mardi 28 février 2012

Avant-hier, les Oscars

Une chronique de Martin

Cette fois, c'est bon: en différé d'une petite journée, j'ai eu le temps de préparer ma chronique sur les Oscars. Je répète à toutes fins utiles que le principe de cette "analyse" est parfaitement identique au concept même du blog: donner mon point de vue et, éventuellement, l'envie de voir les films de la liste que j'ai appréciés. Ce que j'écris est subjectif, assumé comme tel et ouvert au débat. Je réponds rarement aux commentaires, mais je lis avec plaisir d'autres opinions. Même muet, je demeure donc à portée de souris !

C'est peut-être d'ailleurs le seul avantage que j'ai sur l'autre homme silencieux de cette saison cinéma, j'ai nommé Jean Dujardin. Et lui encore, je peux comprendre que, si prolixe d'habitude, il reste désormais sans voix: The artist, le long-métrage dont il est le héros et dont j'ai déjà tant... parlé, vient d'achever sa collecte de prix internationaux avec cinq Oscars. L'Académie récompense le film comme le meilleur de l'année ! Elle offre également une statuette dorée à Michel Hazanavicius, réalisateur, à Jean Dujardin catégorie premier rôle masculin, à Mark Bridges pour les costumes et pour finir à Ludovic Bource pour la musique. Un triomphe que je juge largement mérité, même s'il a fallu passer par un peu de lobbying. Outre les qualités intrinsèques du film, c'est vraiment l'enthousiasme de l'équipe que je trouve agréable à voir et vraiment communicatif.

On pourrait presque en rester là avec un peu de mauvaise foi franchouillarde. Ce serait toutefois dommage, je trouve, de parler d'échec pour les autres films présentés cette année aux suffrages académiques. En ce qui me concerne, je ne parviens pas à laisser dire que Hugo Cabret n'a pas bien marché. Si son succès public reste effectivement discutable, il a quand même obtenu la reconnaissance de la profession, avec pas moins de cinq Oscars, lui aussi. Je sais bien qu'il est habituel de considérer les différents Oscars techniques comme de rang inférieur à ceux qui viennent consacrer les hommes et femmes de cinéma, acteurs et réalisateurs. Je constate toutefois que le film de Martin Scorsese s'est donc lui aussi offert un joli tir groupé, récompensé pour sa direction artistique, sa photo, ses sons, son mixage et ses effets spéciaux. Tout ça pour une oeuvre que j'ai négligée et qui rend hommage aux pionniers du cinéma... français !

Je reviens aux hommes et femmes à l'écran, maintenant. Honneur aux dames, d'abord, et à La dame de fer qui vaut à Meryl Streep d'empocher un nouvel Oscar - son troisième toutes catégories confondues. Il n'est pas dit que je n'irai pas voir le film. J'en ai lu beaucoup de critiques assez négatives, arguant que la réalisatrice aurait dressé un portrait trop complaisant de Margaret Thatcher. Reste que j'ai également le sentiment que l'Académie a le devoir d'honorer une prestation remarquable, même quand elle se manifeste dans un film médiocre. Ce qui m'étonne ici, c'est qu'elle ait choisi d'offrir au long-métrage un doublé, couronnant à la fois son actrice principale... et son équipe de maquillage. J'y vois un petit paradoxe. Peut-être que finalement, j'irai vérifier. Ce n'est pas ma priorité.

Je ne suis pas pressé non plus de voir La couleur des sentiments, film qui vaut à Octavia Spencer l'Oscar du meilleur second rôle féminin. Certains critiques taxent déjà l'Académie de conservatisme bien-pensant pour avoir attribué cette récompense à une actrice noire, qui plus est pour un long-métrage qui parle de ségrégation raciale. Je ne sais pas si c'est injuste ou fondé. Je crois franchement que ça peut être les deux. Je constate toutefois que, chez nous aussi, les acteurs "de couleur" ont encore souvent du mal à se faire une place au soleil. Je note également que, quand ils y arrivent quand même, ça paraît aussi suspect à certains. Le plus sage restera sans doute de ne pas juger avant de voir le(s) film(s) concerné(s).

Parmi mes lacunes, il y a aussi Beginners, pour lequel le vétéran Christopher Plummer - 82 ans - a eu l'Oscar du meilleur second rôle masculin. C'est un doublé pour le Canadien qui s'était déjà vu décerner le Golden Globe dans la même catégorie. Une consécration tardive qui lui a valu de s'adresser à sa statuette en lui demandant où elle était passée, elle qui n'avait jamais que... deux ans de plus que lui ! J'aime cette distinction des vieilles gloires hollywoodiennes et presque honte du coup à parler d'un acteur dont je ne connais rien. En cours de rattrapage, je pourrais commencer par ce long-métrage et ce personnage de vieillard acceptant enfin son homosexualité. Faute de certitude, j'espère en avoir prochainement l'occasion.

