mardi 31 mai 2011

Ras-le-bol

Une chronique de Moko-B

Il y a longtemps que je n'avais point voyagé dans l'héroico-onirisme chinois. Les combats aux gestes soyeux, nimbés de tintements métalliques et de discipline corporelle, me manquaient. Comme un présage, j'y pensais il y a peu encore. Et, hasard du calendrier cinématographique 2011 faisant, Tsui Hark a répondu à mon souhait avec Détective Dee: le mystère de la flamme fantôme.

Je ne suis point une habituée du cinéma de monsieur Hark. Mais voir Andy Lau et Tony Leung Ka Faï au générique m'a d'emblée mise en confiance. Puis j'ai ouï dire que le film était un digne successeur de Tigre et dragon, film de Ang Lee qui avait posé la première pierre d'une ère prospère des films d'épées enroulées de soie chinoise. Est-ce vrai ? Bien ! Penchons-nous sur l'histoire de Détective Dee: le mystère de la flamme fantôme. La narration a pour cadre la Chine de l'an 690. L'actuelle régente et future première impératrice de toute l'histoire du pays, Wu Ze Tian, s'apprête à monter sur le trône.

Cet évènement est bien évidemment générateur de complots et dissidences. Ainsi, le clou de cette intronisation que doit être l'achèvement d'une gigantesque statue en bronze de l'impératrice, est-il menacé. En effet, diverses morts mystérieuses interviennent sur le chantier et perturbent l'organisation des cérémonies. Afin d'éviter que son couronnement ne soit mis en péril, la future impératrice prend alors la décision de faire sortir de prison le détective Dee, arrêté 8 ans plus tôt pour s'être rebellé contre elle. Aidé de la suave Wan'er et de l'impétueux Donglai, Dee va mener son enquête et débusquer celui qui se cache derrière ces crimes.

Le film obéit ensuite aux "codes" du genre : combats à l'épée, personnages belliqueux et impulsifs côtoyant d'autres plus sages et réfléchis, drapés flottants et soyeux, épées tranchantes et poses étudiées. Détective Dee : le mystère de la flamme fantôme répond aux attentes du spectateur aguerri de cette branche du cinéma asiatique. Andy Lau dans le rôle du détective Dee est fidèle à lui-même : juste, maîtrisant sa copie par coeur. Tsui Hark s'est offert les services de Sammo Hung (le Flic de Shangaï) et cela donne de très convaincantes chorégraphies de combats, notamment à l'intérieur de la statue de l'impératrice. Pourtant, cela n'arrive pas à enlever la regrettable impression qu'il manque "quelque chose" pour que le film soit....complet.

Détective Dee: le mystère de la flamme fantôme
Film chinois de Tsui Hark (2011)
Le cinéma asiatique, et plus particulièrement les cinéma chinois et japonais, nous offrent régulièrement de beaux spécimens de contes héroïques sublimés. Zhang Yimou (Hero, Le secret des poignards volants) en est un maître incontesté, mais d'autres sont passés par là : Ang Lee (Tigre et dragon), Ronny Yu (Le maître d'armes), Takeshi Kitano (Zatoïchi), entre autres. Aujourd'hu,i Tsui Hark marque de son empreinte cette longue liste avec Détective Dee: le mystère de la flamme fantôme. Mais bien qu'empreint de magie chinoise et de chorégraphies de combats sublimes, le film ne réussit pas à nous emporter aussi loin qu'il y paraît. Est-ce l'intrigue trop peu "noueusement" emmêlée pour un film du genre ? Est-ce l'enchaînement à la cohérence parfois douteuse de certaines scènes ? Il est vrai qu'on sort avec une impression mitigée. Les acteurs sont impeccables, la photographie très belle et les musiques naturellement faites pour l'ambiance de chaque scène. Mais on sent que quelque chose "cloche". Tsui Hark s'est inspiré de l'histoire d'un détective qui a vécu en Chine sous la dynastie Tang. A-t-il trop versé dans la platitude de la réalité, au détriment de plus d'onirisme et de philosophie chinoise ? Détective Dee est un beau moment de cinéma... sans plus.

Pour un autre regard sur le même film:
Vous pouvez également lire la chronique de Martin publiée ici.

lundi 30 mai 2011

Retour vers le futur

Une chronique de Martin

Il est vrai que, 27 ans plus tard, les effets spéciaux apparaissent quelque peu dépassés. Il n'empêche: j'ai apprécié de pouvoir découvrir... Terminator, le tout premier d'une série de quatre films d'une efficacité discutable. Cette fois, j'insiste: j'ai été convaincu par cet opus. Une bonne surprise comme le cinéma en réserve parfois. Le problème de voir ça aujourd'hui, c'est qu'il semble impossible que l'argument principal vous ait échappé. Je le dévoile donc sans trop de vergogne: femme des années 80, Sarah Connor est - comme tous ses homonymes - traquée par un robot à visage d'homme venu tout droit du futur. Allez, stop: je n'en dis pas davantage sur les causes de cet acharnement à tuer. À vous de voir.

Ce que j'indique, en revanche, c'est que nous tenons là une histoire innovante, au moins pour l'époque, et appuyée sur un scénario réellement bien charpenté. Une fois l'idée du voyage dans le temps admise, on peut prendre plaisir à découvrir ce film, lui-même venu d'un autre temps. Premier constat: Terminator, c'est de l'action pure et dure. Les scènes d'exposition sont rares et la chasse à l'humaine intense pour la machine. Ni temps mort, ni discussions inutiles, quelque chose qui peut rappeler les westerns, juste transposés alors dans le monde de 1984 (belle date pour un film de science-fiction !). Ces qualités ont fait que je n'ai pas eu à me plaindre du côté naphtaliné du rendu visuel. Le long-métrage est daté, pas kitsch.

