dimanche 20 décembre 2020

Le fil interrompu

Cette fois, ça y est: on arrive au bout de cette drôle d'année 2020. L'heure est venue de vous annoncer ma traditionnelle pause hivernale et de vous donner un rendez-vous autour du 6 janvier pour la suite. Mon programme de reprise sera très classique, avec des chroniques sur les derniers films découverts ce mois-ci et les tops récapitulatifs du millésime bientôt écoulé (en trois parties, comme l'an passé). Privé de salles obscures pendant cette trêve, j'espère que le Père Noël daignera sortir de la sienne pour nous faire oublier le coronavirus. Avant de le vérifier, je vous souhaite à toutes et tous de belles fêtes. Promis, on reparle de cinéma dans trois petites semaines. À bientôt !

samedi 19 décembre 2020

Blouses blanches

Je me suis dit que ce serait bien de reparler des personnels soignants. C'est la raison qui explique que j'ai voulu voir Hippocrate et le chroniquer avant la fin de cette année ô combien particulière. Réalisé par un ancien médecin, ce film de fiction suit les premiers pas d'un interne dans une structure hospitalière publique. Un beau sujet...

Thomas Lilti admet que son film est très largement autobiographique. Pour l'anecdote, il a d'ailleurs souligné que le personnage principal portait son deuxième prénom. Il voulait également rendre une forme d'hommage à ses douze années passées à apprendre la médecine. Avec un certain souci de réalisme, à l'opposé des images véhiculées par les séries télé: "Je me suis donc replongé dans mes souvenirs pour retrouver les sensations formelles de ce que j'avais connu" (sic). Hippocrate est presque un huis-clos: les occasions de quitter l'hôpital sont rares, comme elles le sont, j'imagine, dans la réalité des choses. Le film n'est jamais ni larmoyant, ni étouffant. Et je le juge crédible !

Les acteurs le sont aussi et j'ai été content d'en revoir quelques-uns que j'aime bien: Reda Kateb, Jacques Gamblin et Vincent Lacoste. Hormis celui de Marianne Denicourt, il m'a semblé que les rôles féminins étaient un peu plus en retrait: c'est d'autant plus dommage que les hommes ne me semblent pas majoritaires à l'hôpital public. Qu'importe, au fond: l'intérêt du film est ailleurs. J'ai envie de dire qu'il réside essentiellement dans la description fine du caractère social de la profession de soignant - et tout autant dans l'intelligence avec laquelle il expose la nécessaire solidarité entre les équipes. Hippocrate n'est pas une hagiographie du corps médical: s'il évoque le peu de moyens dont les professionnels disposent, il montre aussi combien ils s'opposent parfois en matière de stratégie thérapeutique. C'est pertinent, oui, même si ce n'est pas forcément aussi touchant que j'avais pu l'espérer. D'où, au final, ma note restée un peu basse...

Hippocrate
Film français de Thomas Lilti (2014)

Une réussite, même si j'avais espéré pouvoir ajouter une demi-étoile. Les longs-métrages entièrement consacrés à l'hôpital semblent rares ! J'ai entendu parler de L'ordre des médecins, avec Jérémie Renier. Tout cela paraît franchement très sérieux, les ami(e)s ! Vous aurez peut-être envie d'aborder la question autrement ? Je vous dirais alors que La clinique de l'amour pourrait vous y aider. Pour rire, un peu...

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Une précision s'impose...

J'ai parlé de Thomas Lilti comme d'un ancien médecin: j'ai en fait lu qu'il n'exerçait plus depuis 2013. En mars, il bossait sur la saison 2 d'une série tirée d'Hippocrate quand le Covid-19 l'a obligé à arrêter de tourner. Résultat: il a remis sa blouse pour travailler aux urgences de l'hôpital qui lui servait de décor. Je vous applaudis, Monsieur Lilti !

Et pour en revenir au film...

Vous pourriez à présent vous tourner vers l'avis - mitigé - de Pascale. Je m'étais trompé en pensant qu'elle ne serait pas la seule à en parler.

vendredi 18 décembre 2020

Derrière la plume

Mon héroïne d'aujourd'hui est presque l'opposée de celle d'hier. Anglaise, vivant au 19ème siècle - de 1797 à 1851 - et d'une nature indépendante, Mary Wollstonecraft Godwin s'est jadis fait connaître pour ses talents d'auteure et son roman le plus célèbre: Frankenstein ou le Prométhée moderne (1818). Cela méritait sans doute un biopic !

Si je m'y suis plongé, c'est tout d'abord pour retrouver l'actrice principale, Elle Fanning, que j'aime beaucoup, et aussi la réalisatrice de ce que j'imagine être un film de commande, Haifaa Al-Mansour. D'après ce que j'ai lu ensuite, elle a tenu à réécrire tout le scénario ! Le portrait proposé dans Mary Shelley n'est pas exactement celui d'une femme moderne, mais c'est à tout le moins celui d'une femme libre. Bien que très jeune encore, l'intéressée entretient une relation scandaleuse avec un homme marié, Percy Shelley, certes assez habile pour amadouer le père de sa compagne, mais fort peu sympathique au demeurant. Autant le dire sans attendre: le sujet n'est pas léger...

Moi qui aime tant les récits en costumes, j'ai trouvé le film empesé. De gros moyens semblent avoir été investis dans la reconstitution d'époque, mais, sans que je sache quoi, quelque chose paraît faux. C'est peut-être bien le caractère même des personnages qui déteint sur le décorum: lorsque Mary remet en question ses choix de vie adolescents pour tenter d'être heureuse, on se rend vite compte qu'autour d'elle, il n'y a pas que des gens désintéressés et généreux. Je m'étais imaginé que je serai fort intéressé, mais sans que je parle d'un mauvais film, j'admets que je me suis senti assez indifférent. Dommage: quand la jeune femme est enfin reconnue à sa juste valeur dans cette société d'hommes, on mesure bien toute son importance. Elle pourrait me conduire à la rejoindre, un jour, au rayon littérature !