Celle de découvrir enfin The descendants devrait être plus proche. Plusieurs raisons me poussent vers ce film, même si je traîne encore pour aller le voir. George Clooney est la plus évidente. What else ? J'ai vu un autre film du réalisateur Alexander Payne, que j'avais plutôt bien aimé. Je vous laisse consulter les archives pour retrouver de quoi je parle exactement. Autre possibilité: attendre la chronique de son dernier opus. Je n'ai pas de date précise à vous donner. Simplement l'information principale: c'est l'Oscar du scénario adapté que l'Académie a donné au long-métrage. On y découvre Hawaï, lieu de vie d'un père et de sa femme adultère tombée dans le coma...

On dirait du Woody Allen, vous dites ? Un peu, c'est vrai. Je précise alors que le grand névrosé du cinéma US a lui aussi su séduire l'Académie cette année. Sauf erreur, c'est la quatrième statuette obtenue au cours de sa longue carrière. Minuit à Paris est venu prendre la récompense du scénario original. Son auteur, lui, est resté chez lui, fidèle à son image de grand inquiet devant l'éternel. Dommage qu'il ne se force pas un peu, mais bon... c'est son travail qui demeure le plus important. Et je dois admettre que de mon point de vue, ce Woody millésime 2011 restera plutôt comme un bon cru.

En revanche, j'avoue également que je n'ai pas donné à Millenium cette chance qu'il aurait pu mériter. J'ai même été un tantinet dépité que David Fincher ne trouve rien d'autre à réaliser que le remake immédiat d'un film suédois, lui-même tiré d'une trilogie de polars littéraires - la fameuse série éponyme de Stieg Larsson. J'entretiens d'ailleurs un rapport étrange avec toute cette histoire. Avec un héros journaliste menacé par les puissances financières, elle me semblait tout avoir pour me plaire, mais, même sur papier, elle ne m'a pas franchement emballé. Je la laisse donc revenir vers moi (ou pas). Tout en constatant que c'est pour le montage que le film de Fincher a convaincu l'Académie. De fait, là-dessus, Fincher sait s'entourer.

En bref, maintenant. Pour Rango, je n'ai rien de plus à dire aujourd'hui, si ce n'est que je trouve mérité qu'il se soit vu offrir l'Oscar du meilleur film d'animation. J'avais vraiment apprécié l'abattage du duo Gore Verbinski / Johnny Depp sur cette petite perle ultra-référencée. J'aimerais même bien y replonger une seconde fois en VO. En attendant leurs projets suivants, communs ou individuels.

Pour Une séparation non plus, je n'ai pas grand-chose à ajouter désormais. Je vous reparlerai d'un long-métrage qui aurait pu faire un autre Oscar du meilleur film en langue étrangère, mais, avant ça, je me contente de saluer une nouvelle fois le travail du réalisateur iranien Asghar Farhadi. Il est très probable que des raisons politiques aient conduit certains académiciens à lui accorder leur suffrage. Qu'importe, au fond: ancrée dans la réalité de son pays, sa fiction est une oeuvre forte, à portée universelle. Je dirais la confirmation d'un vrai talent, doublé d'un grand courage. Vivement la prochaine !

Éclectisme des catégories oblige, j'en viens maintenant à présenter un projet dont je ne suis pas sûr qu'il sortira en France: la version filmée de The Muppets. Je connais très mal la série-culte des années Dieu-sait-combien. J'ai juste quelques images en mémoire... Kermit la grenouille, Piggy la cochonne, les deux vieux qui jugent la totalité des autres habitants du monde "la-men-table", le Cookie Monster couleur bleue... et c'est tout. L'Oscar obtenu par ce bestiaire ? Celui de la meilleure chanson. Elle n'a même pas été jouée sur scène !

J'ai très peu d'informations également sur l'Oscar du documentaire. Simplement, je sais qu'il a été décerné à trois réalisateurs différents, dont un dénommé TJ Martin, et que ce dernier rentrerait du coup dans l'histoire comme tout premier cinéaste noir récompensé par l'Académie américaine ! Le titre de son film ? Undefeated. Apparemment, ça parle de football US et d'un groupe de losers magnifiques, qui se mettent à tout gagner. Je ne suis pas persuadé de pouvoir bientôt être plus précis, faute d'opportunité pour voir ça.

Même constat pour les courts-métrages. J'illustre mon petit topo avec une photo de l'Oscar 2012 du meilleur court-métrage de fiction, The shore, de Terry et Oorlagh George - inconnus à mon bataillon. Désolé, mais je n'ai pas plus d'infos sur les deux autres lauréats. Juste qu'un certain William Joyce fait valoir ses talents d'animateur avec The fantastic flying books of Mr. Morris Lessmore. J'ajoute simplement que Sharmeen Obaid-Chinoy et Daniel Junge, eux, s'illustrent avec Saving face, Oscar du meilleur court-métrage documentaire. L'histoire du chirurgien plastique de femmes blessées.

