dimanche 31 mars 2019

Face au monstre

Le film dont je vous parlerai aujourd'hui n'est pas sorti dans les salles françaises. J'imagine qu'il cible un public avide de "contenu", ce terme affreux qui désigne la grande masse de ce qui transite sur Internet. Bref... c'est via mon abonnement Web que je l'ai découvert il y a peu. L'ai-je apprécié ? Oui, parce que son côté geek me correspond bien...

Colossal raconte l'histoire de Gloria, virée de chez son petit ami. Injustice ? C'est assez discutable, car la jeune femme se laisse aller. Aucun boulot et un certain problème avec l'alcool. La voilà contrainte d'aller chercher un nouveau toit, d'atterrir dans une maison familiale abandonnée et de renouer avec sa vie d'avant. C'est assez efficace dans un premier temps et permet donc une auto-reprise en mains. Sauf qu'un jour, un monstre attaque la Corée, ce qui entraîne Gloria dans une étrange aventure. STOP ! Je vous laisse découvrir la suite...

Vous dire tout de même que, sous ses airs vraiment décalés, Colossal dit quelque chose d'assez juste sur notre monde déconnecté du réel. Assez peu appréciée en général, me semble-t-il, Anne Hathaway montre ici une facette d'actrice que je ne lui connaissais pas. Franchement, le film est plus malin qu'il n'y paraît d'abord: je dirais même qu'il s'agit d'un portrait de femme, d'une belle intelligence. Sans doute en existe-t-il de plus profonds, mais je ne m'attendais pas aux développements du scénario. Un (petit) bémol: la durée du récit est peut-être un peu longue, ce qui induit de fait quelques redites. Autre chose: sur le plan formel, je n'ai rien vu de remarquable. N'accablons pas les techniciens pour autant ! D'autres longs-métrages jouent la carte de l'esbroufe. Ma foi, j'ai aimé la modestie de celui-là.

Colossal
Film hispano-canadien de Nacho Vigalondo (2016)

Une surprise ? Rien d'extraordinaire, en fait, mais un bilan correct. J'avoue que je ne connaissais pas le réalisateur non plus. Il me semble que j'avais entendu parler du film, mais... j'ai oublié où et quand ! Face à tant d'imprécision, il ne me reste donc plus qu'à vous suggérer de le regarder et de donner leur chance à d'autres "petits" films. L'occasion de saluer le monstre qui sévit dans 10 Cloverfield Lane...

samedi 30 mars 2019

Mon avis sur Emma

Hop ! Je rebondis sur la chronique d'avant-hier: je voulais vous dire quelques mots de plus sur Emma Stone, une actrice que j'aime bien. Je l'appelle "Miss Manga", ses grands yeux m'évoquant souvent ceux des personnages typiques de quelques bandes dessinées japonaises. Vous voyez le truc ou c'est une illusion ? Ce n'est pas très important...

Née le 6 novembre 1988, Emily Jean Stone a troqué son vrai prénom contre un diminutif pour éviter toute confusion avec une autre actrice plus âgée qu'elle ! Aujourd'hui, je suis sûr que le petit monde hollywoodien sait très bien qui elle est, d'autant qu'elle a été honorée d'un Oscar en 2017 - c'est le plus prestigieux de ses Prix à ce jour. Sacré chemin parcouru depuis 2004 et ses débuts (jamais diffusés !) dans une télé-réalité. Jeune ado, la demoiselle avait fait du théâtre...

Je n'ai vu aucun de ses quinze premiers rôles au cinéma, entre 2007 et 2014. Elle s'est d'abord fait remarquer dans un vaste registre comique, semble-t-il. Des films plus "sérieux" ou même dramatiques ont progressivement fait d'elle une figure familière pour un public élargi. Emma conserve un faux air de fille ordinaire assez touchant. Comment évoluera-t-elle maintenant qu'elle a passé les 30 ans ? Difficile à dire, mais une mini-série télé et des films sont annoncés...

Et les droits des femmes, dans tout ça ? Emma est l'une des parties prenantes du mouvement Time's up, dont elle a signé la lettre ouverte pour réclamer une plus grande action (d'envergure internationale) contre le harcèlement et les agressions sexuelles. Je ne crois pas qu'elle soit l'actrice la plus engagée pour la cause, mais je reconnais que je n'ai pas approfondi le sujet... qui le mériterait, pourtant ! Peut-être que ce sera l'occasion d'une autre chronique. Allez savoir...

En attendant, pour y (re)trouver Emma Stone, vous pouvez voir...
- Magic in the moonlight (Woody Allen / 2014),
- Birdman (Alejandro Gonzalez Iñárritu / 2014),
- L'homme irrationnel (Woody Allen / 2015),
- La La Land (Damien Chazelle / 2016),
- Battle of the sexes (Jonathan Dayton et Valerie Faris / 2017).

Vous pouvez aussi l'entendre dans la VO du dessin animé Les Croods ! Et à présent, c'est moi qui écoute vos suggestions et commentaires...

jeudi 28 mars 2019

Misère des courtisanes

Yorgos Lanthimos ne s'arrête décidément plus d'avoir du succès ! Sélectionnés à Cannes ou à Venise, les quatre films que le réalisateur grec a réalisés entre 2009 et 2017 ont à chaque fois été récompensés. Son dernier, lancé à la Mostra à la fin de l'été dernier, en est reparti avec le Grand Prix du jury. Un atout pour la réussite de La favorite...

