lundi 28 juin 2010

Mortelle Espagne

J'ai bien failli découvrir l'Espagne la semaine prochaine. Ce sera finalement pour une autre fois. Reste le cinéma, inépuisable source de voyages dans toutes les directions. Et c'est bien de l'autre côté des Pyrénées que nous conduira le film d'aujourd'hui: Tristana, signé Luis Bunuel et sorti en 1970. Un long métrage dont l'action a lieu dans le Tolède de la fin des années 20. L'héroïne - dont vous aurez deviné le prénom - est une toute jeune femme: ses parents décédés tous deux, elle est recueillie par un vieil oncle, Don Lope. Ce dernier la considère d'abord comme une fille, puis la courtise ouvertement. L'innocente oie blanche devient vite l'amante de son protecteur. Comme vous l'imaginez, c'est un peu glauque, tout ça, à vrai dire...

Ce n'est rien en comparaison de la suite. Tristana, c'est avant tout l'histoire d'une sorte de descente aux enfers. Nul n'y est épargné. Certes, Don Lope donne de lui l'image d'un vieux satyre, mais la belle qu'il convoite n'est pas forcément très recommandable, dans le fond. Ingrate, elle s'entiche même d'un artiste peintre, lequel dit l'aimer jusqu'à ce qu'elle tombe malade. Adulte assez retorse, la femme rejetée fait marche arrière et retrouve sa vie d'avant, sans mieux la supporter. Aigrie, assez condescendante avec les uns et les autres, et notamment avec l'enfant muet de sa gouvernante, elle deviendra un monstre de cynisme glacé, pire encore que ceux qu'elle a fréquentés. Luis Bunuel ne nous fait pas le cadeau d'un happy end. Très sincèrement, il serait de fait franchement déplacé.

Tristana n'est certainement pas de ces films que l'on regarde le soir pour se détendre. Il n'en reste pas moins qu'il ajoute une page intéressante dans le grand livre du cinéma. L'aurez-vous relevé ? C'est le troisième long-métrage du réalisateur franco-espagnol chroniqué sur ce blog. Qu'en dire pour finir ? Que, dans son genre, c'est une réussite ? Ce serait vrai. L'intérêt de cette oeuvre est aussi de voir Catherine Deneuve dans un rôle particulièrement ingrat. Interrogée sur sa perception du personnage, la comédienne indiquait d'ailleurs qu'une fois le film tourné, elle avait mis beaucoup de temps à s'en remettre, sans regretter quoi que ce soit. Il est vrai que, comme elle le soulignait aussi, ses attitudes évoluent véritablement. L'occasion idéale pour elle de dévoiler plusieurs facettes complémentaires de son talent, le tout... à seulement 27 ans. Modeste ou au contraire altière, elle est presque toujours parfaite !

dimanche 27 juin 2010

Les temps forts

Ce soir, une (courte) pause dans les critiques: je n'ai pas très envie de vous parler d'un film en particulier. Faute d'inspiration, je préfère vous donner un petit conseil de lecture. Publié aux éditions Gründ, signé de deux journalistes, Laurent Delmas et Samuel Douhaire, Cinéma - Les 100 premières fois est un ouvrage qui mérite le coup d'oeil. Son nom est suffisamment explicite : je me dispense donc aussi de vous dire en long, en large et en travers de quoi il retourne exactement. Bien qu'aucun des sujets évoqués ne fasse réellement l'objet d'une longue chronique, je dirais qu'il y a là de quoi s'offrir quelques instants de plongée dans la longue histoire du septième art. Pas besoin de clé: la porte est restée grand ouverte à la curiosité.

Oui, je l'ai trouvé très sympa, ce petit bouquin. Sauf à être le fils spirituel de Pierre Tchernia, j'ose supposer que vous y apprendrez quelques anecdotes intéressantes. Diversité du sujet oblige, il y en a pratiquement pour tous les goûts. Vous voulez quelques exemples ? Les premières pages nous apprennent que c'est en 1895, dès le début finalement, que le tout jeune cinéma a fait appel à un premier acteur rémunéré. Le premier film censuré pour des raisons politiques date de 1899: il évoquait l'affaire Dreyfus. Il faudra attendre l'année 1922 pour voir le premier documentaire et jusqu'en 1926 pour admirer ensuite le premier long-métrage d'animation. J'en passe (beaucoup) et des meilleurs: ce regard jeté en arrière est vraiment instructif. Souvent, il peut même s'avérer assez surprenant. Mieux: il n'a rien d'élitiste, ni dans l'écriture, ni dans les différents genres abordés. Ami(e)s cinéphiles, confirmés ou non, vous laisserez-vous tenter ?

