVNI filmique est le plus mauvais de son auteur, largué à des kilomètres derrière Incendies et Prisoners. J'en connais trop peu pour défendre un avis définitif, mais j'apprécie en tout cas cette diversité de style !

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Si vous voulez vraiment en savoir davantage...

Vous trouverez d'autres avis chez Pascale, Dasola et Sentinelle.

Il est 19h42... un petit post-scriptum tardif...
Un commentaire de Laurent ci-dessous me conduit à ajouter enfin que le nouveau Denis Villeneuve est visible au cinéma actuellement. Présenté à Cannes en mai dernier, Sicario y avait fait chou blanc.

mercredi 14 octobre 2015

Un mystère viennois

Les hiérarchies cinématographiques sont toujours discutables. Aujourd'hui, je fais cependant le constat que le British Film Institute classe Le troisième homme comme le meilleur film britannique jamais créé. Je l'ai regardé à l'aveuglette, ayant imaginé un film noir avec Orson Welles dans l'un des rôles principaux. C'est le cas, mais...

Le film est en réalité un peu plus complexe. Son premier personnage est un Américain, Holly Martins. Profession: écrivain (de gare). Étranger dans la Vienne de l'immédiate après-guerre, le scribouillard est venu rejoindre un ami, Harry Lime, et apprend qu'il a été victime d'un accident mortel, renversé par une voiture. Une cérémonie funéraire plus tard, notre homme rencontre une jeune femme, Anna, avec qui feu son camarade entretenait une liaison. Presque aussitôt, Holly est troublé, tant par la beauté de sa nouvelle amie autrichienne que par certaines des circonstances connues du drame fatal à Harry. Quelqu'un lui assure qu'aux côtés des deux hommes venus porter secours au malheureux, un autre était là qui, ensuite, s'est volatilisé. C'est clair: Le troisième homme, c'est lui ! Je ne dirai rien d'autre...

Je vais même taire l'implication réelle d'Orson Welles dans le film. Déçus ? Soyez sûrs que, si je donnais plus de détails, je gâcherais largement votre surprise. Techniquement, je veux souligner toutefois que l'Américain a longtemps été considéré comme un co-réalisateur du long-métrage. Après avoir savamment entretenu le flou complet sur l'exactitude de ces allégations, le bougre a fini par les démentir. Si Le troisième homme lui doit une partie de son efficacité, il serait dommage d'oublier l'apport de Carol Reed, pour la mise en scène comme pour le scénario (pour partie, lui, signé Graham Greene). Jamais encore un film noir ne m'avait autant diverti: aucun temps mort ne vient perturber le récit, qui offre même quelques scènes d'action mémorables, dont une belle course-poursuite dans les égouts viennois. Tournées en extérieur, certaines séquences nocturnes paraissent d'une modernité folle et proposent d'incroyables images historiques de la capitale autrichienne, occupée par les troupes alliées en cette veille des années 50. Autant l'admettre: je me suis ré-ga-lé !

Le troisième homme
Film britannique de Carol Reed (1949)

Bon... je n'ai pas parlé des autres acteurs, mais il y a plein de bons ! Joseph Cotten est le premier, accompagné par la jolie Alida Valli. Derrière, on peut aussi compter sur une galerie de personnages secondaires très fournie, avec notamment l'excellent Trevor Howard en flic ambigu. Côté film noir, Le faucon maltais, Gilda ou La dame de Shanghai m'avaient moins plu, mais restent de belles références.

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Un mot sur les prix gagnés par le film...

Entre deux années sans Festival de Cannes, le long-métrage décroche le Grand Prix - la plus haute récompense d'alors - sur la Croisette. Historiquement, il est le premier à l'obtenir seul, les Festivals de 1946 et 1947 multipliant les trophées pour honorer l'ensemble des pays participants. En "bonus", Le troisième homme obtint aussi le BAFTA du meilleur film et, en mars 1951, un Oscar de la photo noir et blanc.

Un autre sur un drôle de doublon...
En regardant Blow up, une émission d'Arte - sur Internet - consacrée au cinéma, j'ai appris ce matin l'existence de Treca zena, un remake croate de 1997. Les  personnages masculins y deviennent des femmes et inversement. Traduction du titre: La troisième femme. Logique...