Cela dit, j'étais très loin de ces considérations festivalo-festivalières quand j'ai découvert la bande-annonce du long-métrage. L'honnêteté m'oblige à vous dire que, tout de suite, je me suis senti intéressé. Mieux: attiré ! Mon amour quasi-inconditionnel des films en costumes peut parfaitement s'épanouir sur le sol d'Angleterre - il l'a déjà fait. Rejoindre la cour de la reine Anne (1665-1714) me faisait très envie. Pour être tout à fait honnête, j'ignorais encore tout de son histoire ! J'avais imaginé que le scénario témoignerait de la très grande rivalité entre deux femmes très proches de la souveraine et je jubilais d'avance d'observer le jeu de massacre promis par la bande-annonce. Objectivement, sur le fond, j'étais proche de la vérité: la couronne britannique s'incarne ici dans une monarque peu au fait des réalités du royaume et qui laisse presque l'une de ses conseillères gouverner pour elle. Oui, il règne une drôle d'ambiance de décadence au palais...

Et que fait Anne ? Elle tente de résister à la goutte, élève des lapins censés remplacer ses 17 enfants morts nés ou en bas âge et couche parfois avec sa première courtisane ! Et voilà qu'une autre ambitieuse débarque tout à trac, prête à entamer une partie de jeu d'échecs ! Franchement, malgré un a priori très favorable, je me suis vite lassé de la contemplation des turpitudes de ces dames. La reconstitution m'est apparue plus "tape-à-l'oeil" qu'autre chose, la faute sûrement aux incessants mouvements de caméra, fondus enchaînés et images arrondies par l'utilisation répétée (et peu utile) d'un objectif fish eye. J'épargnerai au trio Olivia Colman / Rachel Weisz / Emma Stone quelques-unes de mes critiques les plus virulentes: les trois actrices n'ont rien perdu de leur talent et je n'ai rien à redire contre l'idée qu'on puisse aller voir le film pour elles - c'est un peu ce que j'ai fait. Au reste, La favorite m'a déçu: il m'a semblé vulgaire et prétentieux. Yorgos Lanthimos innove à chaque film: c'est un bon point pour lui. Mais, cette fois, j'ai trouvé qu'il tombait dans le piège de l'esbroufe...

La favorite
Film britannique de Yorgos Lanthimos (2018)

Un film de "petit malin", que j'ai trouvé plus roublard qu'intelligent. L'impression (fâcheuse) d'une singularité noyée dans le bling-bling. Même proche des faits historiques, tout cela ne m'a guère passionné. Autant donc revoir Canine, un autre des films du même cinéaste. Maintenant, si ce sont les jeux de cour qui vous intéressent, je juge plus judicieux de vous suggérer Elizabeth ou, à la limite, The queen.

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Et pour être tout à fait complet...
Je vous renvoie également à la lecture des sites de Dasola et Strum. Pascale, elle, a bien voulu nous proposer un joli "tir groupé" féminin !

mercredi 27 mars 2019

Jeannot espion

L'affaire est entendue: Jean Dujardin joue parfaitement les crétins. Même s'il est assurément capable d'autre chose, il semble que l'acteur jubile dès lors qu'il s'agit de prêter ses traits à un personnage stupide. C'est le cas dans OSS 117 - Rio ne répond plus, deuxième épisode des aventures récentes de l'espion français et énôôôôôôrme pochade !

Oui, je sais, c'est curieux, ma p'tite affaire: j'évoque ce second volet sans avoir pris le temps de revoir - et de chroniquer - le premier. Merci de ne pas m'en tenir rigueur ! J'y reviendrai un jour, peut-être. D'ici là, je peux vous confirmer que le long-métrage d'aujourd'hui voit notre ami Hubert Bonisseur de la Bath envoyé en mission au Brésil. Son objectif: récupérer un précieux microfilm censé contenir une liste d'anciens collabos français, resté entre les mains d'un ex-dignitaire nazi. Pour cela, même si ça ne lui plaît guère, il devra faire équipe avec Dolores, qui, elle, travaille pour le Mossad, les services secrets israéliens. Ah ! J'ai oublié de vous dire que toute l'action est censée se dérouler en 1967 et donc sous la présidence du général De Gaulle. D'ailleurs, l'une des blagues du film fera référence au grand Charles...

Bon... pas de quoi se relever la nuit: OSS 117 - Rio ne répond plus enferme son personnage principal dans une pure caricature de beauf franchouillard. Le problème est qu'on en fait vite le tour, à vrai dire. Non pas que le gonze soit réellement désagréable, mais il est si con qu'il n'y a décidément pas grand-chose à en tirer. Qui en prendra d'emblée son parti pourra passer un bon moment en sa présence. J'aimerais souligner le bon travail réalisé par les équipes techniques pour concevoir une esthétique particulière. En clair, l'allure "décalée" du long-métrage ne saurait occulter tout à fait la grande qualité générale des costumes et décors, ainsi que d'autres aspects formels. Pour le dire vite, le film est assez balourd, mais il a aussi du charme. Quelque chose me dit que celles et ceux qui lui ont permis d'exister respectent le travail de leurs aînés, initiateurs de la première série télé-cinématographique (huit épisodes diffusés entre 1957 et 1971). Maintenant, cette renaissance était-elle indispensable ? Je réserve ma réponse, car il se murmure qu'un troisième opus n'est pas exclu...

OSS 117 - Rio ne répond plus
Film français de Michel Hazanavicius (2009)

Trois étoiles seulement pour mieux marquer ma déception (relative) devant un film que j'espérais plus drôle. Je ne misais pas sur un chef d'oeuvre, mais l'acteur et le réalisateur m'avaient habitué à mieux. Voir un OSS 117 des sixties pourrait être assez rigolo, désormais. Une autre parodie de film d'espionnage ? Je pense à Johnny English et ne me suis pas vraiment remis de L'espion qui venait du surgelé !

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Si vous voulez rester dans le camp français...