Vous voilà parvenus au terme de ma chronique des Oscars: bravo ! Récompense ultime de votre ardeur à la lecture, je souligne rapidement pour finir que deux statuettes d'honneur sont venues récompenser les belles carrières de James Earl Jones et Dick Smith. Je connais mieux le premier: acteur cinéma et télé depuis le milieu des années 60, aujourd'hui âgé de 80 ans, il s'est rendu inoubliable pour avoir été la voix originale de Dark Vador dans Star wars, première trilogie du nom. Le second, maquilleur, doit fêter en juin ses 90 étés: il a notamment oeuvré dans de nombreux classiques comme Macadam cowboy, Little big man, Le parrain ou Amadeus. Voilà: avec ça, je crois n'avoir rien oublié. Ah si, pardon: l'initiative de Jodie Foster qui, bien que privée de compétition, a offert le DVD de son film, Le complexe du castor, aux membres de l'Académie. J'en redirais peut-être un mot ou deux, à l'occasion. Il me faut désormais conclure cette longue tirade. See you next year, Oscar !

lundi 27 février 2012

Nanni le Cannois

Une chronique de Martin

Hé non ! Je ne compte pas commenter dès aujourd'hui le palmarès des Oscars, dévoilé cette nuit. J'ai besoin d'un peu plus de temps pour peaufiner mon analyse. Je préfère pour l'heure revenir rapidement sur une information que les plus cinéphiles d'entre vous ne devraient pas avoir manquée: la nomination de Nanni Moretti comme président du jury du prochain Festival de Cannes. Je trouve que c'est un bon choix. Je suis encore loin de connaître parfaitement la filmographie du réalisateur italien, mais ça me fait plutôt plaisir de revoir un artiste européen à la tête du prestigieux événement.

Si, comme moi, vous n'avez que de vagues connaissances du cinéma italien, vous vous direz peut-être - comme moi aussi, je l'admets - que de nombreux chemins du septième art mènent à Rome. Je crois intéressant de préciser que Nanni Moretti est le premier artiste transalpin à se voir confier la tâche de présider le jury à Cannes depuis Bernardo Bertolucci en 1990. S'il ne peut être vraiment exclu qu'il favorise un compatriote pour la Palme, je pense que tout procès d'intention serait prématuré. La simple histoire du Festival a prouvé que ses invités avaient d'autres valeurs que le chauvinisme bêta. J'ajoute que le président n'intervient pas dans la sélection officielle.

À cette période de l'année, gloser sur la manière dont Nanni Moretti va exercer ses fonctions me paraît donc aussi hasardeux que de lire l'avenir dans les entrailles d'un poulet. Ce qui est en revanche certain, c'est que le futur juré en chef est déjà venu plusieurs fois sur la Croisette. Il jouait dans Padre Pardone, la Palme de 1977. Plus tard, il y a présenté quelques-uns de ses films, dès l'édition 1978 et jusqu'à celle de... l'année dernière avec Habemus papam. Évidemment, il faut aussi parler de 2001: cette année-là, venu montrer La chambre du fils, il repartit à son tour avec la plus belle des récompenses. Pour être complet et avant bien sûr d'y revenir largement au mois de mai, je cite encore son autre trophée: le Prix de la mise en scène, en 1994, pour Journal intime. Et je n'oublie pas qu'en 1997, Nanni Moretti était membre du jury du 50ème Festival présidé par Isabelle Adjani. Ses jurés à lui ? Ils restent à désigner.

samedi 25 février 2012

Hier, les Césars

Une chronique de Martin

Et voilà ! La grande famille du cinéma français a rendu son verdict. 81% des 4.199 votants potentiels se sont exprimés pour décerner hier les 37èmes Césars. J'ai regardé la totalité de la cérémonie. Il est donc temps de vous faire part de mes impressions. D'une manière générale, et à titre d'introduction, j'indique que je n'ai pas vu certains des films candidats, ni même l'ensemble des lauréats. Malgré ça, je trouve que le palmarès a de la tenue. Revue de détail.

Même si ce n'est pas tellement une surprise, je suis vraiment content que The artist ait été le grand gagnant de la soirée. On va voir maintenant comment Michel Hazanavicius et son équipe s'en sortent aux Oscars, mais, pour l'heure, ils continuent de marcher sur l'eau. Six récompenses sont venues enrichir leur palmarès, à savoir d'abord le César du meilleur film, celui du meilleur réalisateur, mais aussi, pour les équipes techniques, ceux du trio musique / photo / décor. Cinq et un qui font bien six, avec celui de la jolie Bérénice Béjo, César de la meilleure actrice. Jean Dujardin, lui, repart bredouille. Mais n'oublions pas qu'il avait eu le Prix d'interprétation à Cannes !

Honnêtement, je suis également ravi qu'Omar Sy lui soit passé devant. Même si le jeune comédien n'a pas fait preuve d'une audace folle en jouant dans Intouchables, je trouve que le film doit beaucoup à son enthousiasme communicatif. Sur un thème évidemment beaucoup moins anodin que son style le laisserait penser, j'ose espérer que ce jeu libéré a permis à beaucoup de gens d'oublier quelque temps les petits et grands soucis de leur quotidien. N'est-ce pas aussi ce que l'on demande au cinéma ? On peut être surpris que l'interprète ait oublié de rappeler que son personnage existe vraiment. Tant pis: en jouant, il rend hommage à sa façon. J'espère maintenant que nous le verrons dans d'autres registres.