Je termine en "linkant" les copains...
Seul Lui, de "L'oeil sur l'écran", réserve au film une vraie chronique. Pascale et David le citent aussi pour mémoire... et très brièvement. Attention au dernier nommé: il revient sur un point plutôt important.

lundi 12 octobre 2015

Sommet champêtre

C'est lundi ? Oui. Il fait gris ? Vous voulez de la fantaisie ? Week-end royal pourrait vous en offrir (un peu). Ce petit film britannique titillait ma curiosité pour Bill Murray, qui y joue Franklin D. Roosevelt. Vérification faite, il s'avère que le plus Droopy de tous les comédiens américains est plutôt bon, dans un long-métrage inégal - mais sympa.

Pour m'expliquer, il me faut poser le contexte général: notre histoire du jour est censée se dérouler en juin 1939, très peu de temps, donc, avant le début de la Seconde guerre mondiale. Le président américain a connaissance de ce qui se passe sur le Vieux Continent, certes. D'autres difficultés l'assaillent: la situation économique de son pays, d'abord, mais aussi, plus intimement, sa propre santé - il a la polio. C'est auprès de cet homme vaillant, mais affaibli, que le roi d'Angleterre, George VI, et sa femme Elizabeth sont venus se rassurer sur la possible (et souhaitable) entrée en guerre des Américains contre l'ambitieux Monsieur Hitler. Une problématique intéressante ! Cet envers du décor est d'autant plus fascinant que le récit s'appuie sur des faits historiques, la couronne britannique s'étant déplacée jusqu'au coeur des campagnes américaines pour une première visite officielle. J'aurai bien appris quelque chose devant Week-end royal...

Si je parlais de fantaisie pour introduire mon propos, c'est que le film joue d'abord autour des codes de la comédie. Les faits sont observés par le regard de Daisy, la lointaine cousine du président, qui devient vite... son amante ! L'ambiance est donc assez badine et je dois dire que j'ai plutôt apprécié ce décalage. Parce que ce qu'il raconte finalement n'est pas si léger, le petit défaut de Week-end royal serait peut-être de rester dans un entre-deux, sans oser s'aventurer jusqu'au pur marivaudage ou vraiment introduire une rupture de ton définitive pour basculer dans le drame - fut-il celui d'un personnage seul. Ce bémol excepté, je ne reprocherai rien au long-métrage. Objectivement, il est agréable à regarder, grâce au charme inaltérable des reconstitutions efficaces. Bill Murray a l'intelligence des grands et laisse donc ses compagnons de jeu s'exprimer aussi. Non, vraiment, un petit film propre et soigné. Vous avez dit anglais ?

Week-end royal
Film britannique de Roger Michell (2012)

Vous l'aurez compris: de la belle ouvrage, mais quelques défauts. Quatre étoiles, tout de même, parce que je ne me suis pas ennuyé. D'aucuns jugeront que le film présente le couple royal britannique comme un duo franchement rigide, mais il faut se rappeler l'instabilité de la situation du pays, alors. Cela dit, sur le seul plan cinématographique, Le discours d'un roi est certes un meilleur film.

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Et qu'en pensent mes petits camarades ?
Le moins qu'on puisse dire, c'est que Pascale a un tout autre avis ! Chonchon est plus proche du mien. Et Laurent reste entre les deux...

samedi 10 octobre 2015

Banal et spatial

La réputation de Paul W.S. Anderson ? Elle était parvenue jusqu'à moi avant que je découvre Event Horizon: Le vaisseau de l'au-delà. D'ailleurs, ce titre à rallonge assez ridicule aurait largement pu suffire pour que je détourne le regard sans la moindre vergogne. Difficile d'expliquer que j'ai finalement regardé. Je ne le regrette pas, mais...

Event Horizon... n'est pas un très bon film. Premier point: il repose sur un pitch usé jusqu'à la moelle. Un équipage interstellaire s'embarque vers Neptune pour retrouver la trace d'un autre engin spatial disparu depuis de longues années. Aux côtés des militaires affectés à cette mission sensible, la dernière avant les vacances évidemment, un scientifique, le créateur de l'appareil évaporé. Ajoutez-y une dose de "ce vaisseau avait en fait une autre fonction que celle que le gouvernement a révélée au public": dans le vide intergalactique, les clichés volent en formation rapprochée. Le plaisir des décors et costumes plutôt bien fichus est présent: c'est déjà ça...

