mardi 30 avril 2019

Floraison tardive

Fin 2004, il fut Frankie Dunne, un entraîneur de boxe fatigué qui finit par coacher une jeune femme. Quatre années plus tard, il eut l'envie d'incarner Walt Kowalski, vieillard aigri roulant vers la rédemption. Gus Lobel, ex-spécialiste du baseball, aurait pu être son personnage ultime. Nous étions alors à l'automne 2012 ! Et puis vint Earl Jones...

Pourquoi suis-je allé voir La mule au cinéma ? D'abord pour le plaisir de revoir Clint Eastwood acteur, alors que je pensais sa carrière finie. Autant le dire d'emblée: je suis quand même bluffé par son énergie. Être né en 1930 et continuer à faire "mumuse" devant une caméra, tout en étant crédité comme réalisateur, je trouve ça super classe ! Même si, bien sûr, la partition qui est jouée ici est archi-classique pour la star: il est encore une fois question des gens de l'Amérique ordinaire. En l'occurrence, d'un vieux fleuriste dépassé par le monde moderne, qui se trouve être, au surplus, en froid avec son ex-femme et leur fille. Mais que sa petite-fille respecte et défend ardemment...

C'est lorsqu'il constate qu'il a peu d'argent pour lui apporter une aide matérielle que ce papy un peu indigne accepte un job a priori facile. Rien de plus simple que de transporter un sac d'un endroit à un autre sans l'ouvrir et poser de questions sur son contenu. Je suis certain que vous l'aurez compris: les choses sont bien sûr plus compliquées. De cultivateur, notre ami devient tout à coup... passeur de drogue ! Soyons clairs: La mule ne s'embarrasse pas trop de vraisemblance. Personnellement, cela ne m'a pas vraiment dérangé: la formule fonctionne bien, d'autant que l'ami Clint joue avec une bonne dose d'autodérision. OK, c'est un peu facile, mais je ne vais pas chipoter...

L'honnêteté me poussera quand même à dire que, sans Eastwood, tout cela n'aurait sans doute pas la même saveur. Ce coquin a le chic pour endosser le costume d'un mec un peu réac, mais moins haineux pourtant que ses détracteurs le disent parfois. Autant en rire, donc. Certes, La mule repose sur de grosses ficelles, mais les séquences émotionnelles sonnent juste, à mes yeux, et n'ont pas d'esbroufe particulière - ce que je vois comme une qualité dans le cinéma américain moderne, que je trouve souvent exagérément tapageur. Bref... même si j'ai ressenti quelques longueurs, je ne vais retenir que le meilleur. Cette séance tardive m'a offert un vrai bon moment !

Compte tenu du rapport relativement compliqué que Clint Eastwood entretient avec la gent féminine, je me suis même dit qu'il y avait peut-être bien dans son film une envie de reconnaître ses torts. Évidemment, c'est du cinéma, de la pure fiction... mais je continue de croire que cette façon - unique ? - d'incarner un vieux mec imparfait ne relève pas (ou pas seulement) du chiqué. Ce que le récit raconte d'un homme blessé et revenu tardivement à plus de modestie peut sembler paradoxal, tant il semble que la caméra de La mule tourne autour de lui. Je n'ai pas envie d'en dire trop, hein ? Le mieux que vous ayez à faire est de voir le film pour vous forger une opinion.

La mule
Film américain de Clint Eastwood (2018)

On ne peut pas dire que tout cela soit très innovant, mais c'est un fait que je pardonne beaucoup à mon cher réalisateur-acteur vétéran. Content d'avoir renoué avec lui dans une salle aux bons fauteuils. Après avoir loupé Le 15h17 pour Paris, c'était nécessaire ! Au jeu des comparaisons, j'avoue qu'aujourd'hui, je sèche un peu. Des vieux "sur le retour", on en voit d'autres dans Space cowboys, à vrai dire...

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Le film étant sorti il y a déjà un moment...

Pascale, Dasola, Princécranoir et Strum en ont donc parlé avant moi.

PS: en début de chronique, je fais référence à...
- Million dollar baby / Clint Eastwood / 2004,
- Gran Torino / Clint Eastwood / 2008,
- Une nouvelle chance / Robert Lorenz / 2012.

lundi 29 avril 2019

Disney réévalué

Parviendrai-je un jour à faire le tour de la Walt Disney Company ? Géante, la firme née en 1923 (sous le nom Disney Brothers Studios) règne sur une bonne partie du cinéma américain: elle a racheté Pixar en 2006, Marvel Entertainment en 2009, Lucasfilm trois ans plus tard et la 21st Century Fox en 2017. Je pourrais encore en citer d'autres...

Faut-il avoir peur ? J'entends parfois dire que Disney n'a pas inventé grand-chose et, en fait, a abondamment pillé les légendes du monde pour bâtir un empire du divertissement où seul le dollar est respecté. Mon avis ? Je trouve cela injuste vis-à-vis des innombrables artistes qui travaillent pour le groupe. Sans sombrer dans un angélisme gaga !

J'évoquais samedi les valeurs traditionnelles promues par Mickey. C'est vrai: nombre de leurs personnages sont "bien propres sur eux". Quand ils sont mauvais, on dit que ce sont des méchants: l'ambiguïté n'a que trop rarement sa place dans cet univers au format WASP. N'empêche: construire des archétypes participe aussi d'une démarche artistique sensible, à mes yeux. Nombreux, ceux qui s'y retrouvent ! Cela n'est pas une preuve de bon goût, mais les succès de Disney m'apparaissent respectables. Même ceux au fort goût de guimauve...

