samedi 31 mai 2014

Femme fatale

Il paraîtrait que ce n'est pas sa couleur naturelle, mais la légende présente souvent Rita Hayworth comme la rousse la plus incendiaire du cinéma hollywoodien. Pas de bol: j'ai découvert celle qui fut aussi la femme d'Orson Welles dans un classique en noir et blanc, Gilda. L'anecdote prétend que le film connut un si grand succès à l'époque qu'on retint son titre pour baptiser... l'une des bombes atomiques testées par l'armée américaine sur l'atoll de Bikini, dans le Pacifique. Une copie aurait aussi été ensevelie dans les Andes pour la postérité.

Film en noir et blanc, Gilda est aussi un film noir, "tout court". L'histoire s'intéresse à un gonze ordinaire, Johnny Farrell, joueur professionnel fraîchement débarqué à Buenos Aires. Plutôt malmené par de drôles de types qu'il pourrait avoir blousés, notre homme sauve sa peau grâce à un dénommé Ballin Mundson, propriétaire de casino. Bientôt, il devient son associé et rencontre son épouse - vous aurez deviné son nom. Ce qui fonctionnait bien en duo connaît des ratés sous la forme du trio, surtout que la femme - fatale, bien sûr - ne fait rien pour dissiper l'ambiguïté qui vient d'apparaître. Le long-métrage connaît alors un développement inattendu. J'attendais quelque chose qui ressemble alors à un film sur la vie dissolue d'un joueur compulsif. J'ai fini par découvrir un triangle amoureux qui ne dit pas son nom...

Vous dire que j'ai trouvé ça génial serait mentir. Je confesse même une certaine déception, sans trop savoir pourquoi. J'ignore finalement ce que j'espérais au juste. Peu connaisseur du film noir, je me dis que je manque peut-être encore de références (et/ou d'habitudes ?) pour apprécier un scénario comme celui de Gilda à sa juste valeur. Objectivement, le film n'est pas dépourvu de qualités. Il propose d'assez belles images, déjà, et ce n'est pas rien. Le trio d'acteurs principal - Rita Hayworth, donc, Glenn Ford et George MacReady - joue plus que convenablement. Enfin, les nombreux dialogues s'avèrent tout ce qu'il y a de plus soigné: leurs auteurs ont fait preuve de subtilité, sans doute pour éviter les ciseaux de la censure puritaine. Je concevrais très bien que tout ça puisse vous contenter.

Gilda
Film américain de Charles Vidor (1946)

Je m'attendais à un classique de la trempe de Casablanca. Sorti seulement trois ans plus tard, Gilda n'a pas la même grandeur. Finalement, c'est peut-être injuste de le comparer à ce que beaucoup considèrent comme l'un des meilleurs films de tous les temps. Resterait alors à améliorer ma connaissance du genre "film noir". Pour cela, il est possible que je reparle bientôt de Rita Hayworth...

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Et d'ici là, je vous encourage à faire un tour chez les copains...

Vous verrez que "L'oeil sur l'écran" parle du film. "Ma bulle" aussi. 

vendredi 30 mai 2014

Gag ! deuxième...

Vous me pardonnerez la facilité de mon titre, d'accord ? Je manque d'inspiration au moment de parler de Faut s'faire la malle, un film dont je n'attendais pas grand-chose, mais quand même un peu mieux. C'est Gene Wilder, l'acteur américain blanc ci-dessous, qui m'a donné envie de le regarder. J'étais aussi curieux d'apprécier le talent derrière la caméra de Sidney Poitier, que je connaissais uniquement comme acteur (noir). Au final, plouf plouf... une certaine déception.

Faut s'faire la malle - Ou Stir crazy en version originale - raconte l'histoire de deux potes en route vers une autre vie. Skip Donahue exerce comme vigile dans un magasin et se rêve auteur de théâtre. Harry Monroe aime surtout draguer les filles et vient juste de perdre son job de majordome après qu'un peu de sa marijuana a servi d'épice au plat qu'il était supposé confectionner. Les gugusses filent donc vers l'Ouest des États-Unis, où ils imaginent la vie plus facile. Gag ! Accusés à tort d'un braquage de banque, ils passent au tribunal et sont condamnés à... 150 ans de réclusion criminelle. Je dois dire que c'est après que ça se gâte, pour eux comme pour le spectateur. Assez enlevé jusque là, le scénario patine et se répète un peu trop...

Sans trop en dire, j'ajouterai simplement qu'il est ensuite question d'évasion et de rodéo pénitentiaire. Comprendra qui verra. Personnellement, j'ai vite trouvé "too much" le jeu de Gene Wilder. Contagieux, ce cabotinage intensif affecte également Richard Pryor ! Bilan: on s'amuse un moment et, très vite, trop vite, on s'ennuie quelque peu. J'avais espéré un peu plus d'action, par le biais notamment d'une course-poursuite XXL entre les clowns sanctionnés pour rien, les vrais coupables croisés en chemin et une police dépassée par les événements. Faut s'faire la malle porte assez mal son titre français. Je suis peut-être passé à côté, en fait. Il est permis de croire que chacun n'a fait ici que ce qu'on attendait de lui.

Faut s'faire la malle
Film américain de Sidney Poitier (1980)

Ma note reste décente et reflète cette simple impression personnelle d'être resté en marge d'une comédie pas déplaisante en soi. Il faut bien dire aussi que j'attendais une histoire à la The Blues brothers. Avant de me croire naïf, notez que les deux films sont sortis en salles la même année: je préfère largement celui de John Landis, donc. Gene Wilder garde, lui, toute mon estime pour Frankenstein Junior.

mercredi 28 mai 2014

Gag !

Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ? n'aurait pas eu besoin de moi pour cartonner. Avec au total plus de cinq millions de tickets vendus après trois semaines d'exploitation, cette comédie avait déjà dépassé les sommets de 2013. Si j'y ai contribué, c'est en suivant les conseils de mon père. Je le cite: "Je n'avais plus autant ri depuis longtemps". Bon. Papa, lui, le sait déjà: je suis un tantinet moins enthousiaste.

Ce scénario qui attire les foules repose sur un argument comique rodé: les conséquences de l'opposition des prétendus contraires. Bourgeois de province, catholiques bon teint, Claude et Marie ont vu trois de leurs quatre filles grandir, quitter la grande maison familiale, trouver un emploi et se marier. C'est précisément du côté gendres que ça coince un peu: bien qu'ils soient tous français, l'un est juif, l'autre d'origine arabe et musulman, le troisième d'ascendance chinoise. Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ? Vous aurez compris avec le titre que Claude et Marie espéraient secrètement autre chose. Et voilà que leur cadette vient présenter Charles, son petit copain, bien sous tous rapports, mais aussi noir que sa famille ivoirienne ! S'ensuivent d'innombrables péripéties et mille gags d'une finesse variable, que chacun devrait évaluer à l'aune de sa propre tolérance. Si nos certitudes peuvent être titillées, c'est légèrement. Gentiment.

Les personnages de Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ? ne sont pas des méchants. Quand l'un d'eux tient des propos racistes, il le fait toujours en étant outrancier, gêné ou hésitant. Il suffit d'attendre quelque temps pour qu'un bémol survienne et que les communautés découvrent que leurs petits travers sont bien réels... et partagés. Finalement, est-ce que c'est drôle ? Oui, plutôt. Cela parvient parfaitement à tourner les préjugés raciaux dans une totale dérision et c'est un fait: quelques scènes m'ont vraiment bien fait marrer. Maintenant, à quoi cela sert-il ? À rien d'autre que rigoler, justement. Inutile d'espérer autre chose et notamment un quelconque impact politique: le message véhiculé par le scénario ne convaincra que ceux qui sont déjà convaincus, je pense. C'est pourquoi j'aurais aimé voir un peu moins de caricature et ressentir juste un peu plus d'émotion. N'allez pas vous priver d'une bonne occasion de rire pour ça, hein ?

Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ?
Film français de Philippe de Chauveron (2014)

Effet magique de la salle du cinéma: les rires que j'y ai entendus ont probablement influencé les miens. Si je l'avais découvert en solo depuis mon canapé, je crois que j'aurais trouvé le film juste sympa. Je lui mets donc une demi-étoile supplémentaire pour le plaisir collectif et les sourires entraperçus une fois la lumière rallumée. Maintenant, c'est sûr: je préfère Devine qui vient dîner ? Et de loin !

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Pour être tout à fait complet...

Je précise que le film fait également parler de lui sur "Callciné".

dimanche 25 mai 2014

La Palme pour Ceylan

Ami(e)s cinéphiles, vous devez le savoir: une nuit et un matin entier ont passé depuis la soirée de clôture du 67ème Festival de Cannes. Sans plus attendre, je tenais à vous proposer un compte-rendu personnel - la meilleure façon aussi d'oublier mon impatience d'aller voir quelques-uns des films, primés ou non, d'ailleurs. J'accueillerai volontiers vos remarques et possibles compléments en commentaires.

Vingt-et-un ans après avoir obtenu "sa" Palme d'or, la réalisatrice néo-zélandaise Jane Campion présidait le jury 2014. Ces neuf artistes ont attribué la récompense suprême à Sommeil d'hiver, du cinéaste turc Nuri Bilge Ceylan. Je reconnais que je n'avais cherché aucune info particulière sur ce long-métrage (3h16 !) avant hier soir. Il raconte l'histoire d'un ancien comédien, devenu tenancier d'hôtel, quelque part en Anatolie centrale. Avec lui, sa femme, qu'il n'aime plus vraiment, et sa soeur, fraîchement divorcée. Du vrai cinéma d'auteur, donc. Certains critiques ont évoqué une filiation artistique avec le Suédois Ingmar Bergman et le Russe Andreï Tarkovski. Pour moi, ce sera donc une totale plongée dans l'inconnu. Tardive, d'ailleurs, puisque Ceylan en est désormais à quatre prix cannois. Le film doit sortir le 13 août.

Une autre surprise est peut-être venue du Grand Prix: il a été attribué à l'Italienne Alice Rohrwacher, pour son film Les merveilles. L'argument glamour du long-métrage, c'est certainement la présence de Monica Bellucci dans la distribution. On va devoir attendre encore pour en savoir plus: la sortie du long-métrage n'est pas programmée avant... janvier 2015 ! Le scénario tournerait autour d'une famille d'apiculteurs, dont le quotidien est perturbé par un jeune délinquant arrivé dans le cadre d'un programme de réinsertion sociale. Il serait aussi question du tournage d'une émission de téléréalité. Présenté ainsi, ça m'attire peu, mais si ça nous amène du bon cinéma italien...

Spontanément, j'ai un intérêt plus net pour le travail du réalisateur britannique Mike Leigh. J'en parle ici parce que son Mr Turner a valu à son acteur principal, Timothy Spall, le Prix d'interprétation masculine. Il faudra patienter jusqu'en octobre pour mieux connaître le peintre anglais qui a inspiré le film. Je tâcherai de ne pas oublier !

En revanche, je vous indique ce dimanche que vous pouvez apprécier sans délai le talent de Julianne Moore, Prix d'interprétation féminine. L'actrice américaine est honorée avec Maps to the stars, dynamitage en règle du mythe hollywoodien par le Canadien David Cronenberg. Pas d'avis sur le film, mais une certitude: il est sorti depuis mercredi.

Party girl est le dernier des films dont je veux parler dès aujourd'hui de manière un peu plus détaillée. Pourquoi ? Parce qu'il est le lauréat de la Caméra d'or, récompense dédiée aux premiers longs-métrages. Diffusé en ouverture de la sélection Un certain regard, cette oeuvre est collective et française, signée Marie Amachoukeli, Claire Burger et Simon Theis. Anciens étudiants à la Fémis, ces trois "bizuths" proposent le portrait d'Angélique, une meneuse de cabaret de 60 ans. Apparemment, sous des allures de documentaire, il s'agirait pourtant bien d'une fiction. Je note qu'il y a quatre ans, les deux réalisatrices femmes avaient déjà obtenu un César... du meilleur court-métrage.

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Afin d'être complet, voici la liste des autres films primés hier:
- Prix de la mise en scène: Foxcatcher de Bennett Miller...
Un film américain sur la lutte, avec Steve Carell à contre-emploi.

- Prix du jury: Mommy de Xavier Dolan...
Le retour chez sa mère d'un petit voyou, par le prodige québécois.

- Prix du jury (ex-aequo): Adieu au langage de Jean-Luc Godard...
En 3D, un opus poétique et expérimental du maître franco-suisse.

- Prix du scénario: Leviathan d'Andrey Zvyagintsev...
Le récit d'une expropriation subie, dans le nord de la Russie.

- Palme d'or du court-métrage: Leidi de Simon Mesa Soto... 
Une jeune Colombienne cherche son petit ami, père de son enfant.
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Pour finir cette chronique, j'avais dans un premier temps imaginé céder à la tentation people et évoquer par exemple le petit pas dansé entre Nicole Kidman et Lambert Wilson lors de la cérémonie d'ouverture. J'avais aussi songé à relever la présence - inattendue ! - de ma très chère Cate Blanchett, venue promouvoir le nouveau dessin animé de chez Dreamworks, Dragons 2. Je préfère finalement saluer une dernière fois Gilles Jacob, le président du Festival de Cannes. Début juin, à bientôt 84 ans et après 36 saisons cannoises, il cèdera son fauteuil à Pierre Lescure, l'ancien PDG du groupe Canal+. J'aimerais que l'héritage donne de beaux fruits. Monsieur... merci !

samedi 24 mai 2014

Peur sur la ville

Je me permets de reprendre le titre d'un film d'Henri Verneuil. Désolé pour tous ceux qui espéraient retrouver Jean-Paul Belmondo: il faudra qu'ils attendent encore quelque temps. Je voudrais vous parler aujourd'hui d'un petit film dont j'ignorais même l'existence il y a encore quelques semaines et que j'ai "attrapé" grâce à sa rediffusion sur Arte+7. Panic sur Florida Beach - Matinee en VO - m'a attiré pour son réalisateur (Joe Dante) et son premier rôle (John Goodman). J'attendais un bon divertissement et c'est précisément ce que j'ai eu.

Quelques mois plus tôt, j'avais lu un article sur les cinéastes phares du cinéma familial américain des années 80. L'auteur du papier soulignait à juste titre que beaucoup sont encore en vie, mais se font désormais discrets sur les écrans: si Steven Spielberg tient le cap et a d'ailleurs produit quelques-uns de ses camarades par le passé, il est probable que les noms de réalisateurs comme Joe Dante, donc, Richard Donner ou même Robert Zemeckis soient désormais ignorés du très grand public. Dans cette optique, Panic sur Florida Beach m'apparait comme une oeuvre "tardive", mais intéressante toutefois. Son héros est lui-même un cinéaste alternatif: Lawrence Woosley vit dans les années 60 et tourne des films d'épouvante assez fauchés. Mine de rien, autour de ce personnage, c'est un véritable hommage au cinéma "bis" qui est ainsi dressé. Drôle et inventif, le scénario évite joliment le piège du copier-coller. Moi, je me suis bien amusé !