vendredi 25 juin 2010

Goupil ce que j'aime

Vous excuserez, je l'espère, ce jeu de mot un peu moyen. Fantastic Mr. Fox mérite mieux, c'est vrai. Je vais commencer cette chronique en précisant que c'est là le tout premier des films de Wes Anderson que je découvre. Amusant, d'ailleurs, car à un moment ou à un autre de leur parcours cinématographique, je crois avoir souvent été intéressé par les autres longs-métrages récents du réalisateur américain. Pourquoi inaugurer sa filmographie avec cette oeuvre atypique, en ce sens qu'elle est aussi son premier film d'animation ? Je ne me l'explique pas très bien. J'émets des hypothèses. Peut-être bien justement parce que ce jour-là, le 6 juin dernier, je n'avais pas forcément envie de voir des acteurs ? Certainement parce que j'ai une certaine admiration - et de la stupéfaction - pour le stop motion, cette technique qui permet de créer le mouvement à partir de prises de vue successives d'objets immobiles. Plus simplement, il est vrai enfin que les premiers échos autour de l'intrigue ici développée m'avaient plutôt intrigué. Sorti de la salle de cinéma, je n'étais pas déçu, bien au contraire: j'ai eu tout ce que j'attendais. Probablement même un peu plus. Comme l'ont si souvent fait les studios Pixar, Wes Anderson est parvenu à nous faire oublier qu'il était ici question de renards, des taupes et de blaireaux. Ses animaux paraissent étonnamment plus humains que les hommes et nous entraînent donc avec eux dans un univers décalé, mais sensible. C'est assez bluffant.

Alors oui, j'ose l'écrire: c'est sûr, Fantastic Mr. Fox est à ce jour l'une des meilleures choses que j'ai vues au cinéma cette année. Honnêtement, s'il ne finit pas dans mon top 10 millésime 2010, c'est que le second semestre sera d'un calibre des plus impressionnants ! Deux mots du scénario pour tous ceux qui auraient manqué le début. Nous sommes donc ici invités à suivre les pérégrinations d'un couple de renards, les bien nommés M. et Mme Fox. Au départ, les canidés sont voleurs de poules associés. Une situation qui ne dure pas car, après qu'ils sont passés tout près d'une capture, Madame exige ouvertement de Monsieur qu'il se range des poulaillers et trouve illico un nouveau métier, sans risques cette fois-ci. Celui que les intimes appellent Foxy promet, d'autant plus que sa belle lui annonce aussitôt qu'elle est enceinte. Avance rapide vers le futur et STOP ! Je refuse d'en dire davantage, rusé que je suis, moi aussi. J'espère franchement que cela vous donnera envie de découvrir la suite, comme moi sur grand écran ou bien au moins sur votre télé, le DVD du film étant sorti depuis... deux jours ! Cela dit sans faire davantage de publicité, et à condition bien entendu d'avoir du goût pour ce type de productions, je crois que vous ne le regretterez pas.

Très honnêtement, je ne me suis pas ennuyé une seconde. Je le dis d'autant plus volontiers que Wes Anderson s'est inspiré d'un bouquin, signé Roald Dahl, et que je préfère généralement les scénarios originaux. Je n'ai même pas été frustré de découvrir le film en VF. Côté tricolore, dans les rôles principaux, les voix du duo que forment Isabelle Huppert et Mathieu Amalric sonnent bien. Il est vrai aussi qu'au départ, les Américains ont eu droit à un autre couple star, Meryl Streep et George Clooney, ce qui, convenons-en, n'est pas mal non plus. Classe, dites-vous ? C'est ça. Oui, très exactement ça. Fantastic Mr. Fox est un film qui a la classe, celle de ses interprètes collant parfaitement à celle de ses personnages. Vous pourriez penser que le choix du stop motion rend le rythme du film assez saccadé. Bien évidemment, je ne peux pas dire le contraire, mais je crois pouvoir affirmer que ce n'est jamais gênant. Ou alors, s'il faut considérer cet aspect des choses comme une imperfection, ce à quoi je me refuse d'ailleurs, je crois que c'en est une des plus charmantes. L'idée qu'une équipe a passé du temps à assembler tous ces éléments faits de bric et de broc apporte beaucoup au long-métrage. Il n'y a aucune trace de paresse dans ce travail d'orfèvre. Je reviens alors sur ce que je disais au début: je n'ai jamais eu l'impression d'admirer une histoire animale et pas davantage des objets inanimés. Et puisque c'est pourtant bel et bien le cas, je dirais que ces derniers ont une âme. Que voulez-vous ? Ce bon vieux Alphonse de Lamartine est sans doute né trop tôt pour s'en apercevoir. Dommage pour lui...