Il reste à espérer que la gourmandise de l'entreprise et son côté tentaculaire n'entravent pas la créativité d'autres acteurs du cinéma. C'est pourquoi, de mon côté, sans jamais renoncer au plaisir possible d'une séance disneyienne, je m'efforce de rester vigilant aux mondes animés imaginés par d'autres - aux États-Unis, en France ou ailleurs. Cela ne suffit pas à éliminer les effets pervers de la mondialisation capitaliste sur le septième art, mais... ça y contribue un peu, non ? Allez savoir... ici ou là, il se peut qu'on trouve des colibris cinéphiles !

samedi 27 avril 2019

Un éléphant 2.0

C'est devenu une habitude pour Disney de rassembler de vrais acteurs pour sortir une nouvelle version de ses classiques de l'animation. Usant d'effets numériques, Tim Burton a réinventé Dumbo, un film qui datait de 1941. Je n'ai pas pris le temps de revoir la mouture originelle avant de plonger dans cette relecture. À suivre, peut-être...

Cela ne vous dit rien ? Bon... aux petits nouveaux, je vais préciser que Dumbo est un éléphanteau, né dans des conditions bien difficiles et au coeur d'un cirque itinérant (en train !). Le chef de la troupe considère que l'animal n'a guère sa place parmi les quelques autres utilisés pour le spectacle: d'avis d'expert, ses oreilles démesurées risqueraient d'effrayer le public. En parallèle à cela, le scénario 2019 construit une histoire de famille monoparentale, avec un papa revenu de la guerre amputé d'un bras et deux enfants des plus bienveillants. C'est cul-cul la praline ? Oui, un peu, mais c'est très Disney, aussi. C'est évidemment plutôt lisse et porteur de valeurs "traditionnelles"...

D'aucuns souligneront que voir Tim Burton aux commandes d'un projet de cette nature est franchement décevant. Moi, j'ai envie d'ajouter que cela fait désormais belle lurette que l'Américain a tourné le dos aux univers macabres de ses débuts... et qu'il n'y a plus à s'étonner. Évidemment, les aspects sirupeux de ce Dumbo peuvent déplaire. Pourtant, il y a, je trouve, quelques instants de grâce dans ce film imparfait, que je mettrais au crédit de la complémentarité sensible affichée par le duo Eva Green / Colin Farrell. En Monsieur Loyal colérique, mais finalement sympa, Danny DeVito est bien, lui aussi. Idem pour les mômes: Nico Parker et Finley Hobbins s'en sortent honorablement. En revanche, Michael Keaton en fait des caisses ! Outré, son jeu est bien trop maniéré pour faire de lui un méchant effrayant: il m'a parfois sorti de ce que j'étais venu à apprécier comme un joli conte (pour enfants sages). D'où une impression finale en demi-teinte: trop de démonstration bride fatalement l'imaginaire. Bon, c'est peut-être bien parce que je suis devenu grand, moi aussi...

Dumbo
Film américain de Tim Burton (2019)

Une précision: j'y suis allé avec deux potes... et le fils de l'un d'eux. Le kid, dix ans bientôt, a bien apprécié. D'autres minots adoreront ! Si les vôtres vous le demandent, allez-y: cela reste un spectacle honnête (et qui pourra donner lieu à certaines discussions familiales). NB: dans cette série de films, j'avais préféré Le livre de la jungle. Cendrillon ? Pas honteux. On annonce Aladdin, Le roi lion, Mulan...

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Il y a bien sûr d'autres manières de voir le film...

Je vous propose donc de vous intéresser aussi à l'opinion de Pascale.

mercredi 24 avril 2019

Revolución !

Tournée dans une arène, la toute première séquence d'El mercenario m'a surpris. Sous un chapeau de paille, un homme observe la piste. Point de sauvagerie, mais une fausse corrida jouée par des clowns. Bientôt, un flashback démarre et le scénario se dévoile... lentement. J'ai découvert le film sans trop d'infos au préalable. Un choix inspiré !

Les historiens du cinéma italien disent que le western transalpin connaissait sa brève apogée quand El mercenario est sorti en salles. L'action, ici, se déroule principalement au Mexique et suit la trace d'un groupe d'anciens mineurs devenus révolutionnaires. Le chef autoproclamé s'affranchirait bien d'un égal, mais il finit par accepter d'associer ses forces avec un drôle de Polonais, motivé par l'argent sans doute, mais plutôt doué pour le tir - ce qui peut toujours servir. Bientôt, les deux larrons et leur fine équipe se retrouvent pourchassés par d'autres hommes armés, militaires officiels ou hommes de main des patrons. Et c'est parti pour de folles et incessantes péripéties ! Objectivement, c'est bien ce côté débridé qui fait la force du film. Pour qui aime le genre, c'est un vrai petit bijou, parole de ciné-geek !

Je ne vais pas entrer dans les détails, mais tout est encore meilleur lorsqu'une femme rejoint le duo masculin. L'idée classique du triangle amoureux fonctionne d'autant plus qu'ici, j'ai ma foi fort envie de dire que c'est très souvent Mademoiselle qui mène la danse. Le titre choisi pour le film fait référence à un personnage unique, mais le récit sauve le coup en mettant les deux autres à égalité. Et le trio d'acteurs livre une prestation jubilatoire: à l'écran, Giovanni Ralli, Franco Nero et Tony Musante semblent bien s'amuser et c'est très communicatif ! L'idéal est de voir El mercenario sans a priori, comme un film conçu pour être divertissant, dans une époque - la fin des années 60 - portée par de nombreuses envies de grands soirs et de lendemains qui (en)chantent. Un gros demi-siècle plus tard, je me suis ré-ga-lé ! La fin de l'histoire nous invite d'ailleurs à continuer de rêver les yeux ouverts: cet élan d'optimisme vient appuyer une très juste conclusion.

El mercenario
Film hispano-italien de Sergio Corbucci (1968)

Après Django et Le grand silence, ce long-métrage un peu foutraque marque donc ma troisième incursion - réussie - sur le territoire cinématographique de celui que l'on surnomme parfois l'autre Sergio. Inévitablement, j'ai désormais très envie d'en découvrir davantage. Vous aussi ? Pour calmer votre impatience, je vous réexpédie illico vers Sergio Leone, avec Le bon, la brute et le truand en film-totem.