Il faut dire également que l'intrigue du film s'inscrit dans un cadre réel intéressant: la guerre froide et plus précisément la crise des missiles de Cuba, en 1962. J'invite ceux d'entre vous qui voudraient apprécier cet arrière-plan à sa juste valeur à rouvrir l'un de leurs vieux livres d'histoire ou... à consulter Wikipedia: on a bien du mal à imaginer l'ampleur de la tension qui régnait alors entre les États-Unis présidés par Kennedy et la Russie soviétique, mais ceux qui l'ont vécu évoquent cet épisode comme l'un des plus intensément inquiétants. Joe Dante s'est souvenu de son adolescence, son grand talent consistant en l'occurrence à tirer parti de ces peurs pour en faire l'argument d'un long-métrage amusant, tendre et familial - il faut aussi saluer le travail des scénaristes, Jerico et Charles S. Haas. Panic sur Florida Beach offre même un film dans le film, qu'il est paraît-il possible de voir entier dans les bonus du DVD (ou du Blu-ray).

Panic sur Florida Beach
Film américain de Joe Dante (1993)

Bon... pour les inconditionnels des années 80, Joe Dante demeure évidemment le papa des Gremlins ! Il est bel et bien aussi question d'une créature monstrueuse ici, comme ma seconde photo le montre d'ailleurs, mais je vous laisserai le découvrir par vous-mêmes. Maintenant, pour conclure, je souhaite juste vous remettre Ed Wood en tête: un autre hommage sympa à un cinéaste Z, signé Tim Burton. 

jeudi 22 mai 2014

Le regard de Gilles Henry

Il soulève lui-même le paradoxe: alors même que sa mission consiste notamment à utiliser la lumière, Gilles Henry fait un peu un travail de l'ombre. Encore peut-on penser qu'il reste l'un des plus... exposés. Le directeur photo de Dans la cour m'a fait l'honneur de bien vouloir répondre à mes questions. Nous avons parlé de son parcours, du film bien sûr et de ses idées autour du métier. Je lui dis un grand merci !

J'aimerais d'abord évoquer vos débuts...
À 12 ans, je faisais partie d'un photo-club. Quand j'en ai eu 14, j'ai commencé à donner des cours à des enfants plus jeunes que moi. Vers mes 16 ans, le club a acheté une caméra 16mm. Les responsables de ce club, qui avaient environ 25 ans, m'ont interdit d'y toucher, ce qui m'a un peu agacé. Je me suis donc demandé ce que je pouvais faire pour pouvoir utiliser une caméra un jour. Je me suis renseigné et j'ai vu qu'il existait une école Vaugirard - Louis Lumière. J'ai alors été très bon en classe, avec un bac C et de brillantes études en prépa, avant d'intégrer l'école.

Comment avez-vous fait vos premiers pas au cinéma ?
J'ai d'abord été l'assistant de Luciano Tovoli, un grand chef-opérateur italien, qui avait notamment travaillé sur Police. C'est ce qui m'a permis de connaître Maurice Pialat: avec lui, j'ai commencé Sous le soleil de Satan, avant sa reprise par Willy Kurant - je suis alors devenu son assistant. Maurice Pialat m'aimait bien: on se voyait donc en dehors, pour déjeuner ou dîner ensemble, parler cinéma... il a eu envie que je fasse la lumière de Van Gogh. Mais je me trouvais encore trop jeune: j'avais 28 ans à l'époque. Devant son insistance, j'ai accepté d'être premier assistant opérateur. Il m'a demandé de cadrer après un différend avec le cadreur précédent... et, à partir de là, je me suis donc occupé du cadre. Maurice Pialat a aussi voulu se séparer du chef-opérateur: il m'a alors demandé de finir le film à ces deux postes.

Une bonne formation, donc... et un bon maître sur le terrain...
En effet ! Maurice Pialat m'a fait progresser et, dans le choix du découpage des séquences, sur le cadre, sur la lumière, travailler avec lui était vraiment très intéressant. J'avais déjà une petite maîtrise en tant qu'assistant, mais je me suis retrouvé propulsé dans le vif du sujet. Ensuite, j'ai eu l'opportunité de commencer Le garçu, mais on s'est un peu fâché... et je n'ai donc eu l'occasion de le terminer.

Pierre Salvadori, c'est aussi quelqu'un que vous connaissez depuis longtemps. Sauf erreur, vous avez travaillé avec lui sur tous ses films...
Exactement ! Un peu avant Le garçu, j'avais été contacté par le directeur de production, qui avait donné mes coordonnées à Philippe Martin, le producteur de Pierre Salvadori. Il se trouve que nous nous sommes très bien entendus tout de suite. On a commencé par faire un court-métrage, Ménage, avant d'enchaîner sur Cible émouvante et les autres longs-métrages, avec une connivence et la même joie de se retrouver à chaque fois pour aller de l'avant et rechercher tout ce qu'on peut extraire de ses scénarios.

On peut parler de vous comme d'amis, du coup ?
Oui, bien sûr. On s'adore.

Il vous appelle dès qu'il fait un nouveau film ?
Oui. Il m'appelle et me parle du sujet. Il travaille également avec des scénaristes qu'il aime bien, Benoît Graffin et, de temps en temps, David Léotard, qui a justement co-écrit Dans la cour. Il arrive alors qu'il me demande mon avis sur la manière dont je pense pouvoir réaliser techniquement une scène donnée et sur ce que ça pourrait donner. C'est comme ça qu'on avance...

Avez-vous déjà des lieux en tête, à ce stade ? Ou bien faites-vous encore des repérages ?
En fait, une fois le scénario écrit, je le lis et j'en discute avec lui. Je peux lui proposer des endroits, mais le travail de repérage s'effectue en parallèle. Après, pour De vrais mensonges par exemple, on est partis à cinq - le directeur de production, le régisseur général, le premier assistant, Pierre Salvadori et moi - pour chercher la ville où construire ce scénario. Une fois les lieux trouvés, on découpe le film, séquence par séquence, dans les différents décors que l'on a choisis.

Dans une interview récente, Pierre Salvadori indiquait écrire ses sujets à partir d'un personnage. C'est aussi comme ça que vous travaillez la photo ?
Non. Je dois prendre un recul différent. Je dois penser à la globalité du film, pour qu'il se tienne dans un univers photographique donné. Après, séquence par séquence, je cherche bien sûr à extraire l'intensité de ce qui est montré. Il me faut raconter par l'image, aussi bien que par les mots. Tout s'insère toutefois dans le ton du film, ce à quoi il faut penser pour le cadre et la texture même de l'image.

Vous inspirez-vous de ce que sont les acteurs ? Ou bien cherchez-vous à les emmener ailleurs par le biais de l'image ?
C'est vrai qu'ils entrent dans un univers. Pour Dans la cour, leur présence dans la cuisine crée l'idée d'un cocon, par exemple, et c'est effectivement une intimité que j'amène également par la lumière. Cela dit, ça fait partie d'un tout: Pierre Salvadori décide que la scène sera tournée dans une cuisine, je sais également que ça se passera la nuit et donc d'avance comment je vais l'approcher pour que cela s'adapte aux dialogues et à leur intimité propre. Ensuite, quand la scène se tourne, je peux parfois faire quelques légers réglages, mais tout est déjà pensé en amont.

