lundi 24 décembre 2018

Fin de millésime

Chères lectrices, chers lecteurs, je suis venu vous dire "au revoir". Vous lisez ma dernière chronique de l'année. Les fêtes me conduisent à une pause de deux - petites ! - semaines sur Mille et une bobines...

La réalité a rejoint la fiction: comme l'avait fait Nino Castelnuovo dans Les parapluies de Cherbourg, j'ai pris le train et je suis parti. Pas de guerre, cela dit, et pas de Catherine Deneuve à quitter... ouf ! J'espère bien que nous n'avons pas fini d'échanger, vous et moi. L'habitude que j'ai de cette trêve fait que je sais que je reprendrai avec "mes" derniers films de 2018 et que l'énoncé de mes préférences millésimées devrait vite suivre (après quelques ultimes réflexions). Avant mon retour sur les ondes, je vous souhaite un très joyeux Noël et un gros stock de bons moments jusqu'aux premiers jours de 2019. Logiquement, je vous retrouve aux alentours du 5 janvier. À bientôt !

vendredi 21 décembre 2018

Mieux qu'une vengeance

Question: le nom de Wyatt Earp vous dit-il quelque chose ? Ex-truand devenu shérif, cet homme est l'une des grandes légendes de l'Ouest américain. Rien qu'au cinéma, sa vie a inspiré une quinzaine de films. Aujourd'hui, je vais vous parler de l'un des plus anciens: La poursuite infernale. Je le dis sans délai: ce western classique m'a beaucoup plu.

Son tout premier atout ? Le grand Henry Fonda dans le rôle principal. L'acteur, dont la carrière avait démarré onze ans plus tôt, effectuait son retour sur les écrans (après quelques années sous les drapeaux). En cette année 1946, il jouait ici l'un de ces personnages archétypaux qu'il affectionnait tant: un simple éleveur de chevaux, à la recherche d'une bonne terre où installer ses bêtes, et dont le jeune frère est tué lors du vol du troupeau, de nuit, par une bande de mauvais garçons. Rien de follement original, dites-vous ? C'est vrai: vous avez raison. Je persiste et signe donc: la banalité apparente de cet argument dramatique n'empêche pas La poursuite infernale d'être un bon film !

Mine de rien, le scénario est d'une densité tout à fait remarquable. On peut croire avoir affaire à une énième histoire de cow-boy assoiffé de vengeance, mais il est alors notable que le long-métrage prend le temps d'installer de beaux personnages secondaires, masculins évidemment, mais aussi - et c'est un bonheur ! - féminins. Loin d'être reléguées au rang de potiches, les femmes ont ici la part belle. Certes, elles ne sont peut-être pas encore tout à fait les égales de ces messieurs, mais c'est bel et bien grâce à elles que l'intrigue rebondit plusieurs fois. La poursuite infernale leur doit beaucoup ! Linda Darnell et Cathy Downs jouent, en outre, admirablement bien...

Une surprise: le film tel qu'on le découvre aujourd'hui n'est pas celui que son génial réalisateur, John Ford, avait tourné de prime abord. D'après ce que j'ai lu, il lui manque en effet une vingtaine de minutes au moins, du fait des coupes au montage imposées par la production. Malgré cela, le long-métrage témoigne d'une impeccable maîtrise formelle et offre dès lors au regard quelques plans de toute beauté. Jamais le noir et blanc ne m'a dérangé: c'est même tout le contraire. La poursuite infernale brille de ce classicisme et, sans difficulté aucune, va donc inscrire son nom dans mon panthéon des westerns. Peu importe les grosses libertés qu'il prend avec les faits historiques !

Je ne m'autorise évidemment pas à vous parler de la fin ! J'espère que cette modeste chronique vous aura donné envie de la découvrir par vous-mêmes. Un détail amusant: John Ford, qui reste le cinéaste américain le plus oscarisé, aujourd'hui encore, ne fut récompensé pour ce film "que" du Ruban d'argent, une distinction honorifique remise (jusqu'en 2006) par un syndicat de journalistes... italiens. Derrière un titre français à la gomme se cache un petit chef d'oeuvre. Je trouve logique qu'il soit précieusement conservé à la bibliothèque du Congrès américain: c'est avec noblesse que La poursuite infernale nous dit quelque chose de l'Amérique éternelle. Je n'en suis pas lassé !

La poursuite infernale
Film américain de John Ford (1946)

Après L'homme qui tua Liberty Valance à la toute fin de novembre et La prisonnière du désert l'année dernière, j'ai presque "enchaîné" trois John Ford majeurs. Ma préférence ira sans doute à celui d'aujourd'hui, que je qualifierais bien volontiers de modèle du genre. Quant à Henry Fonda, vous pourrez aussi l'aimer en Abraham Lincoln dans Vers sa destinée. Il reste lui aussi une incontournable référence.

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Une petite précision...
En VO, ce beau western a un joli titre: My darling Clementine. Maintenant, vous expliquer pourquoi serait un peu trahir son secret...

À tout seigneur tout honneur...
Le film fait l'objet d'une chronique enthousiaste de "L'oeil sur l'écran". Je note qu'il est aussi cité chez Ideyvonne, Strum, Eeguab et Vincent !

jeudi 20 décembre 2018

Rien de sérieux

Je n'ai guère d'appétit pour les films à sketchs. C'est lors d'un dîner chez un ami que j'ai découvert l'étonnant Hamburger film sandwich. Cet OVNI de cinéma consiste en un enchaînement de séquences improbables: parodies de films ou d'émissions télé, reportages bidons, fausses pubs... oui, une heure vingt de grand n'importe quoi !

Vous connaissez la série des Y a-t-il un flic... ? Ou les Hot shots ? Mon film d'aujourd'hui arrive avant ces autres opus dans la carrière commune de ZAZ, un collectif des frères David et Jerry Zucker, réunis avec leur comparse Jim Abrahams. Pour donner vie à son scénario tout à fait fantasque, le trio s'est adjoint les services d'un réalisateur encore assez peu expérimenté: le bientôt mythique John Landis. Excellent choix: avec 650.000 dollars de budget initial, le cinéaste bricole un film qui rapportera presque vingt millions de recettes ! Quarante ans plus tard, on peut encore rigoler si on accepte le jeu. L'ensemble est inégal, c'est vrai, mais ça passe. Sérieux, s'abstenir...