Mary Shelley
Film britannique de Haifaa Al-Mansour (2018)

Je n'ai pas détesté, mais je m'attendais sincèrement à quelque chose de plus vibrant. La cinéaste (saoudienne !) placée derrière la caméra m'avait bien davantage convaincu avec son premier opus: Wadjda. Elle Fanning, je la préfère dans 20th century women, un autre film féministe. Bon... j'exagère, c'est vrai, car le cadre n'est pas le même. Quitte à choisir, autant revoir Sibel, un coup de coeur encore récent !

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Si jamais vous vouliez un avis féminin...

Je peux désormais vous renvoyer à la chronique proposée par Pascale.

jeudi 17 décembre 2020

Illusions amoureuses

Qui est Asako ? Une jeune femme effacée qui travaille dans un café. Le hasard lui permet de rencontrer Baku, un garçon brun et ténébreux dont elle tombe intensément amoureuse. Un matin, le bel Apollon disparaît et la malheureuse est si triste qu'elle refait sa vie ailleurs. Jusqu'au jour où elle rencontre Ryohei, parfait sosie de l'ex évanoui...

Le titre Asako I & II m'avait laissé imaginer un film en deux parties distinctes. Et donc ? C'est (un peu) plus complexe que cela, en réalité. Entre le début du récit et sa conclusion, l'héroïne évolue, mais je crois qu'il y a ici bien davantage à observer qu'un avant et un après. Concrètement, la complète évacuation du premier des personnages masculins survient très rapidement et, à partir de là, c'est un portrait de femme que le scénario dessine. Il en dit long aussi sur la société nipponne, marquée par une grande âpreté des rapports humains. Entre adultes du sexe opposé, les lourdes conventions et les non-dits s'avèrent très souvent ravageurs, a fortiori pour l'introvertie Asako...

Le trouble que procure ce long-métrage est d'autant plus profond qu'un seul et même acteur interprète les rôles de Baku et Ryohei. Celui d'Asako est plus "ordinaire", mais je vous dis cela sans remettre en cause les qualités d'interprétation de la comédienne. Un élément pourrait vous dérouter, cependant: la timidité de son personnage occupe un tel espace qu'on peut la considérer mollassonne, parfois. Vous verrez qu'à l'inverse, elle peut également être très déterminée ! Les critiques professionnels ont rivalisé d'éloges pour rendre compte d'un film jugé sensible et délicat, d'une profonde humanité (je cite). Moi, j'ai vu de belles choses, mais il m'a manqué un je-ne-sais-quoi pour m'emballer vraiment. Une mention spéciale pour une séquence de tremblement de terre, que j'ai interprétée comme une métaphore des tourments des protagonistes. Le film n'a toutefois pas cette aura fantastique que j'aime dans un certain cinéma japonais. Dommage...

Asako I & II
Film japonais de Ryusuke Hamaguchi (2018)

J'espérais - un peu - mieux d'un réalisateur méconnu, mais sorti du lot des anonymes avec ce long-métrage. Pour autant, je n'ai pas renoncé à découvrir sa fresque, Senses, cinq grosses heures de cinéma découpées en cinq épisodes. Pour la sensibilité, je vous renvoie aussi vers mon cinéaste japonais préféré: Hirokazu Kore-eda (voir index). Un autre parallèle à envisager: Vers l'autre rive de Kiyoshi Kurosawa.

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Le film s'est taillé une jolie réputation sur la toile...

Vous le retrouverez (notamment) chez Pascale, Dasola, Strum et Lui.

mercredi 16 décembre 2020

La vie sans elle

Il suffit parfois d'un rien pour que tout bascule. Un soir où la fatigue est trop forte, Paul Anderen, écrivain, a une dispute avec sa femme. Frustré de ne pas savoir finir son roman, il ne réalise pas vraiment qu'elle vit, elle aussi, un temps difficile dans son boulot de médecin. Les mots fusent, incontrôlés. Partie travailler, Sarah ne revient pas...

Des vents contraires
a été mon dixième film français de novembre. Jamais auparavant, je n'en avais regardé autant en un seul mois. C'est d'abord par sa distribution (Benoît Magimel, Audrey Tautou, Isabelle Carré, Ramzy Bedia, Antoine Duléry, Bouli Lanners, etc...) que ce supposé drame a attiré mon regard. Bien que de facture classique, il ne démérite pas: ce n'est pas génial, mais c'est sérieux. Un peu tire-larmes, peut-être, tant le pauvre bougre de personnage principal doit endurer de catastrophes successives, tout en gardant une forme de dignité pour préserver le reste de moral de ses enfants. Impossible de le nier: dans la vraie vie, ces choses-là arrivent aussi...

Bon... Le principal reproche que je pourrais adresser au scénario tiendrait plutôt à un effet d'accumulation qu'à une invraisemblance. Partant de là, vous seriez tout à fait en droit de vous demander quelles bonnes raisons on peut trouver pour s'infliger pareil spectacle. Au-delà du jeu des comédiens, déjà évoqué, je considère que le film mérite également le détour parce qu'il met en scène un homme abandonné à lui-même et qui, fragilisé, tente de se reconstruire. Réfléchissez-y: ce n'est pas très souvent que l'on peut croiser ce type de protagoniste sur les écrans de cinéma. On pourra certes m'objecter que nous avons ici affaire à l'adaptation d'un roman et que l'auteur dudit livre - Olivier Adam - s'est fait connaître avec des histoires similaires. Pas faux, mais que pourrais-je ajouter ? Ce récit m'a ému. Du coup, je veux aussi saluer la remarquable prestation des acteurs enfants, Cassiopée Mayance et Hugo Fernandes. Les coeurs battants !

Des vents contraires
Film français de Jalil Lespert (2011)

On est loin ici de Gone girl ou même de R.I.F. - des thrillers décents. Je ne suis pas comblé, mais largement satisfait. Intense, le scénario laisse quelques "trous" et nous autorise à les combler. La révélation finale a su me surprendre, à vrai dire, et je l'ai trouvée plutôt forte. Sur la disparition de l'être aimé toujours, Les cowboys est une claque d'un niveau encore supérieur - ce qui n'est pas peu dire, croyez-moi...

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Pas beaucoup de trace du film ailleurs, mais...

