vendredi 20 décembre 2024

Alain, enfin !

Vous l'aviez peut-être remarqué: la disparition d'Alain Delon le 18 août dernier m'avait laissé sans réaction "bloguesque". Je dois reconnaître qu'en général, l'image publique renvoyée par l'acteur me déplaisait. N'empêche qu'il aura indéniablement fait une belle et longue carrière ! C'est cette conviction qui m'a motivé pour regarder deux de ses films.

Les félins
Film français de René Clément (1964)

Un homme... et deux femmes. Marc, jeune homme fringant, s'attire de gros ennuis en étant l'amant de la femme d'un gangster américain. Il trouve alors refuge dans une institution religieuse de la Côte d'Azur et croise le chemin d'une donatrice, en compagnie de son assistante supposée. Bientôt, il deviendra le chauffeur attitré de ces dames. L'idéal pour gagner sa vie à l'abri des emmerdements ? Pas sûr. Maintenant, c'est à vous de découvrir les ressorts de cette histoire rocambolesque, mais plutôt efficace pour un scénario divertissant. Delon ? Il incarne le personnage central, mais il partage la lumière avec Jane Fonda et Lola Albright - leurs rôles sont aussi importants que le sien. Techniquement impeccable et joliment mis en musique par un Lalo Schifrin encore peu entendu au cinéma, le film m'a régalé. Un détail amusant: soutenu par la MGM, il a été tourné en langue anglaise. Résultat: Jane et Alain ont dû assurer leur propre doublage !

→ Ce que vous pouvez lire ailleurs :
C'est "L'oeil sur l'écran" qui m'a appris cette anecdote sur le doublage. Vincent, lui, a aussi évoqué l'intéressant parcours de René Clément...

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Le samouraï
Film français de Jean-Pierre Melville (1967)

Cette fois, on peut véritablement parler d'un film écrit pour Delon. Introduit par une (fausse ?) citation du Bushido, un guide moral destiné aux guerriers japonais, ce long-métrage est souvent présenté comme l'un des plus grands films noirs jamais tournés en France. Notre Alain national y interprète un homme de son âge - 30 ans. Solitaire, il est chargé par Dieu-sait-qui d'abattre le patron d'une boîte de nuit parisienne. Ce qu'il fait, avant d'être surpris par une femme. Vite arrêté par la police comme des dizaines d'autres hommes correspondant à son signalement, il est alors couvert par ce témoin direct. Ce qui veut tout dire... sauf qu'il n'a plus de souci à se faire ! Que dire si ce n'est que j'ai adoré ce classique ? C'est un pur film d'ambiance, aux dialogues minimalistes, mais au suspense haletant. Mise en scène virtuose et musique parfaite de François de Roubaix. Avec, aussi, des pépiements d'oiseau en bonus: un détail important...

→ Ce que vous pouvez lire ailleurs :
Des chroniques et avis signés Princécranoir, Eeguab et Benjamin. Sans oublier la publication du duo de "L'oeil sur l'écran" (Elle et Lui)...

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Au fait... j'avais déjà évoqué plusieurs autres films avec Alain Delon. J'en compte sept, classés par date de sortie dans leur pays d'origine :

- Rocco et ses frères (Italie / Luchino Visconti / 1960),
- L'éclipse (Italie / Michelangelo Antonioni / 1962),
- Mélodie en sous-sol (France / Henri Verneuil / 1963),
- Le guépard (Italie / Luchino Visconti / 1963),
- Carambolages (France / Marcel Bluwal / 1963),
- Les aventuriers (France / Robert Enrico / 1967),
- Le cercle rouge (France / Jean-Pierre Melville / 1970).

Autant d'occasions de vérifier que l'acteur tient souvent des rôles importants, mais pas toujours les premiers. Cela ne m'a pas empêché d'apprécier son jeu dans la plupart de ces longs-métrages, sachez-le !

mercredi 18 décembre 2024

Faux semblants

Ce n'est pas systématique, mais c'est très fréquent: les fins d'année m'incitent à me pencher sur tel ou tel "grand classique" du cinéma. Aujourd'hui, celui que certains ont présenté comme le meilleur film français de tous les temps: La règle du jeu, de Jean Renoir (1939). NB: il est bien sorti moins de deux mois avant le début de la guerre...

Il ne sera toutefois nullement question aujourd'hui du moindre fait militaire. L'idée de Jean Renoir était plutôt d'observer un milieu particulier: celui de la grande bourgeoisie française, en se penchant aussi bien sur ses représentants que sur les personnels à leur service. Pour résumer, l'essentiel du film se déroule dans une grande demeure en Sologne: son propriétaire a invité des amis à une partie de chasse. Il a aussi convié un pilote d'avion qui vient juste de battre un record de vitesse pour la traversée de l'Atlantique, sans avoir réalisé encore que ce dernier rêve de repartir avec son épouse ! Les faux semblants amoureux et amicaux sont précisément au coeur de La règle du jeu. Ils sont ici présentés avec finesse et sans véritable manichéisme. Ainsi, quelques personnages apparaissent tout d'abord sous un jour favorable et, ensuite, peuvent évoluer vers une forme d'hypocrisie. D'autres, cyniques, laissent aussi entrevoir de vraies failles intimes...

Bon... le scénario est une chose, la réalisation en est une autre. Miroir d'une époque, La règle du jeu ne m'a pas vraiment passionné pour ce qu'il raconte. Mais je tiens à souligner sa mise en scène virtuose, tellement réussie, en réalité, qu'on ne la remarque guère ! Tout paraît remarquablement fluide et, même si les copies originelles du film ont pour partie disparu, sa restauration est une splendeur. Fils du peintre Pierre-Auguste Renoir, Jean sait composer des cadres d'une grande richesse: alors, quand un dialogue s'engage, le cinéphile attentif pourra remarquer qu'il se passe assez souvent quelque chose d'important à l'arrière plan. Le montage, lui aussi, est très réussi. Honni à l'époque de sa sortie et pour partie censuré, ce classique mérite nettement la reconnaissance dont il a fait l'objet a posteriori. François Truffaut y voyait "le credo des cinéphiles, le film des films". Il n'est visible en intégralité que depuis 1965. À voir et revoir, donc...