Après, bien sûr, ce n'est pas non plus l'oeuvre du siècle, le spectacle qui altère définitivement notre perception et nous fait dire qu'il y a un avant et un après. C'est juste, replacé dans son contexte, un film de qualité, doté d'une vraie personnalité. La VF ne supprime pas totalement le plaisir qu'on peut avoir à le découvrir. Ce qui est amusant, avec le recul, c'est de constater qu'aucun des acteurs principaux de Terminator n'est devenu une star, à l'exception évidemment d'Arnold Schwarzennegger dans le rôle titre. Il aurait gagné deux fois plus pour la suite et quatre fois plus pour l'épisode 3. On voit où toute cette carrière l'a mené ! Je suppose que ça veut dire aussi que ses rôles correspondent aussi à ce qu'attend le public américain. Ici, sans qu'il soit fait appel à un quelconque talent d'expressivité, ça me semble être une qualité. Même 27 ans plus tard.

Terminator
Film américain de James Cameron (1984)
Réalisateur, scénariste, parfois producteur: James Cameron fait beaucoup de choses à Hollywood. Ici, il a écrit et tourné: le résultat est là, pas fantastique mais franchement efficace. J'ai l'impression qu'à l'époque, il y avait dans l'approche une recherche d'originalité, alors qu'aujourd'hui, le bon Jim et ses copains ont tendance à recycler les concepts qui ont bien fonctionné. Or, ce qui est sûrement bon pour la machine à dollars ne l'est plus forcément pour le public. Chacun jugera selon ses critères. Pour ma part, dans la filmo du roi du box office, je suis content de découvrir les origines. Et j'ai plutôt envie de me replonger dans Abyss que dans un énième Avatar.

samedi 28 mai 2011

L'échappée belle

Une chronique de Martin

Ce n'est pas fréquent, mais quand il arrive que j'enchaîne deux films au cours d'une même soirée cinéma, j'essaye d'éviter que le second vienne plomber la belle humeur apportée par le premier. S'il y en a un qui risque d'être dur, je tente de le voir d'abord, avant donc d'enchaîner avec un autre, plus souriant. C'est ce que je suis parvenu à faire il y a peu avec Voir la mer. Patrice Leconte est un réalisateur dont j'apprécie le talent, même si je n'ai pas vu toutes ses créations. Celle-là - sa dernière en date - est à la fois lumineuse et modeste dans le traitement. Après quelques flops sur des productions d'ampleur, le cinéaste aurait voulu s'offrir un petit film de pur plaisir.

Ce plaisir supposé, je l'ai partagé. Voir la mer pourrait bien susciter une certaine controverse: mon ami Philippe, venu le voir avec moi, l'a trouvé très plat. Il est vrai que le scénario a l'épaisseur du papier à cigarettes. Petit miracle: pour moi, ce n'est pas un défaut, l'histoire ici contée me paraissant relativement ordinaire et l'absence de fioritures un atout qui permet d'apprécier l'oeuvre différemment, plus sur la forme que sur le fond. L'argument de départ n'est pas insignifiant pour autant: Nicolas et Clément, deux frangins, voient débarquer dans leur vie une dénommée Prudence, une jolie blonde qui fuit son ex, Max, un rustre plus âgé qu'elle. Alors qu'ils pensaient partir ensemble visiter leur mère à Saint-Jean-de-Luz, les garçons finissent par embarquer avec eux cette fille qui n'a jamais vu l'océan. Je n'ai pas envie de dire ici si c'est pour le meilleur, le pire ou un peu des deux. Le film et vos émotions répondront mieux que moi.

En ce qui me concerne, donc, j'ai vraiment aimé cette histoire. Pauline Lefèvre, ex-miss météo, offre un grand numéro de charme aux frères, Clément Sibony et Nicolas Giraud. Je me suis demandé après coup ce que j'en aurais pensé si j'avais été une fille: je suis donc curieux d'avoir des avis féminins sur le film. Une certitude quand même: Prudence est le noyau autour duquel tournent Clément, Nicolas, Max et le scénario tout entier. Voir la mer m'a de fait agréablement surpris dans cette optique: pour une fois, j'ai l'impression que ce ne sont pas les hommes qui mènent la barque, mais que c'est la femme qui emmène tout le monde où elle voudrait. Et parce que c'est filmé avec douceur, inventivité et humour, j'ai vraiment passé un très bon moment devant ces belles images. Si bon qu'au fond, je préfère n'évoquer que cette ambiance de vacances, parfois teintée d'un peu de nostalgie, mais ne trop rien dévoiler ici des divers tenants et aboutissants du voyage du joli trio constitué. Plutôt, je vous encourage fort à vous y confronter pour vous forger votre propre opinion. La mienne est donc tout à fait positive.

Voir la mer
Film français de Patrice Leconte (2011)
Une fille et deux garçons: la plupart des critiques que j'ai lues font d'emblée le rapprochement avec Jules et Jim. Pourtant, par la magie des couleurs, le long-métrage de Patrice Leconte ne ressemble pas vraiment à celui de François Truffaut. Mêmes parallèle et constat avec Les valseuses de Bertrand Blier. Si j'ai bonne mémoire, le film de Patrice Leconte est bien plus positif, je le dis sans rien enlever pourtant à ses prédécesseurs. Puis-je oser une autre comparaison, avec Thelma et Louise, cette fois ? Comme chez Ridley Scott, il est aussi question ici de quitter une vie insatisfaisante en quête d'un peu de joie de vivre. Mais là aussi, le message final reste bien plus optimiste. Je ne vois dès lors pas de raison de se priver du plaisir que peut procurer la séance. J'avais un bon feeling: le voilà confirmé.

vendredi 27 mai 2011

Une flic

Une chronique de Martin

Il y a des films dont je pressens vite qu'ils ne trouveront leur public qu'au bénéfice d'un bouche à oreilles favorable. Coup d'éclat en fait partie et, s'il n'y avait Catherine Frot en tête d'affiche, je me dis même qu'il aurait peiné à susciter la curiosité du spectateur lambda. Je me mets d'ailleurs dans le lot: sans la comédienne, je n'aurais sans doute pas prêté attention à ce long-métrage signé José Alcala, un réalisateur que je ne connaissais même pas. Il aurait pourtant été dommage de ne pas voir son deuxième long: dans la catégorie "polar noir", il tient parfaitement la route. Bon, évidemment, si on aime aller au cinéma pour se détendre, il vaut mieux choisir autre chose...