Je souligne que Pascale a publié une chronique en parfait contrepoint.

mardi 15 décembre 2020

Attendre encore...

Ceci n'est pas une photo de moi. Elle symbolise idéalement mon état d'esprit face à l'idée que les cinémas, dont la réouverture attendue aurait pu avoir lieu aujourd'hui, demeureront finalement portes closes jusqu'au 7 janvier (au moins). Mon compteur de longs-métrages vus en salles restera donc bloqué à 33 séances pour ce millésime 2020. L'an passé, j'avais atteint ce total le 28 juillet, en allant voir Factory. Je l'avais dépassé six jours plus tard, dès le 3 août, donc, avec Yuli. Vous permettrez que j'attende un peu... avant de présenter mon top !

lundi 14 décembre 2020

Retour chez Marcel

Il y a, c'est vrai, quelque chose d'incongru à reparler de Marcel Pagnol une semaine avant l'arrivée de l'hiver. J'assume: c'est tout récemment que j'ai pu revoir Le château de ma mère, l'épisode 2 des Secrets d'enfance, adaptés au cinéma en 1990 (et édités chez De Fallois). L'auteur provençal, lui, avait rejoint les étoiles seize années plus tôt !

À sa sortie en salles, le film avait attiré 4,2 millions de spectateurs dans les salles françaises (et 1,6 million à l'étranger !). Ce bon chiffre lui vaut la quatrième place du box-office national de son millésime. Sur le fond, les connaisseurs seront en terrain connu et même balisé. J'indique aux autres que le récit revient sur les pérégrinations vacancières du jeune Marcel, ayant alors atteint l'âge de douze ans. Belle occasion de retrouver les collines des Bouches-du-Rhône, théâtre lumineux d'une enfance heureuse auprès de parents aimants et d'amis fidèles. Je préfère laisser planer le mystère sur le domaine maternel évoqué dans le titre: l'histoire est bien trop belle pour être divulguée !

Vous vous demanderez peut-être quelle est la part du pur imaginaire dans cette chronique à la première personne. J'ai trouvé une citation pagnolesque assez éclairante sur ce sujet précis: "J'ai eu l'impression de raconter les choses telles qu'elles se sont passées". Et un bémol dans la foulée: "Pourtant, elles ne se sont sûrement pas passées ainsi, puisque vous pouvez lire en deux heures le récit de deux ans. En tout cas, ce qui est rigoureusement exact, ce sont les détails. Peut-être que l'ensemble ne l'est pas tout à fait". Cette observation malicieuse peut également s'appliquer au film, à mon humble avis. Autobiographique, Le château de ma mère aura pu être romancé pour son transfert à l'écran. Le long-métrage a pris quelques libertés et emprunte ainsi - au moins - une anecdote aux oeuvres suivantes issues directement de la plume légère de l'académicien né à Marseille. Franchement, je ne crierai pas au scandale: l'esprit, lui, respecté. Dans le sens le plus noble acception du terme, je parle d'un cinéma populaire enthousiasmant ! Et avec juste ce qu'il faut de mélancolie...

Le château de ma mère
Film français d'Yves Robert (1990)

Suite logique, cet épisode 2 affiche donc lui aussi de belles qualités. J'avais parlé du premier opus, La gloire de mon père, en octobre l'année dernière, et je crois que les deux volets peuvent se voir indépendamment, sans trop de dommage. Les découvrir en diptyque reste bien entendu une bonne idée aussi. Même si neuf semaines avaient séparé leurs sorties ciné, les mercredis 29 août et 31 octobre.

dimanche 13 décembre 2020

Une autre femme ?

Aujourd'hui, parlons d'un autre film tiré d'un roman avec Meryl Streep dans le rôle principal: La maîtresse du lieutenant français ! La reine du cinéma américain était ici pour la première fois en tête d'affiche. Sévère avec elle-même, elle jugera sa prestation peu convaincante. Et elle aura aussi des regrets quant à l'aspect "artificiel" de l'intrigue !

Son apparition reste marquante. Ère victorienne: exposée aux flots déchaînés au bout d'une digue, une femme anglaise, Sarah Woodruff, semble rêver encore au retour de son marin d'amant, parti sans elle de l'autre côté de la mer. Inquiet, Charles Smithson, un autre homme qui passait par là avec sa fiancée, accourt pour la prévenir du danger. On comprend bientôt que ce début d'histoire éminemment romantique n'est autre que... l'ouverture d'un film. La maîtresse du lieutenant français propose ainsi une longue et vertigineuse mise en abyme. Meryl Streep et Jeremy Irons (Sarah et Charles) incarnent aussi Anna et Mike, les deux acteurs stars du film dans le film. Quelle belle idée !

Cela noté, je me dois de vous préciser que la partie "contemporaine" du film m'a moins convaincu que le drame (très) classique qui se joue tout au long du long-métrage. Je l'ai presque trouvée superfétatoire ! Je reconnais tout de même que l'enchevêtrement des deux histoires constitue une belle prouesse et a su me séduire à la toute fin. On dit que le livre de John Fowles, lui, propose trois conclusions possibles. Tout le monde serait donc susceptible d'y trouver son plaisir littéraire. Côté cinéma, La maîtresse du lieutenant français brille également par la qualité de sa reconstitution de l'Angleterre du 19ème siècle. Assez surpris, je constate que les Oscars l'ont boudé, alors que le film était notamment en lice pour ses costumes et décors. Il a fait chou blanc, malgré tout de même cinq nominations - méritées - en tout. Que cela ne vous empêche de le découvrir si vous en avez l'envie ! Car vous connaissez le proverbe, j'imagine ? Le coeur a ses raisons...

La maîtresse du lieutenant français
Film américano-britannique de Karel Reisz (1981)

La magnificence de ce long-métrage joue clairement en sa faveur. D'aucuns l'ont rapproché du Tess de Roman Polanski: ça se tient. Autre destin féminin de cinéma, Bright star est encore plus beau. Vous pourriez également aimer Portrait de femme. Dans mon film d'aujourd'hui, la combinaison des récits rappelle aussi un autre opus avec Meryl Streep: The hours (Stephen Daldry / 2003). À revoir, oui !