D'autres avant moi ont déjà souligné que cet ensemble hétéroclite avait probablement influencé bon nombre des petits comiques arrivés ensuite sous les feux de la rampe, à l'image des Nuls ou des Inconnus. Hamburger film sandwich est sans aucun doute le fruit d'une époque décomplexée et c'est très probablement ce qui le rend intéressant. Sans porter trop d'attention au bon goût, il recrée un univers geek dépourvu de barrières morales et, de fait, étrangement familier. J'imagine d'ailleurs qu'on peut l'observer comme le portrait déformé de l'Amérique de la fin des années 70, tout en admettant toutefois que la caricature, soft, est accessible à (presque) tous les publics. J'espère qu'elle pourra vous plaire, donc. "On a pissé dans le popcorn que vous avez mangé. Le film à 23 heures". Bon, vous voyez le truc...

Hamburger film sandwich
Film américain de John Landis (1977)

Ce machin est fait pour vous si vous avez envie de croiser un gorille en colère, un Bruce Lee de pacotille ou des femmes à la poitrine XXL en pleine partie de jambes en l'air sous la douche. À vous de juger. Vous aimez les films à sketchs ? J'en ai tout de même référencé quelques autres: Groom service, Les infidèles et Le sens de la vie. Autant le dire aussi: je reste intéressé par vos possibles suggestions !

mercredi 19 décembre 2018

Tourner la page

Du cinéma iranien, je ne connais encore qu’une poignée de films. J'imagine qu'à Téhéran, les réalisateurs sont moins libres qu’à Paris. Néanmoins, Asghar Farhadi n'était pas menacé de mort et/ou en exil quand il a choisi de tourner Le passé chez nous. En fait, ses oeuvres précédentes avaient toutes reçu un accueil favorable dans son pays...

Ahmad revient en France après quatre ans d'absence. Marie est venue l'accueillir à l'aéroport, mais leur couple a vécu: la jeune femme demande à ce que les papiers de leur divorce soient enfin signés ! Paradoxalement, elle n'a pas réservé de chambre d'hôtel pour son ex. Celui-ci retrouve donc son ancien foyer, découvre les changements survenus dans cette vie qu'il a laissée de côté et s'efforce de faire enfin ce qu'on attend de lui, sans cri, pleur ou délai supplémentaire. Vous l'aurez compris: Le passé n'est pas franchement une comédie. Cela dit, le scénario est astucieux: là où d'autres auraient construit leur film autour de flashbacks successifs, Asghar Farhadi fait le choix de raconter cette histoire au présent, nous laissant seuls imaginer comment les personnages en sont arrivés là et ce qui va se passer ensuite. Ce faisant, il parvient à faire monter un vrai suspense ! Autant dire que la tonalité générale du film est aussi assez glauque...

Ce qui pourrait s'apparenter à un drame va bientôt relever du thriller. Le récit navigue ainsi d'une révélation à l'autre et il y en a beaucoup. D'aucuns ont d'ailleurs reproché au film de se livrer à une surenchère d'éléments dramatiques, au point que les situations qu'il expose deviennent invraisemblables. Quant à moi, je suis plutôt de l'avis contraire: tout cela m'a paru crédible (si ce n'est à 100% réaliste). Inspirés, les acteurs nous emmènent avec eux et je dis avec plaisir que Bérénice Béjo n'a en rien volé son Prix d'interprétation cannois. J'ajoute que, du côté masculin, le tandem Ali Mossafa / Tahar Rahim m'a pleinement convaincu, de même que les deux comédiens enfants. Une mention spéciale aussi pour Pauline Burlet, excellente en ado prise au piège de ses émotions contradictoires. Seul véritable bémol apporté à mon enthousiasme: vers la fin, les zones d'ombre du film s'atténuent et, à mon sens, Le passé se fait un peu trop explicatif. Franchement, je crois que j'aurais apprécié que certaines questions restent sans réponse. Pas convaincu que tout soit résolu pour autant !

Le passé
Film français d'Asghar Farhadi (2013)

Un long-métrage un tantinet trop maîtrisé, mais qui serre le coeur. Soyez prévenus: il n'offre que très peu de répit aux âmes sensibles. Globalement, il s'est avéré conforme aux attentes que j'avais placées en lui. Ma petite réserve finale le rapproche de Everybody knows. Quelques critiques jugent Asghar Farhadi plus à l'aise dans son pays et présentent Une séparation comme son meilleur opus. À (re)voir...

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Vous voulez lire d'autres avis ?

C'est facile: vous en trouverez sur les blogs de Pascale, Dasola et Lui.

mardi 18 décembre 2018

Une vie en voyages

J'allais écrire qu'il m'a fallu du temps pour entrer dans Train de vies. Et puis, tout à coup, je me suis rappelé de ce que Paul Vecchiali a dit lorsqu'il a répondu à l'invitation de notre association: ce sont les films qui entrent en nous (ou pas) - et c'est l'opinion d'un cinéphile avisé ! Maintenant, plutôt que d'en débattre, je vais vous parler de ce film...

Premier point: il gagne à être vu en diptyque avec Les 7 déserteurs. Paul Vecchiali a retenu les mêmes acteurs et explique qu'il a réalisé les deux longs-métrages en juste huit jours, par pur pragmatisme ! Faute de garanties météo suffisantes pour être sûr du bon déroulé complet de son tournage en extérieurs, il a profité d'avoir sa troupe sous la main pour faire coup double et s'offrir un autre opus, filmé dans le salon de sa villa, devenu pour l'occasion wagon ferroviaire. Autre différence notable entre les deux films: là où le premier offrait un temps de parole équivalent à chaque comédien, Train de vies marche dans les pas d'un seul personnage, joué par Astrid Adverbe. Rares (et courts) sont les passages joués sans elle: c'est son histoire que le film raconte, dressant ainsi, petit à petit, le portrait complexe d'une femme d'aujourd'hui, que les hommes attirent irrésistiblement. Au gré des changements de costumes, le temps passe. L'air de rien...