Sinon, à mon avis, il y a là de très bonnes choses à voir. L'interprétation de Catherine Frot, d'abord, et son personnage, femme flic désabusée, chargée de la police des frontières. Fabienne doit interroger une jeune prostituée d'origine kazakhe: ses papiers lui paraissent douteux. L'intéressée s'affole et prétend que, du fait de son interpellation, elle a laissé son jeune fils sans surveillance. Déprimée mais empathique, Fabienne l'accompagne pour retrouver l'enfant et se voit aussitôt fausser compagnie. La nuit passe et, après le lever d'un pale soleil, la fuyarde est retrouvée morte au pied d'un immeuble. Coup d'éclat repose sur une question: cette tombée du toit est-elle réellement un suicide ? Fabienne l'ignore. Elle doute.

J'ai parlé de polar noir. Décomposons, voulez-vous ? Polar, Coup d'éclat l'est, à l'évidence. Il y a bien enquête policière, suspense réel sur les agissements des uns et des autres, réponses (ambiguës) données à la toute fin du métrage. Noire, l'oeuvre proposée l'est aussi: les scènes de nuit sont assez révélatrices de la sourde tension qui se maintient quasiment jusqu'au générique final. La réussite majeure de ce petit film, c'est d'exposer une situation sans y porter de jugement. Il n'y a pas de bien et de mal: Fabienne, qu'interprète admirablement Catherine Frot, est certes pétrie de valeurs humanistes, mais elle se heurte en permanence à une certaine part d'ombre. Autour gravitent, dans les rôles principaux, une belle série de personnalités bien campées et une distribution d'acteurs méconnus. En somme, du cinéma qui surprend, du cinéma marquant. Et qui, au passage, montre aussi un peu de la France d'aujourd'hui.

Coup d'éclat
Film français de José Alcala (2011)
Le cheminement de Fabienne peut l'expliquer, mais j'avoue humblement avoir un doute sur le sens du titre. Peu importe: le film mérite largement le détour pour lui-même. À l'image du travail qu'aurait pu réaliser un Jacques Audiard, il n'y a pas forcément là assez de lumière pour attirer tous les publics. Pas nécessairement parfaitement abouti, le film peut dérouter par ses longues scènes d'exposition. À mes yeux, le fait qu'il prenne son temps crée l'effet inverse: cette langueur contribue largement à l'ambiance. J'ai retrouvé ici quelque chose de Gardiens de l'ordre, en plus noir encore. Pour ceux qui connaissent, je dirais que la comparaison d'évidence m'est venue du monde de la littérature, avec la trilogie marseillaise (Total Khéops, Chourmo et Soléa) de Jean-Claude Izzo. Le fait que l'histoire se passe à Sète a joué là-dessus, bien sûr.

lundi 23 mai 2011

Malick quand même

Une chronique de Martin

Bien. L'heure est désormais venue de reparler de cette édition 2011 du Festival de Cannes. J'ai évidemment choisi d'être exhaustif. Beaucoup de choses m'enthousiasment dans le palmarès: je vais tâcher de vous expliquer pourquoi. Et, bien évidemment, je piaffe déjà à l'idée de découvrir prochainement quelques-uns de ces films. Venez donc avec moi faire un dernier tour sur la Croisette ! Il se peut qu'on y rencontre quelques-unes des grandes stars du septième art.

Ce n'est pas banal: Terrence Malick n'était pas au Palais des Festivals hier à l'heure de recevoir la Palme d'or du 64ème Festival de Cannes. Après avoir préféré prendre un an de plus pour boucler son montage et présenter enfin The tree of life, le réalisateur américain triomphe sur la Croisette. Il n'en reste pas moins d'une timidité confondante, refusant de venir cueillir les lauriers de sa gloire et envoyant alors ses producteurs Dede Gardner et Bill Polhad les chercher à sa place. De cette chronique d'un sacre annoncé, il me reste à découvrir l'essentiel: le film. Rendez-vous au cinéma d'ici quelques jours.

Avant même la première montée des marches, ce Festival 2011 était considéré comme un très bon cru. Est-ce parce que les bons films étaient effectivement légion que le jury a eu tout ce mal à décerner son Grand Prix ? Possible. Pour contourner l'obstacle, Robert de Niro et ses compagnons ont couronné deux films de cette récompense. Les lauréats sont des habitués du palmarès cannois: Nuri Bilge Ceylan et son Il était une fois en Anatolie côtoient les frères Dardenne, avec Le gamin au vélo. C'est ce second film que je pense découvrir le premier, très certainement au tout début du mois prochain.

Pour Polisse, il faudra attendre l'automne. Le film de Maïwenn m'a l'air intéressant, tourné qu'il est vers une représentation réaliste d'une brigade de protections des mineurs. Hier soir, en robe rouge sur la scène du Palais des Festivals, la réalisatrice française remerciait les équipes policières qui lui avaient permis d'appréhender "la misère humaine". Je suppose donc qu'il faut anticiper un film coup-de-poing, mais c'est en fait ce que j'espère. Ce sera aussi pour moi l'occasion d'apprécier l'oeuvre d'une cinéaste que je ne connais pour l'heure que de nom. Je suis content de voir que, benjamine de la sélection, elle est repartie avec le Prix du jury.

Vous l'avez sûrement entendu: Lars von Trier a marqué ce Festival par des déclarations sur l'esthétique du nazisme et sa "sympathie" pour Hitler. Palmé en 2000, le réalisateur danois est le grand perdant de ce millésime 2011, premier cinéaste à être officiellement déclaré indésirable sur la Croisette. Navrant, d'autant que son Melancholia promet réellement d'être un grand film. La jolie Kirsten Dunst parvient à sauver les meubles en s'emparant du Prix d'interprétation féminine. C'est l'un des projets que j'attends désormais avec le plus d'impatience. Sa sortie est prévue pour août. Trois mois encore...