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Un autre regard vous intéresserait ?

Si c'est le cas, je vous conseille de lire le texte de "L'oeil sur l'écran".

samedi 12 décembre 2020

Alternatives

Il vaut sans doute mieux voir Le choix de Sophie sans rien savoir. Quand le titre est enfin expliqué, le secret le plus "lourd" a été révélé. Cela ne veut pas dire que tout devient inintéressant, mais l'émotion principale est passée, dirais-je. Vous voulez comprendre ? Le film mérite votre attention. Tout comme le roman dont il est l'adaptation !

D'ascendance polonaise, Sophie Zawitsowski vit dans le New York populaire du début des années 50. Elle a une relation amoureuse tumultueuse avec un Juif américain, Nathan Landau. Le personnage principal, un dénommé Stingo, emménage dans un appartement voisin de celui du couple. C'est ainsi que débute une histoire d'amitié. Ambigüe, dites-vous ? Je vais vous laisser le vérifier (et en juger). J'ai parlé d'un secret: à vrai dire, le scénario en dissimule plusieurs. J'ajoute que, comme le montre l'image ci-dessus, Sophie et Stingo finiront par se rapprocher. En révéler davantage serait fort malvenu ! Autant vous laisser découvrir au simple rythme du récit, à mon avis...

En dépit des apparences, Le choix de Sophie n'est pas un film romantique. Oui, c'est même un film assez dur, par certains aspects. Cela dit, je ne regrette pas de l'avoir vu, au contraire: Meryl Streep s'est avérée aussi touchante que je l'avais espéré et Kevin Kline remarquable dans le rôle de Nathan - son tout premier au cinéma. Peter MacNicol, que je connais moins et qui a fait une carrière relativement solide entre 1981 et 2012, est très bien également. D'après ce que j'ai lu par ailleurs, le long-métrage est fidèle au livre éponyme de William Styron, sorti seulement trois années auparavant. Je n'ai pas renoncé à le lire un jour. Et il en existe une version opéra !

Le choix de Sophie
Film américain d'Alan J. Pakula (1982)

Un sujet fort, de bons acteurs, une mise en scène digne: je confirme que je suis ravi de mon propre choix. C'est à l'heure de le comparer avec d'autres que j'ai du mal à situer le film... sans trop en dévoiler. Les quelques propositions d'Allociné ne m'ont pas du tout convaincu. En cherchant un peu plus loin, j'ai retrouvé À l'heure des souvenirs pour exemple d'un bon film où le passé ressurgit. Chuuuuuuuuuuuuut !

vendredi 11 décembre 2020

À sa place

Qui n'a jamais rêvé d'avoir un sosie à envoyer travailler à sa place ? Dave Kovic, lui, est le double parfait du président des États-Unis. Quand l'élu ne peut (ou ne veut) plus assumer sa charge, les services secrets embauchent son faux jumeau pour tenir son rang. Et le public s'étonne de découvrir soudain un haut responsable bien plus humain...

Je vous le dis comme je le pense: après des semaines de bataille entre Donald Trump et Joe Biden, (re)voir Président d'un jour, sorti du temps de Bill Clinton, est une occasion de rire qu'il serait dommage de négliger. Je n'ai pas douté une seule seconde que ce serait sympa de suivre les pas du duo vedette, Sigourney Weaver et Kevin Kline. Opposés d'abord, alliés ensuite, leurs personnages forment un couple convaincant, aux côtés d'une importante galerie de visages connus désormais un peu oubliés: Frank Langella, Kevin Dunn, Ving Rhames ou Ben Kingsley. Sans compter les personnalités politico-médiatiques qui, plutôt nombreuses, ont bien voulu interpréter... leur propre rôle !

C'est très anecdotique, mais rigolo: le Bureau ovale ici reconstitué servira - au cinéma comme à la télévision - plus de 25 autres fois ! Président du jour a semble-t-il bien marché aux States, au point d'être adapté en comédie musicale en 2018. Un certain Barack Obama s'est même fendu d'un compliment à l'égard du film, déclarant aimer le regarder dans ses moments de déprime et estimant qu'il donnait aux fonctions de président "l'allure d'un job facile et amusant" (sic). On ne saurait mieux dire et, de ce fait, certain(e)s d'entre vous trouveront la production trop naïve, à l'image de son drôle de héros. Vous ne serez pas forcés d'y voir autre chose qu'une comédie légère...

Président d'un jour
Film américain d'Ivan Reitman (1993)

Une histoire originale et farfelue: c'est bien assez pour un moment plaisant, surtout avec de tels acteurs, impliqués et souriants. Ce récit populaire - au sens noble du terme - m'a semblé très caractéristique d'un certain cinéma américain et m'a rappelé le Mr. Smith au Sénat de Frank Capra (un long-métrage admirable, sorti 54 ans plus tôt). L'idéalisme n'est plus trop de saison, mais s'y plonger est un bonheur !

jeudi 10 décembre 2020

Palaces et combines

Irène, jolie trentenaire, musarde dans les plus beaux établissements hôteliers dans l'idée de séduire un vieil homme, riche et célibataire. Dans l'un de ces palaces, elle croise Jean, un barman de son âge. Quiproquo: parce qu'il est habillé chic, elle le prend pour un client fortuné. Lui a le coup de foudre et ne se pose pas plus de questions...

Pierre Salvadori est un peu le spécialiste français des personnages abîmés ou bancals. Sorti il y a déjà quatorze (!) ans, Hors de prix met en scène un duo inédit et glamour: Audrey Tautou / Gad Elmaleh. Leur charme à tous les deux compte pour beaucoup dans l'efficacité du film, même si le scénario n'offre rien de particulièrement original. J'ai reconnu certains lieux que je connaissais et cela m'a permis d'entrer dans cette histoire sans en attendre trop. Il est bien certain que le réalisateur a fait mieux, mais ce n'est nullement un problème. Nous avons affaire ici à un simple divertissement et ma cinéphilie s'accommode aussi d'oeuvres de ce type ! En connaissance de cause...