Je l'avoue: ce n'est que progressivement que j'ai compris le dispositif. Auparavant, je me suis laissé porter par l'idée que les saynètes concernaient des protagonistes toujours différents, même si incarnés par les mêmes acteurs. J'ai même trouvé cela étrangement fascinant. Finalement, ce n'est qu'assez tardivement que le film m'a touché. Comme souvent chez Paul Vecchiali, il me semble, Éros et Thanatos sont intimement liés, ce qui peut s'avérer assez plombant parfois. Pourtant, il y a également de très belles choses, dans Train de vies. Astrid Adverbe n'y est pas pour rien, bien sûr: son vieil ami cinéaste assume son caractère exigeant, salue volontiers le travail de chacun devant et derrière la caméra, mais dit devoir beaucoup à son actrice principale. Citons tout de même, au moins pour mémoire, les noms des huit autres: Marianne Basler, Brigitte Roüan et Simone Tassimot chez les dames, Pascal Cervo, Ugo Broussot, Jean-Philippe Puymartin, Bruno Davézé et... Paul Vecchiali lui-même chez les messieurs. Certains sont mieux connus que d'autres, mais la force est collective !

Train de vies ou les voyages d'Angélique
Film français de Paul Vecchiali (2018)
Plans quasi-fixes et longs dialogues: certains voient ce cinéma comme du théâtre filmé, ce que l'auteur réfute au simple motif que, précisément, tout est filmé - ce qui oriente évidemment le regard. Une heure vingt d'images plus tard, je suis sorti satisfait. L'expérience mérite d'être tentée, croyez-moi. Rappel: d'autres vies féminines sont racontées dans des films comme Plenty ou Respiro...

lundi 17 décembre 2018

La guerre en silence

Un avertissement: ma chronique d'aujourd'hui sera un peu différente des autres. Le dernier week-end de novembre, mon association a eu la chance de recevoir (pour la seconde fois) Paul Vecchiali, cinéaste français de 88 ans - et toujours actif, je précise ! Les 7 déserteurs est le premier des deux films qu'il a tournés à Pâques, cette année...

Comme son titre le suggère, le scénario tourne autour de personnes ayant fui la guerre, pour différentes raisons. Il est aussi le prétexte pour explorer un peu plus la nature de chacun et de rendre compte, tout au long du récit, de son rapport à la vie, à l'amour et à la mort. Seulement voilà... des dialogues, lors de la projection, nous n'avons entendu que les 24 premières minutes ! Gros moment de flottement quand, tout à coup, l'image a continué sans le son ! Après vérification rapide que cela ne correspondait pas à un choix de mise en scène audacieux, la lumière s'est rallumée. Les quelques essais techniques alors réalisés se sont avérés infructueux ! Mal partie, notre affaire...

Vous comprendrez que, du fait des circonstances, il m'est difficile d'évoquer Les 7 déserteurs comme je l'aurais fait d'un autre film, vu dans des conditions normales. Pourtant, je crois que cette séance restera longtemps dans ma mémoire: sans se départir d'un calme remarquable, Paul Vecchiali nous a en quelque sorte "sauvé la mise" en se proposant de reconstituer les dialogues sur les images muettes et de commenter ce qui, d'après lui, pouvait l'être. Quel aplomb ! Résultat: nous sommes tous (ou presque) restés dans nos fauteuils. Après cette incroyable projection, le réalisateur a encore consacré une petite heure à répondre à nos diverses remarques et questions. Résolument, il nous a donné envie de revoir - et de réentendre - comment il parle de la guerre, ce que j'espère pouvoir faire à l'avenir. Je ne pense pas pouvoir livrer un avis définitif, mais j'ai un a priori plutôt favorable. J'y reviendrai demain, pour vous parler également d'un second long-métrage de Paul Vecchiali. Wait and see... and hear.

Les 7 déserteurs ou la guerre en vrac
Film français de Paul Vecchiali (2018)

Comment puis-je noter un film dont on n'a entendu que le tout début ? J'agis purement au feeling, en mélangeant un peu mes impressions premières avec ce que j'ai ressenti lors de cette drôle d'expérience. Je vous rappelle qu'un autre film récent du cinéaste, Nuits blanches sur la jetée, est aussi sur le blog. Vous y retrouverez deux acteurs fidèles à Paul Vecchiali, Astrid Adverbe et Pascal Cervo. Et, demain...

samedi 15 décembre 2018

Doc, doc, doc...

Et hop, trois films plutôt qu'un ! Aujourd'hui, je veux vous dire un mot de trois longs-métrages vus à la bibliothèque dont je vous parle parfois. Trois documentaires français qui parlent chacun d'une forme d'engagement. C'est l'intérêt de les regrouper, comme ils l'ont été dans mon cas les 10, 17 et 24 novembre (mois du film documentaire).

Les pépites
Film de Xavier de Lauzanne (2016)

J'avais vaguement entendu parler de ce premier film, qui, il y a donc deux ans, avait attiré quelque 197.000 spectateurs dans les salles françaises. Sujet: un couple, Marie-France et Christian des Pallières. Pourquoi eux ? Parce qu'un beau jour, un peu par hasard, ces Français ont découvert une décharge à ciel ouvert au Cambodge, lieu de vie d'innombrables enfants et familles. Le choc les a poussés à travailler pour créer une structure d'enseignement et une sorte de cantine. L'idée a fait boule de neige et aujourd'hui, grâce à une association baptisée Pour un sourire d'enfant, des milliers de jeunes de tous âges vont à l'école ou apprennent un métier. Je ne vous raconterai pas tout en détails, mais je tiens à vous dire que le film est une vraie bouffée d'optimisme. Sans taire le pire, il nous montre avant tout le meilleur !

Vincennes, l'université perdue
Film de Virginie Linhart (2016)

Que reste-t-il de mai 68 ? Si la thématique a assurément fait couler beaucoup d'encre cette année, anniversaire oblige, il me semble bien n'avoir jamais entendu parler de cette fameuse "université perdue". Construite rapidement et ouverte dès janvier 1969, cette structure d'enseignement s'adressait à tous, bacheliers ou non, étudiants ordinaires ou personnes déjà entrées dans la vie professionnelle. L'utopie contagieuse de quelques-un(e)s lui aura permis de survivre jusqu'en 1980, date à laquelle son campus - à l'américaine - fut rasé en 48 heures seulement, accusé qu'il était alors de favoriser le trafic de drogue. Bref... là aussi, je vous passe les détails: j'ajoute juste que la réalisatrice est aussi la fille d'un ancien prof et que son film délivre un témoignage très intéressant sur cette belle expérience pédagogique alternative, imparfaite oui, mais trop vite interrompue. Aujourd'hui, le nom de Vincennes subsiste, mais fondu dans Paris VIII.