Mais voilà: dans la seconde partie du film, les choses se gâtent sérieusement, pour les personnages comme pour les spectateurs ! D'une certaine façon, le titre ne ment pas: j'étais donc prévenu d'emblée. J'ai donc trouvé ça longuet et moche, parfois, et décevant aussi. Entre les mains d'un autre réalisateur, on aurait pu sentir monter l'angoisse avec plus de force, parce qu'on se serait attaché aux protagonistes avec plus de vigueur. Las ! Quand Event Horizon... tourne au jeu de massacre, il est convenu et presque risible. Maintenant, pour être honnête, j'avais anticipé cette déconvenue. Neurones astiqués, je suis donc dispos pour du cinéma plus exigeant.

Event Horizon: le vaisseau de l'au-delà
Film américain de Paul W.S. Anderson (1997)

Ce titre, bon sang ! Ce titre ! Vous pouvez penser que je suis généreux en accordant trois étoiles à ce qui n'est qu'un film de série ordinaire. Disons que l'autre soir, j'avais besoin de ne pas réfléchir. Maintenant, à tête reposée, je dois dire qu'on se trouve ici un cran en-dessous de Sunshine, film méconnu de Danny Boyle. Je suis sûr également que j'aurai davantage de plaisir à enfin découvrir Alien...

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Vous voulez un autre avis, vraiment ?
Soit. Le film est très résumé et... mis en pièces chez Chonchon !

vendredi 9 octobre 2015

Filles de joie ?

Je crois inutile de m'étendre longuement pour rappeler que la liberté d'expression est encore un sujet de débat majeur dans nos sociétés dites occidentales. Après avoir vu un film sur la prostitution interdit au Maroc, son pays d'origine, je me suis interrogé sur ma tolérance. En repensant à d'autres films que j'ai vus et qui ont évoqué le sujet...

L'un des plus récents - Jeune et jolie de François Ozon - ne me laisse aucun souvenir sulfureux. Marine Vacth est ma foi bien jolie et joue honnêtement son personnage d'adolescente prostituée "volontaire". Aujourd'hui, le fait est que j'ai oublié la conclusion du film: je crois qu'il ne donne aucune explication au comportement de son héroïne. Du coup, la prostitution passe (presque) comme un phénomène admissible, sinon normal, et à condition qu'elle ne dure qu'un temps. Vendre son corps comme par désinvolture... drôle d'idée ciné, en fait.

Pretty woman est sans doute l'une des premières comédies romantiques que j'ai vues. Mais là encore, j'ai quasiment tout oublié. Du grand brouillard, je ne peux plus extraire que la fameuse chanson de Roy Orbison, mort deux ans avant la sortie du film, et l'idée vague que la prostituée Julia Roberts devenait la femme de Richard Gere. L'idéalisme du scénario me semble flagrant... et ce n'est pas difficile d'apprécier une dame de petite vertu en chemin vers la rédemption. Peut-être qu'il me faudrait revoir le film pour apprécier les nuances...

Un film de 2013, un autre de 1990... je remonte le temps avec vous et j'arrive en 1969. Arrêt sur la case Macadam cowboy. Je suppose qu'il peut paraître un peu dépassé aujourd'hui, mais je conserve cependant une bonne dose d'affection pour ce long-métrage. Un point important qu'il me faut préciser: ici, c'est un homme qui se prostitue. À l'époque, ça avait débouché sur un classement X et, quelques mois plus tard, trois Oscars, dont - oui ! - ceux du meilleur film de l'année et du meilleur réalisateur. Dustin Hoffman et Jon Voigt, moi, je kiffe.