Ils viennent vous voir, les comédiens, pour vous demander d'intervenir sur l'image que vous donnez d'eux ?
Non. C'est très rare. Catherine Deneuve a bien regardé quelques rushs, parce qu'elle fait encore attention à son image et tient à rester une belle femme. Pendant deux ou trois jours, elle a vu que ça allait bien et ne m'a plus jamais rien dit. Je sais aussi que, sur d'autres films, elle est beaucoup plus directive avec la lumière...

C'est la première fois que vous faisiez la photo d'un de ses films ?
Oui.

Dans la cour, comme son titre l'indique, c'est presque un huis-clos. Est-ce facile pour vous de tourner dans un lieu aussi restreint ?
Au contraire ! Il faut que l'espace reste cohérent. Sachant que les séquences sont tournées à plusieurs jours d'intervalle, il faut rester attentif au thème retenu au départ. C'est beaucoup plus dur que de faire un film dont les séquences se déroulent dans de nombreux lieux, ce qui nous permet de créer une lumière nouvelle à chaque fois.

C'est aussi une question de timing, non ?
Pour Dans la cour, sachant que nous devions tourner à certains horaires, j'ai recréé la lumière en installant un énorme ballon et d'autres projecteurs pour simuler celle du jour. On a tourné des scènes de jour la nuit...

Et des scènes de nuit tournées le jour, c'est arrivé ?
Oui, quand les personnages sont dans la loge, par exemple. Je devais alors reproduire la lumière extérieure.

Ces cours d'immeubles parisiens, on les identifie facilement quand on connaît Paris. Est-ce que vous apportez votre patte pour créer une image particulière ?
Encore une fois, j'interviens davantage sur l'univers global du film. Il me faut donc intervenir pour que tout reste d'apparence parisienne, fidèle aux émotions que l'on peut effectivement avoir dans ce genre de lieux. Montrer que le soleil n'atteint pas toujours toute la façade, par exemple... j'intègre cette atmosphère pour travailler avec.

Au-delà de votre oeil particulier, sollicitez-vous les yeux d'autres personnes, qui habiteraient l'immeuble par exemple ?
Non. Je traduis une image que j'ai en tête. J'utilise des projecteurs, des filtres... je règle la puissance lumineuse. En fait, je recrée complétement cet univers.

Dans le film, il y a une scène extérieure avec une projection de diapositives. C'est aussi une lumière que vous créez ?
Oui. On part d'abord d'un vrai carrousel de diapositives, à l'ancienne. Ensuite, j'utilise un vidéoprojecteur fourni par la déco, sur lequel des  images sont projetées. J'interviens sur ce vidéoprojecteur pour donner une colorimétrie particulière, avant de placer la caméra pour donner l'impression de diapositives. J'utilise aussi la guirlande qui a été trouvée par les décorateurs, pour créer des petits points lumineux sans que ça agisse trop sur l'immeuble lui-même.

Au cours de la scène, on a l'impression d'une photo qui évolue. L'ambiance est euphorique au début, avant que Mathilde se retrouve seule sans plus personne pour la regarder et la comprendre, si ce n'est son voisin aveugle...
Oui, c'est exactement ça. J'aime d'ailleurs beaucoup cette cassure, quand elle se retrouve devant l'écran éclairé, avec sur elle l'image de la diapositive. Au niveau du montage, j'aurais aimé que ça dure un peu plus longtemps, même si Pierre Salvadori en a décidé autrement. Mathilde se perd dans l'image et dans sa folie... c'était intéressant à réaliser.

D'autres scènes vous ont-elles paru tout particulièrement difficiles à mettre en image ?
Tout est assez compliqué, en fait. Il est clair que, dans la cuisine ou la chambre, c'est encore plus dur. Il faut pouvoir intervenir pour que la lumière soit juste, intéressante par rapport au scénario. Belle ou pas belle, ça dépend de ce qu'on veut montrer, mais, dans les petits lieux, on a finalement peu de place pour s'installer et c'est plus difficile d'arriver exactement à ce qu'on souhaite...

Je revois la scène dans un escalier, au moment où Antoine aide l'un des copropriétaires à porter un vélo...
Ce n'est pas forcément la plus complexe. Elle est tournée de jour, déjà. On peut apporter beaucoup plus de lumière et la faire réfléchir sur les murs autour. Alors que, pour les scènes de nuit du film, il faut que ce soit beaucoup plus intérieur, en fait...

Je retiens aussi quelques belles utilisations de la technique du hors-champ, quand Antoine est dehors la nuit, par exemple, et qu'il comprend que Mathilde est toujours éveillée quand la lumière s'allume à l'étage...
Là, on a travaillé avec des projecteurs spéciaux, notamment pour donner une forme particulière au reflet de la fenêtre sur le rosier de la cour. Tout est évidemment très travaillé: l'intensité, la couleur, la sensation de froid quand c'est l'hiver... et les choses changent donc quand on arrive au printemps.

J'ai effectivement eu l'impression que la lumière évoluait encore alors, notamment au moment où Mathilde et Antoine prennent le chemin du retour après leur petite escapade...
En effet. Après, cette impression vient aussi du moment de la journée qu'on veut montrer. Il faut d'abord voir Mathilde sous un soleil magnifique. Après, elle passe devant des arbres, le soleil filtre et c'est très beau... elle se souvient ainsi de son passé. Enfin, à la fin de la séquence, quand Antoine et elle reviennent, c'est déjà le soir...

Pierre Salvadori déclare ne pas être intéressé par le naturalisme et prendre parfois le risque d'en faire un peu trop. Et vous ? C'est aussi votre façon de faire ?
Là encore, tout dépend du scénario. Parfois, j'aime bien appuyer une intention par le cadre ou la lumière. À d'autres occasions, je me contente de choses qui ne se voient pas, parce que ça sonne juste. Il arrive qu'on sorte du cinéma en se disant que l'image est belle, mais que le film est nul. Je n'ai pas envie que ça arrive: je préfère les images justes et intéressantes. Bien sûr, il arrive qu'on donne plus d'intensité à un visage, par exemple, par l'intermédiaire de la lumière. Cela aide les acteurs, d'ailleurs. Une scène trop éclairée, ça aurait tendance à casser leur jeu... et ça peut les oppresser, peut-être.

Après toutes ces années d'images qui bougent, vous faites encore de la photo ?
Très peu. Un jour, j'aurais plutôt envie de me remettre à la peinture. De la même façon, je filme très peu pour moi. C'est vraiment un univers professionnel fort et j'ai besoin de toute une équipe derrière moi pour construire la lumière. Bon... comme beaucoup, je prends des photos, je m'intéresse à certaines heures de la journée ou à certains cadres...

Est-ce qu'on peut dire que l'image qui bouge est votre boulot, tandis que la photo révèle davantage votre sensibilité artistique ?
Tout à fait. En même temps, l'image qui bouge dit aussi quelque chose de ma sensibilité artistique. Disons que cette image, on est seul pour la décider, mais il faut être plusieurs pour la créer.

Une autre profession du cinéma vous tenterait-elle ?
En fait, bien qu'elle soit difficile, je considère toujours la mienne comme la plus belle. C'est très enrichissant de toucher à une telle palette. On m'a souvent demandé si je voulais faire de la mise en scène, mais ce que je fais est tellement fort que je n'en ressens pas le besoin. C'est quand on a une frustration, je crois, que l'on a envie de faire autre chose. Mon travail actuel m'apporte tant de choses aujourd'hui que je m'y sens bien.