Why not ? Vous y profiterez de la compagnie de Pascale et/ou de Lui.

lundi 25 mars 2019

Le secret révélé

Huit jours ont passé: me revoilà ! Ainsi que je vous l'avais annoncé dans ma chronique précédente, c'est vers l'Égypte que je vous invite cordialement à tourner votre regard aujourd'hui. J'ai à vous parler d'un film rare: La momie (alias La nuit où l'on compta les années). Nous partons en compagnie d'archéologues, à la fin du 19ème siècle...

Au Caire, l'égyptologue français Gaston Maspero tient une réunion avec ses collaborateurs et indique qu'il leur serait peut-être possible de parvenir à démanteler un réseau de trafic d'objets antiques. Mieux: avec un peu de chance, si cela se confirme, les scientifiques pourraient lever le voile sur un vieux mystère autour de sarcophages disparus. Au même moment, dans un village, le conseil des anciens révèle aux deux fils d'un chef défunt l'emplacement de la cache montagnarde où, bien des années auparavant, ces mêmes cercueils ont été transportés. L'aîné des deux frères, choqué, refuse aussitôt de profiter de ce système de pillage institutionnalisé: alors répudié par sa mère, il est sauvagement assassiné, sitôt sorti de son foyer. Le cadet, lui, échappe à ce sort funeste, non sans état d'âme. Rapidement, il comprend qu'il est devenu une menace pour ses oncles et cousins, tenants de l'ordre ancien. Et qu'il devra vivre autrement...

Vous l'aurez compris: La momie n'est pas là pour amuser la galerie. Alors que notre pays se penche sur le possible retour d'oeuvres d'art ancien vers certains pays, on a de quoi ouvrir ou prolonger le débat. C'est une chance de voir le film ressurgir un demi-siècle complet après sa première sortie dans les salles obscures de son pays d'origine. Aperçu au Festival de Cannes il y a dix ans, le long-métrage avait été élu meilleur film arabe de tous les temps à Dubaï, en 2013. Malgré une certaine notoriété, il était cependant devenu très difficile de le voir, en tout cas jusqu'à sa restauration, trois années auparavant, facilitée par l'apport financier de la Fondation Scorsese. Pour ma part, je suis vraiment content d'avoir pu faire ce "voyage". Les très belles images m'ont vraiment et parfaitement dépaysé. J'avoue humblement qu'il m'a fallu quelques minutes pour m'habituer au rythme particulier du récit, ainsi qu'aux sonorités de la langue. Ensuite, j'ai ressenti un vrai plaisir d'esthète devant un trésor oublié. Me faut-il réellement le préciser ? Cela ne m'arrive pas tous les jours !

La momie
Film égyptien de Shadi Abdel Salam (1969)

Avec le pays des pharaons, d'aucuns auront vu dans ce "vieux" film l'inspiration première des histoires de malédictions pyramidales. Mouais... il faut le dire vite ! Et même si tout se joue finalement dans une certaine langueur, j'ai plutôt apprécié cette découverte. Bon... on est à mille lieues de l'action trépidante d'un Indiana Jones ! Je cherche en vain une comparaison dans tout le cinéma occidental...

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Une incertitude demeure...
Certaines sources transcrivent le nom du réalisateur sous une forme différente: Shadi (ou Chadi) Abdessalam. J'ai en fait retenu la version la plus courante. Autant le dire: je reste preneur d'une confirmation...

dimanche 17 mars 2019

Relâche printanière

Chères toutes, chers tous, un petit mot ce jour pour vous rappeler qu'une nouvelle édition du Printemps du cinéma débute ce matin. L'image d'illustration que j'ai choisie dit tout: dans les salles engagées, les films sont à 4 euros (hors suppléments 3D et autres). Séances de rattrapage en vue: le tarif sera le même demain et mardi.

Autre chose: je voulais vous prévenir que le fil de mes publications allait s'interrompre un moment. En réalité, j'ai eu beaucoup de boulot ces dernières semaines... et ce n'est pas fini ! Une (courte) pause m'apparaît nécessaire: je prévois de "relancer la machine" lundi 25. Huit jours de break, ce n'est pas trop long, n'est-ce pas ? En guise d'avant-goût, je peux vous dire que mes trois prochaines chroniques concerneront des films égyptien, français et britannique - le premier étant une vraie rareté sur les écrans, depuis cinquante ans environ. D'ici à mon retour sur les ondes, je vous souhaite à toutes et tous d'excellentes projections. On en reparle très vite, je vous le promets !

vendredi 15 mars 2019

Après le drame

Mikio Naruse est mort en juillet 1969, quelques semaines seulement avant son 64ème anniversaire. Au cours d'une carrière de cinéaste débutée en 1930, le Japonais a signé 89 films, dont 23 muets ! Certains ont disparu aujourd'hui. J'ai abordé cette filmographie XXL par la fin, avec une copie (restaurée) du dernier opus: Nuages épars.

C'est une nouvelle fois à mon association - et à son président fondateur - que je dois cette chance. Le fait est que j'avais découvert beaucoup plus de films nippons en 2017 qu'en 2018: l'opportunité d'améliorer mon "score" cette année ne pourra donc être négligée. Cela dit, je suis allé voir Nuages épars sans information particulière sur ce qu'il pouvait raconter. Pour info, c'est un grand mélodrame. Yumiko, une jolie jeune femme, s'apprête à partir vivre à Washington avec son mari fonctionnaire. Finalement, un drame survient: l'époux est tué dans un accident de la route. Yumiko doit réapprendre à vivre seule et faire son deuil sans le moindre soutien, ses beaux-parents allant même jusqu'à lui interdire de porter le nom de leur fils décédé. Quant au reste de la famille, il se comporte de manière aussi indigne avec la pauvre veuve ! Le seul espoir qui demeure pour Yumiko repose sur l'homme qui a causé son malheur, qu'un juge a déclaré non-coupable, mais qui tient malgré tout à venir en aide à la victime. Au point de se rapprocher d'elle ? Je laisse la question sans réponse...