L'éveil de la permaculture
Film d'Adrien Bellay (2017)

Précision liminaire: je me définis souvent comme écolo-sceptique. Relativement conscient des enjeux environnementaux, j'ai tendance non pas à nier la réalité des phénomènes, mais plutôt à attendre d'être sûr de la réelle efficacité d'une action avant de m'y engager pleinement. Il n'en reste pas moins que j'ai trouvé très intéressant d'en apprendre davantage sur cette nouvelle méthode de conception d'habitats et d'exploitations agricoles. Et bingo ! J'ai le sentiment d'avoir appris (et sans doute mieux compris) beaucoup de choses. Sincèrement, je trouve tout à fait pertinente et juste la démarche consistant à réfléchir à la préservation des ressources naturelles. Bémol: j'ai regretté que le film parle d'un simple choix de vie à faire et ne dise rien de la manière d'intégrer ceux qui y seraient réticents. J'ai aussi trouvé qu'il abusait des jolies images, oubliant que la nature n'est pas toujours bienveillante. Chipotages ? Le débat reste ouvert...

Une mini-conclusion ?
Que du bon: j'ai apprécié la diversité des documentaires présentés par "ma" bibliothèque cette année. Je m'autorise donc à vous rappeler aussi que, l'an passé, j'avais pu découvrir deux films de Jean Rouch. Certains cinéphiles vous certifieront que les productions de ce type deviennent de plus en plus intéressantes dans les salles. Le confirmer m'est difficile, car j'en vois finalement trop peu pour être objectif. Maintenant, comme vous l'avez compris, je reste vraiment intéressé. Plus tôt cette année, Makala, venu d'Afrique, m'a fort impressionné. Du coup, d'autres "docs" seront probablement évoqués ici à l'avenir. Bien sûr, si vous en avez déjà à me conseiller, n'hésitez surtout pas ! Dans ce registre aussi, je reste curieux de vos éventuels bons plans...

jeudi 13 décembre 2018

Un coeur en cour

1862. Avec son fils dans les bagages, une jeune veuve britannique débarque au Royaume de Siam (la Thaïlande actuelle) dans l'objectif de donner des cours aux enfants du souverain, Rama IV Mongkut. Cette histoire vraie a été adaptée en comédie musicale à Broadway en 1951. Le cinéma s'en est emparé un peu plus de cinq ans plus tard.

Sur scène ou sur écran, Le roi et moi a connu un succès retentissant avec le même acteur: Yul Brynner. Quant à la toute première héroïne des planches, une dénommée Gertrude Lawrence, elle était décédée quand le septième art a pointé le bout de son nez. Son rôle est passé entre les mains de la belle Deborah Kerr - qui, elle aussi, avait quitté son pays natal (l'Écosse) pour faire carrière. Bref... il serait honnête qu'à ce stade, je vous prévienne que le film accuse le poids des ans. Voilà, c'est fait. Hop hop hop ! Attendez ! je veux ajouter au passage que, derrière sa patine ancienne, ce long-métrage garde du charme. Vu qu'il est coloré et sucré, je l'ai trouvé bien réussi. Dans son genre !

Si vous n'aimez pas la guimauve, vous pouvez sans doute y renoncer sans état d'âme. Toujours là ? Parfait. J'en profite donc pour préciser que Le roi et moi a évidemment gardé quelque chose de ses origines scéniques: on y retrouve plusieurs scènes chantées et/ou dansées. Véritable clou du spectacle: l'une des chorégraphies dure une dizaine de minutes... et, à vrai dire, c'est un pur ravissement pour les yeux. Autre point intéressant: la fin, que j'ai trouvée assez surprenante. Pour l'anecdote, le film fut un temps interdit en Thaïlande, accusé qu'il était de révisionnisme historique à l'égard de Rama IV Mongkut. Aujourd'hui et surtout vu d'Europe, ce prétendu crime de lèse-majesté apparaît dérisoire: en tout cas, je doute fort qu'il vous préoccupe. J'imagine qu'on peut juste considérer qu'il y prescription, désormais...

Le roi et moi
Film américain de Walter Lang (1956)

Le pari vintage est gagné: ce long-métrage m'a plu, dans l'ensemble. Si son scénario vous parle, c'est peut-être parce que vous avez eu l'opportunité de voir... le remake: Anna et le roi, sorti en salles courant 1999 et déjà chroniqué sur Mille et une bobines, en mars dernier ! Je n'ai guère trouvé d'autre film comparable pour le côté "exotique". Du coup, si vous avez des idées, je suis à votre écoute...

mercredi 12 décembre 2018

Un flingue, mais...

Est-ce le film le plus idiot de Clint Eastwood ? Lorsque je cherchais des images pour cette chronique, je suis tombé sur cette question. Ma réponse n'en est pas une. Il est certain que L'épreuve de force n'est sûrement pas son oeuvre la plus subtile. Elle m'a intéressé malgré cela. Comme le révélateur d'une certaine époque, si j'ose dire.

Foncièrement conservateur, Eastwood nous propose ici un personnage de flic assez "brut de décoffrage", qu'on aurait vite fait de classer dans la droite ligne de son prédécesseur, le fameux Harry Callahan. Quelque peu en délicatesse avec sa hiérarchie, lui aussi, Ben Stockley porte le même type de costumes et possède le même type de flingue. Quand il doit quitter l'Arizona pour convoyer un prisonnier, il trouve pénible qu'il s'agisse en fait d'une femme. Et jugeant qu'elle regimbe en criant à l'injustice, il la gifle aussitôt pour lui apprendre le respect. Oui, mais... cette fois, la dame a raison (au début, en tout cas). Déniaisé, si j'ose dire, Clint aura alors une autre vision de son devoir. L'occasion de retrouver certains de ses autres thèmes habituels, tels que la corruption des élites et la primauté de l'individu sur le groupe. Propagande ? Je ne crois pas. Mais opinions tranchées, ça, d'accord...