Le César du second rôle féminin est revenu à Carmen Maura. Honnêtement, je n'ai pas de souvenir de cette comédienne espagnole avant Les femmes du 6e étage. Il paraît qu'elle est l'une des égéries de son compatriote Pedro Almodovar. En attendant de voir d'autres de ses films, je suis content qu'on lui ait attribué une récompense pour celui-là - un peu "gentillet", c'est vrai. J'y vois un signe d'ouverture vers d'autres horizons cinématographiques. Et j'aime ça !

Du côté des hommes, là, je suis franchement satisfait: Michel Blanc méritait vraiment ce César du second rôle masculin. Je l'ai trouvé excellent dans L'exercice de l’État. Comme lui, je trouve réjouissant que sa première compression dorée lui arrive pour un personnage sérieux, à contre-emploi de ceux qui étaient son apanage au début de sa carrière. Il dit y voir un encouragement à continuer et je dirais qu'il le mérite amplement. Son talent peut le porter plus haut encore. Une précision importante: le film qui lui vaut cette consécration récolte, lui, deux autres récompenses, pour le scénario et pour le son.

Cette année, les espoirs ne sont pas deux, mais trois ! Il y a d'abord les deux comédiens principaux d'une même oeuvre, Angèle et Tony. Difficile d'en dire plus: je ne sais rien du film, ni de ses interprètes. Pour l'instant, il faudra vous contenter de leurs noms: Clotilde Hesme et Grégory Gadebois. Ceux d'entre vous qui auraient davantage d'infos à apporter sont les bienvenus en commentaires. J'en reparle évidemment moi-même dès que j'aurai pu voir le long-métrage.

Même chose pour Polisse, en fait. On m'a simplement dit deux mots de la scène mémorable offerte à Naïdra Ayadi, seconde des lauréates du César de l'espoir féminin. Primé à Cannes, le film de Maïwenn fait partie de ceux que je n'ai pas réussi à attraper en salles l'an passé. Partie remise pour une séance DVD ou télé. Si, bien que cité au rang des favoris, Joey Starr est reparti sans rien, le long-métrage a, lui, tout de même su séduire la majorité des votants pour son montage.

En bref, j'ajoute que L'Apollonide (souvenirs de la maison close) vient de recevoir un César pour ses costumes. Je n'ai pas vu le film. Maintenant, ça ne me semble pas injustifié selon les images aperçues ici et là. Désolé de ne pas pouvoir en dire davantage...

Parmi mes déceptions, celle du César de l'adaptation, décerné simultanément à Roman Polanski et Yasmina Reza - tous deux absents de la cérémonie ! - pour Carnage. Parce que Polanski a fait beaucoup mieux par le passé et que Reza, lui, a travaillé sur un texte littéraire... qu'il avait lui-même écrit. Je ne vais pas vous prétendre que c'est facile: je l'ignore. Je suppose juste qu'il y a plus compliqué.

A priori, je suis beaucoup plus intéressé par Le cochon de Gaza. César de meilleur premier film, cette oeuvre me paraît aussi offrir une ouverture sur autre chose que le cinéma 100% franco-français. J'ai également appris que le réalisateur, Sylvain Estibal, était cinéaste, donc, mais aussi et d'abord écrivain-journaliste. Typiquement un argument pour que je m'intéresse à ses travaux !

Asghar Farhadi et son film Une séparation, je n'ai - inversement - plus besoin de vous les présenter. Je suis assez fier que des artistes de mon pays soutiennent ainsi sur la durée un cinéaste iranien, confronté à des thématiques difficiles et sous la menace permanente de la censure. Le réalisateur va tourner son prochain long-métrage en France. Je tâcherai de m'en souvenir pour surveiller la sortie.

Je suis un peu moins emballé à l'idée de découvrir Le chat du rabbin sur écran. Je connais encore mal la bande dessinée, je dois l'admettre. J'ai aimé ce que j'ai lu: le premier tome. Je n'ai rien contre Joann Sfar et Antoine Delesvaux, mais je trouve simplement un peu dommage d'attribuer un prix de cinéma à une oeuvre picturale née dans un bouquin. Surtout que les autres candidats me semblaient présenter davantage d'originalité. Ça ne suffit donc pas toujours. Précision hier de Joan Sfar: ses BD... n'ont jamais reçu de prix !

Que dire de L'accordeur, César du court-métrage ? Trois fois rien. Je ne l'ai pas vu et, jusqu'à l'annonce officielle des candidats en lice dans cette catégorie, je n'en avais même jamais entendu parler. Désormais, je sais simplement qu'on y retrouve entre autres Grégoire Leprince-Ringuet et... Grégory Gadebois, l'espoir masculin ! Et aussi que le réalisateur, Olivier Treiner, a su me faire sourire hier au soir en expliquant que le cinéma lui avait permis de tuer son père et que, depuis, le brave homme se portait plutôt bien malgré tout.