Et la reconnaissance ? Le public, les pairs... ça compte ?
Oui. Ce n'est pas quelque chose de primordial, mais ça fait plaisir d'être reconnu, de faire partie de ce monde un peu fermé: les directeurs photo qui vivent bien sont très peu nombreux, c'est vrai. Malheureusement, les critiques de cinéma ont une autre vision, centrée sur le réalisateur: ils ont énormément de mal à se projeter sur autre chose. Comme si le réalisateur était tout seul. On fait bizarrement un métier de l'ombre. C'est comme ça, c'est la vie...

Dans la cour, c'est fini pour vous depuis longtemps, je suppose...
Depuis un an et demi, en effet.

Peut-on dès lors parler de ce que vous faites maintenant ? Voire de vos projets ?
J'attends une réponse très prochaine pour un autre film. J'ai aussi quelques propositions pour des tournages à l'automne, mais je n'ai pas encore choisi celle que je retiendrai. Je viens juste de terminer 24 jours, le film d'Alexandre Arcady consacré à l'affaire Ilan Halimi et sorti il y a quelques jours...

C'est toujours du plaisir, apparemment...
Oui. Cela dit, c'est surtout un métier extraordinaire quand les choses marchent. J'ai des amis pour qui elles se passent malheureusement moins bien et là, ce n'est plus drôle du tout...

Vous avez encore un rêve de cinéma ?
Bien sûr ! Tous les films que je fais sont des rêves, déjà. Après, et bien qu'on ne le sache pas à l'avance, on a toujours envie de faire un film qui restera dans l'histoire du cinéma. Moi qui ai commencé avec Van Gogh, j'avais réalisé un rêve dès le départ... pour moi, c'est toujours du plaisir. Un rêve à chaque fois. Je garde des yeux d'enfant. Tout se passe toujours comme au premier jour.

Que diriez-vous à un jeune qui veut faire ce métier ?
Que c'est un tout, qu'il est nécessaire d'avoir un talent artistique assez fort, une personnalité visuelle, tout en maîtrisant l'ensemble de la technique, de A à Z, pour mieux ensuite la laisser de côté. Il faut vraiment savoir comment fonctionne une image, comment on la capte, comment elle passe ensuite dans les tuyaux, comme elle est retransmise et ressentie par le public... pour mieux s'en libérer et créer quelque chose dans un univers particulier. C'est difficile ! Certains sont très bons techniquement et ne parviennent pas à faire passer quelque chose sur le plan artistique, tandis que d'autres sont de vrais artistes à qui il manque la technique et restent de ce fait limités. La conjonction des deux, on ne la connaît pas forcément au départ... c'est en commençant à faire des films que l'on peut savoir si ça fonctionne vraiment. Et c'est souvent même plutôt les autres que soi-même qui peuvent en juger. Mais c'est vrai qu'il faut un peu se battre, quand on débute...

L'avenir de l'image, vous le voyez comment ? Il semble y avoir toujours plus de numérique...
Le problème, c'est qu'avant, on avait des metteurs en scène, dotés d'une vision particulière, et, derrière, tout un travail sur la pellicule. Un film, c'était une construction, chère, lourde... des mouvements de caméra très pensés. Cela donnait un cinéma réfléchi, d'intention. Malheureusement, on est souvent aujourd'hui passé à un cinéma de captation: comme c'est léger, facile et pas cher, on filme sans arrêt ! Ensuite, on travaille surtout au montage. Je ne trouve pas ça intéressant. On a perdu l'âme des metteurs en scène: je ne sais pas trop comment tout ça va évoluer. Après, bon, on se saisit toujours des nouvelles technologies pour aller plus loin...

La 3D, par exemple, c'est quelque chose qui vous branche ?
Non, malheureusement, parce qu'on ressent trop la technique. Quand on regarde l'effet, on sort du film et ça prend du temps pour y revenir, sans même la garantie d'y arriver. Disons que ça passe pour certains films d'action... et encore ! C'est un peu le même principe que les hauts parleurs dans le dos: ce n'est pas possible d'avoir une image sur un écran en face de soi et d'entendre arriver la cavalerie à gauche ou à droite... pour moi, tout ça, c'est plus un handicap qu'autre chose.

On sent toutefois en vous un passionné des salles obscures...
Ah oui, ça, clairement !

Et les nouveaux supports ? Menace ? Nouvelle opportunité ?
Disons que ceux qui s'en servent ont le besoin de voir autre chose, parfois. La salle, c'est vraiment un autre espace. Consciemment ou non, les gens le ressentent. Pour certains, La guerre des étoiles, par exemple, c'est sur grand écran, point ! Même s'ils ont chez eux le DVD et tout ce qu'il faut, ils ont toujours envie d'espace, justement...

Quels seraient les films qui vous ont bluffé, récemment ?
Je suis plutôt adepte d'un cinéma plus profond, des films davantage portés sur la réflexion. J'ai adoré La vie des autres, par exemple, Incendies ou Syngué Sabour - Pierre de patience.

Et votre métier ne vous empêche
visiblement pas d'en profiter. Vous vous laissez toujours embarquer...
Absolument. Quand je suis dans un film, je suis dans un film ! S'il y a des défauts ou si c'est un peu ennuyant, c'est mort: je ne regarde plus que les mauvais cadres ou la mauvaise lumière et ça tourne à la catastrophe. Sinon, si un film m'embarque, je ne pense à rien, je ne suis plus du tout un professionnel de cinéma. Je redeviens spectateur.

Pour finir, je suis presque sûr que vous auriez envie de continuer à travailler avec Pierre Salvadori...
Oui. J'espère que nous ferons plein d'autres films ! C'est un bonheur de travailler avec lui: nous avons une telle complicité ! Pierre Salvadori et moi, on s'entend très bien. Il n'a pas besoin de m'expliquer dix fois ce qu'il veut. Même si ce n'est pas toujours le cas pour les autres, je le ressens, moi, de manière très claire. C'est plus intéressant et ça nous permet d'aller beaucoup plus vite.

Que vous souhaiter de mieux ?
Tout va bien, donc rien. Un peu de soleil demain, simplement...

mardi 20 mai 2014

Fissure(s)

Il serait bien que je reconsidère la filmographie de Pierre Salvadori. Avant que j'aille voir Dans la cour, son très joli dernier film, j'avais certes quelques bons souvenirs du réalisateur, mais pourtant pas celui d'avoir autant apprécié son travail que cette fois-ci. Mon intérêt cinéphile pour les personnages que la vie a abîmés se confirme. Aujourd'hui, je vous présente Mathilde, retraitée parisienne engagée dans la vie associative, soudain obsédée par une fissure qui lézarde son appartement, et Antoine, le nouveau concierge de son immeuble.

Ces deux-là sont liés dès le début du film, puisque c'est Mathilde qui, au nom de la copropriété, oeuvre pour qu'Antoine soit engagé. Quelque chose lui dit que cet homme peu sûr de lui s'appliquera d'autant plus pour mener à bien son travail. Elle ne sait pourtant rien encore du passé d'Antoine, ex-rockeur dépressif, que nous, spectateurs, avons vu renoncer à un concert au début du métrage. Bref... vous aurez compris que Dans la cour est d'abord l'histoire d'une rencontre, particulière, entre deux êtres, dans une tonalité douce-amère, comme je les apprécie particulièrement. Je tiens toutefois à préciser immédiatement que c'est aussi une comédie. Remarquablement écrit, appuyé sur toute une galerie de personnages secondaires, le scénario est une merveille d'équilibre et de justesse. Aussitôt qu'il risque de se faire trop plombant, il se rétablit miraculeusement par l'arrivée du rire et/ou d'une ouverture poétique.