Comme souvent dans le cinéma japonais, j'ai trouvé ce long-métrage d'une remarquable délicatesse. J'ai été favorablement impressionné par l'évolution de l'intrigue: en fait, ce qui ressemble de prime abord à un très touchant portrait de femme va doucement se transformer en autre chose, pour parler finalement d'un duo. Dans le rôle principal, Yoko Tsukasa est exemplaire de justesse, mais je dois dire que son partenaire masculin - le beau Yuzo Kayama - le lui rend bien. Concentré sur le jeu des acteurs, on oublierait presque les qualités formelles du long-métrage... et notamment sa magnifique photo. Toute en teintes pastel, elle renforce l'impression de grande douceur qui flotte sur Nuages épars et vient renforcer sa dimension tragique. Tout est calme en apparence et les sentiments, tels qu'ils s'expriment malgré tout, n'en sont que plus beaux. Je m'y trouve très sensible. Évidemment, plus d'un demi-siècle plus tard, les moeurs ont évolué vers moins de retenue, mais au fond, cela n'enlève rien aux émotions ressenties devant cette histoire simple (et très universelle, je pense).

Nuages épars
Film japonais de Mikio Naruse (1967)

Bon... ce cinéaste ne vient pas (encore ?) remplacer Akira Kurosawa et Yasujiro Ozu au sommet de mes réalisateurs japonais classiques préférés. Il aura cependant été une très belle découverte, ma foi ! Pour en faire d'autres, si ce n'est pas déjà le cas, je vous conseille d'autres films axés sur le personnage féminin, tels Printemps tardif ou Je ne regrette rien de ma jeunesse. Et j'y reviendrai sûrement...

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Attention à ne pas confondre...

Mikio Naruse est également le réalisateur de Nuages flottants (1955) et Nuages d'été (1958). On m'a chaudement recommandé le premier !

Et maintenant, si vous le voulez bien...
Je vous encourage à faire un petit tour sur le blog de l'amie Dasola

mercredi 13 mars 2019

Dans le tourbillon

C'est toujours avec un peu d'appréhension que je me frotte aux films que l'on peut qualifier de grands classiques du cinéma international. Nul doute que 8 1/2 - lire Huit et demi ou, mieux, Otto e mezzo - occupe ce rang. En parler intelligemment est pour moi un vrai défi. J'imagine qu'il faut être à la hauteur de la légende. C'est... complexe !

Heureusement, j'ai eu le grand privilège de découvrir le film au cours d'une soirée de mon association, ce qui m'a donc donné quelques clés avant les premières images et permis d'apprendre que Federico Fellini lui-même recommandait de ne pas trop chercher à les interpréter. D'après le cinéaste, cette remarquable oeuvre n'était pas d'inspiration autobiographique et s'apparentait plutôt au cirque, une autre forme d'art très cher à son coeur. Pour ma part, j'ai en fait ressenti 8 1/2 comme un grand tourbillon, la comparaison avec la piste aux étoiles m'apparaissant d'autant plus justifiée que la musique de Nino Rota semble tout droit sortie d'un chapiteau. Au fond, il ne manque guère que la couleur pour se sentir immergé dans un univers circassien. C'est grave ? Absolument pas: simples témoins du grand désarroi artistique qui s'empare de Guido Anselmi, le... réalisateur de cinéma joué par Marcello Mastroianni, on reste toujours aux premières loges de l'émotion. Il faut s'accrocher: le spectacle ne s'interrompt jamais. À l'écran se mêlent les faits, les rêves, les souvenirs, les fantasmes...

"Jamais comme ici Fellini n'a été aussi haut dans le langage cinématographique, la fantaisie et la force d'expression": le constat est du grand écrivain italien Dino Buzzati, publié à la sortie du film. Alberto Moravia, lui, estimait alors le long-métrage aussi important pour son auteur que pour le cinéma transalpin dans son ensemble ! Faute d'informations plus complètes sur le sujet, il m'est difficile d'affirmer les choses de manière si nette, mais je suis enclin à faire confiance aux jugements positifs des critiques. Je souligne toutefois que 8 1/2 n'a pas réellement fait l'unanimité en son temps. L'ironie veut que, dans le déroulé de la filmo du célèbre Federico, il arrive juste après La dolce vita, qui lui valut une moisson de récompenses diverses (dont une Palme d'or) et de gros ennuis avec les censeurs. Avec le recul des années écoulées depuis, il reste une claque visuelle comme j'en avais très peu vu jusqu'alors... et, oui, ça fait du bien ! Je vous laisse chercher la signification de ce drôle de titre. Le film devait s'appeler La bella confusione. Idée trop explicite, je suppose...

8 1/2
Film italien de Federico Fellini (1963)

Pas une révélation, non, mais presque: ma connaissance des oeuvres du maestro se limitant jusqu'alors à deux films (cf. index), j'ai pris beaucoup de plaisir à découvrir celle-là, d'une incroyable densité. C'est aussi un grand film de femmes: on y croise Claudia Cardinale angélique, Anouk Aimée mélancolique... et beaucoup d'autres encore. Approches plus intenses que dans le Femmes entre elles d'Antonioni !

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Et ce n'est pas tout à fait fini...
À lire: d'autres avis inspirés et inspirants chez Strum, Vincent et Lui.

mardi 12 mars 2019

Changement de ca(m)p

Y jouais-je sur le Commodore 64 de mon oncle ? Ou bien sur l'Amstrad d'un copain ? Je me rappelle un jeu vidéo: The hunt for Red October. C'est de fait quelques années plus tard que j'ai fait le rapprochement avec À la poursuite d'Octobre Rouge, film lui-même tiré d'un roman de Tom Clancy, sorti en 1986. J'ai donc replongé dans cette histoire...