mercredi 23 juin 2010

Soldats et biquettes

Grant Heslov a au moins tenté le coup. Inconnu de moi jusqu'à il y a encore quelques mois, le réalisateur américain a essayé d'embarquer son petit monde dans une drôle d'aventure avec son film Les chèvres du Pentagone. De mon point de vue, il n'y est pas parvenu à 100%. Imparfaite, cette oeuvre ne m'a pas fait rire. Cela dit, tout n'est pas à jeter pour autant: elle a réussi à me faire sourire plusieurs fois et, après un premier contact mi-sceptique mi-amusé, je l'ai perçue comme un peu plus profonde que prévu. Je suis donc content d'avoir pu la découvrir avant qu'elle quitte les écrans de cinéma. Il faut dire aussi que je ne pouvais pas résister indéfiniment à un tel casting. Surtout quand ils sont réunis, ces gars, ils sont plus forts que moi !

Ci-dessus, vous aurez sans doute reconnu ce bon vieux Jeff Bridges et, en pleine méditation à l'arrière-plan, notre ami George Clooney. Deux noms qui suffisent à me rendre tout projet cinématographique a priori sympathique. Détail plus qu'appréciable: les deux compères ne sont pas les deux seules stars du film. En effet, dans Les chèvres du Pentagone, vous retrouverez également ce cher Ewan McGregor dans l'un des premiers rôles, mais aussi Kevin Spacey en personnage secondaire et décisif à la fois. Résumer l'intrigue ? C'est compliqué. Forcément ! Le long-métrage part un peu dans tous les sens, en fait. Grosso modo, il s'agit de suivre, aux côtés d'un journaliste d'investigation raté, les pérégrinations d'une section de l'armée américaine dirigée par un rescapé du Vietnam positionné baba cool et spécialisée dans l'usage militaire des... pouvoirs paranormaux. Ces mecs-là combattent par la seule force de la pensée et, entre eux, se surnomment chevaliers Jedi. Trop sérieux, s'abstenir. Merci.

Vous l'aurez compris: le scénario est du genre barré. Ainsi que je l'ai déjà expliqué, le plus étonnant est certainement que, sous le vernis potache de la comédie pur sucre, Les chèvres du Pentagone peut susciter une réflexion sur la guerre et presque passer pour un brûlot anti-militariste. Je suis quasiment sûr que ces drôles d'ovins ont fait grincer quelques dents chez nos copains américains. De manière particulièrement explicite, l'action se déroule en effet dans le Golfe persique, Irak et Koweït et, sur un fond délirant, les ressemblances avec des faits réels sont évidemment totalement assumées. Je peux vous dire que la patrie du bon vieil oncle Sam n'a pas le beau rôle dans toute cette histoire. Grant Heslov a toutefois eu l'intelligence de ne pas trop appuyer son message, ce qui fait qu'on peut aussi passer un bon moment à voir le film au tout premier degré. Bilan personnel, maintenant: dans le registre comique ou dans la critique inscrite en filigrane, il m'a manqué un tout petit rien pour célébrer une parfaite réussite. Je parlerai donc d'agréable divertissement. Franchement, je n'ai pas de regret: c'est déjà très bien comme ça.

lundi 21 juin 2010

Deux frères

D'accord, le cinéma français est largement subventionné au niveau étatique. OK, le septième art américain bénéficie très fréquemment du concours de plans marketing bien rodés. Ces deux arguments peuvent sans doute partiellement expliquer pourquoi, à l'exception peut-être de quelques productions asiatiques, on voit encore si peu d'oeuvres venues d'autres pays. Je regrette en fait qu'on ne fasse pas davantage de petits efforts d'importation, ne serait-ce qu'au profit de créations francophones. De mon point de vue, l'idée d'un Eldorado québécois s'entend aussi en cinéphilie. C'est ce qui pourra m'amener à vous parler de ce cinéma-là, et à chaque fois qu'une occasion apparaîtra. Exemple ce soir avec La face cachée de la lune, film découvert dernièrement... à la télé, et grâce à mon ami Philippe.