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Et maintenant, à tout seigneur, tout honneur...
Je ne peux en finir avec cette chronique sans saluer l'ami Vincent. C'est lui qui m'a parlé de ce film... et c'était il n'y a pas si longtemps. Django et Le grand silence étaient eux aussi sujets de la discussion. Vous voulez en savoir plus ? Je vous recommande de relire l'interview qu'il m'avait accordée et (au moins) l'une de ses propres chroniques. N'hésitez pas à "fouiner" un peu chez lui: vous en trouverez d'autres...

lundi 22 avril 2019

Á gauche toute ?

Je vais passer sur certaines grosses ficelles pour garder une image positive de La lutte des classes. Édouard Baer m'amuse. Leila Bekhti me séduit. Résultat: leur (improbable ?) couple de cinéma m'a attiré. Lui est crédible en vieux rockeur désabusé, elle aussi en avocate déterminée ! On s'attend, bien sûr, à un duo quelque peu dissonant...

Bingo ! Sur le ton de la comédie, Michel Leclerc, en habitué, construit une nouvelle histoire sur la gauche désorientée. La lutte des classes fait évidemment, de par son titre, un clin d'oeil à une conception ancienne des rapports sociaux, mais il s'inscrit bien dans la France d'aujourd'hui, autour donc de deux amoureux décidés à quitter Paris pour installer leur petite famille - recomposée - à Bagnolet, une ville modeste de la banlieue immédiate. En se proposant de nous faire rire autour de la question de la place de l'école dans la cité, le film parvient à être réellement tendre et, de fait, bien moins manichéen que je ne pouvais le craindre. Parfois, il est un peu trop caricatural...

Je n'ai pas envie d'être méchant, car je crois que c'est un film sincère. Imparfait, sans doute, mais honnête dans ses intentions. J'ajoute qu'à mon avis, le réalisateur témoigne d'une bonne part d'autodérision dans le portrait de ces banlieusards un peu "paumés" dans leurs contradictions. Il manque juste un peu d'ambition formelle pour emballer le tout: les acteurs jouent bien le jeu, mais le film n'invente rien du point de vue esthétique (et c'est donc regrettable). La lutte des classes fait partie de tous ces longs-métrages qui, vus sur un écran télé ou au cinéma, apparaissent toujours identiques. Pour le reste, je ne vois rien à y redire. C'est que j'en ai vu d'autres...

La lutte des classes
Film français de Michel Leclerc (2019)

Une découverte sympa, sans plus. J'avais gardé un meilleur souvenir d'un film précédent du réalisateur, Le nom des gens, mais neuf ans sont passés et mes goûts ont probablement évolué (voire changé). Aujourd'hui, pour parler d'école, je préfère un film comme Primaire. Une impression qui pourrait bien encore se modifier au fil du temps. Bref, à l'heure actuelle, je dis trois étoiles et demie. C'est déjà bien ! 

samedi 20 avril 2019

Une femme chinoise

Je ne prétends pas que je connais parfaitement le cinéma chinois. Ses réalités sont complexes: nous autres, Occidentaux, regroupons sous ce vocable des films venus de Chine continentale, de Hong Kong, de Singapour, de Taïwan et du Tibet ! Je n'ai pas étudié la question en détails avant de voir Les éternels. Oui, j'y reviendrai, peut-être...

Avant cela, j'ai donc découvert en Jia Zhang-ke un réalisateur chinois confirmé: 48 ans "seulement" et déjà un douzième long-métrage ! D'ailleurs, une partie de la critique relève qu'ici, il utilise des plans tournés il y a déjà de longues années, ce qui lui permet, en ajoutant toutes ses images nouvelles, de montrer comment son pays évolue. D'ailleurs, le scénario, lui aussi, s'étale dans le temps, sur une période d'une quinzaine d'années. Il suit chaque pas de Qiao, jeune femme issue d'un milieu populaire, tombée amoureuse d'un chef de la pègre. Contre toute attente, c'est l'intervention musclée de cette anonyme qui tire le gangster d'un très mauvais pas. La réalité finit toutefois par rattraper le couple, lorsque Madame est jetée en prison pour port d'arme prohibé. On découvre alors, petit à petit, que la criminalité organisée n'est pas le vrai sujet du film: Les éternels nous parle davantage de l'évolution d'une relation humaine et des changements sociaux d'une nation. Je dirais à ce stade que tout cela est sombre. Passez votre chemin si vous cherchez quelque chose de divertissant...

Pour autant, réduire ce qui nous est montré à sa dimension dramatique serait pour le moins simpliste. Ce type d'histoire s'appréhende sans réel plaisir, mais la forme est tellement soignée qu'elle justifierait presque à elle seul qu'on s'intéresse au récit. Cocorico ! Les plus cocardiers d'entre nous noteront que Jia Zhang-ke s'est aussi appuyé sur une expertise française, celle d'Éric Gautier comme directeur photo - et c'est un travail sublime, croyez-moi. Aventureux, le cinéaste s'autorise des plans étonnants, en évoquant notamment l'existence (souhaitable ?) de créatures extraterrestres. Pragmatique malgré tout, Les éternels n'oublie pas l'importance cruciale des acteurs: tout tourne ici autour de Zhao Tao, la compagne et la muse du cinéaste, impeccable et impressionnante de rigueur. Pour pousser l'analyse, on pourrait dire que le film revient également sur les mythes du Jiang hu, cette partie de la population chinoise restée en marge de la société traditionnelle. Vaste sujet, en vérité ! Constat d'évidence: le cinéma chinois n'a pas fini de me surprendre...

Les éternels
Film chinois de Jia Zhang-ke (2018)

Pour me résumer, je vous dirais que ce (beau) portrait d'une Chinoise vaut le détour, d'autant qu'il en dit long sur le pays. J'ai été surpris d'apprendre que Jia Zhang-ke était député depuis l'année dernière. Nous aurions tôt fait de classer les cinéastes chinois en contestataires du pouvoir. Parmi mes découvertes, je préfère la fresque historique d'Adieu ma concubine et la magnificence de The assassin. À suivre !