Autre attente forte: celle de The artist, le long-métrage sélectionné à la toute dernière minute, qui offre à Jean Dujardin un Prix d'interprétation masculine. Je suis vraiment très curieux d'apprécier enfin la valeur de ce long-métrage improbable, en noir et blanc, muet. Quelqu'un de mon entourage - bonjour, Jean-Laurent ! - l'a déjà vu et m'en a dit beaucoup de bien. Je n'en sais pas grand-chose, si ce n'est qu'il évoque le destin d'un acteur ruiné par l'arrivée soudaine des films parlants. Son interprète a fait preuve d'humour hier, se prosternant devant Robert de Niro et terminant son discours par un: "Maintenant, je me tais, parce que ça me réussit plutôt bien".

Derniers grands noms du palmarès édition 2011: ceux du Danois Nicolas Winding Refn et de l'Israélien Joseph Cedar. Ils obtiennent respectivement le Prix de la mise en scène et celui du scénario, l'un pour Drive, l'autre pour Footnote. Ce sont deux films qui n'ont rien de comparable, le premier évoquant des cascadeurs dans une histoire de braquage, le second étant présenté comme une comédie intellectuelle entre un père et un fils, universitaires juifs spécialistes du Talmud. Si l'occasion se présente d'y voir un peu plus clair, comptez sur moi: j'essayerai de la saisir. Notons que la consécration cannoise pourrait une nouvelle fois nous ouvrir à d'autres cinémas.

Ce serait aussi le cas si Las acacias, de l'Argentin Pablo Giorgelli, arrive sur nos écrans. J'avoue qu'avant hier, je n'avais pas entendu parler de ce réalisateur, mais j'ai une petite excuse pour ça: il a obtenu la Caméra d'or, le trophée cannois qui vient justement récompenser le meilleur premier film, toutes sélections confondues. Cette année, c'est au coeur de la Semaine de la critique qu'il fallait chercher l'heureux élu. Son film - une fiction - raconte l'histoire simple d'un camionneur qui prend en stop une femme avec son bébé. Un quasi-huis-clos minimaliste, mais paraît-il très beau. J'espère avoir l'occasion de me faire ma propre idée. Pour y revenir ensuite.

Pourrai-je également découvrir les deux courts-métrages couronnés cette année ? Rien n'est moins sûr. Pour la forme, je note au moins leur nom: la Palme revient à Cross country, oeuvre de la réalisatrice ukrainienne Maryna Vodra, et une mention spéciale est par ailleurs décernée à Badpakje 46, du Belge Wannes Destoop. D'un côté rencontre avec une bande de joggeurs, de l'autre vie d'une fillette complexée par son poids et qui fait de la natation: c'est bien là tout ce que je sais à ce stade de la discussion. Ce qui ne veut pas dire que le reste ne m'intéresse pas, loin de là. Reste à savoir si j'aurais donc l'occasion de le découvrir un jour prochain. Wait and see.

Un petit paragraphe maintenant pour évoquer aussi quelques favoris de la compétition qui repartent finalement bredouilles. Je cite d'abord l'éternel Pedro Almodovar, qui, bien que déjà récompensé, attend toujours sa Palme et n'a rien gagné pour La piel que habito. Constat identique pour la Japonaise Naomi Kawase, dont le Hanezu no Tsuki était pourtant présenté comme un candidat assez sérieux en cette période post-Fukushima. Côté comédiens, on peut s'étonner du chou blanc de Sean Penn, métamorphosé en rock star revancharde dans This must be the place, et plus encore de la consécration manquée pour Tilda Swinton, qui avait pourtant une cote favorable avec We must talk about Kevin. Impénétrables voies de Cannes...

Enfin, une dernière décision qui m'a fait plaisir: celle de remettre une Palme d'honneur au grand réalisateur italien Bernardo Bertolucci. Il y avait lieu de craindre que la disparition de Maria Schneider, comédienne révélée dans Le dernier tango à Paris, ne porte préjudice au cinéaste, pas franchement tendre avec son interprète féminine - une histoire de sexe filmé, cruel parce que non consenti. N'ayant pas vu l'objet du délit, je me garde bien de juger l'ensemble d'une carrière sur ce point particulier et me réjouis de voir consacré l'homme qui a présenté au monde Le dernier empereur.

Voilà.
Le Palais des Festivals a fermé. Rendez-vous en mai 2012.

samedi 21 mai 2011

Poulet au vinaigre

Une chronique de Martin

Je ne veux pas en faire une généralité, mais j'ai tendance à penser qu'habituellement, le cinéma glorifie plutôt la justice et le bon sens policier. Nicholas Angel, le héros de Hot fuzz, n'est pas un flic comme les autres: à Londres, la ville où il travaille, ses chefs l'évaluent comme le plus efficace de sa brigade. Mais bon, ça fait désordre: ça montre que les autres sont nuls. Et voilà donc comment le meilleur des gardiens de l'ordre se retrouve promu... et muté.

Regardez-le, avec ces deux flingues, bien déterminé à en découdre avec les criminels les plus odieux. Il n'est pas touchant ? Non, hein ? Pas vraiment ? Ma petite introduction vous aura probablement fait comprendre qu'il n'y a pas rien de très sérieux dans ce drôle de film. Et, si vous ne l'aviez pas reconnu, je précise aussi que vous avez sous les yeux l'acteur britannique Simon Pegg, bien connu pour le duo qu'il forme (ici aussi) avec Nick Frost - j'y reviendrai en conclusion. Cette fois, notre homme est donc chargé, non pas de rétablir, mais bien de maintenir l'ordre dans la rieuse cité de Sandford. Aïe ! Problème, parce que, pour lui, ça en est presque un: il ne s'y passe jamais rien ! Démarré sur les chapeaux de roue, Hot fuzz va-t-il s'enliser dans des sables moroses ? Vous imaginez bien que ce serait trop facile. J'ajoute que ce ne serait surtout pas assez drôle...