Voilà, bientôt fini. Il me reste à dire que le César du documentaire est revenu à Tous au Larzac, film consacré aux paysans du plateau du même nom, restés célèbres pour s'être battus dans les années 70 contre l'implantation d'un camp militaire sur leurs terres. L'ultime clin d'oeil politique d'une profession elle aussi en lutte pour sa survie ? Peut-être. Il me paraît honnête d'ajouter finalement que les échos donnés à la vie réelle sont restés peu nombreux lors de la cérémonie cette année. Et, honnêtement, j'ai trouvé ça plutôt mieux ainsi.

Deux mots rapides sur Mathieu Kassovitz. Je rappelle que le cinéaste avait vulgairement craché dans la soupe "Césars" après avoir appris que son dernier film - L'ordre et la morale - n'avait été sélectionné qu'à une seule reprise. Il n'a rien reçu mais, surprise, il était là ! Encore plus fou, il a même remis un prix ! Hypocrite ? Privilégié ? Déjà pardonné ? Je ne saurais dire, mais ça m'a quelque peu troublé. D'après certaines sources, il était en réalité attendu... plus tôt !

Guillaume Canet, lui, avait l'honneur de présider cette cérémonie millésime 2012. Je l'ai trouvé très effacé. Franchement respectueux de ses confrères, ça oui, mais pas très explicite dans sa déclaration d'amour au cinéma. L'année dernière, Jodie Foster avait manifesté beaucoup plus d'allant, mais bon... je ne devrais peut-être pas comparer l'incomparable. Et puis, il faut dire également qu'Antoine de Caunes, en maître de cérémonie, n'a pas toujours été au top.

Il a toutefois assuré l'essentiel: un bel hommage à la comédienne récompensée du César d'honneur, j'ai nommé Kate Winslet. Curieusement, elle non plus n'a pas été géniale dans son discours. J'attendais mieux d'elle: sur un écran de cinéma, je la trouve généralement nettement plus inspirée. Enfin, elle a su faire preuve de professionnalisme, malgré tout, en étant glamour, ambassadrice annoncée de la beauté naturelle et hilare devant les blagues salaces de son ami Michel Gondry. Avec le bel hommage à Annie Girardot, l'humour à froid d'Alexandre Astier poursuivi par un drôle de dragon en peluche et, autant l'admettre, la robe de Sara Forestier, c'est l'un des petits détails que j'ai vraiment appréciés lors de cette cérémonie assez sympa dans l'ensemble. Et ce sera donc mon (bon) point final !

jeudi 23 février 2012

Une oeuvre d'art

Une chronique de Martin

Plusieurs motivations expliquaient mon envie d'aller voir Le tableau. Celle qui m'a vraiment conduit à aller au cinéma, c'est peut-être d'avoir un collègue de travail parent du réalisateur. J'avais l'intention d'en parler avec lui, ensuite, ce qui sera fait au moment où vous lirez ces lignes. En vous, s'il n'est pas trop tard, j'aimerais éveiller l'idée de m'imiter. S'il reçoit demain le César du meilleur film d'animation 2011, même si je n'ai vu aucun de ses concurrents, je serais content.

L'animation ne se réduit pas aux exploits techniques du duo Pixar/Dreamworks. Je vous encourage à porter le regard plus loin.

Le tableau
, c'est ici celui d'un peintre qui a laissé son travail inachevé. Sur cette toile abandonnée cohabitent dès lors trois types de personnages: les Toupins, tout de couleurs vêtus, entendent dominer les Pafinis, créations incomplètes, et, nantis d'un complexe de supériorité, donnent la chasse aux Reufs, simples esquisses vaguement crayonnées. Face à l'intolérance, il faut donc un peu d'amour pour arranger la situation: en soi, la trame générale du film reste classique. Le grand talent de Jean-François Laguionie, réalisateur, et de sa scénariste Anik Le Ray est de nous donner à voir une jolie histoire, porteuse d'un message fort. C'est à chacun ensuite de chausser les lunettes qu'il veut pour garder ou non de la distance.

Une certitude, toutefois: il n'est nul besoin de lunettes 3D. L'émotion que procure ce petit film se passe largement de considérations technologiques. En fait, c'est bien à mes yeux la plus grande qualité du long-métrage: une bonne heure durant, on oublie totalement l'univers informatique de pointe qui fait le quotidien des oeuvres d'animation d'aujourd'hui, au profit d'une approche artisanale devenue rare sur les écrans. De par sa beauté formelle, Le tableau m'a semblé si humain que je me suis demandé si l'artiste à l'écran n'était pas tout simplement une sorte d'autoportrait du réalisateur. Au moment du générique final, j'ai en tout cas eu envie d'en savoir plus. Et ça, c'est souvent pour moi le signe du plaisir pris au cinéma.