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Si jamais vous voulez creuser le sujet...

Je peux vous suggérer de le faire en compagnie de Pascale et Strum.

vendredi 19 avril 2019

Oui, Cannes...

Vous avez suivi ? Le Festival de Cannes a donné hier une liste de films retenus pour la course à la Palme d'or 2019. L'ouverture est prévue mardi 14 mai, avec The dead don't die, le nouveau Jim Jarmusch. J'avoue que, pour le moment, je suis resté sourd aux premiers échos de la Croisette. Serai-je plus attentif dans un petit mois ? On verra...

C'est un fait: j'ai encore tendance à me retourner sur le passé récent. Or, à ce jour, je n'ai vu que cinq des 21 films en compétition l'année dernière (dont la Palme d'or: Une affaire de famille). C'est bien peu. Cela ne veut surtout pas dire que je me désintéresse de l'événement lui-même, au contraire: ce rendez-vous printanier m'apparaît capital pour accompagner la diffusion et la promotion d'oeuvres de cinéma venues des quatre coins du monde. Je ne prête guère d'importance aux à-côtés: leur aspect bling-bling suscite plutôt mon indifférence...

Cela étant, pas de snobisme: j'estime que c'est à chacune et chacun d'entre nous de prendre ce qu'il veut parmi ce que le Festival propose. Si certains abordent le septième art par sa face paillettes, ça me va ! Je ne connais aucune mauvaise façon de développer sa cinéphilie. Mon seul vrai regret, en somme, est encore que les portes du Palais restent aussi souvent fermées au grand public. C'est ce qui explique pourquoi j'attends surtout de voir les différents films sortir en salles. Évidemment, pour cela et pour tout le reste, il me faut être patient...

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Et vous, alors ? Vous en pensez quoi ?
Cannes vous fascine ? Vous irrite ? Vous laisse froid ? Je vous écoute.

mercredi 17 avril 2019

Obtenir justice

Nombreux sont les cinéphiles à avoir relevé que La belle et la meute donne à voir neuf plans-séquences de durées variables. Cet aspect technique ne m'a pas frappé sur l'instant: le mentionner dès le début de cette chronique me permet de rattraper cette petite "négligence". Je peux maintenant me pencher sur le fond et c'est plus intéressant...

Tiré d'une histoire vraie déjà racontée à l'écrit, La belle et la meute s'apparente presque à un témoignage direct: celui d'une jeune femme tunisienne, violée par deux policiers à la sortie d'une fête étudiante. Dans la réalité, la victime a dû attendre pendant de très longs mois avant que ses agresseurs soient condamnés à une lourde peine d'emprisonnement. Le film, lui, ne montre pas le procès, mais résume cette tragédie à une nuit au cours de laquelle, parmi les autorités officielles, forces de l'ordre et médecins, personne ne prend l'affaire au sérieux. C'est évidemment glaçant ! Certains critiques l'analysent comme le portrait d'un pays à la dérive, après une révolution inutile...

Je trouve pour ma part tout à fait significatif que le film soit tunisien et qu'il ait été réalisé par une femme. Pour autant, je juge préférable de ne pas le réduire à sa possible dimension de pamphlet politique. Marchant toujours dans les pas de son personnage principal, La belle et la meute expose une situation, mais n'adopte jamais le ton exalté des oeuvres d'inspiration militante. Du coup, c'est encore plus fort ! Mention spéciale à Mariam Al Ferjani, qui livre ici une interprétation incroyable, son corps tremblant comme si elle avait elle-même subi cette innommable violence. D'une façon générale, c'est tout le casting que j'ai envie de saluer pour son courage: les quelques autres actrices livrent une prestation d'une juste sobriété, tandis que les comédiens assument parfaitement de ne pas avoir le beau rôle. Le scénario évitant le piège du manichéisme, le long-métrage est une réussite. Chose importante: aucune image du crime ne nous est imposée. Ouf !

La belle et la meute
Film tunisien de Kaouther Ben Hania (2017)
Disons-le: à mes yeux, ce cinéma mérite d'être respecté et soutenu. Bon... je n'ai pas mis quatre étoiles pleines, car il me semble finalement que le film vaut davantage pour sa qualité de témoignage que pour sa mise en scène formelle. Je crois me souvenir également que le précédent opus de la réalisatrice - Le Challat de Tunis / 2014 - faisait preuve d'une plus grande audace. On peut dire que je chipote !

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Si le bouquin vous intéresse, du coup...

Coupable d'avoir été violée a été publié en France chez Michel Lafon en avril 2013. Ses auteures: Meriem Ben Mohamed et Ava Djamshidi.

Et si vous hésitez encore à voir le film...
Vous aurez peut-être envie de lire aussi les avis de Pascale et Dasola.

lundi 15 avril 2019

(Super-)héroïnes

Vous l'aurez sans doute remarqué en lisant mes chroniques: j'ai passé un long moment sans voir de film récent. J'avais toutefois une carte prépayée à terminer et, après une série de classiques, j'ai enchaîné avec deux blockbusters. Ils tournent chacun autour de personnages féminins. C'est ce qui m'a donné l'idée de les regrouper aujourd'hui...

Alita : Battle Angel
Film américain de Robert Rodriguez (2019)

2563: l'espèce humaine survit assez péniblement sur une Terre plombée par une guerre contre Mars. La population est tenue à l'écart de Zalem, une prospère cité céleste qui vide ses ordures sur la ville située en contrebas, Iron City. Au milieu des détritus, un médecin spécialisé dans les technologies biomécaniques découvre les restes d'un corps robotique: il redonne alors la vie à une adolescente cyborg et la baptise du nom de sa fille disparue. Amnésique, la jeune fille ignore tout de ses origines, mais finit par découvrir qu'elle dispose d'incroyables facultés de combat. Et ça tombe bien: il y a un méchant dans cette histoire et il serait plutôt bien de le ramener à la raison ! Inspiré de Gunnm, un manga des années 1990-95, Alita : Battle Angel devrait ravir les amateurs de science-fiction à la sauce nippone. Personnellement, je ne me suis pas ennuyé, mais je dirais que le film cible plutôt les 15-25 ans que les cinéphiles (un tantinet) plus âgés. Après deux heures, la fin très ouverte nous laisse penser qu'une suite sera à l'affiche dans un an ou deux. Je ne suis pas sûr d'aller la voir...