Cela dit, cette première partie du film reste celle qui m'a le plus plu. Voir ce super-flic débarquer au milieu de nulle part et vite souffrir d'ennui à ne rien avoir d'autre à faire que de "ramasser" les poivrots au pub du coin est particulièrement jubilatoire. Hot fuzz ne s'arrête toutefois pas à cette (bonne) idée de départ. Ce qu'il y a d'incroyable dans tout ça, c'est évidemment que, bientôt, après que Angel a donné la chasse à un cygne, une série de meurtres sauvages frappe Sandford et met à bas une tranquillité qu'on avait beau jeu de croire inaltérable. C'est là que le film s'aventure dans le n'importe quoi, avec d'autant plus de conviction qu'il devrait inévitablement perdre quelques spectateurs en route. Ceux qui seront restés devant l'écran auront droit à l'une de ces comédies anglaises 100% débridées, comme celles que les habitués du duo Pegg/Frost avouent adorer. Culture geek assumée sans complexe, ça peut ma foi être franchement marrant et rebondissant à presque chaque scène.

Comédie potache, Hot fuzz prend alors l'allure d'un film d'action particulièrement barré, avec, c'est la loi du genre, l'inévitable kyrielle de clins d'oeil. Les recenser devrait vous amuser si vous êtes connaisseurs et bien sûr réceptifs à ce genre d'humour. Sur le plan strictement formel, il n'y a là que du tout bon, une réalisation simple et efficace. Même quand ça pétarade en tout sens, comme ça finit bientôt par arriver, on comprend ce qui se passe. Le montage un peu clippé est franchement sympa et les effets spéciaux d'une efficacité indéniable. Bref, vous l'aurez compris, j'ai bien aimé le résultat final, regrettant juste que France 4, la chaîne de télé où je l'ai découvert l'autre soir, choisisse de le diffuser en VF. C'est presque criminel et, si Nicholas Angel était passé par chez moi, il aurait sans doute sorti son carnet à souches et dressé une jolie petite contravention. Maintenant, soyons honnête: le doublage n'est pas non plus calamiteux. Je crains juste d'être passé à côté de certains gags. Bah... il en reste suffisamment pour deux petites heures de délire. Pour conclure donc sur une bonne note, c'est ce que je retiendrai.

Hot fuzz
Film anglais d'Edgar Wright (2007)
Les autres films avec Simon Pegg et Nick Frost ? J'en ai également parlé ici: il s'agit de Shaun of the dead et de Paul. Chacun des trois pourrait allégrement passer pour la parodie d'un genre déterminé. C'est un rien plus complexe: plutôt que de se moquer, les trublions anglais rendent hommage à une certaine culture, je crois. Il le font en s'inspirant de certaines séries Z et en poussant leur logique jusqu'à l'extrême, sous un ton délibérément délirant. Une démarche qui peut rappeler celle d'un Quentin Tarantino, dans un autre genre. Moi, j'aime bien, sans élever les films au rang d'incontournable. Logiquement, en prenant tout ça au quatrième degré, vous devriez en tout cas passer un bon moment. Trop sérieux s'abstenir. J'ajoute encore que, l'air de rien, les flics ont ici un rôle assez respectable...

vendredi 20 mai 2011

De drôles d'oiseaux

Une chronique de Martin

J'aime de temps en temps retomber en enfance. C'est ce que j'ai fait l'autre jour devant Rio, prévenu par Jean-Michel - salut, mon pote ! - que le dernier né des studios Blue Sky s'adressait au jeune public. Ouais, je confirme: si vous aimez l'animation à deux discours, l'un accessible aux gamins et l'autre aux adultes, passez votre chemin cette fois-ci. En revanche, si, comme à moi, il vous est agréable d'oublier un peu le temps qui passe, vous pouvez accorder une heure et demie de votre temps à ce long-métrage très coloré et joyeux. Certes, même si le ciné joue la carte 3D, ça peut attendre le DVD...

Comme son nom l'indique, après une première incartade en Amérique du Sud, Rio débute réellement... dans le Minnesota (oh, le piège !). À gauche, Blu, ara bleu qui ne sait pas voler. À droite, Linda, bipède célibataire, du genre jeune libraire à lunettes passionnée d'oiseaux. Ces deux-là se sont rencontrés quand l'animal est tombé du camion d'odieux trafiquants et que sa copine l'humaine l'a sauvé d'une mort certaine en ramassant le carton dans lequel il était encore enfermé. Depuis plus de quinze ans, la bête et la belle cohabitent ainsi, amis improbables, et ça se passe plutôt bien, même si Blu rote parfois après s'être... lavé les dents. Le matin, il aime boire son chocolat chaud, agrémenté de quelques guimauves pour plus de douceur. L'élément perturbateur, c'est l'arrivée de Tulio, ornithologue brésilien un peu fou, qui informe Linda que son compagnon est le dernier mâle de son espèce et qu'il serait donc bon qu'il rejoigne la mère patrie afin de procréer. Le Brésil ou la destination de tous les dangers !

Quelques scènes plus tard, Blu se retrouve de nouveau emprisonné, accroché à... la dernière femelle de son espèce, j'ai nommé Perla. Outre la nuance de leur bleu plumage, les deux volatiles différent fondamentalement en ce que la demoiselle, elle, sait bien se servir de ses ailes. Et, face aux vilains contrebandiers, elle s'échapperait donc à la première occasion. Sauf qu'il y a Blu, justement. Rio marque donc l'énième confrontation entre deux personnages fantasques que tout semble opposer et qui, pourtant, vont devoir s'associer, au moins un moment, pour se tirer d'affaire. Vous avez deviné comment ça se terminera ? Tant mieux: je ne le dirai pas ! Honnêtement, le film ne m'a pas surpris: sa bande-annonce montrait déjà beaucoup de choses. L'important n'est pas là: j'espérais m'offrir une heure et demie de détente et c'est bien ce que j'ai eu. Sincèrement, sur le moment, ça a largement suffi à mon bonheur. Même si mon niveau d'exigence est souvent nettement supérieur.