Malgré l'outrance des situations, je dirais bien que l'acteur-réalisateur construit un peu de sa légende avec ce film, mais aussi qu'il donne une pertinence tout à fait équivalente au (seul) personnage féminin. Dans le rôle, on retrouve Sondra Locke, sa compagne du moment. L'épreuve de force apparaîtrait presque comme un film de couple. L'ironie étant qu'à la ville, le duo ne partageait pas du tout les idéaux de ses doubles fictifs. On s'en moque, en fait ? Oui, probablement. Apprécié "dans son jus", le long-métrage est une sorte d'archétype parfait d'un certain cinéma américain, à l'opposé de la contre-culture promue dès la fin des années 60. Ce côté énôôôrme me plaît, de fait. Rien ne parvient à arrêter le héros solitaire, même lorsqu'il s'acoquine avec la première meuf venue et, ouais, c'est comme cela qu'on l'aime. Ou qu'on aime le détester, parce qu'on a le choix, bien évidemment ! En l'espèce, il me semble qu'il est bien difficile de rester indifférent...

L'épreuve de force
Film américain de Clint Eastwood (1977)

Bourrin un jour, bourrin toujours, ce cher Clint ? Oui, mais pas que. Isolément, cet opus apparaît un peu bas de plafond, mais j'affirme qu'il garde de vraies qualités (dans son genre, bien entendu). (Re)voir ensuite Un shérif à New York ou L'inspecteur Harry doit permettre une juste comparaison. Eastwood est toujours flic dans Un monde parfait, mais encore autrement. Rappel: il n'a jamais été scénariste !

lundi 10 décembre 2018

Lapin crétin ?

Y a-t-il une fin à la liste des choses qui me font aimer le cinéma ? Très honnêtement, je n'en suis pas sûr. Je suis à peu près certain cependant qu'en accompagnant un bout de notre chemin, les films s'attachent à nous, certains préservant une part de notre enfance. Ainsi de mes rares souvenirs de Qui veut la peau de Roger Rabbit...

Trente ans après, j'ai pu revoir en salles ce pop corn movie sympa. L'histoire est assez ordinaire pour le cinéma américain: un détective privé est mis sur la piste d'une femme fatale (et peut-être adultère). Rapidement, il se retrouve à enquêter sur une série de meurtres sordides, ce qui lui remémore l'assassinat de son frère... et associé. L'originalité du truc, c'est que le Los Angeles ici reconstitué est peuplé d'hommes et de femmes "ordinaires", mais aussi de toons, créatures de dessins animés plus ou moins fofolles. Et voilà notre détective sommé d'enquêter sur la possible culpabilité d'un lapin aussi fantasque qu'insupportable, conçu pour faire rire et donc tout à fait incapable d'être raisonnable pour essayer de prouver son innocence. L'histoire devient celle d'un duo désassorti. Un autre archétype du cinéma US...

Je me souviens qu'à l'époque, j'étais resté fasciné en entendant dire que l'insertion d'animés dans un film sur pellicule avait demandé un an de travail à cent techniciens. Oui, c'est un fait: cela m'impressionne moins aujourd'hui, mais j'ai quand même ressenti beaucoup de plaisir lors de mes retrouvailles avec Qui veut la peau de Roger Rabbit. Naturellement, comme le second photogramme vous le montre, il y a un méchant dans ce récit, mais bien sûr, je n'en dirai pas davantage. Simplement que les deux acteurs principaux, j'ai nommé Bob Hoskins et Christopher Lloyd, semblent s'amuser beaucoup - un bonheur de jeu que je trouve largement communicatif, pour qui s'y laisse prendre. Voir (ou revoir) le film à plusieurs me semble apporter un gros plus. Trente ans vont-ils passer avant ma troisième fois ? Ce serait rigolo !

Qui veut la peau de Roger Rabbit
Film américain de Robert Zemeckis (1988)

Vous voulez que je vous dise ? Mon plaisir n'est même pas coupable. J'assume très bien d'apprécier ce type de films de divertissement pur. Robert Zemeckis en a réalisé d'autres, des  "classiques": mon index des réalisateurs vous aidera à en retrouver quelques-uns. Le mélange images réelles / animation vous intéresse ? Je vous conseille dès lors de donner sa chance à un autre film, certes moins drôle: Le congrès !

samedi 8 décembre 2018

Une grâce très cruelle

Et revoilà Joss ! Mon amie souhaite aujourd'hui vous parler d'un film que je n'ai pas encore vu. Coup de bol: je trouve ce choix excellent ! Sans attendre davantage, je lui cède donc la place: Joss, c'est à toi...

Tout a sûrement été dit sur Les noces rebelles (Revolutionary Road en VO), un film décortiqué, débattu, critiqué et vivement encensé. Mais ne pourrait-on dire qu'il fait partie de ces imperfectibles, tout simplement parce qu'il approche la force du sublime ? C'est un choc. Humainement, intellectuellement, esthétiquement parlant. Et l'on peut ne pas avoir toujours l'humeur de le revoir facilement pour son histoire si douloureuse, mais à chaque fois, immanquablement, on y découvrira des détails dont on se demande comment on a pu passer à côté, la fois précédente.

Le scénario de Justin Haythe fut tiré de l'excellent roman de Richard Yates, publié en France sous le titre La fenêtre panoramique, vivement critiqué aux États-Unis pour sa remise en question de la nature du mariage. Beaucoup de personnes avaient alors considéré ce livre comme un pamphlet contre la banlieue, alors que l'auteur le voulait comme une charge contre la soif générale de conformisme et la quête de sécurité à tout prix: "Je voulais suggérer que la route de la Révolution de 1776 était devenue, dans les années cinquante, quelque chose qui ressemblait beaucoup à une impasse".

Personnellement, le titre du livre me plaisait beaucoup. Non pas que Les noces rebelles ne m'évoquent rien, mais j'appréciais ce titre de roman si paradoxal au regard du contenu. Et puis, après tout, celui de ces Noces rebelles marque peut-être mieux les retrouvailles entre Leonardo DiCaprio et Kate Winslet, onze ans après Titanic de James Cameron. On y revoit aussi l'actrice Kathy Bates, ex-Molly Brown dans Titanic (la bourgeoise parvenue, embarquée à Cherbourg, qui prend la défense de Jack devant l'aristocratie à laquelle elle n'appartient pas elle-même) et ici dans le rôle de Helen Givings, l'agente immobilière.