Philippe, c'est ici aussi le prénom du héros, personnage qu'interprète un dénommé Robert Lepage. Détail surprenant: l'enfant de Québec s'est largement investi, puisqu'il est également le réalisateur du film, dont il assure au surplus l'autre rôle principal, celui d'André, star inconséquente des spots météo télévisés et frère (gay) de Philippe ! Difficile d'imaginer deux êtres plus différents au premier regard. Surprenant, mais pas si compliqué à suivre, le scénario de La face cachée de la lune, lui, tourne essentiellement autour du frangin numéro 1. Enfant solitaire, l'intéressé est progressivement devenu un adulte taciturne, d'autant plus déprimé que sa mère est morte quelques jours avant le début du récit. Son intention est de soutenir une thèse universitaire selon laquelle le narcissisme serait à l'origine de la conquête spatiale. Si la vérité est ailleurs, Philippe la cherche aussi en tentant de rencontrer un cosmonaute russe ou en préparant un message à destination d'éventuelles créatures extra-terrestres. Une logique bien à lui. En attendant de décrocher son diplôme, et pour joindre les deux bouts sans toucher un sou de l'héritage maternel, ce curieux personnage travaille dans un centre d'appel téléphonique pour vendre des abonnements à un magazine. Bof...

Vous êtes en droit de penser que tout cela est d'une banalité confondante. Je pense, moi, que ce serait une erreur de votre part. Effectivement, sous un aspect neutre, La face cachée de la lune cache une certaine réflexion sur l'homme d'aujourd'hui et les doutes fondamentaux qui peuvent l'habiter à différentes périodes de sa vie et pour X raisons. De fait, endeuillé et ombrageux, Philippe doute. Des autres et de lui, c'est une évidence. Cet état de fait contribue largement à ce qu'on puisse s'identifier à lui, non pas nécessairement à 100% mais au moins en partie et en réalité par une comparaison avec ses propres failles. Ce chemin tortueux d'un austère binoclard vers une certaine lumière peut, je crois, toucher diverses sensibilités et en rassurer quelques-uns sur la hauteur relative des obstacles réels ou supposés de leur propre parcours. L'ensemble étant nimbé d'une étrange poésie, et s'achevant joliment sur un message relativement optimiste, je crois possible d'apprécier le spectacle. Resterait donc alors à espérer que d'autres oeuvres québécoises déboulent bientôt sur nos grands écrans bleus-blancs-rouges. Chiche ? Notez qu'à l'origine, celle-là était... une pièce de théâtre !

samedi 19 juin 2010

Hommage aux pères ?

Catherine Deneuve et Marcello Mastroianni: le hasard veut qu'aujourd'hui, je vous propose de découvrir un autre film dont le duo vedette formait également un couple à la ville. L'oeuvre considérée est à vrai dire un peu plus ancienne: elle est sortie en salles en 1973. Sous un improbable titre à rallonges, L'événement le plus important depuis que l'homme a marché sur la lune, Jacques Demy signe l'histoire d'une femme et de son mari, une coiffeuse et un moniteur d'autoécole dans l'attente de leur deuxième enfant. Surprise: c'est monsieur qui est "enceint". Une première historique qu'un savant même pas fou explique à l'intéressé comme la conséquence fâcheuse d'une mauvaise alimentation. Le point de départ d'une comédie quelque peu loufoque, comme vous pouvez aisément l'imaginer.

L'événement le plus important... a vieilli. Ce n'est certainement pas l'oeuvre la plus impérissable de son auteur. Il n'en reste pas moins que le film conserve un certain charme. Ses acteurs principaux n'y sont évidemment pas pour rien. Comme souvent à l'époque, Catherine Deneuve est d'une rare élégance: la Parisienne incarnée. En bon Italien, Marcello Mastroianni est succulent, son petit accent ajoutant encore un soupçon de classe à ce rôle sympathique. J'admets que le reste de la distribution ne dépareille pas, mais reste secondaire: c'est avant tout sur le couple que se focalisent l'intrigue et l'intérêt du long-métrage. Tout devient franchement délirant quand, d'ailleurs encouragé par Madame, Monsieur expose son ventre rond pour la plus grande joie d'avides publicitaires. On plonge alors dans une drôle de fantaisie colorée et c'est ma foi très agréable.

L'idée de ce scénario est en fait venue d'une conversation à quatre. Catherine Deneuve et Marcello Mastroianni d'un côté, Jacques Demy et Agnès Varda de l'autre. Ces dames étaient elles-mêmes enceintes au moment des faits. Elles ont glissé cette histoire du genre farfelu aux hommes, qui, visiblement, n'en attendaient pas moins. Attention toutefois: faire de L'événement le plus important... une pochade auto-dérisoire serait clairement réducteur. Comme les autres films du cinéaste, je dirais que c'est aussi une chronique de son temps. Ainsi, entre deux sourires, entendrez-vous les femmes parler ouvertement du droit à l'avortement, par exemple. Ce n'est jamais appuyé au point de laisser apparaître une démarche politique, mais on sent bien que le militantisme féminin n'est pas loin. On est d'ailleurs deux ans seulement avant la loi Veil. Bref, un bilan positif en ce qui me concerne. Malgré de petits défauts formels et un ton général parfois un peu dépassé, le long-métrage reste appréciable. Notamment, donc, pour ce fameux double niveau de lecture.