Je vous épargne les figures classiques de ce genre de programmes formatés et notamment la galerie de personnages secondaires, dispensables, mais rigolos. S'il faut résumer mon propos, je dirais que Rio tient ses promesses: c'est un film simple, sans imagination mais sans chichis, qui se déroule sans esbroufe. Sa grande qualité est là, dans la modestie de fond et de style, et la relative efficacité qui en découle. Techniquement, même si ce n'est pas neuf, ça reste franchement joli pour les yeux et agréable pour les oreilles. Heureusement qu'au pays de la samba, il y a du rythme, hein ? Vraiment, de ce point de vue, Carlos Saldanha a largement respecté sa part du contrat. Pour ce qui est de la 3D, sans être indispensable, je dirais qu'elle est gérée intelligemment, apportant une profondeur de champ appréciable à certaines scènes. Pour un peu, ça donnerait presque envie d'aller voir de plus près à quoi ressemble effectivement le Brésil. Il paraît clair que la vision qui en est donnée ici est idyllique, mais bon... il s'agit bien de retomber en enfance.

Rio
Film américain de Carlos Saldanha (2011)
J'ai souvent parlé ici de la guerre qui peut opposer les admirateurs des deux grands studios US d'animation 3D, Pixar et Dreamworks. Voir une oeuvre signée Blue Sky me semble une façon très honorable de rester en-dehors du conflit. S'envoler avec celle-là, c'est simple, d'accord, mais pas déshonorant. Et, lunettes noires et crème solaire sur le nez, ça peut être une chouette façon d'attendre l'année prochaine et le quatrième - et ultime ? - épisode de la série emblème de la compagnie: je veux bien sûr parler de L'âge de glace.

jeudi 19 mai 2011

Horrible ?

Une chronique de Martin

Un léger doute subsistait dans mon esprit au moment où j'ai pu voir Evil dead. Je me demandais en fait dans quelle catégorie se classait ce premier long-métrage de Sam Raimi. Comédie ? Film d'horreur ? La question se posait parce que ceux de mes amis qui l'avaient vu m'en avaient parlé chacun en des termes différents. Cela pouvait d'ailleurs parfaitement bien s'expliquer: ce premier opus a déjà connu deux suites, le quatrième épisode étant prévu pour l'an prochain. Pour trancher tout de suite le débat, je dirais qu'à mon humble avis, nous tenons là un film d'horreur... comique. Un truc qui est censé faire peur, mais qui, en fin de compte, fait plutôt doucement rigoler.

Rien à redire: comme cette première image le suggère, Evil dead reste fondamentalement gore. L'histoire tient en quelques lignes: cinq copains, deux garçons et trois filles, décident d'aller profiter d'un week-end dans une cabane au fond des bois. Mais quelle idée ! L'un des personnages semble le pressentir et ça se confirme rapidement: l'endroit est miteux de chez miteux. C'est quand la nuit tombe que les choses se corsent: bruits bizarres et environnement hostile entrent dans le jeu. Et tout dégénère: l'une des filles, morte de trouille, veut rentrer chez elle. En toute illogisme, elle fuit donc dans le noir et, violée par un arbre (!), devient une sorte de zombie peu de temps après être revenue sur ses pas. Cartésiens s'abstenir.

Ce qui est rigolo là-dedans ? Outre le kitsch des situations, c'est l'odeur de naphtaline venue des effets spéciaux. Elle s'explique simplement: le film a tout de même 30 ans ! J'imagine bien volontiers qu'au début des années 80, Evil dead a pu apparaître précurseur et d'autant plus réussi qu'il est donc un premier film, né de l'imagination d'un type âgé seulement d'une vingtaine d'années. Tourné sur un petit budget, il a reçu un prix, un Saturn Award précisément, distinction dont j'ignorais totalement l'existence jusqu'alors et dont la prochaine livraison est attendue le mois prochain. Bref, pour apprécier cette "oeuvre", je vous conseillerais de la regarder au second degré. Ainsi, ça peut devenir amusant.

Evil dead
Film américain de Sam Raimi (1981)
Une lumière crue et fugace pour faire des éclairs. De la fumée grise pour créer une brume. Un décor ultra-minimaliste qui sert de maison des horreurs. Le fait que le film soit fauché saute aux yeux. Je n'ai pas vu ça comme un réel défaut, sachant d'emblée à quoi m'en tenir sur ce point précis. Le smiley que j'utilise aujourd'hui vous fera comprendre que je n'ai pas été déçu par le résultat. Cela dit, à ceux qui chercheraient un long-métrage de vraie angoisse, je recommande plutôt Les autres ou Dark water. Simple question d'époque, en fait.

mercredi 18 mai 2011

Le parrain et l'enfant

Une chronique de Martin

Le hasard en a décidé ainsi: je suis amené dès aujourd'hui à évoquer un autre film de Paul Newman. En fait, Les sentiers de la perdition est même son dernier, si on excepte la voix du vieux Doc Hudson dans Cars. L'histoire retiendra que les plus beaux yeux du cinéma hollywoodien se sont éteints sur un rôle de parrain, noir personnage que le comédien incarne à la perfection, dans toute son ambiguïté.

J'ai vu Les sentiers de la perdition pour la deuxième fois au moins. Peut-être bien la troisième. Il est possible que son point de départ me fût inconnu lors de ma première vision et aussi que le film soit réellement plus frappant encore quand on le découvre. Bref. J'ose ici vous révéler que, sous l'aspect sympathique que peut bien dégager cette première image, Paul Newman incarne ici un personnage beaucoup plus sombre. Le scénario démarre vraiment quand le fils d'un homme de main du parrain - joué par Tom Hanks, lui aussi magistral - est témoin d'un règlement de comptes entre bandes rivales. Le chef mafieux sait que c'est son propre fils (Daniel Craig) qui a fait dérailler ce qui devait n'être qu'une mise au point orale. Mais quand la situation dégénère encore plus avant, il ne trouve d'autre solution que de couvrir les turpitudes de sa progéniture. Bientôt, il devient donc une menace pour l'enfant qui a tout vu. Maintenant, motus ! J'en reste là pour ne pas vous gâcher la surprise.