Autre élément particulier (d'influence ?): ce film américano-britannique est le premier de Kate Winslet dans lequel elle est dirigée par son mari d'alors, Sam Mendes, qui réalise son quatrième film, après l'oscarisé American beauty, le film de gangsters Les sentiers de la perdition et le film de guerre Jarhead: La fin de l'innocence. Étude de mœurs à la fois liée à son temps et également intemporelle en ce qui concerne l'humain, ce nouveau film est une véritable consécration de talents, de celles que l'on n'oublie jamais.

--- Synopsis ---
Dans l'Amérique des années cinquante, April (qui suit des études de comédienne) et Frank (qui collectionne les petits boulots, notamment le dernier dans une compagnie d'assurance) font connaissance l'un de l'autre, séduits par leur anti-conformisme respectif, leur ambition de légèreté et de grandeur. Et c'est sur ces idéaux élevés qu'ils vont s'épouser et fonder une famille avec deux enfants, qu'ils installent bientôt justement sur Revolutionary Road ! Inertie du lotissement, nécessité de partir travailler même sans enthousiasme pour Frank qui se noie le matin dans un flot de costumes gris, et qui cache comme il peut son manque de confiance en lui derrière une grande désinvolture. Tandis qu'April (qui a vécu son insuccès au théâtre) se morfondra toute la journée. Tout va les conduire à devenir ce qu'ils ne voulaient pas être, jusqu'à ce qu'April lance un projet d'installation à Paris. Frank se laisse convaincre, suscitant parmi ses collègues comme parmi leurs voisins une vague de jalousie dont on perçoit la toxicité dans un malaise palpable. Mais bientôt, une promotion inattendue dans le travail de Frank marquera le point de départ d'une chute vertigineuse…

Si, dans Titanic, les deux héros étaient bien à leur place, il en va de même pour Les noces rebelles. Les deux gardent sur eux et en eux la marque d'une jeunesse pleine d'illusions auxquelles rien en réalité ne pourrait nous empêcher de croire. Il y a de la folie, mais encore plus celle de la refuser. Et pourtant, à des indices uniquement induits par la mise en scène, à quelques silences ou accords (musique originale de Thomas Newman, habitué de tous les films de Sam Mendes), la tragédie va monter en puissance. Accablante.

Plus encore que DiCaprio qui joue sur des cordes plus accessibles (cette fameuse désinvolture qui le fait s’agiter et palabrer, son manque de détermination…), Kate Winslet se révèle une fois encore extraordinairement complexe et authentique. Encore plus vraie que dans toute autre prestation. Que de sincérité dans ses regards et le moindre de ses gestes ! Bien sûr, Leonardo s'y montre très bon, mais comme toujours aussi bon dans les rôles qui l'apparentent à un homme très jeune, voire à un jeune homme immature, déconnecté de la réalité. Aucun mystère de son côté.

Dans cet opus de Sam Mendes, sous un premier aspect très classique de l'histoire de couple, on va éviter tous les écueils, poncifs ou pathos. La photographie de la rencontre nous emmène pourtant dans une valse. Non, c'est un slow, mais l'image de la valse est bien plus approprié, vous m'aviez comprise ! Rien ne manque, du romantisme, de l'harmonie, de l'esthétique (tons mordorés, halos avantageux, lumières de fête sophistiquées, comme dans un rêve auquel nous aspirons tous ou presque, pour l'avoir vécu ou fantasmé). Et bien que l'on en recueille la sensation physique de l'émotion du détail, la scène n'est pas si longue. Et nous voilà si vite projetés dans la vie déjà très installée de ce couple en grande souffrance ! Bref, quel talent, quelle perspicacité dans le scénario et la mise en scène pour nous faire ressentir que le film n'est pas là où on nous l'a fait croire quelques dizaines de secondes auparavant !

Nous les retrouvons sept ans plus tard et parents de deux enfants. Et maintenant, nous sommes au fait de leurs tempéraments respectifs. Elle qui se sent diminuée et préfère le retrait, le silence, lui qui culpabilise et démarre au quart de tour, levant la voix et de mauvaise foi parce qu'il ne sait comment faire autrement pour s'affirmer, donner le change à un esprit faible, plein d'illusions qu'il ne mettra d'ailleurs jamais en œuvre, ne serait-ce que dans une simple décision. Tout y est juste. Pendant la première partie du film, on ne peut s'empêcher d'entretenir quelques espoirs, sous une forme ou une autre, mais très vite, l'on intègre que l'on n'en sortira pas indemnes. L'aspiration à l'anticonformisme du couple ne pourra résister. Comme dans des sables mouvants dont nous extirperait temporairement un petit mouvement de jambe, nous nous enliserons fermement comme les deux personnages. Le tour de force est magistral. A force d'empathie, nous risquerions fort de couler avec eux. Et ça, nous le sentirons très vite.

La peinture, moins focalisée, mais tout aussi insidieuse et forte, des couples environnants (les voisins et celui de l'agente immobilière) finira de dresser le panorama complet. On y découvrira le fils du couple Givings (avec un patronyme tombé du ciel, puisqu'il s’agit quand même de ceux qui apportent… la maison !), un Michael Shannon absolument génial dans son rôle de dépressif violent (qui aurait d'ailleurs mérité l'Oscar du meilleur second rôle. Toute la vérité sortira de lui, mais comme le personnage est définitivement catalogué au rang des faibles d'esprit, on pourra encore un moment essayer de ne pas le croire (tout comme les héros qui tenteront d'y résister). Médiocrité, lâcheté, hypocrisie, tout y est. Sauf dans le personnage d'April, admirable. En parallèle à l'adultère de Frank, il y a par exemple celui d'April, en rien comparable. Alors que Frank joue un rôle devant sa conquête Maureen (remarquable dans sa naïveté et ses prétentions), jouant avant tout avec lui-même, l’adultère d'April est presque une conclusion affichée.

Quand elle se lève pour aller danser avec son voisin, après un concours de circonstances que ni l'un ni l'autre n'ont d’ailleurs provoqué, c'est un "On y va" résolu et ferme, la matérialisation de son constat personnel, terrible. On comprend à quel point elle est déterminée (avec elle, pourrait-on s’attendre à du tiède ?). Ce moment de danse (encore un !) est d'une sensualité foudroyante. Quand elle se trouve seule aux commandes, April réussit forcément à donner le meilleur. On ne peut d'ailleurs que regretter son manque de chance ou de nez pour avoir accepté cette pièce de théâtre caricaturale où elle était bien la seule à briller (dixit son propre mari), au milieu d'une brochette de comédiens gris et très vieillissants. Mais cela appartient au passé ! Je vous l'ai déjà dit, et au risque de me répéter, on est maintenant possédé par le devenir de ce couple, quitte à ressasser des regrets ou des remords comme s’il s'agissait de notre propre existence. C'est fort quand même !