Ma - relative - difficulté à trouver des photos qui ne soient pas celles des deux "stars" témoigne néanmoins d'un léger déséquilibre narratif. Alors que Jean / Gad devient à son tour gigolo, Irène / Audrey et lui font en quelque sorte cause commune, sans que les personnages secondaires prennent vraiment de l'ampleur. C'est un peu dommage. Celui de Marie-Christine Adam, par exemple, n'est qu'un faire-valoir. Hors de prix pèche par excès de modestie, là où le tempo comique aurait pu être plus enlevé ou, au contraire, tempéré par autre chose. Cela souligné, je veux dire que la fin ouverte m'a plu: un simple euro permet alors aux protagonistes d'imaginer un avenir souriant, à deux. "Et ils vécurent heureux...": l'éternelle promesse des contes de fées. Comment en arrive-t-on à ce point ? Je vais vous laisser le découvrir.

Hors de prix
Film français de Pierre Salvadori (2006)

Rien de folichon, mais une gentille petite histoire pour une soirée télé sans prise de tête. Audrey Tautou est sexy et drôle, Gad Elmaleh lunaire et sobre. Dans ce même genre (ou presque), Quatre étoiles est peut-être un peu moins connu, mais je le trouve encore meilleur. Mention spéciale également pour un Chabrol tendre: Rien ne va plus. Si vous avez d'autres couples de ce type à suggérer, je suis tout ouïe.

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Mon relatif enthousiasme n'est guère partagé...

Las ! Comme Elle et Lui, Pascale n'a pas franchement apprécié le film.

mercredi 9 décembre 2020

Un paradis quelque part

Le cinéma d'Elia Suleiman titillait ma curiosité depuis un moment. C'est par son dernier long que j'ai finalement découvert le cinéaste palestinien: cofinancé par des producteurs français, canadiens, allemands, turcs, palestiniens et qataris (ouf !), It must be heaven est un film surprenant, qui, en réalité, ne ressemble qu'à lui-même...

Artiste de cinéma, ES - pseudonyme très explicite - vit à Nazareth. Dans son entourage immédiat, un voisin un peu fou, un autre étrange qui passe son temps à élaguer ses citronniers... et c'est presque tout. ES sort assez peu, va voir la mer, roule en voiture sur des routes aussi poussiéreuses que désertes, croise des flics qui s'échangent constamment leurs lunettes de soleil ou, au restaurant, les frères d'une jeune femme qui a mangé par erreur un plat à la sauce au vin. D'autres saynètes emmènent ensuite cet anti-héros à Paris, New York et Montréal, sans qu'il trouve quiconque pour s'intéresser au scénario qu'il vient de finaliser ! Une mise en abyme ? Ce n'est pas à exclure...

J'ai exagéré en affirmant que ce film ne ressemblait qu'à lui-même. Par leur symétrie quasi-parfaite, certains plans m'ont rappelé ceux des films de Wes Anderson. Autre comparaison: le monde réinventé m'a parfois évoqué celui qui constitue souvent le décor du cinéma d'Aki Kaurismäki. Certaines critiques ont également établi un parallèle entre le style d'Elia Suleiman (acteur, réalisateur, scénariste) et celui de l'un des grands maîtres du burlesque: j'ai nommé Jacques Tati. C'est un fait: It must be heaven sait aussi faire preuve d'humour. D'après ce que j'ai lu, ce n'était pas forcément le cas des autres opus du réalisateur. Je trouve l'analyse de Véronique Cahaupé, journaliste au Monde, assez juste: "Le cinéaste signe un conte burlesque qui suit l'itinéraire d'un Palestinien confronté à la marche bancale du monde et se contente de constater que la violence observée en Palestine s'est étendue au-delà des endroits reculés du monde". En (sou)rire avec lui est sûrement la meilleure chose que nous puissions faire. J'ajoute que j'ai en outre été sensible à une certaine forme de poésie.

It must be heaven
Film franco-canadien d'Elia Suleiman (2019)

Un OFNI - objet filmique non identifié - qui fait bien plaisir à voir parce qu'il rappelle que le cinéma n'a pas véritablement de limites. C'est donc ce que j'aime également chez Aki Kaurismäki (Le Havre) ou chez Wes Anderson (The Grand Budapest Hotel). Jacques Tati mérite lui aussi de la considération, mais je n'ai vu que Mon oncle. Pour le burlesque, voyez donc le récent Le miracle du saint inconnu !

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Vous voulez un autre avis ?

Réjouissez-vous: l'amie Pascale est bel et bien fidèle au rendez-vous.

mardi 8 décembre 2020

L'oeuvre d'une vie

Vous connaissez le Palais idéal du facteur Cheval ? Cette construction a fait parler d'elle dernièrement, à l'occasion d'une émission de télé censée désigner le monument préféré des Français: elle s'est classée au deuxième rang, parmi quatorze propositions et derrière la citadelle de Belfort. Elle a aussi fait l'objet d'un film, tout début janvier 2019...

L'incroyable histoire
du facteur Cheval: difficile d'imaginer un titre plus explicite. Au moins, on a déjà une idée de ce qui nous attend ! Rappel: Joseph Ferdinand Cheval naît en 1836, dans un petit village de la Drôme. Après de courtes études, il est boulanger, puis ouvrier agricole. C'est la misère qui l'incite à passer le concours des Postes. En 1867, il devient donc facteur, alors qu'il est déjà marié et père d'un bébé garçon. Deux années plus tard, à sa demande, il est affecté à Hauterives, à douze kilomètres de son "point de départ". C'est là qu'il travaille jusqu'à sa retraite, en 1896 - des tournées quotidiennes de plus de trente bornes ! Là aussi qu'il entreprend la grande oeuvre de sa vie: ce fameux Palais idéal, aujourd'hui propriété communale classée Monument historique et visitable au prix de quelques euros. Tout cela, le film nous le raconte avec une délicatesse bienvenue. Jamais il ne se moque du brave préposé: une belle preuve d'empathie.