L'aspect le plus remarquable de ce film, c'est probablement qu'il met plusieurs comédiens en avant. Il n'y a pas véritablement de rôle principal dans ce long-métrage remarquablement écrit: Newman, Hanks et, dans une moindre mesure, Craig peuvent en fait tous prétendre au haut de l'affiche. L'enfant - Tyler Lee Hoechlin, 15 ans - est lui aussi parfaitement bien campé. La photo tire encore l'émotion vers le haut et les rebondissements de l'histoire font qu'on ne sait jamais très bien où Sam Mendes veut nous emmener. Les sentiers de la perdition: le titre en dit long, même si je préfère la version originale - Road to Perdition, allégorie composée depuis le nom d'une ville américaine, dont la force évocatrice me paraît supérieure. Bref. J'aime aussi ce long-métrage parce qu'il ne délivre pas franchement un message aussi net que ce qu'on pourrait l'imaginer par la lecture d'un simple résumé. S'il y a effectivement une crapule et des victimes, la quasi-totalité des personnages renferme également une part d'ombre, ce dont rendent parfaitement compte les premières lignes de monologue dites par l'enfant. Et ce qui offre un développement de l'intrigue particulièrement intéressant à suivre.

J'en ai déjà dit beaucoup et je n'ai pas encore parlé de Jude Law. C'est pourtant là l'un des points les plus notables: dans Les sentiers de la perdition, le comédien anglais laisse de côté sa belle gueule, ainsi que les rôles de jeune premier que nous lui connaissons habituellement. Faux reporter et vrai tueur, il compose un "méchant" particulièrement inquiétant, le seul personnage du film qui soit réellement d'un seul bloc. Il faut attendre presque une heure entière pour assister à sa première scène, mais ensuite, quelle présence ! Pétri de talent, l'acteur a le chic de n'éclipser aucun de ses collègues à l'écran: au contraire, sa prestation de haute volée renforcerait presque leur impeccable charisme. Une certitude: cette composition montre à quel point le film est abouti dans tous ses éléments. Brillant ! Ce qui m'a marqué, maintenant que j'ai plusieurs visions derrière moi, c'est de constater à quel point les plans de Sam Mendes et son complice Conrad L. Hall viennent éclairer tout le métrage d'une parfaite lumière. Jusqu'au générique de fin, les belles images se succèdent, un vrai régal pour les rétines habituées à un cinéma américain parfois nettement plus formaté. Un Oscar de la photo a couronné ce travail remarquable: il me semble tout à fait mérité. Une oeuvre à voir, donc, et à revoir, sans aucun doute.

Les sentiers de la perdition
Film américain de Sam Mendes (2002)
J'ai déjà eu l'occasion de dire combien la mafia est un thème classique du cinéma US. En attendant de disposer d'autres références (Le parrain ? Scarface ?) et de faire une comparaison, je place d'emblée ce long-métrage en modèle du genre, sans hésitation. D'ici à ce que je vous reparle des autres, je vous conseille également d'étudier de près la filmographie de Sam Mendes. Et je vous rappelle notamment que, connu pour des films sombres et parfois même franchement glauques, le réalisateur a prouvé être capable d'apporter aussi de l'éclat, avec la seule autre de ses oeuvres dont j'ai déjà parlé ici: Away we go. Toujours un road-movie, sentimental celui-là.

lundi 16 mai 2011

La vengeance aux deux visages

Une chronique de Martin

Marlon Brando m'excusera d'emprunter à son seul film de réalisateur le titre de ma chronique d'aujourd'hui. Quant aux plus cinéphiles d'entre vous, j'espère qu'ils me pardonneront d'user de cet artifice grossier pour évoquer L'arnaque, oeuvre culte de George Roy Hill. Les beaux yeux bleus de Paul Newman ne sont certes pas pour rien dans le charme de ce classique du cinéma hollywoodien. Suivez-moi donc: je vous emmène aujourd'hui dans le Chicago des années 30.

Puisque j'ai donc parlé d'une vengeance, je précise que, d'après l'un de ses protagonistes, interprété par Paul Newman, donc, il n'est ici question que de jeu. Le risque encouru ne serait alors que le piment nécessaire à toute mise un tant soi peu excitante. C'est en tout cas ce que tâche d'expliquer Henry Gondorff, le premier des deux héros du film, à son acolyte Johnny Hooker (Robert Redford), soucieux, lui, de rendre à un troisième larron la monnaie de sa pièce. Ce dont il est question exactement ? J'y viens. L'arnaque décrit, en deux heures bien tassées, le piège tendu par les susnommés Gondorff et Hooker au mafieux baptisé Lonnegan, lequel a froidement fait assassiner un de leurs amis communs. Ce qu'il y a d'intéressant, de prime abord, c'est que les deux "gentils" de cette histoire ne sont eux-mêmes pas franchement recommandables, mais aussi et surtout qu'au tout début de l'aventure, ils ne se connaissent même pas. Pour dire les choses rapidement, l'un prendra l'autre sous son aile pour créer un vol colossal et malin, à partir d'une salle de jeux clandestine totalement fictive. Pas sûr que vous compreniez ce dont je parle, mais j'aime autant vous laisser regarder le film: c'est plus clair en images.

L'éclat de l'oeuvre de George Roy Hill tient à plusieurs facteurs. Première explication: le réalisateur a - une nouvelle fois - réuni quelques excellents acteurs, au premier rang desquels, bien entendu, le duo Newman-Redford. Je les associe tellement dans mon esprit que j'oublie souvent que les comédiens affichaient tout de même plus de 11 ans d'écart à l'état civil. Sans être aussi tout à fait flagrante sur leurs beaux visages, cette différence d'âge renforce la crédibilité du film, Paul étant un peu le mentor de Robert dans cette intrigue rudement futée. L'arnaque, c'est le "vieux" qui la monte, pour aider le "jeune" et aussi largement pour la beauté du geste. Et oui ! D'ailleurs, à ce titre, la toute dernière scène du film montre bien plus qu'une simple passation de témoin entre monstres sacrés du cinéma américain. Elle illustre parfaitement la complicité de ces deux-là, ouvrant grand la porte à la légende. Mais chut ! Inutile d'en dire plus. Sur le plan formel, vous noterez toutefois que le film est une réussite incontestable. Même bientôt quarante ans plus tard, la classe éternelle de ses costumes, décors, accessoires et situations marche encore à pleins tubes. Et il ne suffit alors plus que de quelques notes d'un certain air de piano pour être tout de suite dans l'ambiance...