jeudi 17 juin 2010

Si différents, si semblables

Je ne suis pas branché people habituellement, mais je ne peux pas m'empêcher de me poser une question: L'homme de chevet aurait-il le même impact si les deux acteurs principaux ne formaient pas également un couple à la ville ? Il me sera permis d'en douter. Adaptée d'un roman d'Eric Holder, cette toute première réalisation signée Alain Monne est un film honnête, sans plus. L'histoire repose donc sur un duo: une femme tétraplégique - Sophie Marceau - embauche un aide soignant - Christophe Lambert - et lui mène la vie dure du haut de ses (grandes) exigences. Il faut dire que l'homme a de sérieux ennuis avec l'alcool et qu'il traîne derrière lui le boulet d'une carrière de boxeur raté. L'action se déroule en Colombie, juste de quoi ajouter un soupçon d'exotisme à une intrigue assez classique.

Je l'ai suggéré et je le dis plus franchement: malgré son titre un peu vulgaire, L'homme de chevet n'est pas un mauvais film. Je suppose même qu'il a suffisamment d'arguments dramatiques pour intéresser, voire émouvoir, certain(e)s d'entre vous. Personnellement, je l'ai simplement trouvé un peu statique, sans mauvais jeu de mot. Sincèrement, les enjeux sont vite identifiés et les rebondissements quasiment inexistants. Même quand Léo-Christophe Lambert développe une relation ambiguë avec une femme qui n'est pas (plus ?) Muriel-Sophie Marceau, retrouvant par là le souvenir oublié de son passé sur les rings, l'écart est de courte durée et tout revient très vite sur un sentier bien balisé. Je n'ai pas lu le livre, mais il m'a semblé que tout cela était, malgré de bons passages, plutôt convenu.

Généralement, quand une intrigue ne décolle pas, j'écarte l'aspect réalisation et concentre mon analyse sur les acteurs. Logique, non ? Premier constat ici: toujours jolie femme, Sophie Marceau m'a paru un peu fade - et ce n'est pas la première fois, d'ailleurs. Je peux admettre que jouer une femme handicapée n'est pas évident, mais, sans savoir comment, je me suis dit très souvent qu'il y avait mieux à faire d'un tel personnage. Simple comparaison: Christophe Lambert s'en sort nettement mieux, assez crédible dans les scènes d'alcoolisme et plutôt inspiré pour jouer ce rôle casse-gueule. Il est dommage que la mise en scène ne soit pas parvenue à insister davantage sur le thème "si différents, si semblables": c'est sans doute le sujet-clé du scénario. Les seconds rôles ? Un bon point. Margarita Rosa de Francisco et Linnett Hernandez Valdes s'en sortent avec les honneurs, mais restent trop peu présentes pour sortir L'homme de chevet du banal. Ce qui restera au final ? Une fenêtre entrouverte sur la Colombie et une certaine déception. Tant pis...

lundi 14 juin 2010

Touchantes solitudes

Un mot d'abord pour féliciter Cédric: la réponse au concours de jeudi dernier était effectivement Docteur Jivago, film chroniqué ici il y a deux ans jour pour jour. Je n'en reparlerai pas aujourd'hui, mais il va sans dire que vous pouvez toujours le regarder: c'est à mes yeux l'un des chefs d'oeuvre du septième art. En ce lundi, la chronique concernera un autre grand film, La leçon de piano, le long-métrage qui valut à Jane Campion d'obtenir la première - et jusqu'à ce jour l'unique - Palme d'or décernée à une femme. C'était en 1993. Venue de Nouvelle-Zélande, cette oeuvre étonnante est aussi remarquable pour l'extraordinaire jeu développé par Holly Hunter, dans un rôle totalement muet. Pas facile d'être expressif dans ces conditions. J'ose l'écrire: la comédienne américaine s'en sort à merveille.

Je pense toutefois que, même s'il avait parlé, son personnage n'aurait pas été facile à jouer. Ada McGrath est une jeune femme écossaise, veuve et mère d'une petite fille. L'action se déroulant dans le courant du 19ème siècle, la situation ne dure pas: son père l'envoie à l'autre bout du monde et l'offre en remariage à un colon, Alistair Stewart. Pour tout bagage, quelques vêtements enfermés dans une malle et un très encombrant instrument de musique, qui va d'abord rester sur la plage. Le nouvel époux pas intéressé, il sera ensuite récupéré par un autre homme, un dénommé George Baines. La leçon de piano, c'est lui qui la prendra, faisant du clavier l'objet d'une indécente transaction. Pour récupérer son bien, Ada devra passer du temps avec lui. Les touches seront les "récompenses" improbables d'une liaison adultère... et au départ plutôt unilatérale.