En revoyant le film, bien des souvenirs sont remontés à la surface. Logique, à vrai dire, puisque tout tourne ici autour d'un sous-marin ! Réputé indétectable par les radars grâce à un système de propulsion innovant, l'engin fait la fierté de la marine soviétique. Des essais techniques le conduisent à mettre le cap vers les eaux territoriales américaines. Orienté par Jack Ryan, un expert de la CIA, l'état-major des États-Unis finit par comprendre que le commandant du bâtiment russe n'est pas armé d'intentions belliqueuses: lui et son équipage saisissent simplement la première opportunité... de passer à l'Ouest ! Ce modeste résumé devrait vous suffire pour comprendre aussitôt qu'avec son contexte de guerre froide, À la poursuite d'Octobre Rouge peut paraître un peu "passé de mode" aujourd'hui, trente ans après la chute du Mur de Berlin. Le film - que j'ai donc redécouvert - m'a semblé à la gloire de l'Amérique triomphante. Oui, c'est logique...

Heureusement, il y a Sean Connery dans le rôle principal ! L'acteur écossais joue parfaitement de son charisme naturel pour s'imposer comme crédible dans le costume d'un vieil officier, formé à Moscou. D'ailleurs, je note que le scénario prête à son personnage des origines lituaniennes pour justifier qu'il puisse oser trahir la Mère Patrie. Désormais, que puis-je ajouter ? Classé 27ème au box-office français de l'année 1990, avec un gros million de spectateurs, À la poursuite d'Octobre Rouge avait davantage séduit le public US, se hissant jusqu'au 6ème rang du ranking (120 millions de dollars de recettes). Las ! Les quelques effets spéciaux et autres vues sous-marines n'arrivent plus à tenir le film à flot, son approche formelle ayant perdu de son impact avec le temps. Reste la solution passéiste: l'aspect vintage de ces images préserve tout de même leur capital sympathie. Cela fonctionne sans doute mieux lorsqu'on se souvient de l'époque...

À la poursuite d'Octobre Rouge
Film américain de John McTiernan (1990)

Bon... je ne veux pas être trop sévère, car cela reste un spectacle correct pour une soirée plateau-télé du dimanche soir. Le problème est que le cinéma américain regorge (encore !) d'histoires de ce type. Jack Ryan est lui-même un héros récurrent - cf. Jeux de guerre. Voilà bientôt trente ans, j'étais sans aucun doute moins exigeant ! Allez, j'assume toujours mes petites nostalgies coupables actuelles...

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Vous aimeriez lire une autre chronique ?

OK: il suffit de vous immerger dans les archives de "L'oeil sur l'écran".

lundi 11 mars 2019

Trois gamins dans l'espace

N'est-ce qu'une impression ? Il me semble que les années 80 offraient bien davantage de films centrés sur des personnages d'adolescents. Dernièrement, c'est par un pur hasard que j'ai découvert Explorers. Sans m'appesantir sur sa réputation douteuse, j'ai eu envie de juger par moi-même de sa qualité. Et, de fait, je n'ai pas eu à le déplorer...

Quand Joe Dante s'attaque à cet opus, il est tout auréolé du succès incontestable de son film précédent: Gremlins. La campagne promo autour de ce nouvel opus s'appuiera donc sur cette réussite antérieure pour attirer le spectateur. Et ce sera vite un échec complet ! Sorti dans la précipitation, au coeur de l'été et avant que le réalisateur estime avoir pu finaliser son travail, Explorers connaîtra un flop retentissant, ses recettes n'atteignant qu'un tiers du budget investi. Pourtant, l'histoire est plutôt sympa: un gamin d'une quinzaine d'années rêve de circuits imprimés, ce qui permet à un ami à lui d'inventer une nouvelle source d'énergie et... un vaisseau spatial ! Personnellement, j'ai là aussi le sentiment de revenir à une époque particulière du cinéma américain, désormais révolue. Ah, nostalgie...

Autant être clair: Explorers n'est pas une référence incontournable. Même à l'époque, même dans le genre, il y a mieux. Je suis ravi cependant d'être "tombé" sur cet opus méconnu, qui a le mérite d'enrichir ma culture geek et de dire de belles choses sur les rêves d'enfant. Une oeuvre "symptomatique de son époque", selon l'auteur. J'avoue humblement que j'étais passé un peu à côté du message principal, quand les gosses du film se retrouvent soudain confrontés à d'autres personnages au comportement similaire face au monde extérieur. Bref... une partie de mon plaisir est plutôt venue du choix des jeunes acteurs: on y retrouve River Phoenix et Ethan Hawke ! Oui, l'un et l'autre avaient fait ici leurs grands débuts au cinéma ! Peut-être que les kids de 2019 aimeront s'évader en leur compagnie...

Explorers
Film américain de Joe Dante (1985)

Un peu bancal, ce projet ne manque pas de charme, mais c'est vrai qu'il pourrait vous paraître quelque peu inabouti (et pour cause !). Faut-il jeter le bébé avec l'eau du bain ? Hum... non, je ne crois pas. Cela dit, de E.T. à Les Goonies, en passant aussi par Breakfast Club ou La folle journée de Ferris Bueller, les "films ados" des années 80 peuvent être encore meilleurs. Vous n'aurez que l'embarras du choix...

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Et si vous êtes perdus dans une dimension parallèle...

Vous pouvez demander à Laurent de vous remettre sur le bon chemin.

samedi 9 mars 2019

Toujours plus vite

Allez, une autre virée au French Riviera Motorcycle Film Festival ! Toujours au rayon documentaire, Morbidelli s'adresse aux passionnés de sports mécaniques. Diffusé avec le sous-titre Histoires d'hommes et de motos rapides, ce documentaire d'environ une heure trente retrace le parcours d'une écurie moto de compétition, de 1969 à 1982.