Captain Marvel
Film américain d'Anna Boden et Ryan Fleck (2019)

Quelle saga ! Depuis 2008, Marvel est à l'origine de 21 longs-métrages mettant en valeur ses héros... et, moi, je n'en ai pas vu la moitié ! L'intérêt (tout relatif) que je portais aux comics quand j'étais gosse semble désormais bien loin. Il n'empêche que c'est sans réel effort que je suis allé voir ce Captain Marvel, attiré d'abord par le fait qu'une femme porte le costume. Résultat ? Mouais... c'était sympa. Sincèrement, je pense que celles et ceux d'entre vous qui ont déjà quelques repères dans ce très vaste univers auront un train d'avance sur les autres. Pour l'originalité, vous repasserez: il est question encore une fois de batailles entre peuples intergalactiques, les Kree humanoïdes d'un côté et les Skrulls à la tête toute verte de l'autre. Surprise: ici aussi, l'héroïne a oublié qui elle était, ce qui conduit jusqu'à un rebondissement à mi-parcours, sans pour autant susciter autre chose qu'un intérêt poli. En clair, c'est bien fichu, mais banal. Des films comme celui-là, Hollywood en produit des wagons entiers ! Faut-il les réserver aux amateurs du genre ? Assurément pas, mais...

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Une petite conclusion...
Ghost in the shell
pourrait être mis en parallèle avec le premier film. Wonder Woman servirait quant à lui de contrepoint au second. Modéré dans ma notation, je ne veux surtout décourager personne...

Et la blogosphère, alors ?
Mes blogs de référence ont complétement zappé Alita : Battle Angel. Isolé, Princécranoir livre tout de même sa vision de Captain Marvel !

dimanche 14 avril 2019

Un fâcheux accident

Incorrigible ! J'ai (encore) la faiblesse de croire qu'un duo d'acteurs sympathiques peut sauver le plus improbable des films. Il est ardu d'expliquer autrement ce qui m'a poussé à regarder Vol d'enfer. Derrière ce titre français vraiment frelaté se cache un long-métrage d'intérêt moyen, mais avec Rosanna Arquette et Christopher Reeve...

1918. Edgar Anscombe pilote des avions et est instructeur de vol auprès de particuliers. Un crash cause la mort d'un de ses clients. Reconverti dans l'aéropostale, il entend ne plus voir personne à bord de son appareil. Oui mais voilà... dix ans plus tard, il est contraint d'accepter une passagère, Tillie Hansen, une jeune fille de famille bourgeoise, que son père - évidemment veuf - punit de son côté rebelle en l'envoyant apprendre les bonnes manières chez une tante éloignée. Il arrive bien sûr ce qui devait arriver: un nouvel accident. Tillie/Rosanna et Edgar/Christopher s'en sortent, mais se retrouvent coincés sur un haut sommet des Rocheuses, à la merci des loups. Autant dire que Vol d'enfer ne s'embarrasse guère de vraisemblance ! Il faudra le prendre tel qu'il est pour l'apprécier vraiment. Les idées écologiques qui ont cours aujourd'hui le desservent, assurément. J'insiste par honnêteté: c'est bel et bien un petit film. Un tout petit...

Ma fascination pour les avions peut justifier un part du plaisir coupable pris à découvrir cette histoire. Derrière une moustache épaisse et en combinaison tout cuir, Christopher Reeve joue les durs et on fera comme si on y croyait juste un peu. Un même penchant accompagnera la prestation de Rosanna Arquette, qui fait semblant d'avoir 17 ans tandis qu'en réalité, elle en a presque dix de plus ! Heureusement, la beauté des décors et costumes nous permet d'oublier qu'il y a beaucoup de facilités (et de clichés) dans ce récit. Vol d'enfer apparaît alors pour ce qu'il est: une production modeste des années 80, basée sur un tandem de stars appréciées du public. C'est peu, oui, mais ce n'est déjà pas si mal et probablement meilleur qu'un autre film du même nom, avec Steven Seagal, sorti en 2007. J'avoue: parfois, ce genre de longs-métrages peut bien me convenir. Typiquement, les soirs où j'ai envie d'un popcorn movie à l'ancienne...

Vol d'enfer
Film américain de George Trumbull Miller (1985)

Tout sauf incontournable, ce gentil petit film m'a offert un moment relax: je crois en fait que c'est mon coeur de midinette qui parle. Notez-le: fin 2017, un autre long-métrage (La montagne entre nous) racontait une histoire équivalente, avec Kate Winslet et Idris Elba. Pour un voyage plus musclé, vous pouvez aussi suivre Liam Neeson sur Le territoire des loups. L'homme et la nature, c'est cinégénique !

samedi 13 avril 2019

Reconstruction

Une précision: je vais vous parler aujourd'hui d'un film que j'ai vu deux fois en quatre jours. Au travers des oliviers s'est quasi-imposé dans mon agenda cinéphile: la bibliothèque où je me rends parfois l'avait programmé un samedi matin et on m'a proposé de le présenter. Pour être franc, il m'a semblé bien plus "accessible" la seconde fois...

Logique: entre les deux séances, j'avais cherché des informations. Sans trahir de secret important, je peux donc vous dire que ce film est le troisième d'affilée tourné par Abbas Kiarostami dans le village de Koker, situé au nord de l'Iran. Quatre ans auparavant, la région avait subi un tremblement de terre, dont les graves conséquences matérielles sont encore - et volontairement - très visibles à l'écran. Sur cette terre meurtrie, Au travers des oliviers raconte un tournage compliqué: il s'avère en fait que c'est celui du précédent long-métrage du réalisateur. Mais il ne s'agit pas seulement d'une mise en abyme audacieuse: inspiré du réel, le scénario crée une fiction, donne à voir les réalités contrastées d'un pays et nous offre le portrait touchant d'une jeunesse livrée à elle-même. C'est à la fois intense et fascinant.