Bien évidemment, la pauvre muette apparaît vite comme la victime de cette histoire, coincée qu'elle est entre un mari idiot et un amant malsain. La leçon de piano va toutefois bien au-delà du drame classique. Tous sont au fond des êtres très seuls. Du coup, et contre toute attente, l'héroïne va prendre goût au chantage que Baines met en oeuvre. En le comparant avec Stewart, elle finit par apprécier celui qui est tout de même son maître-chanteur, mais s'avère progressivement moins frustre qu'il n'y paraissait au début du film. C'est d'ailleurs bien tout l'intérêt du scénario: face à une situation absolument insolite, le caractère des personnages évolue ou, à tout le moins, nous apparaît sous un jour nouveau. La conclusion risque dès lors d'en surprendre plus d'un. Moi, je l'ai en tout cas appréciée. Rôles masculins, Harvey Keitel et Sam Neill sont inspirés, eux aussi. Que du bon ! Il est désormais possible qu'après l'avoir laissée quitter l'affiche des cinémas, je découvre prochainement une autre création de Jane Campion: Bright Star. Si c'est le cas, j'en reparlerais évidemment ici même. En conclusion, ce premier essai réussi m'amène à penser et à dire que c'est plutôt une agréable perspective.

jeudi 10 juin 2010

Intermède technique

Après le lancement de ce blog et hormis peut-être quelques périodes de retour de vacances, j'ai toujours fait le choix d'afficher in extenso mes dix dernières chroniques sur la page d'accueil. Si vous avez cru remarquer ou notez un jour que le compte n'y est pas, n'en soyez pas surpris: je l'ai constaté moi aussi, pas plus tard que lundi dernier. J'ai trouvé ça d'autant plus fâcheux que Mille et une bobines est celui de mes deux blogs qui évolue le plus vite. C'est absurde, mais l'idée que certains de mes lecteurs puissent "zapper" l'un de mes messages pour cette seule raison ne me plaisait pas. Bref, le changement vient du fait que, dans un souci de rapidité de chargement, Blogger envisage à présent d'auto-paginer les pages Web confiées à sa garde.

J'ai remarqué que ça arrivait quand je publiais un nombre d'images plus important que d'habitude, ainsi que je l'ai fait dernièrement avec mes chroniques sur Cannes et Clint Eastwood, entre autres. C'est désormais "réparé". Je n'ai aucune garantie de stabilité graphique en la matière, mais je crois que je saurai m'en passer. Après coup, au moment où j'ai décidé d'en parler, je me suis dit aussi que cette petite péripétie technique ne vous passionnerait pas. J'ai donc pensé sympa de joindre l'utile à l'agréable et d'illustrer alors mon propos par ce carton d'intermède, à l'écran d'un des (vieux) films que j'ai présentés ici. Test de culture générale: qui parmi vous sera suffisamment cinéphile pour me dire de quel long-métrage il s'agit ? Le concours est officiellement ouvert: réponse lundi prochain.

mardi 8 juin 2010

L'appel de la forêt

Il y a d'emblée quelque chose de bancal dans la nouvelle vision qu'offre Ridley Scott de Robin des bois. En effet, en confiant le rôle principal du long-métrage à Russel Crowe, tout en choisissant d'illustrer ce qui s'est passé avant qu'un homme ordinaire devienne une légende, le réalisateur britannique a certes fait preuve d'audace. Le problème vient du fait que l'acteur qu'il a sélectionné a... 46 ans. Un peu ridé, le prétendu jeunot ! Cela dit, en se laissant emporter par les événements plus que par leur supposé réalisme, voir le film n'a rien d'une corvée. Le spectacle a de la tenue, incontestablement. Moi, inconditionnel des reconstitutions historiques, je me suis régalé devant ces images. Même si elles sont en partie imaginaires.

Le scénario, lui, part donc dans un sens nouveau qu'on peut qualifier d'original. Oubliez l'archer en collants verts qui dérobe aux riches pour donner aux pauvres: cette fois-ci, Robin des bois est soldat. Piéton dans l'armée royale, il a gardé son arme, mais il est aussi parti à la croisade avec Richard. Le film démarre d'ailleurs un peu avant la mort de celui-ci, au moment où son armée finit d'assiéger un château français, juste histoire d'avoir de quoi payer sa traversée de la Manche. Le monarque passé de vie à trépas, celui qui est encore Robert Longstride devient, par un concours de circonstances qui s'ouvre tout de même par une désertion en bonne et due forme, un prestigieux chevalier, ennemi des ennemis de l'Angleterre. Invraisemblances comprises, je vous passe les détails: c'est aussi ainsi que, devenu Robin Loxley en usurpant l'identité d'un défunt, notre héros en goguette retrouve Nottingham, où ne l'attend même pas une Lady Marianne, jeune veuve qui ne le connaît pas encore...