La motivation du créateur (italien) de la marque est encore palpable. Giancarlo Morbidelli, qui avait fait fortune dans l'industrie, témoigne avec passion de ces années passées sur les circuits. Une large place est également laissée aux anciens mécaniciens et pilotes, le souvenir de chacun restant particulièrement vivace. Les plus grands succès sportifs y côtoient de terribles tragédies, les meilleurs champions ayant parfois laissé leur peau sur la piste de leurs performances. Heureusement, le ton du film n'est ni mélancolique, ni plombant. Même si la moto reste loin de mes centres d'intérêt, l'enthousiasme des protagonistes du film a fini par susciter mon adhésion. Chapeau !

Formellement, je n'ai rien de très infamant à dire contre le film. Simplement, j'ai regretté que les très nombreuses images d'archive présentées par les auteurs soient souvent de bien piètre qualité. J'admets toutefois qu'ils n'y sont probablement pour rien. "Reproche" davantage ciblé sur eux: j'ai eu l'impression parfois qu'ils voulaient véritablement tout raconter, en détails. En résulte un léger sentiment d'excès et, par conséquent, de saturation, encore renforcé d'ailleurs par la VO italienne sous-titrée - certes, je ne parle pas la langue. Respect absolu, cela dit, pour l'ensemble des recherches effectuées. Morbidelli remet l'histoire en images. Les connaisseurs apprécieront.

Morbidelli - Storie di uomini e di moto veloci
Documentaire italien de Jeffrey Zani et Matthew Gonzales (2014)

Vous pourrez résumer mon impression en un simple intérêt poli. Sincèrement, je connaissais le nom Morbidelli, mais du côté cette fois de la Formule 1 - le fils du patriarche, Gianni, ayant été pilote auto dans cette discipline entre 1990 et 1997 (sans vrai résultat notable). Bref... je n'ai pas d'autre film à vous proposer sur le même sujet. N'hésitez pas à vous signaler en commentaires si vous en avez, vous !

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Le sujet vous plaît ? Vous en voulez encore ?

Je vous rappelle donc qu'après sa présentation de l'édition de l'année dernière, Joss avait aussi présenté ses coups de coeur, à savoir...
- Continental Circus (Jérôme Laperrousaz / 1972),
- Il était une fois le Continental Circus (Bernard Fau / 2014),
- Les fiancés de la mort (Romelo Marcellini / 1957),
- Italian race (Matteo Rovere / 2016),
- le court 1971, Motorcycle Heart (Stéphanie Varela / 2017),
- le court Trois pêcheurs (Axel Du Bus / 2012).

Une édition 2020 du Festival est d'ores et déjà envisagée. À suivre...

jeudi 7 mars 2019

Son rêve mécanique

J'ai toujours pensé qu'il fallait être fou pour relever certains défis. Celui de Pierre-André Lhomme était de battre un record de vitesse sur les grandes étendues salées de Bonneville, aux États-Unis. L'exploit s'est concrétisé et a donné lieu à un documentaire, diffusé lors de plusieurs festivals. J'ai ainsi eu une occasion de le découvrir...

Le titre - The world's slowest Harley - mérite quelques explications. Visiblement, Pierre-André Lhomme est un vrai passionné de moto. Quand son film démarre, il dit son affection pour les vieilles bécanes américaines et son intérêt pour le bricolage. Une rencontre décisive avec d'autres fondus de mécanique l'entraîne donc vers l'Utah américain, en quête d'un chrono à bord d'un engin motorisé hybride spécialement customisé. Et qui doit, avant de prétendre à un record quelconque, satisfaire à un contrôle technique particulièrement rude ! Parce qu'il s'est inscrit dans une catégorie originale, son concepteur sait d'avance qu'en étant homologué et en parvenant bien sûr à rouler sur la distance requise, il établira donc un temps de référence. Maintenant, quel intérêt ? Juste celui de réaliser un très vieux rêve...

Autant vous le dire: très centré sur Pierre-André Lhomme, le film tourne parfois un peu trop à l'autocélébration. Bien qu'il s'entoure d'amis pour réaliser son grand défi, l'auteur monopolise la parole. Heureusement, son grain de folie est plutôt communicatif et son récit efficace. Jolies images, illustration musicale adéquate, montage soigné... The world's slowest Harley a objectivement belle allure. Moi que la moto n'intéresse que modérément, j'ai pris un plaisir certain à découvrir tout cela... d'autant que le propos est concentré sur une heure. On n'a pas le temps de se lasser vraiment, du coup ! C'est en cela que je parlerai donc d'une belle réussite, sur le fond comme sur la forme. Comment en juger ? C'est une bonne question. J'ignore si le film tourne encore et sa page Facebook ne répond plus...

The world's slowest Harley
Documentaire français de P.-A. Lhomme et Leo Terreros (2017)

Mon bilan est plus qu'honorable pour ce film réussi (dans son genre). Deux choses à préciser. 1) Bonneville, c'est du sérieux: le site accueille aussi des constructeurs venus tester leurs technologies innovantes. 2) J'ai découvert et apprécié The world's slowest Harley lors de la récente édition du French Riviera Motorcycle Film Festival. Spéciale dédicace à Olivier... et p'tit lien vers une chronique de Joss !

mercredi 6 mars 2019

Un voyage sous tension

Joie. Tristesse. Dégoût. Colère. Peur. Un chouette film d'animation déjà évoqué ici s'était amusé à se pencher sur nos émotions fondamentales. L'autre soir, c'est la dernière que je suis allé titiller. Dernier train pour Busan paraissait me promettre un grand frisson. Avec un a priori favorable, je n'avais plus qu'à composter mon billet...