Le mérite en revient (aussi) aux comédiens. On vous dira sûrement que Catherine Deneuve est une grande, mais de mon côté, je restais toujours un peu sur la réserve, avec elle. Jusqu'à aujourd'hui, en fait: cette fois, elle m'a pleinement convaincu et je l'ai trouvée très belle. Elle joue avec une incroyable sensibilité cette Mathilde, femme désemparée, que l'âge semble conduire progressivement vers la perte de contrôle de ses émotions. En face, révélation: Gustave Kervern soutient parfaitement la comparaison. Le trublion grolandais campe avec beaucoup de sensibilité ce gros nounours fragile, formidable d'empathie. Toute la distribution est très juste, à vrai dire, et porte ce qui aurait pu être un petit film sympa au rang d'oeuvre cinématographique marquante pour notre époque. Dans la cour fait réfléchir sans jamais, jamais, donner de leçons à quiconque, en fable un peu triste sur la modernité. Vous vous y retrouverez peut-être...

Dans la cour
Film français de Pierre Salvadori (2014)

Les concierges parisiens inspirent de bons films: on est toutefois loin ici des rires provoqués par La cage dorée. Certains suggèrent même qu'il s'agit du film le plus sombre de Pierre Salvadori: mon souvenir lié à Cible émouvante ou Les apprentis est bien trop flou pour donner un avis étayé sur cette question. J'y reviendrai, à l'occasion. J'espère d'abord vous avoir convaincu de voir Dans la cour, pour lui-même.

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De l'eau à mon moulin ?
À visiter aussi: "Le blog de Dasola" ou "Sur la route du cinéma"...

lundi 19 mai 2014

Heureux qui comme...

Kirk Douglas est né fin 1916. Il allait donc sur ses 38 ans quand Ulysse est sorti en salles. Dans le rôle-titre, il est ici le partenaire de jeu d'une belle actrice italienne, Silvana Mangano, de 14 ans sa cadette. Qu'importe: pour donner vie au mythique roi grec, son physique avenant convient bien. Le génie des chefs décorateurs et costumiers des studios italiens des années 50 fait le reste. Plusieurs décennies plus tard, je prends toujours plaisir à savourer ce genre de récits. C'est certainement aussi parce qu'en réalité, je suis resté un enfant...

L'histoire, je suppose que vous la connaissez. Notre noble héros revient du siège de Troie, où sa ruse en forme de cheval a permis d'inverser le cours de la bataille. Sur le chemin du retour, il s'égare, affronte le cyclope, déjoue les sirènes, voit ses compagnons d'armes transformés en cochons, etc... malgré quelques rapprochements faciles et omissions, le film de 1954 reste conforme à la mythologie en vogue depuis le récit d'Homère. Ulysse fleure bon la nostalgie d'une ère de cinéma désormais révolue: celle où, à partir d'une troupe d'acteurs venus d'un peu tous les horizons et trois bouts de ficelle techniques, le septième art nous menait jusqu'au monde antique. Depuis, on a vu certes les mers beaucoup plus menaçantes encore. Mon impression est qu'on a peut-être parfois perdu un peu de style...

Je vais être honnête avec vous: Ulysse n'est pas un chef d'oeuvre. J'aime toutefois le port altier de ses personnages, la passion éternelle de Pénélope, l'ardeur de Télémaque, la vilenie des prétendants. J'apprécie de retrouver des visages connus - un exemple: celui d'Anthony Quinn - et d'en découvrir de nouveaux. Je m'enthousiasme pour ces reconstitutions de ce qui n'a peut-être bien jamais existé. On notera aussi qu'ici, le héros marin n'est pas un être parfait. D'abord amnésique, il semble au contraire un soldat pétri d'arrogance quand il recouvre la mémoire. Le fait d'être le seul à avoir su rentrer chez lui ne l'appelle pas à l'humilité, même s'il se présente à Ithaque sous l'habit d'un mendiant, avant le règlement de comptes final. Qu'ajouter ? Peut-être une évidence: Kirk Douglas est très beau.

Ulysse
Film italien de Mario Camerini (1954)

Au moment où le long-métrage sort sur les écrans, son réalisateur peut légitiment être considéré comme un vieux routier du circuit. Camerini en compte déjà une quarantaine d'autres, dont un Maciste muet... en 1925 ! Autant dire qu'on est loin de la modernité du Troie de Wolfgang Petersen, sorti en 2004, mais peut-être moins épique. J'aimerais découvrir le Ulysse roi et dictateur de la série Odysseus...  

dimanche 18 mai 2014

La maman

Vous l'aurez noté si vous êtes très attentifs et fidèles: la dernière fois que les Bobines sont parties en Amérique du Sud, c'était en août l'an passé, déjà au Chili et déjà pour parler d'un film de Sebastian Silva. Voilà quatre ans, le réalisateur s'était associé avec son compatriote Pedro Peirano pour tourner un autre long-métrage: Les vieux chats. J'ai bien aimé cette production hispanophone: que l'affaire se déroule sur un autre continent importe peu. Son propos est en fait universel. Navré: ce n'est pas cette fois que vous ferez du tourisme en canapé...

Le film vous propose en revanche une autre rencontre intéressante. Bélgica Castro, l'actrice principale, est une vedette du théâtre chilien. Il lui a été offert ici son douzième rôle de cinéma, à... 89 ans ! Plusieurs fois récompensée pour cette belle prestation, elle interprète crânement Isadora, une habitante de Santiago. Au moment où le film démarre, elle se réveille juste, bientôt dérangée par la sonnerie matinale du téléphone: de retour de vacances au Pérou, sa fille s'annonce pour la fin d'après-midi. Isadora se lève donc, s'aperçoit que l'ascenseur de son immeuble est en panne, envoie alors son mari Enrique faire quelques courses à sa place et s'efforce de se préparer au mieux à la visite. Les vieux chats montre vite que mère et fille entretiennent une relation très tendue. C'est même un euphémisme !

À vous désormais de découvrir les tenants de cette froide rivalité. Soyez certains d'une chose: Les vieux chats n'est pas un simple film consacré à une mère indigne, ni d'ailleurs le portrait d'une fille ingrate. Certes, en lesbienne colérique, Claudia Celedón - Rosario - n'a pas le beau rôle. Constamment hystérique, son personnage n'attire guère la sympathie, surtout qu'il s'avère particulièrement vénal. L'intérêt du long-métrage est ailleurs, dans la description naturaliste du quotidien d'un couple de personnes âgées. L'essentiel du scénario se déroule à huis-clos: je ne me suis pourtant pas ennuyé un instant. Aurez-vous besoin de mouchoirs ? Peut-être bien. Ce que nous montre cette oeuvre demeure foncièrement humain, sans complaisance. Certes, il existe des choses plus gaies. Il en est aussi de moins belles.

Les vieux chats
Film chilien de Pedro Peirano et Sebastian Silva (2010)

Le titre de ma chronique et mes explications liminaires font référence au précédent film du premier réalisateur, La nana, moins abouti d'après moi. Encore peu connaisseur du septième art sud-américain en général et chilien en particulier, je me garde de tout jugement définitif. Cela dit, si vous avez envie de découvrir un film politique intéressant, je vous recommande No. Et j'écoute vos suggestions... 

samedi 17 mai 2014

Les pieds nickelés

Il y a toutes sortes de bonnes raisons pour regarder un film (ou non). Comme beaucoup d'amateurs de cinéma, je porte une attention particulière aux choix de distribution. C'est d'abord pour son casting que j'ai eu envie de voir Wanted. Je ne vous parlerai pas aujourd'hui du blockbuster d'il y a six ans avec James McAvoy, Morgan Freeman et Angelina Jolie. J'évoquerai la production franco-américaine homonyme avec Johnny, Renaud, Depardieu, Bohringer... du côté tricolore et Harvey Keitel comme ambassadeur de la bannière étoilée.