Il n'est probablement pas donné à tous les acteurs de paraître crédible dans la peau d'un tel personnage: Jacques Gamblin, lui, nous offre ici une interprétation de haute volée, les expressions de son visage rendant les rares dialogues presque inutiles. On dit que Joseph Cheval souffrait peut-être d'un trouble autistique, ce que le jeu du comédien parvient à faire ressentir avec force: bravo ! Le reste du casting assure une admirable prestation de groupe, malgré l'absence de noms clinquants - si ce n'est Laëtitia Casta, d'une très grande justesse. C'est sans difficulté que L'incroyable histoire du facteur Cheval nous fait traverser près d'un demi-siècle de l'existence de son "héros". Une existence parsemée de drames, marquée par la mort des êtres qu'il aimait. Le film, lui, ne verse jamais dans le pathos: bon point. J'en ai beaucoup aimé la forme, à commencer par les couleurs désaturées et la musique de deux frères, Baptiste et Pierre Colleu. Les effets spéciaux qui laissent apparaître le Palais en construction passent, eux, vraiment inaperçus. Émouvant voyage dans le temps...

L'incroyable histoire du facteur Cheval
Film français de Nils Tavernier (2019)

Ce biopic soigné est une réussite, tout à la fois sobre et touchante. En découvrant l'histoire de Cheval, on comprend mieux sa motivation pour créer quelque chose qui soit tout à la fois unique et pérenne. Parmi les biographies d'artistes plastiques, je peux vous suggérer d'accorder un peu de votre temps à Rodin, Renoir et/ou Gauguin. Une belle fiction comme L'artiste et son modèle vaut aussi le détour !

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Avant d'aller voir le film (ou le Palais lui-même)...

Vous aurez peut-être envie de lire également la chronique de Pascale.

lundi 7 décembre 2020

C'est leur tournée !

Vous le savez: Jean Rochefort, Philippe Noiret et Jean-Pierre Marielle étaient amis dans la "vraie" vie. Les grands ducs a ceci de particulier qu'il est le seul film à les avoir réunis pour des scènes communes. Autant vous le dire d'emblée: les trois cabotinent à qui mieux mieux. Hypothèse personnelle: c'est sans doute le scénario qui le demandait !

Eddie Carpentier, Victor Vialat et Georges Cox ont plutôt passé l'âge de jouer la comédie. Pourtant, ils refusent d'abandonner leur métier d'acteur et continuent d'exiger d'importants cachets aux derniers fous qui ont encore le cran (ou l'inconscience) de les réclamer sur scène. D'autres comédiens talentueux s'étant désistés, une pièce de théâtre de boulevard leur est proposée par un impresario véreux, bien décidé à saboter la toute première représentation pour toucher l'assurance. Vous l'aurez compris: il n'y a rien de sérieux, dans Les grands ducs. Cette comédie foutraque semble de fait avoir été écrite sur-mesure pour le trio-vedette. Et la caméra lui colle aux basques, évidemment !

Le reste de la troupe, avec Catherine Jacob et Michel Blanc en têtes d'affiche, s'accroche comme il peut au tourbillon, le rythme frénétique s'imposant de la même façon aux spectateurs que nous sommes. Sachant que le tout ne dure pas plus d'une heure et demie générique compris, ça mérite d'être vu si, comme moi, vous aimez les acteurs embarqués - de gré ou de force - dans cette étonnante aventure. D'une certaine façon, Les grands ducs rend aussi un drôle d'hommage aux anonymes qui forment le gros des troupes du spectacle vivant. Méconnu et je crois peu apprécié, le film n'a guère fonctionné l'année de sa sortie, atteignant péniblement la 63ème place du box-office français en n'attirant qu'à peine plus d'un demi-million de spectateurs dans les salles. Mérite-t-il désormais une seconde chance ? Peut-être !

Les grands ducs
Film français de Patrice Leconte (1996)

Sûrement pas un chef d'oeuvre, mais un film sympa par sa démesure assumée et le grand délire proposé par trois loustics en roue libre. Auparavant, le septième art ne les avait associés que 21 ans plus tôt pour Que la fête commence... (mais sans la moindre scène à trois). Attention: il s'agit d'un opus bien différent. Et j'admets que je sèche au moment d'évoquer un film comparable à la comédie d'aujourd'hui...

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NB: à l'évidence, le film ne fait toujours pas l'unanimité...

Vous le vérifierez si vous lisez les avis (contrastés) de Laurent et Lui.

dimanche 6 décembre 2020

Cavalcade entre amis

Gene Hackman, Candice Bergen, James Coburn... il y a du beau linge dans La chevauchée sauvage. Ce western tardif se déroule au cours des premières années du 20ème siècle, du côté de l'État du Colorado. Un journal y organise une course de chevaux sur mille kilomètres ! Réaliste ? Oui, car ce genre de "rallye-raid" existait bien, à l'époque...

Un soir de (re)confinement, c'est afin de retrouver les grands espaces que j'ai souhaité voir ce film rare. La présence de Richard Brooks derrière la caméra - cf. l'index des réalisateurs, à droite - m'avait mis en confiance: j'espère dès lors assister à du (très) grand spectacle. Promesse tenue par ce long-métrage atypique, que son montage, décousu, laisse fréquemment apparaître comme un lot d'images fortes saisies sur le vif. La chevauchée sauvage avance à vive allure pour, à chaque étape, nous mener là où on ne l'attend pas vraiment ! C'est sa force et sa limite, sans doute, mais j'ai suffisamment adhéré à ce principe général pour passer un bon moment devant mon écran...

L'histoire dit que les acteurs n'avaient pas reçu le scénario définitif lorsque le tournage débuta: en fait, ils n'obtenaient leurs dialogues que la veille pour le lendemain. La fin du film est restée incertaine jusqu'au bout, ce qui a sûrement contribué à une forme d'étrangeté. Atypique, le long-métrage n'exalte jamais vraiment les symboliques du Grand Ouest, même si le jeune Jan-Michael Vincent - vu ensuite dans la série Supercopter - ressemble de prime abord à un Kid bouillonnant d'excitation et inévitablement chatouilleux du revolver. Très attachants, les deux personnages principaux de La chevauchée sauvage sont bons amis et font face à une femme au caractère affirmé, ainsi qu'à un Mexicain sympa. Victime d'une rage de dents soudaine, il sera opéré par ses comparses, au milieu de nulle part. L'incroyable compétition qui doit opposer ces étonnants protagonistes finit par les réunir et c'est précisément ce qui fait tout le sel du récit !