Honnêtement, c'est avant tout ce personnage féminin qui m'a donné envie de voir le film aussitôt après sa sortie. Je ne vais pas répéter tout le bien que je pense de Cate Blanchett, mais elle a une fois encore été à la hauteur de mes attentes. Russel Crowe ? Je l'ai trouvé juste bon, mais pas exceptionnel, un peu "ailleurs", pour ainsi dire. Ce qu'il apporte de lui à "son" Robin des bois n'est pas transcendant. Après coup, je l'ai même trouvé franchement gonflé d'oser affirmer qu'il avait accepté le rôle parce qu'aucun des autres films consacrés au prince des voleurs ne l'avait convaincu, pas même le Disney ! Conclusion: mon bilan est mitigé. Il y a aussi de très belles choses dans cette proposition: Ridley Scott sait s'y prendre pour conférer aux images beaucoup de majesté. Question subsidiaire: maintenant que son héros a répondu à l'appel de la forêt de Sherwood, une suite de ses aventures pourrait-elle être tournée ? J'espère bien que non. Ce serait en totale contradiction par rapport au projet initial. Aujourd'hui, en tout cas, il ne semble pas qu'un épisode 2 soit prévu. On resterait donc sur un flamboyant générique final. Tant mieux !

dimanche 6 juin 2010

Froide morsure

J'ai fait le compte. Sur les 106 films que j'ai vus l'an passé, il y en a au total 48 américains, 40 français et donc 18 venus d'un autre pays. Cette année, pour l'instant, j'en suis à 52 longs-métrages regardés. Le même calcul donne 25 américains, 11 français et par conséquent 16 de nationalités diverses. C'est pourquoi je suis deux fois content aujourd'hui. D'une part de pouvoir célébrer avec vous les 1.001 jours d'existence de Mille et une bobines et d'autre part d'avoir à le faire avec une oeuvre... suédoise ! Je n'ai aucun moyen d'en être parfaitement sûr, faute de liste complète, mais Morse est peut-être même le tout premier film suédois que j'ai visionné. Il est possible aussi que vous en ayez entendu parler, car les critiques lui ont fait bon accueil. C'est de fait ce qui m'a motivé à le découvrir à mon tour.

Le héros de Morse n'est pas un mammifère marin aux grandes dents. Ne cherchez pas l'animal dans le film: pareille démarche serait vaine. Le titre s'explique autrement: à vous de le comprendre en regardant. Le personnage principal ? C'est Oskar, un jeune garçon un peu solitaire, martyrisé par ses pseudo-camarades d'école. Le blondinet n'a même pas d'amis à qui se confier, jusqu'au jour - ou plutôt jusqu'au soir - où il rencontre une gamine de son âge, Eli. Rapidement, le déroulement du scénario tue le suspense: la fillette n'est pas une enfant comme les autres. En fait, si elle ne sort jamais qu'à la nuit tombée, c'est parce qu'elle est... une vampire ! Caractéristique qui complique singulièrement l'établissement d'un lien affectif avec les personnes dites normales et, du coup, d'une manière au fond pas si paradoxale que ça, rapproche la petite brune d'Oskar.

Vous l'aurez compris: le film d'aujourd'hui est du genre surprenant. Passée son origine géographique, il risque de vous étonner par bien d'autres aspects. Personnellement, je ne crois pas avoir eu l'occasion de voir d'autres oeuvres cinéma qui pourraient lui ressembler. Maintenant, une double précision s'impose, je crois. Si vous êtes allergiques à l'hémoglobine, passez votre chemin ou réfléchissez-y avant de vous lancer: certaines scènes sont à déconseiller aux âmes sensibles. Pour autant, ne vous y trompez pas: Morse est bien plus qu'un simple film d'horreur. En dehors de ces passages d'une violence assez crue, c'est même tout à fait autre chose: une vraie réflexion sur la préadolescence, je dirais, sur le rapport des gosses entre eux et celui qu'ils tissent - plus ou moins facilement - avec le monde adulte. Je ne peux pas dire que j'ai été totalement emballé, en fait. Ce dont je suis certain, c'est qu'il y a quelque chose de très original là-dedans. Ce qui, du reste, rend le tout étrangement fascinant. Tomas Alfredson, peut-être bien un nouveau réalisateur à suivre.