Pour finir, un second film vintage: Belle de jour. Une recherche Wikipédia me rappelle que Catherine Deneuve n'y vend ses charmes qu'en journée - je me souvenais surtout de ses fantasmes masochistes. L'un dans l'autre, vous imaginez bien ce que la société de 1967 pouvait bien penser de tout ça. Le long-métrage obtint pourtant le Lion d'or du Festival de Venise. Cette chronique amère d'une certaine bourgeoise aura été mon tout premier Luis Buñuel. Sans nier ses qualités, je dirai que ce n'est pas celui que j'ai préféré.

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Un p'tit bilan, maintenant ?
Bon... il va sans dire que je n'ai pas épuisé le thème. Je constate simplement qu'incarner un(e) prostitué(e) à l'écran peut permettre d'attirer un peu de sympathie ou de casser une image trop proprette. J'aimerais bien éprouver ces hypothèses devant Like someone in love ou L'Apollonide - Souvenirs de la maison close. Je suis curieux aussi des films que vous pourriez me suggérer, entre autres commentaires.

mercredi 7 octobre 2015

Extérieur nuit

L'art a-t-il une utilité ? Une fonction ? De l'importance ? Je suppose que vous connaissez la chanson, à présent, mais ce n'est pas du tout pour me détendre que je suis allé voir Much loved. C'était d'abord pour soutenir un film censuré dans son pays, le Maroc, parce que jugé comme "un outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine, une atteinte flagrante à l'image du royaume". C'est dire...

Ce film n'a pas d'héroïne: il a quatre personnages féminins principaux. Quatre jeunes femmes au caractère bien trempé, qui font commerce de leur corps, puisque, comme elles le disent très souvent elles-mêmes, elles sont putes. Dans la nuit de Marrakech, Noha, Randa, Soukaina et Himla grimpent fréquemment dans le taxi de Saïd pour rejoindre le lieu de leurs passes. Noha, un peu plus "volontaire" et plus exubérante que les autres, les invite à se considérer au-dessus de la mêlée, digne des clients saoudiens ou européens, dont le mérite consiste simplement à payer plus cher que les Marocains ordinaires. Avoir osé regarder cette réalité en face et la raconter: cela vaut aujourd'hui au réalisateur Nabil Ayouch et à ses quatre comédiennes d'être menacés de mort. Le cinéaste se défend, parle d'hystérie collective, explique à qui veut l'entendre qu'il a simplement voulu donner la parole à des femmes qui souffrent - et il y en a d'autres dans Much loved, qui ne sont pas des prostituées. Je suis mal placé pour juger des réalités de ce pays que je ne connais pas, mais bon...

De mon point de vue, ce long-métrage n'a absolument rien d'obscène. Explicite, il l'est, mais pudique à la fois, et c'est assez remarquable, d'ailleurs. Pour dire les choses concrètement, jamais vous ne verrez un sexe ou un sein à l'écran. Ces images n'ont rien d'érotique. L'amour est le grand absent: quand on croit qu'il pourrait exister, on se rend compte rapidement qu'il reste conditionnel, puisque toujours tarifé. Évidemment, ça fait mal, puisqu'on nous explique sans ambages comment la prostitution noie les âmes, celles des adultes, bien sûr, mais aussi celles des enfants. Même unies par leur vague solidarité de trottoir, les filles sont perdues et ne se font aucun réel cadeau. Existe-t-il aussi, quand même, des femmes qui se prostituent volontairement, ainsi qu'on a pu le suggérer en France, lors de débats parlementaires ? Much loved ne le dit pas et n'en montre rien. Sombre jusqu'au bout, le long-métrage illustre un engrenage inéluctable, dont on ne peut plus sortir dès lors qu'on y est tombé. C'est un constat violent, pour un film démonstratif... mais important.

Much loved
Film marocain de Nabil Ayouch (2015)

Le film est dur, très dur. Si certaines répliques peuvent permettre quelques sourires, c'est très souvent de sourires crispés qu'il s'agit. Moi, en tout cas, je continue d'aimer le courage de ce cinéma du réel. Si vous souhaitez vous remonter le moral quant à la condition féminine, je ne peux que vous encourager à (re)voir Wadjda. Du côté du Maghreb, Le Challat de Tunis pose, lui, un autre regard inquiet.

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19h40... un petit complément...

Je n'avais pas vu, mais Pascale a aussi parlé du film. Différemment.