Essayant de ne pas trop détailler la fin du film (bien que très peu d'entre vous ne l'auront pas déjà vu), je soulignerais simplement la maestria du rythme qui retombe. Comme un projecteur sur tous les personnages restants, on visualisera les différents tableaux d'un quotidien… tranquille ! Terrifiant. Bouleversant. Inoubliable. J'en ai froid dans le dos !

--- Distribution ---
• Kate Winslet : April Wheeler
• Leonardo DiCaprio : Frank Wheeler
• Dylan Baker : Jack Ordway
• Kathy Bates : Madame Givings
• Richard Easton : Monsieur Givings
• Kathryn Hahn : Milly Campbell
• Zoe Kazan : Maureen Grube
• Dylan Baker : Jack Ordway
• David Harbour : Shep Campbell

--- Récompense ---
Golden Globe 2009 de la meilleure actrice pour Kate Winslet

--- Nominations ---
Oscars 2009 :
Meilleur acteur second rôle pour Michael Shannon
Meilleure direction artistique
Meilleure création de costumes

Golden Globe Awards 2009 :
Meilleur film dramatique
Meilleur réalisateur
Meilleur acteur dans un film dramatique pour Leonardo DiCaprio

British Academy Film Awards (BAFTA) 2009 :
Meilleure actrice dans un rôle principal pour Kate Winslet
Meilleur scénario adapté

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Encore une sacrée chronique de Joss, pas vrai ? Pour l'heure, j'ignore tout de ce qu'elle nous réserve pour la prochaine. Soyons patients ! Jusqu'à présent, nous avons apprécié de bien beaux films. À suivre...

vendredi 7 décembre 2018

En retenue

J'avais dix ans quand Breakfast Club est sorti sur les écrans français. Trop jeune pour le voir à l'époque, je l'ai rattrapé tout récemment et... je me suis senti trop vieux pour l'apprécier à sa juste valeur. Pourquoi ? Parce que c'est un film générationnel, à l'attention de ceux qui étaient ados au milieu des années 80. Comme ses protagonistes !

Andrew, Claire, John, Brian et Allison sont retenus dans leur lycée toute une journée de samedi. La voix off de l'un d'eux nous suggère qu'ils ont fait une bêtise, sans entrer dans les détails de cette faute. Bref... ceux que les autorités scolaires présentent comme un athlète, une fille à papa, un délinquant, un surdoué et... une détraquée purgent une colle, ce qui est censé les obliger à plancher sur un sujet de dissertation d'une ironie sans pareille: "Qui pensez-vous être ?". Comme de bien entendu, ce n'est pas ce qui va se passer réellement. D'abord purs antagonistes, les jeunes finissent par sympathiser. Profitant d'une surveillance quelque peu relâchée, ils se rapprochent. Parler de leurs vies respectives leur permet de se rendre compte qu'elles sont plutôt similaires les unes aux autres. Sacrée révélation...

J'ai l'air de me moquer, mais ce n'est pas le cas. Pas tout à fait. Franchement, je suis disposé à croire et, mieux, je peux comprendre que Breakfast Club ait marqué les esprits en son temps. Son côté très américain dans les valeurs ne l'empêche pas de toucher juste quand il témoigne de la difficulté d'entrer dans le monde des adultes. Me serais-je fourvoyé ? Je pensais plutôt découvrir... une comédie. Or, je n'ai rien vu qui puisse être considéré comme réellement drôle. Rassurez-vous: le film n'est assurément pas plombant, mais le ton général est loin d'être aussi potache que je ne me l'étais imaginé. Peut-être qu'il m'aurait plus "parlé" si je l'avais pris par le bon bout. Je ne jetterai pas le bébé avec l'eau du bain: les cinq jeunes acteurs font le job et jouent leurs personnages archétypaux sans commettre de fausse note. Les imaginer aujourd'hui quinquagénaires m'amuse. Ouaip ! Ils sont parvenus à me la rendre sympathique, leur histoire...

Breakfast Club
Film américain de John Hughes (1985)

Un film titré La colle est sorti récemment en France, mais je doute qu'il vaille davantage le détour que celui que j'ai présenté aujourd'hui. Vous l'aurez compris: cet opus m'a un peu déçu et, du même auteur, je continuerai donc de préférer La folle journée de Ferris Bueller ! Rien n'égale la trilogie Retour vers le futur au rayon "films d'ados". Après, il n'est pas interdit de chanter: Don't you... forget about me...

jeudi 6 décembre 2018

Chronique de la rue

Les qualités du cinéma social britannique ne sont plus à démontrer. Argument marketing assez discutable: l'affiche (française) de Hector place Jake Gavin, son réalisateur, dans la lignée du grand Ken Loach. C'est vrai qu'il n'y a pas énormément de cinéastes pour s'intéresser d'aussi près - et en évitant tout misérabilisme - au sort des sans-abri.

Jake Gavin, lui, n'hésite pas à relever ce pari difficile. Je tiens à dire qu'il peut s'appuyer sur un acteur formidable: Peter Mullan. Méconnu en France malgré une carrière débutée en 1990, le comédien endosse le rôle-titre avec aisance, tout en faisant preuve d'une humilité remarquable. On sent qu'il aime son personnage, tout simplement. Impossible dès lors de ne pas être touché par cet homme de la rue que l'on aurait aussi bien pu croiser dans notre environnement, assis au pied d'un immeuble ou dans une rame de métro. Digne, le scénario prend tout son temps pour nous le présenter et pour nous expliquer comment il a dû faire sienne cette existence, que l'on dit "précaire"...