------------
Erratum (dimanche 11 septembre 2011, 23h30): Après avoir jeté un oeil discret à mes calculs, je fais le constat que le 1001ème jour du blog était déjà dépassé quand j'ai écrit cette chronique. Désolé. Navré aussi de ne pas être précis: j'ai la flemme de tout recompter...

jeudi 3 juin 2010

Luc, Louise et la momie

Connaissez-vous Jacques Tardi ? Par chance et grâce à la patience admirable de ma maman, cet auteur de bandes dessinées m'a dédicacé deux de ses ouvrages consacrés à la première guerre mondiale. C'est avec ce souvenir dans un coin de la tête que je suis allé voir Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, un film de Luc Besson inspiré d'une autre des oeuvres "tardiesques". D'ailleurs, mes parents m'y avaient encouragé, peu après avoir passé un très bon moment devant ce long-métrage sorti récemment. Honnêtement, pour ma part, je n'en attendais pas autant. J'ai appris à me méfier du réalisateur barbu. Je reconnais que la critique professionnelle ne l'a pas épargné à ses débuts, mais je le trouve souvent un peu trop égocentrique pour être honnête. Choisir d'apprécier la valeur de sa nouvelle production en salles, ce n'est pas forcément quelque chose que j'avais prémédité. Grâce (notamment) à une interprétation convaincante de Louise Bourgoin, je ne peux pas dire que je suis finalement déçu. Au contraire, même: j'ai pu passer un bon moment, moi aussi. Je pourrais en fait dire que j'en ai eu pour mon argent, n'attendant pas monts et merveilles, mais espérant tout au plus un honnête divertissement. C'est ce que j'ai l'impression d'avoir vu. C'est possible de faire mieux, de fait. Je ne prétends pas le contraire, mais précise que c'est tout aussi possible de faire pire...

Résumons. Un beau jour de l'année 1912, au Muséum d'histoire naturelle de Paris, un oeuf des temps préhistoriques se craquelle dans une vitrine. En sort... un ptérodactyle ! La bête s'échappe aussitôt pour semer la panique. Dans le même temps, une jolie fille, sorte de pré-Indiana Jones en jupons, arpente le chaud désert égyptien à la recherche d'une momie. Son espoir: ressusciter l'homme embaumé, censé être un médecin des plus efficaces, et ainsi faire guérir sa soeur, cloué dans une immobilité morbide. Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec démarrent bien, sur les chapeaux de roue et sur plusieurs fronts: personnellement, je suis très vite entré dans cette histoire. Sans aller jusqu'à me fasciner, elle m'a toujours intéressé. Je pense qu'il faut ici rendre hommage au travail des décorateurs et costumiers, sans parler de celui des créateurs d'effets spéciaux: si les images sont (trop ?) léchées, elles n'en sont pas moins parfaitement réussies, ce qui permet donc de s'immerger dans le scénario à vitesse grand V. Honnête divertissement, donc ? C'est exactement ça. N'attendez pas autre chose ! Il n'y a dans ce film ni message caché, ni deuxième niveau de lecture. Tout doit être pris au premier degré. Mon seul petit regret est peut-être que c'est juste un poil trop long, dès l'instant où la momie reprend vie et réveille d'autres comparses. Chut ! Le reste, ça se passe sur grand écran...

Je constate une chose: Luc Besson me semble en fait plus efficace comme réalisateur qu'en producteur. Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec m'ont nettement plus attiré que la moyenne des "oeuvres" qu'il finance régulièrement. Pour être tout à fait honnête, je ne suis pas non plus follement séduit par son imaginaire. Tardi s'y est retrouvé, lui, parait-il. Pour être sympa, je pourrais dire qu'il y a quelque chose de frais dans cette approche du cinéma populaire. J'attends encore de sa part le chef d'oeuvre qui sera capable de me subjuguer, pas convaincu d'ailleurs qu'il arrive un jour. Je ne connais même pas ses intentions avec ce film-là. Veut-il simplement s'en tenir à ce résultat ? Au contraire, envisage-t-il désormais de tourner une suite ? Les deux options me paraissent envisageables. Quant à déterminer celle qui serait souhaitable, c'est une toute autre question. Il est possible qu'il ait envie de confier d'autres "missions" à Louise Bourgoin. Celle-ci terminée, la belle monte sur un navire. Objectivement, on a plutôt envie d'apprendre ce qui va se passer ensuite ! En somme, j'imagine qu'on peut dire que le cinéaste a gagné son pari. Luc 1 - Martin 0: je n'ai pas d'état d'âme à l'admettre. Cela ne veut pas dire que je courrai au cinéma pour la prochaine sortie, mais ça peut signifier que j'ose au moins vous recommander de donner une petite chance à ce film très correct.