Le vrai paradoxe de ce bel extrait de la longue histoire du cinéma mondial, c'est peut-être en fait qu'au fil des années, le "méchant" (joué par Robert Shaw) est, en fait, un peu tombé dans l'oubli. Moi aussi qui écris cette chronique, je constate que, si j'avais un jour déjà vu L'arnaque, j'avais complètement oublié ce qu'était le fil conducteur du film, signe que l'essentiel n'est pas tant le contenu exact de l'intrigue, mais sûrement bien davantage la distinction incontestable avec laquelle il nous est présenté. Film de gangsters, l'oeuvre de George Roy Hill arrive à nous faire sentir la nostalgie d'une époque révolue et pourtant pas forcément la plus exaltante pour ceux qui l'ont réellement vécue. Brillant résultat ! Si je dois avouer que j'ai imaginé le tout dernier rebondissement une seconde avant qu'il survienne, je souligne volontiers que le découpage du film en courts chapitres parvient également à faire efficacement monter la mayonnaise. Sans être trépidant, le rythme est soutenu et, au fur et à mesure que le plan Gondorff-Hooker se monte, on se demande sur quoi il va déboucher exactement. Saura-t-il vous surprendre ? Peut-être. Je l'espère. Mais ce que j'ose attendre de ce film, c'est avant tout que, en dépit de son côté gentiment suranné, ou bien alors grâce à cela même, justement... il sache encore vous séduire.

L'arnaque
Film américain de George Roy Hill (1973)
Newman-Redford-Hill: les cinéphiles n'auront pas manqué d'identifier le trio mythique d'un de mes films de chevet, je veux bien sûr parler de Butch Cassidy et le Kid. Il me faut ici vous avouer humblement que je préfère ce western à l'oeuvre évoquée aujourd'hui. Que cela ne vous décourage pas de donner sa chance à ce second film, si toutefois ce n'est déjà fait. En s'intéressant à une bande de copains un peu filous et qui travaillent de concert à la ruine d'un truand, ceux qui aiment aussi le cinéma d'aujourd'hui ne devraient pas manquer de penser à Ocean's 11 et à ses suites. Une comparaison que je juge pertinente, mais qui ne doit pas nuire au long-métrage le plus ancien.

dimanche 15 mai 2011

Casse-tête chinois

Une chronique de Martin

Question à 100 yuans: qui était le roi de France quand l'impératrice Wu Zetian régnait sur la Chine, en 690 ? Réponse: la France n'existait évidemment pas sous sa forme actuelle et c'est un certain Thierry III qui dominait... les Francs. Juste pour dire que c'est à cette époque dont je ne connais rien que se situe l'action du film dont je parlerai aujourd'hui: Détective Dee - Le mystère de la flamme fantôme.

F
ilm chinois, comme vous l'aurez compris, dont l'action se base essentiellement sur une autre énigme: comment expliquer rationnellement les combustions spontanées qui ont frappé successivement quelques-uns des hauts dignitaires de la cour impériale ? Une intrigue criminelle sous nos yeux ébahis (ou pas).

En soi, c'est bien la perspective d'un film "policier" dans la Chine antique qui m'a d'abord motivé pour aller voir Détective Dee. J'ai aussi été attiré comme je le suis presque à chaque occasion d'admirer une oeuvre en costumes. Ajoutez à cela la perspective d'une bonne fin d'après-midi entre copains branchés cinéma asiatique et vous comprendrez que je n'ai pas pu résister longtemps à l'appel de la salle obscure. Une fois ressorti, sans regretter, je dois admettre que le résultat n'est pas à la hauteur de mes attentes. L'impression que j'ai eue, en fait, c'est que l'argument du film passe vite au second plan. Tsui Hark, le réalisateur, préfère les scènes d'action - il est vrai spectaculaires, mais pas vraiment plus originales que dans d'autres oeuvres du genre - et les effets spéciaux. Franchement, sur ce dernier point, je suis surpris et un peu déçu...

Parce que si Détective Dee propose une galerie de personnages intéressants et parfois même attachants, ce qu'ils allaient devenir lors de l'avancée du scénario m'a assez vite laissé indifférent. Point étonnant, tout de même, le fait que le cinéaste n'épargne pas toujours les principaux protagonistes - à voir de découvrir seuls pourquoi et comment il les "maltraite", au contraire. Je dois dire que, pour le reste, ce qui nous est montré ici m'a paru un peu toc. Permettez-moi de revenir sur les effets spéciaux: là où j'ai espéré m'évader et rêver à ce monde ancien, magique et peut-être même pour moi quelque peu mythique, j'ai surtout aperçu des images assistées par ordinateur. L'authenticité m'a semblé faire défaut et, pour un film d'époque, c'est une lacune importante. J'ai noté une fin ouverte, qui laisse intacte la perspective d'une série. On verra bien si je me laisse mieux convaincre une prochaine fois. Pas impossible.

Détective Dee - Le mystère de la flamme fantôme
Film chinois de Tsui Hark (2010)
Bon, pour être tout à fait précis, j'ajoute que le film vient exactement de Hong Kong, ce qui semble avoir une importance certaine aux yeux des cinéphiles confirmés. Aux miens, ça ne change pas grand-chose, dans le fond. Je sors de là avec un regard légèrement étonné, comme l'indique d'ailleurs mon smiley du jour, mais aussi l'idée que, dans le genre "film de sabres", je n'ai pas encore trouvé une autre oeuvre qui me plaise autant que l'avait fait Tigre et dragon en son temps. Je ne désespère pas pour autant.