Le tableau
Film français de Jean-François Laguionie (2011)
Pour une fois, je vous encourage vraiment à aller découvrir le film sans référence particulière. Je n'avais vu de ce même réalisateur qu'un court-métrage - qu'il me faudrait peut-être d'ailleurs présenter aussi, à l'occasion. Bien que numérique, l'univers qu'il a composé s'apparente vraiment à une oeuvre d'art telle qu'on en admirerait dans un musée imaginaire. Je crois n'avoir rien vu d'aussi touchant depuis mes premiers Miyazaki. Une forme de poésie à l'état brut.

mardi 21 février 2012

Indy en Inde

Une chronique de Martin

Ai-je vu Indiana Jones et le temple maudit au cinéma ? Pas sûr. J'avais encore 9 ans quand le film est sorti dans les salles françaises. J'ai eu l'occasion de le revoir il y a une vingtaine de jours. Je gardais un vague préjugé selon lequel ce deuxième épisode de la série culte était le moins bon. Des quatre, d'aucuns le présentent également comme le plus adulte. Je ne me sens pas capable de le confirmer. Maintenant, très franchement, je vous dirai que le spectacle m'a plu. Malgré les années, Indy a toujours fière allure, la nostalgie conservant son rôle pour relever la sauce du pur divertissement.

Avec le regard du (grand) enfant, Indiana Jones et le temple maudit apparaît comme un rêve éveillé. Le film est tout de suite efficace. L'intrigue démarre dans un bar de Shanghai, en 1935: l'archéologue procède à un échange de pièces de grande valeur avec un contact chinois bien peu fréquentable. Quand Indy conclut ce qu'il croit être une très bonne affaire, il réalise subitement qu'il a été empoisonné. C'est alors parti pour un pugilat en règle, suivi d'une évasion aéroportée, d'un parachutage en terre inconnue et d'une mission aussi héroïque qu'inattendue au secours de jeunes Indiens enfermés dans des mines. J'en passe et des bien plus invraisemblables encore.

Indy sur les traces de James Bond ? Alors que mes souvenirs du film s'étaient largement effacés, c'est un peu ce à quoi j'ai pensé. Reste que Harrison Ford n'est pas Sean Connery et que son personnage semble beaucoup plus charismatique que le plus efficace des espions du cinéma mondial. Il m'est en fait très souvent arrivé de sourire devant Indiana Jones et le temple maudit, à la fois en anticipant quelques scènes et en constatant que celles que j'avais oubliées n'étaient pas toujours les moins savoureuses. Un vrai bon moment ! Je classe donc le long-métrage dans la catégorie des oeuvres cultes incontournables et qu'il me plaît de voir et revoir de temps à autre.

Indiana Jones et le temple maudit
Film américain de Steven Spielberg (1984)
Ce n'est pas pour tout de suite, mais il me reste à chroniquer l'épisode 1 - Les aventuriers de l'arche perdue - pour en terminer avec la série des Indiana Jones. J'ai lu il y a peu qu'il était possible qu'un cinquième opus voie le jour à (court ? moyen ? long ?) terme. Vraiment pas convaincu de l'utilité de la chose, je pense que je vais d'abord tâcher de voir d'autres vieux Spielberg. Je vous orienterais une fois encore vers 1941 si vous jugiez bon de faire de même. Tout en précisant que beaucoup d'autres me sont encore à découvrir...

dimanche 19 février 2012

Aux côtés de la reine

Une chronique de Martin

Le soir où j'ai revu The queen, Arte diffusait un documentaire consacré à sa majesté Elizabeth II d'Angleterre. C'est alors que j'ai réalisé que, le 6 février dernier, la fille de feu George VI célébrait officiellement ses 60 ans sur le trône. Plus modestement, le film, lui, revient sur un épisode délicat de ce long règne: la semaine qui a suivi la mort de la princesse Diana, à la fin du mois d'août 1997.

Stephen Frears a osé envisager ce qui a pu se passer dans l'intimité de la famille royale pour expliquer que la reine et son mari le duc d'Édimbourg soient alors restés à Balmoral, leur résidence d'été.

Cette idée de scénario ne pourrait intéresser que les monarchistes invétérés ou, au contraire, les révolutionnaires avides d'une tête royale à couper. Je ne suis ni l'un ni l'autre et j'ai aimé The queen. C'est sans doute parce que le film n'est pas une reconstitution historique à proprement parler. Si, en la circonstance, il est établi que les Windsor ont beaucoup attendu avant de rentrer à Londres, les motivations et états d'âme qui furent les leurs ne sont pas sortis de leur château. Il a donc bien fallu les imaginer à partir d'éléments réels, broder sur les quelques fils apparents, en somme. Se contenter de quelques discours du Premier ministre Tony Blair ou de celui prononcé par la reine, quelques jours plus tard, en direct télévisé.

Il n'est d'ailleurs que de voir la manière dont le Tony Blair du film défend l'image de sa royale patronne pour comprendre que le ton général reste favorable à Elizabeth II. Son apparente indifférence devant la tragédie qui choque si fort son peuple masque de la dignité plutôt que du mépris pour la femme qui, à l'époque, était devenue l'ex-épouse de son fils. L'intelligence de The queen est de renverser la perspective et, d'un certain point de vue, de se mettre à la place de la reine, capitaine d'un navire qui prend l'eau mais qu'elle ne peut en aucun cas abandonner. Représentée en grand-mère protectrice des princes William et Harry, notamment, elle devient un peu celle de tous les Britanniques. Une vieille dame qui affronte le chagrin sans fléchir et dont on peut alors de nouveau admirer le courage.