Sok-woo, jeune courtier en bourse, ne vit que par et pour son travail. Sa femme l'a quitté et il a du mal à s'occuper de sa fille, au point d'oublier son anniversaire et, finalement, de lui offrir un cadeau strictement identique à celui qu'elle avait reçu un an auparavant. Vexée et triste, Soo-ahn demande alors à son père de l'accompagner jusqu'à chez sa mère, à des centaines de kilomètres de là. Le duo rejoint donc une gare et entame un voyage de plusieurs heures. Presque aussitôt après, l'histoire déraille. Comment ? Je fais le choix de ne pas vous le dévoiler ici, mais je veux quand même prévenir celles et ceux qui sont sensibles que le récit ne les épargnera pas. Entre scènes explicites et usage flippant du hors-champ, je trouve que Dernier train pour Busan maîtrise son sujet de bout en bout. Constamment tendu comme un arc, l'amateur de cinéma de genre appréciera assurément le déplacement. Pas de répit pour les braves !

Malgré quelques petites redondances, ce pur film geek nous démontre avec éclat que les Américains ont aussi de la concurrence au rayon des blockbusters impressionnants. Ne pas reconnaître les comédiens n'est en rien un problème: bien au contraire, leur relatif anonymat vient encore renforcer l'impression d'avoir affaire à des personnes ordinaires et, de ce fait même, proches de ce que nous sommes. Quelques protagonistes sont un peu caricaturaux, mais pas au point d'être un obstacle à la véritable efficacité narrative du long-métrage. Appuyé sur un pitch des plus minimalistes, Dernier train pour Busan ne se retourne jamais et, les rares fois où il ne file pas à 200 à l'heure sur sa voie toute tracée, nous maintient tout de même sur le qui-vive par ses silences angoissants. Quelle belle leçon de cinéma, les amis ! Elle nous vient d'un inconnu qui, jusqu'alors, n'avait jamais réalisé que des dessins animés. C'est un nom que je vais tâcher de retenir...

Dernier train pour Busan
Film sud-coréen de Yeon Sang-ho (2016)

Merci de m'avoir lu jusqu'ici sans connaître le fin mot de l'histoire ! Juste pour vous donner un indice, je vous dirai que le cinéma américain, lui, nous a immergés dans World war Z ou Sans un bruit. Stop ! Je n'en dirai pas davantage, si ce n'est pour souligner encore que j'ai vraiment passé un bon moment devant ce film éprouvant. Honnêtement, je ne suis pas loin d'en faire une référence du genre...

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Envie de poursuivre votre voyage ?
Votre train omnibus s'arrêtera chez Pascale, Dasola et Princécranoir

lundi 4 mars 2019

L'envers du décor

C'est l'histoire d'un film qui fut d'abord une pièce de théâtre. Il parle avec ardeur... d'une pièce de théâtre souvent adaptée en film. Edmond s'attaque au mythe Cyrano de Bergerac par une face inhabituelle: ainsi que son titre le suggère, il (ré)invente la manière dont il a été écrit par Edmond Rostand, en 1897. Et ce avec panache !

Je vous avoue que j'ai eu un peu peur: au tout départ, il m'a semblé que le Paris reconstitué du film était bien trop rutilant (et lumineux) pour figurer notre capitale à la fin du 19ème. Je suis assez vite passé sur ce détail et je me suis pris au jeu, en fait d'autant plus volontiers que c'est ici une comédie enlevée qui nous est proposée, au service du texte original dans toutes ses dimensions. Les plus "théâtreux" d'entre vous devraient s'y retrouver: sans prétention aucune, Edmond revisite la légende sans jamais sombrer dans la dérision moqueuse. En réalité, on a presque envie de rejoindre le film sur les planches ! Et d'aider son jeune auteur à prendre enfin confiance en ses talents...

Je vous l'ai dit: le long-métrage a d'abord été une pièce de théâtre. Alexis Michalik, le metteur en scène devenu réalisateur, a expliqué qu'il manquait d'argent pour le cinéma et que c'est après son succès côté cour qu'il a pu passer côté jardin. Belle histoire, non ? J'ajoute qu'il s'est entouré d'une troupe d'acteurs très investis dans leurs rôles. Thomas Solivérès, 28 ans, convainc parfaitement en réplique fébrile d'un Rostand surexcité. Citer désormais l'ensemble de la distribution serait fastidieux, mais pas de doute: en pariant sur Olivier Gourmet comme Coquelin/Cyrano, Edmond a su se doter d'un atout de taille ! Impeccable comme toujours, le Belge porte beau dans le costume flamboyant du Gascon. Une prestation qu'on aimerait voir prolongée et qui, pourtant, ne vient jamais affadir celle des autres comédiens. Résultat: le récit est assez long, mais presque idéalement équilibré. Serait-ce un film parfait ? Non, mais je n'ai guère envie de chipoter...

Edmond
Film français d'Alexis Michalik (2019)

Ce joli long-métrage prend sa place parmi les bons Cyrano de cinéma. Il rend d'ailleurs hommage aux autres - je vous laisse voir comment. Dans la lignée de Shakespeare in love, tout "fonctionne" et amuse. Sur le thème, c'est ce que j'ai découvert de plus enthousiasmant depuis mon Cyrano de Bergerac muet d'il y a bientôt deux ans déjà. Même si Michel Vuillermoz m'avait beaucoup plu dans la pièce filmée !

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S'il vous reste du temps pour un sixième acte...