Évidemment, loin de nos habitudes européennes, on peut perdre pied devant les chassés-croisés de ce récit complexe. Mon expérience personnelle ? Je me suis d'abord senti attentif à suivre les péripéties du plateau de tournage reconstitué et me suis donc d'abord intéressé au film dans le film. Ce n'est véritablement qu'à la deuxième vision que j'ai été conquis par les personnages - ce beau duo fille/garçon incapable de se parler comme deux post-adolescents "ordinaires". Impossible d'affirmer le contraire: je n'ai pas été ému tout de suite. Au travers des oliviers a fini par me plaire comme une porte ouverte sur un monde que je connais mal et à partir du moment où j'ai perçu toute l'empathie dont témoigne l'homme placé derrière la caméra. Finalement, je me trouve tout à fait satisfait de l'avoir vu... et revu !

Au travers des oliviers
Film iranien d'Abbas Kiarostami (1994)

J'émets quelques réserves, mais mon bilan est globalement positif. Cette approche presque néoréaliste a bel et bien fini par me séduire. Cela me donne envie de revoir Le goût de la cerise, le film suivant du cinéaste (et l'une des deux Palmes d'or du millésime 1997). Auriez-vous un autre Kiarostami à me suggérer ? Un simple constat d'évidence: ce cinéma d'Iran me reste encore très largement inconnu !

jeudi 11 avril 2019

Une forêt et des hommes

Il aura fallu attendre 22 ans pour que Nausicaä de la vallée du vent parvienne jusqu'à nous dans sa version intégrale. Le studio Ghibli n'existait pas encore quand le grand maître japonais Hayao Miyazaki a ébloui son pays avec ce dessin animé, tiré de son manga éponyme. En le découvrant, c'était un peu comme si je revenais aux sources...

Certains présentent parfois le vieux chef de file de l'animation japonaise comme un artiste écolo. Bon... le fait est qu'il nous parle ici d'un monde où une forêt ne cesse de gagner du terrain, aux dépens d'êtres humains qui la voient comme une menace et sont dépassés par les événements. D'où une opposition: les uns jugent indispensable de détruire les arbres et, avec eux, les insectes géants qui semblent les protéger, tandis que les autres s'efforcent plutôt de s'en préserver sans affecter l'équilibre. Autant vous le dire sans retard: Nausicaä... m'a relativement surpris par la (relative) complexité de son scénario. Pas sûr que le film soit vraiment accessible aux très jeunes enfants...

Si j'ai bien compris, c'est en fait amputé d'une vingtaine de minutes qu'à l'époque de sa sortie sur les écrans japonais, il avait d'abord fait l'objet d'une projection-événement organisée au Grand Rex, à Paris. L'intention des distributeurs était alors de mettre en avant les scènes d'action, ce qui a sûrement conduit à occulter une partie du message. Nausicaä... est une oeuvre qu'il faut également voir avec le coeur. Objectivement, je crois pouvoir dire que Hayao Miyazaki a fait mieux ensuite, mais il y a déjà là beaucoup de sa philosophie artistique. Important sur le plan historique, le long-métrage mérite également d'être aimé pour lui-même: c'est une belle histoire joliment racontée. L'esthétique est des plus étonnantes: les personnages ont une allure moyenâgeuse, mais le récit est pour ainsi dire science-fictionnel ! Mon enthousiasme n'est pas total, mais je ne sais pas dire pourquoi. Peut-être est-ce juste que j'attendais encore davantage d'émotions...

Nausicaä de la vallée du vent
Film japonais de Hayao Miyazaki (1984)

Un bon moment, même si, donc, ce ne restera pas mon Miyazaki favori. J'aimerais désormais revoir Princesse Mononoké pour le côté écolo. Avant cela, puisque l'on en parle, je vous redis ma préférence pour Le voyage de Chihiro (et Ponyo sur la falaise, au rayon kids). Mon index du cinéma mondial vous mettra sur d'autres pistes animées nippones. Il est plus que probable que j'en présente quelques autres...

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Si vous souhaitez prolonger le débat...

Je suis déjà persuadé que la chronique de Strum vous intéressera. Nota bene: vous pouvez aussi entendre parler du manga chez Dasola !

lundi 8 avril 2019

Nouvelle jeunesse

Il arrive que le hasard mette inopinément des films sur notre route. Ainsi, sans la visite de mes parents il y a quelque temps, l'opportunité de voir Faust, une légende allemande me serait passée sous le nez. C'est ainsi en cherchant un spectacle que j'ai appris qu'il était projeté lors d'un ciné-concert. Et je vais donc à présent tout vous expliquer...

Le Diable fait un pari avec l'archange Gabriel: il entend lui démontrer que tout être est corruptible. L'enjeu de la négociation ? Le contrôle absolu de l'ensemble de la Création ! Méphisto descend donc sur Terre pour y rencontrer un vieil humaniste, qui n'a trouvé aucune solution véritable aux maux de son temps (maladies, famines et guerres). Lorsque, grâce au Malin, la situation s'améliore, le docteur est chassé de chez lui, accusé - non sans raison - d'une sulfureuse complicité. N'ayant plus rien à perdre, il signe alors un autre pacte pour recouvrer sa jeunesse perdue, en échange de son âme. Cela relève d'un mythe germanique ancien, appuyé sur un personnage réel du 16ème siècle...

Quand il s'empare de cette histoire, Friedrich Wilhelm Murnau marche dans les pas d'autres artistes avant lui. Le cinéaste allemand travaille une dernière fois dans son pays, avant son départ aux États-Unis. Ancien historien de l'art, il n'a pas encore 40 ans, mais sa maîtrise formelle est incontestable: il nous a laissé ici une oeuvre muette d'une incroyable puissance émotionnelle, pour qui veut bien s'y laisser prendre. Sa restauration récente m'a presque fait oublier que Faust... est un film nonagénaire et donc l'un des plus vieux que j'ai pu voir ! Un statut "patrimonial" qui ne le hisse pourtant pas à des hauteurs inaccessibles. En fait, je dirais qu'il fait d'abord appel à notre coeur...