The queen
Film britannique de Stephen Frears (2006)
Vous ne serez pas étonnés si j'ajoute que la réussite du film repose pour une grande part sur les épaules de Helen Mirren, la comédienne choisie pour interpréter Elizabeth II. C'est d'autant plus remarquable que l'intéressée est capable de tout autre chose, comme le montre notamment sa prestation dans le loufoque Red. Pour être complet dans mon analyse, j'ajoute deux points: 1) Stephen Frears lui aussi brille par sa polyvalence (cf. ma chronique récente sur High fidelity) et 2) le reste de sa distribution ici permet de recomposer idéalement toute la galerie des personnages réels. Joli quatuor que celui formé par James Cromwell, Michael Sheen, Alex Jennings et Mark Bazeley.

----------
Pour avoir une autre vision sur le film...
Je vous recommande vivement la lecture des analyses déjà publiées sur deux blogs amis: "L'oeil sur l'écran" et "Sur la route du cinéma".

vendredi 17 février 2012

Chinoiserie

Une chronique de Martin

Je vous l'avoue: je n'ai pas tout compris à The god of cookery. Chinois de Hong Kong, ce drôle de film m'a laissé sur ma faim. J'attendais quelque chose de délirant qui ne m'a jamais été servi. C'est sûrement que je ne suis pas trop familier avec ce cinéma asiatique, mais ça ne me donne pas vraiment envie d'aller plus loin.

Tentons le résumé: dieu de la cuisine, comme le titre l'indique, Stephen Chow se voit défier et ridiculiser par un de ses apprentis, Bull Tong, lequel va alors prendre sa place aux fourneaux. Le cuistot déchu n'a plus alors qu'à réfléchir aux conditions de sa vengeance...

Vous n'avez rien compris non plus ? C'est peut-être normal, alors. J'admets que j'étais assez fatigué quand j'ai regardé le DVD - j'ignore si le film est simplement sorti au cinéma chez nous. Devoir suivre des dialogues en chinois sous-titrés... en anglais ne m'a pas facilité la tâche. Il n'empêche: j'espérais rire et j'ai tout juste souri. The god of cookery m'a paru un peu trop décalé et au final incompréhensible. L'ennui, c'est que la sensation qui persiste en moi n'est pas celle d'avoir fait un mauvais choix, mais surtout celle d'être passé à côté de quelque chose. Il y a donc un peu de frustration là-dessous...

Une chose est sûre: le film et ses acteurs s'amusent et foncent allègrement dans le n'importe quoi. Peut-être bien qu'ils arriveront donc à décrocher la timbale avec vous, qui sait ? Je reconnais également que Stephen Chow s'est donné à fond. Le réalisateur joue dans son film et, vous l'aurez compris, un personnage qui porte même son nom. The god of cookery, c'est lui et ses gros délires pendant plus d'une heure et demie. L'esthétique générale rappelle parfois quelques dessins animés, plutôt japonais que chinois, en fait. Le résultat me semble réservé aux geeks... ou au moins aux curieux.

The god of cookery
Film hongkongais de Stephen Chow et Lee Lik-chi (1996)

Une parenthèse de pure folie au coeur de mes explorations cinématographiques: en soi, le concept n'est pas mauvais. Je ressens même de la déception à ne pas être vraiment parvenu à raccrocher les wagons. Peut-être que j'aurais dû oublier d'essayer. J'affirme toutefois qu'un film comme Shaolin soccer, du même cinéaste, reste bien plus accessible. Et pas seulement parce que ça parle de foot.

mercredi 15 février 2012

La saison du célibat

Une chronique de Martin

Sacré Billy Wilder ! Pour introduire Sept ans de réflexion, le cinéaste américain nous ramène aux origines et ressuscite les tribus indiennes qui, jadis, peuplaient les États-Unis. Tout ça pour indiquer que rien n'a changé et que le comportement des mâles des années 50 reste le même quand, Madame partie en vacances, une demoiselle inconnue et sexy apparaît dans le paysage. Comment draguer efficacement sa voisine de pallier ? C'est le cours que le film compte donner à tous les Don Juan du dimanche. Efficacité discutable...

Sept ans de réflexion, c'est avant tout le film d'un duo. J'y ai découvert Tom Ewell, un comédien dont j'ignorais tout et qui s'avère impeccable dans le rôle du mari volage prêt à sauter sur une occasion d'adultère - et s'en inventant d'autres au cours d'une scène de rêverie assez jubilatoire. En face, celle qui jouait le mieux la douce oie blanche à cette époque bénie d'Hollywood: miss Marilyn Monroe herself. C'est elle, je crois, qui m'a le plus ébloui ici. Je m'attendais vraiment à une autre prestation, dans le registre de la caricature. Finalement, la blonde fait autre chose et compose un personnage sincère et sympathique dans sa naïveté. Face à la concupiscence manifeste de Richard, The Girl - son prénom n'est jamais cité - n'est qu'une brave femme prête à partager ses chips... et son champagne.