Oui, avant d'exposer les causes, Hector nous parle des conséquences. Un profond humanisme se dégage de la longue galerie de portraits que le film dessine. Car le protagoniste n'est pas seul ! Il s'est créé une seconde famille parmi les marginaux et les travailleurs sociaux. Quant à la première, la vraie, je crois mieux de vous laisser découvrir par vous-mêmes l'importance - décisive ? - que le récit lui accorde. J'insiste encore sur ce point déterminant à mes yeux: ici, le propos n'est jamais larmoyant. En réalité, il serait plutôt d'un réalisme cru. Peter Mullan a d'ailleurs expliqué qu'il avait lui-même été bénévole auprès de SDF... et sans-abri, à plusieurs reprises. Ce n'est pas tout ! Il a indiqué aussi que son héros était censé lutter contre une addiction à l'alcool, mais qu'il avait demandé à ce que cet élément scénaristique soit supprimé, pour ne pas en rajouter. Tout bien pesé, j'ai trouvé que l'histoire parvenait, malgré son âpreté, à être porteuse d'espoir. Ce type de cinéma a le mérite de nous ouvrir les yeux sur des réalités complexes. Je crois utile de lui octroyer, au moins, une petite place...

Hector
Film britannique de Jake Gavin (2015)

Je reviens sur la notion de dignité pour vous confirmer qu'elle reste d'après moi la toute première des qualités de ce beau long-métrage. Sur la grande pauvreté, je garde un souvenir fort de Louise Wimmer. D'autres vraiment marquants de Naked et Rosetta. Les conséquences du chômage, elles, font l'objet de films variés: Deux jours, une nuit, Le couperet, The company men, Retour chez ma mère. J'en passe !

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Si vous souhaitez prolonger le débat...

Il vous est offert de retrouver le film chez Pascale, Dasola et Eeguab.

mardi 4 décembre 2018

La fugitive

Un chiffre pour commencer: grâce à mon association, j'ai déjà pu voir des films de 38 (!) nationalités différentes. La dernière destination de notre cinéphilie ? Le Bhoutan, un petit pays d'Asie - de 38.000 km² et 760.000 habitants - qui promeut l'idée de bonheur intérieur brut. Soyez sans crainte: Dakini ne présente aucune théorie économique...

Je dirais même que le film commence de manière assez "classique" pour le public occidental. Dans un petit village de montagne, un trio d'agents de  police recherche une femme, suspectée de meurtre. L'opération est commandée à distance par un officier, lequel suggère à son adjoint d'éviter tout esclandre: s'il retrouve la fugitive, Kinley devra sympathiser avec elle, le temps de confirmer sa culpabilité. Surprise ! Croyez-le ou non: c'est très exactement ce qui arrive ! Après ces premières minutes, le film nous promène en terra incognita et nous égare un peu. Dakini émaille aussi son récit de références directes aux croyances bouddhistes. Ce n'est pas évident de suivre...

Ouais... l'actrice principale est très jolie, mais l'histoire est floue. Pourtant, assez curieusement, tout cela ne m'a pas réellement déplu. Réflexion faite, je me suis dit qu'être largué dans la culture d'un pays si lointain du nôtre n'a rien d'anormal ou d'indécent. J'ai attrapé au vol quelques impressions fugaces et cela a suffi à mon bonheur d'un soir. Pour vous intéresser au film, je veux également souligner que Dakini est l'oeuvre d'une femme - c'est même sa toute première réalisation. Très rares sont celles qui parviennent à exercer ce métier de cinéaste au Bhoutan: l'intéressée sort d'autant plus du lot qu'elle est également à l'origine de l'unique festival de son pays consacré au septième art. D'aucuns ajoutent qu'elle a le mérite de parler de ses compatriotes sans occulter la complexité d'une société engagée vers la modernité et, dans le même temps, respectueuse de ses traditions mystiques ancestrales. Peut-être que l'idée de la découvrir mieux vous séduira...

Dakini
Film bhoutanais de Dechen Roder (2018)

Je me résume: un long-métrage difficile à comprendre, mais agréable à voir. J'aime ainsi, de temps à autre, sortir des sentiers battus. Évidemment, pour en rester sur le bouddhisme, un film occidental comme Sept ans au Tibet est bien plus accessible... et j'aimerais revoir le Kundun de Martin Scorsese pour encore une autre regard. Envie de voir un autre conte venu d'Asie ? Je vous laisse tester L'arc !

lundi 3 décembre 2018

Vaudeville hôtelier

Je ne souhaite pas vous en dire trop long sur Tenue correcte exigée. Non que le film soit détestable, mais il faut bien reconnaître d'emblée qu'il ne m'a pas emballé. Une mini-chronique aurait donc pu suffire pour en faire le tour. Il est possible d'ailleurs que ce format resserré soit celui que j'adopte à l'avenir, les jours de trop petite inspiration...

Le gros de l'action se passe à huis clos, sous les dorures d'un palace parisien (le Royal Monceau soudain transformé en... Charles VII !). Pris par des péripéties que j'ai déjà oubliées, Jacques Gamblin, clochard de son état, y retrouve une femme qui est encore son épouse légitime, bien qu'il s'en soit en réalité séparé depuis plusieurs années. Commence alors une course à la signature des papiers pour un divorce effectif. C'est drôle ? Oui, un peu, mais certainement pas désopilant. Zabou Breitman fait ce qu'elle peut, d'accord. Cela s'avère insuffisant. Derrière, les personnages secondaires d'Elsa Zylberstein, Jean Yanne et Daniel Prévost essayent d'emballer l'affaire, mais ça ne décolle pas.

Gros souci de crédibilité, à vrai dire ! On voit passer un gouverneur américain drogué par erreur, un taxi agressif, des garçons d'hôtel ahuris... et on s'en fout un peu, parce que l'intrigue qui les réunit manque quand même franchement de consistance et que la forme théâtrale aurait sans doute largement suffi à raconter cette histoire. Désolé de le dire aussi net: la troupe ici rassemblée méritait mieux. Mention bien pour Zinédine Soualem, que j'étais content de revoir. Pour le reste, j'ai souri, d'accord, mais je n'ai rien vu de mémorable. Face à la médiocrité des comédies à la française, ça reste correct pour une soirée télé. Encore une fois, on peut aussi s'en dispenser...

Tenue correcte exigée
Film français de Philippe Lioret (1999)

Une comédie un peu balourde pour un auteur que je ne connaissais auparavant que pour des drames (cf. mon index des réalisateurs). L'ambiance palace vous attire ? Revoyez The Grand Budapest Hotel. À la rigueur, si vous insistez, il y aurait bien aussi Groom service. Enfin, pour tout dire, rien de franchement transcendant à l'horizon. Quitte à rester enfermé, Barton Fink serait de meilleure compagnie !