La troupe des Frenchies constitue en fait une équipe de cambrioleurs. Les six gugusses se lancent à l'assaut de la ville d'un riche propriétaire de Chicago. Manque de pot: ils se trompent de baraque et s'invitent chez un parrain de la mafia locale. S'ensuivent d'autres problèmes franchement épineux, la bande ayant également dérobé la voiture d'un chef de gang hispanique, attiré l'attention du FBI et récupéré quelques enregistrements compromettants pour un flic véreux. J'avoue ne pas avoir tout compris au scénario de Wanted. L'important n'est sans doute pas là: dans ce qui tourne vite au jeu de massacre urbain sur fond de choc des cultures délinquantes, c'est avant tout avec la galerie de personnages qu'on s'amuse. Simple conseil amical pour profiter du spectacle: évitez de penser en termes de réalisme !

Il est aussi question d'un tableau de Van Gogh égaré, à un moment. Quand on est arrivé là, j'avais décroché depuis longtemps. Le film vaut surtout pour son casting, je vous l'ai dit, improbable et rigolard. Il faut voir par exemple comment les deux idoles de la chanson populaire se chamaillent pour choisir la musique qui sera diffusée dans le bar où ils discutent de leur plan - le grand public américain doit être passé à côté du clin d'oeil, j'imagine. Wanted est un truc étrange, pas folichon, mais que je veux considérer avec indulgence du fait de son aspect insolite. Le réalisateur n'est pas une célébrité. IMDb le cite et souligne ainsi qu'il fait du cinéma "pour ne pas penser à (sa) vraie vie", partagée entre Buenos Aires, Los Angeles, Londres et Paris. Brad Mirman a surtout oeuvré comme scénariste. À suivre ?

Wanted
Film franco-américain de Brad Mirman (2003)

J'avais eu vent de ce long-métrage il y a déjà de longues années. Finalement, je l'ai découvert sur une obscure chaîne de mon bouquet Orange. Pas de regret à ce sujet: c'était distrayant. Je cherche désormais un film comparable à vous proposer... Mi$e à prix peut-être ou bien Braquage à l'anglaise. Rien de durablement gravé dans ma mémoire cinéphile, mais j'aime bien les pieds nickelés...

mercredi 14 mai 2014

Un peu de Cannes

Chers lecteurs, vous le savez sûrement: le Festival de Cannes 2014 ouvre ses portes aujourd'hui. Chargé, mon planning professionnel m'empêche de tout vous raconter en détails: je suis désolé pour ceux d'entre vous qui comptaient sur moi pour une analyse poussée. Rassurez-vous: je vous donnerai mon avis sur le palmarès et verrai bien sûr une partie des films sélectionnés au cours des mois à venir...

Avis aux amateurs et aux curieux: quatre des films en compétition officielle pour la Palme d'or sont déjà programmés dans nos salles avant la fin de mai ! Le premier sera The homesman, un western signé Tommy Lee Jones, le 18. Puis, le 21, le nouvel opus des frères Dardenne, Deux jours, une nuit, permettra de revoir Marion Cotillard dans une oeuvre francophone. Le 21 toujours, nous pourrons découvrir Maps to the stars, du Canadien David Cronenberg, et le 28 une création 3D relief: Adieu au langage, le 47ème Jean-Luc Godard.

On dit parfois que la Croisette a ses chouchous: l'Anglais Ken Loach peut prétendre à ce titre, lui qui est là pour présenter un 18ème film et prendre part pour la 12ème fois à la compétition. Le vieux lion n'est pas forcément fatigué, mais il laisse entendre que Jimmy's hall sera son dernier film... de fiction. À bientôt 78 ans, ce cher Ken souhaiterait désormais se tourner vers le documentaire. On notera avec amusement que Cannes a invité un autre grand nom du cinéma social britannique: Mike Leigh, 71 ans, avec son Mr Turner. Miam !

Sans prétendre donc à l'exhaustivité, et avec même une grosse envie d'être surpris, je dois reconnaître que certains candidats à la Palme d'or attirent déjà mon attention. Et par exemple, je suis très curieux de découvrir comment, après la comédie, Michel Hazanavicius se tire d'un sujet comme la guerre de Tchétchénie, dans The search. J'aurai également un oeil sur Mommy, de Xavier Dolan, car je me dis souvent qu'il est temps que je découvre ce cinéaste québécois qu'on présente fréquemment comme un jeune prodige - il n'a que 25 ans. Je crois aussi que ce sera intéressant d'aller voir Timbuktu: le réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako est le seul artiste africain en lice.

Souvenez-vous: il y a quelques années, le Festival s'était offert d'emblée une mini-polémique, liée au nombre de femmes retenues pour la course à la Palme d'or. Sur 18 candidats, il y a cette année deux réalisatrices: la Japonaise Naomi Kawase (Deux fenêtres) revient après avoir été jurée l'année dernière, tandis que l'Italienne Alice Rohwacher, que j'ai choisie pour ma photo, montera les marches pour la première fois à 32 ans - et pour présenter Les merveilles. Olivier Assayas et Bertrand Bonello, eux, renforceront le camp français en habitués des lieux, avec Sils Maria et Saint Laurent. Projeté en ouverture, le Grace de Monaco d'Olivier Dahan fait le buzz depuis plusieurs mois et sera montré dans le montage du réalisateur. Bon film ou pas, on verra, mais il ne participe pas à la compétition.

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Le Festival de Cannes dévoilera son palmarès samedi 24 mai prochain. Ma chronique-bilan devrait être publiée le 25 au plus tard...

lundi 12 mai 2014

Retournés

J'ai lu quelque part que Patéma et le monde inversé n'aura bénéficié que d'une sortie technique. Si l'info est juste, il n'a donc été projeté que dans un nombre très limité de salles, juste pour être promu ensuite comme un véritable film de cinéma et dégager des bénéfices et droits plus importants lors de son exploitation à la télé et sur DVD. Pour moi qui ai raté le dernier Miyazaki, voir ce petit film sur écran géant était l'occasion de fêter mes retrouvailles avec l'animation japonaise. Je suis tout à fait content de ne pas l'avoir laissé passer...

Patéma... n'est pas le dessin animé de l'année, mais j'ai trouvé plaisir à découvrir cette histoire. Le personnage-titre est une adolescente intrépide, dont le peuple vit dans de grandes cités souterraines. Comme issues de caméras de surveillance, les premières images révèlent que la Terre a subi une espèce de séisme, bonne explication au fait que les hommes vivent désormais sous la surface. Rapidement, toutefois, le scénario évoque un autre monde: Patéma rêve de le connaître, elle qui se souvient de Lagos, un aventurier plein d'enthousiasme qui était son ami autrefois. À force d'explorer les moindres recoins de son monde à elle, la jeune fille finit un jour par découvrir un passage. Elle s'aventure alors dans un univers inconnu et... à la gravité inversée ! Elle y rencontre Age, un garçon de son âge, tout aussi effrayé par ce premier contact impromptu. Vous l'aurez compris: bien sûr, la peur sera de (très) courte durée...