Pour emballer le tout, le scénario apporte évidemment une dose d'imprévu. L'excitation de l'homme est tout à fait contre-productive. Le génie de Billy Wilder tient justement à ce qu'il défie la censure avec une histoire olé-olé, mais qui reste au stade de la suggestion. Son "héros" n'est d'ailleurs pas bien courageux: la moindre difficulté rend finalement sa compagne légitime plus attrayante que la femme fatale du voisinage. Si Sept ans de réflexion me paraît moderne, c'est parce que le sexe faible ne l'est probablement pas tant que ça. Les mecs en prennent pour leur grade et l'acteur qui les synthétise semble lui-même s'amuser beaucoup à les tourner ainsi en dérision. Bref, un film-culte à voir et revoir, et notamment pour la petite jupe de Marilyn emportée par le souffle de la bouche d'aération du métro...

Sept ans de réflexion
Film américain de Billy Wilder (1955)
Et un qui font six ! Avant cette chronique, j'avais déjà pu présenter cinq oeuvres du même cinéaste sur ce blog. Il fait réellement partie de mes préférés parmi les grands anciens. Le film évoqué aujourd'hui n'est toutefois pas celui que j'aime le plus. Aux côtés du classique d'entre les classiques, Certains l'aiment chaud, je vous conseille plutôt Embrasse-moi, idiot ou, pour retrouver les couleurs, Avanti !

lundi 13 février 2012

Seul contre tous

Une chronique de Martin

C'est je crois mon père qui, le tout premier, m'a parlé de 12 hommes en colère. Il y a quelques années, à Paris, il m'avait même emmené voir la pièce de théâtre, avec... Michel Leeb dans le rôle principal. L'occasion de faire tomber un premier préjugé: les comédiens comiques peuvent jouer sur d'autres cordes sensibles et, comme ici, donner vie à une histoire plutôt dramatique. L'oeuvre nait d'une idée simple: après un procès, suivre le délibéré d'un jury criminel, à partir du moment où un seul des jurés doute de la culpabilité de l'accusé, vote "non-coupable" et empêche alors la possible condamnation.

Au cinéma, ce rôle dissident est confié à Henry Fonda. L'acteur s'implique à un tel point dans le film qu'il en est aussi le producteur et convainc le jeune Sidney Lumet, de 19 ans son cadet, de tourner son premier long-métrage. 12 hommes en colère s'oriente évidemment vers ce héros solitaire, cet homme-là, seul contre tous. Réduire l'intrigue à la faconde de ce personnage me paraîtrait toutefois une erreur. Le fait est que les onze autres acteurs me sont moins familiers, mais chacun se démarque des autres. Sous l'oeil attentif du spectateur, c'est un peu un kaléidoscope de l'âme humaine qui est donné à voir. Il y a là douze Américains ordinaires, certains pressés d'en finir, d'autres convaincus, qui vont devoir prendre ensemble une décision lourde de sens. L'aboutissement n'a rien de surprenant, mais c'est le cheminement qui est intéressant. Tout ce que les images apportent, c'est en réalité la vie elle-même.

Dès lors, pas besoin d'avoir fait du droit pour apprécier le spectacle. Le huis-clos est suffisamment bien construit pour qu'on s'y laisse prendre. L'intensité dramatique est d'autant plus forte que le mot innocence n'est, je crois, jamais prononcé. "Non-coupable": le jargon même de la justice renferme sa part de doute. Je trouve le film exemplaire sur ce point: il ne tranche pas, donc s'écarte des postures moralisatrices. Il n'y a pas de bons et pas davantage de méchants. Juste 12 hommes en colère avec qui, une bonne heure et demie durant, réfléchir au-delà des idées toutes faites. La force théâtrale de ce thriller fonctionne au cinéma grâce à ces longues séquences filmées d'une traite. Elles sont d'ailleurs, petit à petit, entrecoupées de gros plans révélateurs. Ces bonnes vieilles ficelles du septième art peuvent aussi paraître surannées: j'ai parfois trouvé la caméra quelque peu empesée. Reste à admirer une intelligence d'écriture dont certains cinéastes contemporains feraient bien de s'inspirer...

12 hommes en colère
Film américain de Sidney Lumet (1957)
Coup d'essai, coup de maître: dès son premier film, le cinéaste pose des bases solides pour un genre tout particulier, le film de huis-clos. Cela dit, ma ciné-addiction est encore trop récente pour que j'aie vraiment un film de comparaison à vous proposer. Il faudra donc peut-être vous contenter du dernier Roman Polanski, Carnage, présenté ici même il y a quelques semaines. J'ai pour ma part envie de revoir le classique hitchockien Fenêtre sur cour, autre grand film sur les apparences trompeuses. Pas tout de suite, mais un jour...

----------
Si vous voulez en savoir plus...

J'en ai gardé sous le coude. Avant et surtout après avoir vu le film, vous apprécierez peut-être de lire l'avis de "L'oeil sur l'écran". En plus d'une analyse positive du travail de Sidney Lumet, cette chronique contient plusieurs anecdotes, que j'ai trouvées très intéressantes.