La chevauchée sauvage
Film américain de Richard Brooks (1975)

Vous appréciez les westerns crépusculaires ? Celui-là est lumineux. Une bonne surprise pour moi qui suis un grand amateur du genre. Notons-le: il y a quand même des flingues et, bien sûr, des chevaux. Une moto, aussi, après le vélo du superbe Butch Cassidy et le Kid. Plus décalés encore, je conseille En route vers le Sud et Mort ou vif. Et je suis persuadé que d'autres cowboys... pourraient nous étonner ! 

samedi 5 décembre 2020

Un imposteur

Louis Jouvet aurait-il pu admettre qu'un jour, Omar Sy lui succède ? C'est arrivé il y a trois ans, quand l'un des Français les plus populaires aujourd'hui a joué dans une nouvelle adaptation d'un grand classique du théâtre: Knock, d'après la pièce éponyme (Jules Romains / 1923). Avant sa diffusion récente à la télé, je n'en connaissais presque rien !

Marseille, il y a... un certain temps. Menacé de mort par des brigands à l'égard desquels il a une dette de jeu, Knock grimpe sur un bateau en partance pour les îles lointaines et y devient le médecin de bord. Pourtant, il n'a absolument aucune connaissance sur les maladies d'ici et d'ailleurs. Il a simplement un tel bagou qu'on le croit sur parole lorsqu'il affirme être en mesure de soigner les petits et grands bobos. Cette imposture fonctionne si bien qu'après quelques années passées à naviguer, notre homme remet pied à terre, se dirige allégrement vers un petit village isolé et y reprend un cabinet de consultation. Évidemment, toute la question est alors de savoir si sa supercherie fonctionnera auprès de ses nouveaux voisins. Un vrai/faux suspense est mis en place, le film adoptant plutôt le ton de la comédie légère...

Ça m'a chatouillé ou ça m'a grattouillé ? En fait, Knock m'a surpris. Lorsqu'il rencontre une jolie villageoise (Ana Girardot), le bon docteur tombe évidemment amoureux et ne trouve plus de raison de repartir. Ultra-ordinaire, ce "rebondissement" débouche sur une sous-intrigue conclue de manière étonnante - non, je ne dévoilerai pas cette fin ! Sur le plan formel, le long-métrage est soigné, mais peu inventif. Jules Romains, dit-on, avait toujours refusé de voir les films adaptés de ses écrits: il se méfiait des cinéastes et estimait que les textes originels devaient être respectés à la virgule près. Une forte exigence qui, j'imagine, n'est pas franchement respectée dans le cas présent. Mal accueillie bien que dotée d'une belle distribution, cette relecture n'a su attirer dans les salles qu'un peu plus de 540.000 spectateurs. D'aucuns lui ont reproché d'avoir gommé l'aspect subversif de l'oeuvre première et je peux vous confirmer qu'ici, tout est très sage et poli...

Knock
Film français de Lorraine Lévy (2017)

Une note assez basse pour un long-métrage vite vu, vite oublié. L'enthousiasme d'Omar Sy n'a pas vraiment suffi à susciter le mien. Dommage, car l'acteur m'est vraiment sympathique, pour être franc. Si c'est lui que vous voulez revoir, je vous recommande plutôt Samba ou Chocolat. En Provence, je trouve Pagnol et La gloire de mon père plus touchant. C'est, à l'évidence, une question d'attente et de regard.

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Je n'ai trouvé que peu d'avis sur mes blogs références...

C'est assez toutefois pour relever que Pascale est encore plus sévère !

vendredi 4 décembre 2020

En (trans)formation

Je n'ai que peu de bons souvenirs de mes années d'étudiant en droit. 1993-1997: certains de mes profs d'alors étaient vraiment odieux ! Lorsque j'ai regardé Le brio, il y a quelques jours, le personnage joué par Daniel Auteuil m'a de prime abord rappelé ces sinistres juristes. Mais j'étais toujours curieux de savoir ce que le film avait à en dire...

Neïla Sala, banlieusarde parisienne, est en retard à son premier cours de fac (à Panthéon-Assas, l'un des universités les plus prestigieuses). Dans le grand amphithéâtre où elle a du mal à trouver une place assise, elle est sermonnée par le prof pour cette "faute" supposée. Pierre Mazard, ulcéré, renvoie alors la jeune femme à ses origines sociales et ethniques. L'affaire fait grand bruit: il passera en conseil de discipline et risque une sanction, sauf s'il accepte de préparer l'étudiante à un concours d'éloquence. L'institution passe avant tout...

Vous pouvez imaginer la suite. Je l'ai trouvée si peu vraisemblable que je n'ai pas adhéré au film. J'ai d'abord bien noté que, malicieux, le hasard m'avait placé pour la deuxième fois d'affilée devant un film porté par un tandem homme d'expérience / femme plus jeune. Derrière les clichés, je concède que Daniel Auteuil et Camélia Jordana n'ont pas à rougir de leur prestation. Ici, c'est plutôt le fond du propos qui m'a gêné aux entournures: le long-métrage suggère clairement que, pour être respecté, il faut se conformer aux codes des classes dominantes et qu'il n'y a pas grand-chose de bon à tirer des jeunes issus de l'immigration nord-africaine. Sans tomber dans l'angélisme de bas étage, je dis que ce discours aurait gagné à être plus nuancé. Mais, évidemment, s'il l'avait été, ça n'aurait pas été le même film ! Le brio n'est pas ouvertement raciste, mais seul l'un des personnages opposés fait finalement un (grand) pas vers l'autre. Un déséquilibre...

Le brio
Film français d'Yvan Attal (2017)

La conclusion de l'histoire me laisse avec un sentiment très mitigé. J'imagine qu'il y avait quelques bonnes intentions derrière le propos ambivalent, mais la manière dont elles sont présentées m'a interrogé sur la sincérité du réalisateur (et co-scénariste). C'est regrettable. Vous cherchiez un bon film sur l'idée de pédagogie ? Les héritiers paraît bien moins moralisateur et Primaire est vraiment intéressant !