Je laisserai à d'autres le soin de revenir en détail sur les techniques employées pour réaliser un tel film. Ma connaissance du cinéma muet n'est encore que très légère: mon émotion est liée à mon impression qu'à cette époque, on faisait beaucoup avec relativement peu d'outils. Cela étant, certaines scènes de Faust... font aussi appel à des effets spéciaux - désignation moderne ? - et il paraît que la UFA, la société de production du long-métrage, n'avait encore soutenu aucun projet aussi complexe et coûteux. Oui, elle y aurait même perdu de l'argent ! Cela n'enlève rien à la qualité du travail de Murnau, mais je me dis que nous avons de la chance de pouvoir encore l'apprécier aujourd'hui.

Je vous ai déjà dit que j'ai vu le film en ciné-concert: une musique était donc jouée en live pendant la projection. Si je ne parle pas ici de bande originale, c'est parce que j'ai trouvé diverses sources contradictoires au sujet du compositeur de la partition de l'époque. Personnellement, c'est un accompagnement improvisé par le pianiste français Jean-François Zygel que j'ai entendu - une belle découverte. Pour info, c'était d'autant plus spectaculaire que j'étais alors perché au cinquième étage d'un majestueux théâtre à l'italienne, avec vue plongeante sur la scène et dans un confort vraiment... relatif, disons. Une autre des raisons qui font que je garderai un souvenir marquant !

Faust, une légende allemande
Film allemand de Friedrich Wilhelm Murnau (1926)

Quatre étoiles bien méritées pour cette perle ! Elle me rappelle aussi combien j'avais apprécié les autres longs-métrages du même cinéaste découverts auparavant - à savoir L'aurore (1927) et Tabou (1931). Voilà qui va également attiser ma curiosité envers le cinéma muet ! Bon... je ne parlerai pas aujourd'hui des versions parlantes du mythe de Faust au cinéma. Mais possible que ce ne soit que partie remise...

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Si cette longue chronique ne vous a pas contentés...

Vous pourrez toujours en lire une autre du côté de "L'oeil sur l'écran".

vendredi 5 avril 2019

Dansons, maintenant !

Si le cinéma est le septième art, à quel rang la danse se place-t-elle ? D'après Wikipédia, au sixième et ainsi avec les autres arts scéniques que sont le théâtre, le mime et le cirque. Je monte donc d'un cran aujourd'hui pour vous parler de deux (beaux) films à entrechats ! C'est quasiment coup sur coup que j'ai eu l'occasion de les découvrir...

 
Le danseur du dessus
Film américain de Mark Sandrich (1935)

Fred Astaire a débuté sa carrière cinéma en 1933 et, sorti deux ans plus tard, Le danseur du dessus est déjà... son cinquième film ! C'est également sa quatrième collaboration avec Ginger Rogers. Mademoiselle, à vrai dire, était actrice depuis un peu plus longtemps. Qu'importe: ils ont le même mérite dans ce joli pas de deux. Beaucoup considèrent cet opus comme un grand classique: il oppose un danseur quelque peu arrogant, descendu dans un luxueux hôtel avant un spectacle, à une jeune femme qui voudrait bien y dormir tranquille. Un quiproquo XXL vient alors pimenter le récit: la belle s'enferme dans l'idée que le roi des claquettes est un véritable mufle ! Évidemment, aujourd'hui, on n'écrit plus un scénario comme celui-ci. Quant à savoir si c'est grave... je ne crois pas, sincèrement. Hollywood a tourné la page, mais nous laisse retourner dans le passé pour la consulter à nouveau - ce que j'ai fait avec un certain plaisir. La reconstitution en studio d'une Venise de pacotille vaut le coup d'oeil ! Le reste est très sucré, bien sûr, et donc assez sympathique...

Les chaussons rouges
Film britannique de M. Powell et E. Pressburger (1948)

Vous l'avez sans doute remarqué: j'utilise le terme de "chef d'oeuvre" avec beaucoup de circonspection. Bon... j'ai quand même très envie d'ajouter sans attendre Les chaussons rouges à ma liste personnelle ! Je n'ai pas vraiment compté, mais cela faisait déjà un bon moment que j'avais entendu parler de ce classique comme d'un très grand film. Je savais qu'il y était question d'un ballet, mais j'avais ensuite fermé mes écoutilles pour éviter toute information supplémentaire. Inspiré d'un conte d'Andersen, le scénario retrace la vie d'une jeune ballerine talentueuse, qui parvient - non sans difficulté ! - à attirer l'attention d'un grand impresario. Tout aussi doué que méconnu, un musicien convainc simultanément le nabab de l'embaucher comme compositeur. Stop ! Le reste, je vous laisse le (re)découvrir. Même si l'intrigue pourrait paraître très ordinaire, le long-métrage est d'une telle beauté qu'il m'a subjugué de bout en bout. L'ensemble des outils du cinéma est mis ici au service de la danse, de manière d'autant plus viscérale qu'une longue scène chorégraphique se déploie au coeur du métrage. J'en ai vu d'autres sur scène, mais là... c'est encore autre chose. L'une de mes plus grandes émotions esthétiques de ces derniers mois.

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Pour s'en remettre, voici d'autres pistes de danse...

Le danseur du dessus est venu bien avant Chantons sous la pluie. Et Les chaussons rouges annonce Black swan... ou même Suspiria !