Vous pourrez relever le rideau... en compagnie de Pascale et Dasola.

dimanche 3 mars 2019

Le monde en 2293

Quelque part en Écosse, Sean Connery a 88 ans. Disparu des radars depuis belle lurette, le plus célèbre des anciens James Bond a tourné son dernier film... en 2003 ! De mon côté, j'ai enfin réussi à voir l'une de ses prestations les plus folles: le fameux Zardoz, sorti en 1974. Torse velu, flingue et slip rouge: le comédien donne de sa personne...

L'histoire se passe en 2293. Ce qu'il reste de l'humanité se divise sommairement... oui, en deux catégories: les Éternels, qui ont gagné l'immortalité dans une sorte de jardin d'Eden dont le sexe est banni, et les Brutes, visiblement retombées dans une extrême sauvagerie. Je vous retranscris ça de mémoire, en m'aidant un peu de Wikipédia. Je vous explique: quelques jours ont passé depuis que j'ai vu le film et il est suffisamment "barré" pour que j'aie du mal à le résumer. D'ailleurs, pour information, il paraît qu'on distribuait de petits livres illustrés dans les cinémas afin de mieux familiariser les spectateurs avec ce contexte baroque. Moi, je crains d'être un peu passé à côté...

Zardoz n'est pas un mauvais film, loin de là, et même s'il est cité comme nanar ultime par certain(e)s, je ne le classerai pas ainsi. Fruit de son époque, sans doute, il s'appuie sur une esthétique complexe et, à mon avis, un sujet pas très loin des préoccupations des hippies. Pour être clair, je me dis qu'avec un autre acteur que Sean Connery dans le rôle principal, tout cela serait beaucoup moins surprenant. J'imagine aussi que ce serait bien moins mémorable ! Ma curiosité m'a poussé vers ce long-métrage abscons et je suis ma foi content d'avoir pu le découvrir, dans toute sa démesure. Sa façon détournée et kitsch d'aborder les grands sujets que sont la sexualité, la religion ou la démocratie mérite le détour, même si le résultat pique un peu les yeux (à l'inverse de Charlotte Rampling, premier rôle féminin). Évidemment, ma note paraîtra sévère: elle révèle mon impression mitigée. Respect toutefois pour cette oeuvre, à nulle autre pareille...

Zardoz
Film britannique de John Boorman (1974)

Un opus à regarder en s'étant préparé... à un incroyable voyage. Franchement, il n'y a pas lieu d'être déçu, mais circonspect, oui ! Notez qu'avec Délivrance et Excalibur, John Boorman témoigne aussi d'une appétence certaine pour les univers... je vais dire "décalés". Tant mieux ! Cela nous permet de (re)voir des choses originales. D'aucuns peuvent préférer Dune, Blade runner ou L'âge de cristal...

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Pour vous faire une idée plus complète...

Je vous conseille d'aller lire également les textes de Sentinelle et Lui.

samedi 2 mars 2019

Combattre

Il faudra qu'un jour, je lise Joseph Kessel. Je garde le vague souvenir d'une frustration d'enfance: ne pas avoir trouvé de lion dans le livre du même nom. Je suis allé vérifier qu'il y en a bien un, pourtant ! Bref... aujourd'hui, je parlerai de L'armée des ombres, l'adaptation d'un roman écrit en 1943. Une précision importante, vous allez voir...

C'est avec un gros quart de siècle de décalage que Jean-Pierre Melville aborde cet écrit majeur sur la Résistance. Il ose représenter l'armée nazie défilant sur les Champs Élysées: un premier plan saisissant ! Cela dit, lui vit alors dans une France en paix: c'est plus "simple". Nonobstant cette remarque, je vous assure que L'armée des ombres est l'un des très grands films français sur les années d'occupation. Allez, disons-le tout de suite: j'ai été particulièrement sensible au fait qu'il évite de surligner l'héroïsme de ces femmes et de ces hommes engagés dans la lutte contre un ennemi bien supérieur en nombre. C'est même le contraire, en réalité: le long-métrage montre des gens ordinaires qui se battent pour leurs valeurs dans des circonstances extraordinaires... et à quels sacrifices ils sont contraints pour cela. Bienvenue sous une chape de plomb ! Les couleurs ternes des images parlent d'elles-mêmes: l'espoir, s'il existe, ne peut être que minimal...

La réduction des dialogues au strict nécessaire participe également de ce constant sentiment d'oppression. Le jeu hiératique des acteurs fait le reste. Il faut dire que les amoureux du cinéma français retrouveront ici quelques grands noms: Lino Ventura en tête d'affiche, mais aussi une formidable Simone Signoret, un Paul Meurisse remarquable, un Jean-Pierre Cassel très séduisant... et j'en passe ! N'ayant pas lu le livre, je laisserai à ceux qui le souhaitent le soin d'aller pointer les différences avec le film: celles dont j'ai appris l'existence dans un bouquin de cinéma me semblent intelligentes. Cinquante ans après sa sortie dans les salles, L'armée des ombres mérite largement la bonne considération dont il fut privé à l'époque. Après Mai 68, certains le considéraient comme un film trop gaulliste pour être honnête (ce que je trouve donc franchement discutable). C'est vrai que la reconstitution est particulièrement soignée, oui. Maintenant, de là à y voir un banal outil de propagande à la faveur exclusive du Général, je dis non ! Mais sans vouloir fermer le débat...

L'armée des ombres
Film français de Jean-Pierre Melville (1969)

Sans doute le meilleur film que je connaisse sur la Résistance ! Évidemment, dans un autre genre, certains citeront Jeux dangereux. Pour ma part, je reste en France et vous suggère L'armée du crime ou, un peu en retrait, le méconnu Les hommes libres. Si le sujet continue de vous intéresser, l'élargir à une dimension internationale reste une bonne idée (avec Elser ou même Black book, par exemple).

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Je vous laisse lire d'autres avis, si vous le souhaitez...

Dasola, Strum et Lui, eux aussi, ont témoigné de leur point de vue.