Sans surprise également, le scénario de Patéma... fait aussi la part belle à un personnage de méchant. Le monde inversé d'Age s'apparente clairement à l'une de ces sombres dictatures robotisées dont la science-fiction est friande. Sa valeur première: la discipline. Autant dire qu'il n'y a pas de place pour les rêveurs, mode de vie formaté que deux ados respectueux et au fond curieux l'un de l'autre sauront faire voler en éclats. Ai-je besoin de préciser ici à quel point les valeurs de ce dessin animé sont nobles et généreuses ? Pas sûr. Dès lors, j'aime autant saluer le travail technique accompli. Graphiquement, j'ai vu des choses plus belles, mais ce qui est donné à voir reste très agréable à regarder. Les perspectives renversées donnent le vertige et, parfois, rendent compliquée la compréhension de l'intrigue. Tant pis: je me suis accroché au reste, à la musique notamment, et j'ai aimé ça. Oui, c'était vraiment un beau voyage.

Patéma et le monde inversé
Film japonais de Yasuhiro Yoshiura (2013)

Si j'ai bien compris, ce long-métrage animé d'une heure 40 environ ferait suite à un prologue de quatre petits épisodes, diffusé au cours de 2012, exclusivement sur Internet. Je reste preneur d'informations complémentaires. D'ici là, il semble impossible d'éviter le parallèle évident avec un film en images réelles: Upside down. J'aime autant l'un que l'autre, en fait. Et presque autant que Le voyage de Chihiro.

dimanche 11 mai 2014

Brève rencontre

Donner à l'une de mes chroniques le titre d'un classique du cinéma n'est pas une démarche anodine. Il est bien possible que je vous parle un jour du film en question, une oeuvre du Britannique David Lean. D'ici là, c'est vers l'Italie que je vous propose de tourner le regard aujourd'hui, pour retrouver Ettore Scola et Une journée particulière. Avis aux amoureux des acteurs: Sophia Loren et Marcello Mastroianni tiennent ici le haut de l'affiche. Ce sont eux qui ont d'abord suscité mon intérêt à l'égard du long-métrage. Je ne savais rien de l'intrigue.

Pour tout dire, le seul petit indice dont je disposais quant au scénario venait... d'un texte de Pierre Desproges. Dans son célèbre monologue sur l'opportunité de rire de tout, l'humoriste évoquait Une journée particulière avec une phrase du dialogue: "Ce n'est pas le locataire du sixième qui est antifasciste. C'est le fascisme qui est anti-locataire du sixième". J'ai alors découvert que le film se déroulait en 1938, un jour de printemps où l'Italie de Benito Mussolini recevait la visite officielle du chancelier du Reich allemand, Adolf Hitler. L'épisode de cinéma, lui, s'inscrit en dehors du cadre des cérémonies protocolaires. Nous sommes en réalité invités à faire la connaissance d'Antonietta, une Romaine de la classe populaire. Au matin, son mari et ses six enfants partent voir le défilé et vivre ce que tous imaginent être l'un des grands jours de l'histoire de l'Italie. Un mainate échappé de sa cage contraint alors la ménagère à sortir du domicile familial. Bientôt, elle rencontrera l'un de ses voisins, Gabriele, demeuré seul chez lui pendant les festivités. Je vous laisse découvrir pourquoi...

Unité de temps, unité de lieu, unité d'action: le film pourrait tenir lieu de tragédie classique. Ce qui s'y passe n'a rien d'amusant, de fait. Cela dit, sans qu'on puisse parler de comédie, le métrage est émaillé de petites pointes d'humour - quelle belle écriture, vraiment ! Jusqu'alors peu familier avec le cinéma italien, j'ai pris grand plaisir devant cette histoire très aisément compréhensible, introduite d'ailleurs par des images d'archive, parfaites pour planter le décor. Identique en italien, le titre - Una giornata particolare - annonce clairement le programme à suivre. On notera que le contexte réel demeure toujours présent, telle une menace latente, par l'entremise de la bande son: entre deux répliques, l'avancée de la délégation nazie est évoquée via un reportage radiophonique. Je vous avouerai que j'ignore si ce "fil rouge" auditif a été ajouté en post-production ou si les acteurs l'entendaient aussi au moment de tourner. Il est sûr que c'est l'une des très belles idées d'une oeuvre à la beauté formelle inaltérée, couronnée par le César du meilleur film étranger en 1978.

Une journée particulière
Film italien d'Ettore Scola (1977)

J'ai de beaucoup préféré ce film à La terrasse, du même réalisateur. Dans sa façon d'utiliser un événement historique comme toile de fond d'une intrigue entre gens ordinaires, on peut presque voir un parallèle avec le grand film de François Truffaut, Le dernier métro. J'apprécie cette façon d'évoquer la Grande Histoire comme elle a pu être vécue par Monsieur et Madame Tout-Le-Monde. Si vous avez des idées...

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En attendant vos possibles suggestions...
Je suis allé faire un petit tour chez mes amis de "L'oeil sur l'écran". Plusieurs autres films d'Ettore Scola y sont d'ores et déjà présentés. 

samedi 10 mai 2014

Les derniers jours

Je pensais découvrir Sarah Polley comme réalisatrice. J'ai découvert Sarah Polley actrice. La Canadienne incarne Anne, le personnage principal de Ma vie sans moi. Souffrant de fortes douleurs abdominales, la jeune femme se croit enceinte d'un troisième enfant. Après examen à l'hôpital, elle se découvre une tumeur à l'estomac. Laquelle s'est déjà étendue à d'autres organes et ne lui laisse finalement que deux ou trois mois à vivre. Je vous conseillerais plutôt de regarder un autre film si vous avez du mal à supporter le mélo...

Que ce long-métrage particulier s'appelle Ma vie sans moi s'explique parfaitement. Anne fait bien une liste des dix choses qu'il lui faut encore faire avant de mourir, mais le scénario s'intéresse également à la manière dont elle s'organise pour quitter ce monde, rassurée quant à l'avenir des siens. On la voit alors enregistrer des cassettes pour ses filles, son mari, sa mère ou son amant des derniers jours. C'est l'occasion aussi de découvrir une fois de plus une Amérique modeste, Anne et sa petite famille vivant dans une simple caravane. Je dois dire que ce contexte social n'ajoute pas de larmes au thème principal. L'ensemble de cette histoire demeure tout à fait "viable" émotionnellement parlant: j'ai vu des choses plus tristes au cinéma. Ici, quelques petites pointes d'humour émaillent même le métrage.

J'ai aussi trouvé des acteurs en état de grâce, avec - entre autres - une très jolie prestation au crédit de Mark Ruffalo, que j'apprécie décidément de plus en plus. Sarah Polley est très bien, également. Elle se tire dignement du côté "casse-gueule" de son personnage. Dans le casting féminin, j'ai aussi pris plaisir à recroiser la route d'Amanda Plummer, trop rare à mon goût dans le cinéma anglo-saxon. Ce qu'il faut comprendre, c'est que tous ces personnages secondaires ignorent totalement qu'Anne est malade. Sans pouvoir s'en rendre compte, ils répondent donc plus ou moins à ses attentes à leur égard. Adaptation d'un roman, Ma vie sans moi fait de très jolies images avec des sentiments forts et parfois contradictoires. L'exemple d'Anne nous invite à ne pas trop réfléchir avant de profiter de la vie.

Ma vie sans moi
Film hispano-canadien d'Isabel Coixet (2003)

Triste, bien sûr, parce que sans rémission, ce long-métrage invite naturellement à l'émotion et à l'introspection. Il demeure toutefois d'une incroyable douceur: on y pleure en silence, en se disant aussi qu'il y a de belles choses à faire dans le temps qui nous est imparti. Fort de ce constat, j'ai repensé à Alabama Monroe - il était question d'enfant malade, cette fois. Le montage alterné du film belge ménageait davantage ma sensibilité. L'oeuvre du jour demeure peut-être, de ce point de vue, un peu plus frontale. À vous de voir...