Et pour finir, si vous le souhaitez, j'ai quelques liens...
Le danseur du dessus avait fait l'objet d'une chronique 100% visuelle chez Ideyvonne et d'un texte de "L'oeil sur l'écran". Ce dernier blog présente également Les chaussons rouges, tandis que l'ami Strum propose une analyse - en deux parties - du style Powell / Pressburger !

mardi 2 avril 2019

Un autre Ouest

On dit de Sergio Leone qu'il a changé à jamais l'image du western. Amoureux des légendes de l'Amérique, le cinéaste italien en a joué dans plusieurs films devenus cultes. J'ai saisi l'occasion d'en revoir un au cinéma: Et pour quelques dollars de plus, la deuxième escapade du maestro quelque part à l'Ouest... et le troisième de ses sept films.

Attention aux faux semblants: un nombre important d'autres films émaillèrent la carrière du Romain, à ses débuts comme assistant notamment, ou plus tard comme coréalisateur - pas toujours crédité pour son travail. On sait aussi que le cinéaste se cachait parfois derrière un pseudonyme. Autre mystification: le tournage en Espagne d'un film censé se passer sur le sol américain. On peut comprendre que c'était nécessaire pour plaire aux producteurs, espagnols, donc, italiens également, mais aussi allemands. Ce serait faire une erreur que de réduire Et pour quelques dollars de plus à ce décalage géographique. Aussi baroque soit-il, le film est une véritable perle formelle, qui surprend constamment par une grande liberté de ton. Quand il est sorti, je veux croire qu'il a dû en surprendre plus d'un. Pourtant, le scénario est minimaliste: il nous invite à côtoyer un duo de chasseurs de primes, associés opportunistes en route pour décimer toute une bande de desperados. Clint Eastwood et Lee Van Cleef jouent avec brio de l'opposition des caractères de leurs personnages !

Avec Gian Maria Volontè, le long-métrage s'offre un troisième larron supposé incarner le mal absolu. La prestation fiévreuse de l'acteur confirme ce sentiment d'avoir affaire à un salaud de la pire espèce. Pourtant, comme toujours chez Sergio Leone, les bons sont ambigus et violents, les brutes attachantes et les truands parfois fragiles. Derrière la forme, c'est ce fond incertain qui suscite mon admiration pour ce cinéma d'artisan, axé sur les hommes et leurs contradictions. Est-il utile de le préciser ? L'extraordinaire musique d'Ennio Morricone fait mieux qu'ajouter à l'émotion: je dirais presque qu'elle la définit. Parler d'opéra, c'est dire un grand mot, mais en réalité, je l'assume ! La magie tient à ce que ce lyrisme n'est ni chanté, ni même prononcé de manière explicite: de nombreuses scènes se passent de dialogues importants. Rêve d'enfant porté à l'écran, Et pour quelques dollars de plus témoigne d'une foi radicale à l'égard du médium cinéma. Évidemment, on peut rester imperméable à cette énergie créatrice. Mais je crois que bien des "faiseurs" s'en inspireraient valablement...

Et pour quelques dollars de plus
Film italien de Sergio Leone (1965)

Quelle grande oeuvre ! J'aurais pu lui attribuer cinq étoiles pleines. Oui, mais... je place la suivante (Le bon, la brute et le truand) seule au sommet. Il était une fois dans l'Ouest est un immense film également, mais sur un autre ton, parce que, soudain, une femme apparaît en pleine lumière. Je ne me suis jamais lassé de cet univers. Autant dire que je n'ai donc pas fini de vous parler de Sergio Leone...

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Une précision sans doute utile...

Quinze mois avant Et pour quelques dollars de plus, Sergio Leone ouvrait le feu avec Pour une poignée de dollars. Les deux films peuvent se voir séparément, dans un sens ou même dans l'autre. Malgré d'incontestables traits communs, l'histoire n'est plus la même !

lundi 1 avril 2019

Pour la blague...

Je n'apprends rien aux cinéphiles: d'aucuns jugent que le cinéma français a perdu son sens de l'humour ! Il existe de grands classiques de la comédie française, mais le temps de rire serait, lui, révolu. Aujourd'hui, de manière un peu arbitraire, je rassemble deux films encore jeunes pour en juger. Votre avis m'intéresse, bien entendu...

Un crime au Paradis
Film français de Jean Becker (2001)

Dans un petit village de France, Joseph Braconnier élève des chèvres. Cette vie lui conviendrait parfaitement s'il pouvait encore s'entendre avec sa femme, mais Lucienne est une harpie, alcoolique de surcroît. N'est-elle bonne qu'à être tuée ? Je vous laisse en juger avec le film. Scénarisé par Sébastien Japrisot, il n'a pourtant pas l'aspect sulfureux de certaines de ses oeuvres. Est-il drôle, alors ? Très légèrement, oui. Rien de désopilant, à mon humble avis. On retrouve Jacques Villeret dans l'un de ces rôles de grand naïf dont il était coutumier. L'ensemble reste sage, chacun restant à sa place: Josiane Balasko, Suzanne Flon, André Dussollier ou Daniel Prévost. Un peu paresseux...

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Juste au cas où...

Un autre avis est aussi accessible sur le site de "L'oeil sur l'écran".

Gaston Lagaffe
Film français de Pierre-François Martin-Laval (2018)

M'enfin ! Isabelle, la fille du génial André Franquin, déteste le film ! Rageuse, elle s'est dit "impuissante à empêcher le désastre" ! Passer des cases d'une bande dessinée aux images du cinéma, peu de héros sont parvenus à le faire sans encombre. Mon affection pour Gaston me fait dire qu'ici, effectivement, il n'est guère à son avantage. Parce que le cadre est trop grand pour lui ? Peut-être. La prestation du jeune Théo Fernandez dans le rôle titre demeure honorable, oui. Mais le reste, ma foi, est souvent un peu lourdingue. Dommage ! J'imagine que cela vient de l'écriture: étirée, l'absurdité des situations devient quelque chose de risible et/ou d'hystérique. Issu de l'équipe des Robins des Bois, je me dis que le réalisateur a raté son coup. Devant la caméra, il gesticule, sans vraiment amuser. Mention bof...

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Et pour info...

Vous pouvez également lire la (courte) chronique de l'amie Pascale.