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Si vous souhaitez prolonger la discussion...

Vous pouvez aussi vous intéresser aux avis de Pascale, Dasola et Lui.

jeudi 3 décembre 2020

À court d’idées

Je n'ai pas réellement d'avis définitif sur Fabrice Luchini. L'amoureux de la langue française m'est sympathique, mais son comportement m'exaspère parfois, quand je le trouve quelque peu condescendant. J'ai tout de même choisi de regarder Alice et le maire: j'avais envie d'apprécier la qualité du duo qu'il compose ici avec Anaïs Demoustier !

Récente diplômée de lettres, Alice Heiman est embauchée à la mairie de Lyon pour... aider le maire à trouver de nouvelles idées porteuses. Paul Théraneau est un homme influent au Parti socialiste, au point qu'un destin national paraît lui être promis: certains de ses amis l'imaginent volontiers dans le fauteuil du président de la République. Lui, après avoir consacré sa vie à la vie publique, en semble épuisé...

Il y a - incontestablement - de bonnes choses dans Alice et le maire. Le duo Fabrice Luchini / Anaïs Demoustier fonctionne, c'est certain. Pourtant, en toute sincérité, je dois vous dire que le film m'a laissé assez froid. En fait, certains dialogues m'ont paru un peu trop écrits. Les comédien(ne)s qui les "récitent", eux, s'inspirent de personnes existantes, peut-être, mais n'ont pas beaucoup de chair, à l'exception des deux têtes d'affiche. Quant au principe même de cette plongée profonde dans les arcanes du monde politique, je ne l'ai pas trouvé aussi intéressant que j'avais pu l'envisager dans un premier temps. Peu importe au fond que l'action soit située à Lyon ou ailleurs ! Chercher d'éventuels points communs avec la réalité m'a vite lassé. Pour tout dire, les états d'âme du vieux politicien et les tourments existentiels de sa jeune conseillère m'ont paru un brin caricaturaux. Je ressors de tout cela avec un sentiment de frustration. Dommage...

Alice et le maire
Film français de Nicolas Pariser (2019)

Je n'aime pas parler de "film intello", mais c'est le premier qualificatif qui s'est imposé à mon esprit pour vous présenter ce long-métrage. Pas de polémique: j'admets tout à fait qu'il puisse plaire à d'autres. Personnellement, sur un sujet proche, je préfère L'exercice de l'État. Dans un registre plus noir, j'espère vous convaincre aussi des qualités d'un film méconnu made in France: Président (avec Albert Dupontel) !

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Notons pour finir que le film a suscité le débat...

J'en ai repéré d'autres chroniques chez Pascale, Dasola, Strum et Lui.

mercredi 2 décembre 2020

La vérité de Charlie ?

Charlie Chaplin me semble être parvenu à faire de son vagabond céleste l'un des personnages les plus appréciés du cinéma mondial. Derrière cette silhouette, qui était le vrai Charlot ? C'est en quête d'éléments biographiques vérifiés que j'ai regardé Chaplin, un biopic déjà un peu ancien, puisque sorti au début des années 90. Pas grave !

Tout commence par une séance de démaquillage, qui laisse imaginer que le portrait à venir sera sans fard, si ce n'est tout à fait exact. Notons-le: les quelque deux heures qui suivront seront très flatteuses pour l'artiste ET pour l'homme caché dans le costume, avec un rappel d'abord de son enfance pauvre à Londres et de la maladie (mentale) de sa mère, clairement délaissée par le père. Le vrai génie de Charlie sera alors, selon moi, de ne pas traîner sur les planches des cabarets de ses débuts européens, de partir en Amérique, d'y trouver la gloire et la fortune et enfin de revenir aux sources sans s'être jamais renié. Chaplin raconte (presque) toute l'histoire sans en cacher les moments difficiles ou moins lumineux, apportant bel et bien quelques nuances intéressantes au panégyrique. Je crois devoir souligner ici que le jeu des acteurs est à la hauteur du défi: tête d'affiche, Robert Downey Jr. ne m'avait jamais paru aussi juste. Il était alors âgé de 26 / 27 ans...

Sobre et élégante, la mise en scène, elle, introduit un peu de magie dans une reconstitution soignée. Des détails visuels montrent d'abord quelques-unes des premières sources d'inspiration puisées par Chaplin dans son environnement proche. Un peu plus tard, une séquence "policière" adopte le style de certains films de Charlot, sans le singer bêtement (ce qui est à vrai dire plus simple à voir... qu'à expliquer). Chaplin ne m'a jamais vraiment surpris, mais il m'a plu: j'imagine que les héritiers ont aimé le film, puisque sa fille Geraldine fait partie du casting - dans un rôle que j'aime autant vous laisser découvrir. Nommée pour trois Golden Globes et trois Oscars, cette production n'en a remporté aucun et me semble même quelque peu être tombée dans l'oubli. C'est dommage, je trouve, et j'ai été surpris d'apprendre après l'avoir vue qu'aux États-Unis, elle n'a guère trouvé son public. Conseil d'ami: pour l'apprécier, il vaut mieux éviter de la comparer avec les films auxquels elle rend hommage, inégalables à mes yeux. Après cette séance, j'ai d'ailleurs toujours l'envie de les (re)voir tous !

Chaplin
Film américano-britannique de Richard Attenborough (1992)

Charlot est fédérateur: ce biopic a aussi su réunir des producteurs français, italiens et japonais. C'est, ma foi, une belle réussite ! Académique, comme on dit de nos jours, mais humble, très digne d'intérêt et relativement exhaustive sur son sujet, me semble-t-il. Maintenant, si vous préférez La ruée vers l'or, Les temps modernes ou Le dictateur, ce n'est assurément pas moi qui vous le reprocherai.

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Eux ne sont pas passés à côté du film...

Lui (de "L'oeil sur l'écran") indique même l'avoir plutôt apprécié. Quant à Ideyvonne, fidèle à elle-même, elle en montre plein d'images.