La règle du jeu
Film français de Jean Renoir (1939)

J'aurais sans doute arrondi à quatre étoiles avec un récit différent. Tout à fait digne d'intérêt, il me "parle" un peu moins que d'autres. Dans la filmo du réalisateur, j'ai préféré La grande illusion (1937). Les connaisseurs me corrigeront peut-être, mais j'ose un parallèle avec le cinéma de Jean Grémillon (exemple: Pattes blanches / 1949). Ce cinéma-là traverse le temps sans - trop - perdre de sa pertinence !

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Vous hésitez ?

Je vous propose de lire également la chronique de "L'oeil sur l'écran".

lundi 16 décembre 2024

La folie des sentiments

Le dernier Lelouch ? Je vais citer ma mère: "Il est très... lelouchien". J'admets que j'ai du respect pour le réalisateur - sans juger ses films incontournables. En voir un de temps en temps, je ne dis pas non. Malgré mes réserves, je dis qu'une certaine idée du cinéma français s'exprime au fil de la carrière de cet homme désormais âgé de 87 ans.

Finalement
sera-t-il son film ultime ? À cette question, l'ami Claude répond qu'il aimerait encore pouvoir tourner un 52ème long-métrage ! Cette fois, c'est à Kad Merad qu'il a choisi de confier le rôle principal de son nouvel opus, devant, à son habitude, une belle liste d'actrices et d'acteurs connus (dont Elsa Zylberstein et Michel Boujenah en tête).

L'histoire ? C'est celle de Lino (comme Ventura), un célèbre avocat parisien lassé de sa vie et qui décide d'aller voir ailleurs s'il y est. "Tout ce qui nous arrive, c'est pour notre bien": la morale du film apparaît d'emblée sur son affiche. La caméra, elle, suit notre héros dans toutes ses escapades, en vue du Mont Saint-Michel, à Avignon, au Mans ou encore en Bourgogne. On fait plusieurs rencontres, réelles ou imaginaires, sur ces drôles de chemins. Reste la question du sens à donner à cette étonnante promenade: Lelouch parle de comédie musicale et, pour cette occasion, a collaboré avec Ibrahim Maalouf. Le trompettiste souligne que c'est la toute première fois qu'il travaille sur une bande originale... sans avoir vu les images du film concerné ! Peut-être que c'est préférable, en fait, de plonger tête baissée comme il a su le faire, sans trop chercher à savoir ce qui nous attend. C'est en tout cas ce que je vous conseillerai avant d'aller au cinéma...

Finalement
Film français de Claude Lelouch (2024)

C'est aussi en allant voir le film que vous comprendrez peut-être pourquoi j'ai choisi ce titre un peu bizarre pour ma chronique du jour. Désolé de rester flou: sur Lelouch, je demeure le plus souvent évasif. Les inconditionnels et/ou les curieux noteront qu'il cite lui-même deux de ses oeuvres précédentes - L'aventure c'est l'aventure (1972) et La bonne année (1973). D'où ma note, en écho à mon indécision...

samedi 14 décembre 2024

Lire, écrire, vivre

Je connais peu de films qui abordent le sujet de la Seconde Guerre mondiale du point de vue allemand. C'est le cas d'un long-métrage passé inaperçu en France (129.894 entrées): La voleuse de livres. Cette adaptation du roman éponyme de l'Australien Markus Zusak démarre en 1938. Une jeune fille est confiée à une famille d'accueil...

Il était prévu que Liesel Meminger vienne vivre chez les Hubermann avec Werner, son petit frère. L'enfant est malheureusement mort dans le train censé le mener à l'abri, lui dont les parents communistes fuyaient leur pays, pourchassés par les nazis. Liesel reste donc seule. Rabrouée par sa mère d'adoption, elle trouve un certain réconfort grâce à son papa "de remplacement", un homme doux et généreux. Elle rencontre aussi un garçon de son âge, Rudi, et s'en fait un ami. Bref, une forme de bonheur semble de nouveau à portée de main. Sauf que vous savez aussi bien que moi ce qui va arriver en 1939. Malgré quelques scènes marquantes, d'aucuns ont dit que La voleuse de livres ne donnait de ces années qu'une vision - très - édulcorée. Moi ? Je ne suis pas loin d'être d'accord, mais je voudrais souligner qu'en dépit de ce côté propret, ce n'est pas un mauvais film du tout. Un bémol: les bouquins visibles à l'écran sont tous écrits en anglais. Certain(e)s d'entre vous pourraient également tiquer sur une voix off censée être celle de... non, je ne le révélerai pas. À vous de vérifier !

La voleuse de livres
Film germano-américain de Brian Percival (2013)

Le fait que le film soit diffusé sur la plateforme numérique Disney + me suffit pour imaginer qu'il est plus "grand public" que le roman éponyme - sur lequel je ne me suis pas penché, pour tout vous dire. Vous préférez en voir un autre ? Phoenix, Le labyrinthe du silence, Elser ou L'oeuvre sans auteur vous conviendront peut-être mieux. Personnellement, je crois être loin d'avoir fait le tour de la question...

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Je n'ai pas trouvé grand-monde pour défendre le film...

Pascale et Dasola, par exemple, en sont apparemment sorties déçues.

mercredi 11 décembre 2024

Un dilemme moral ?

Connaissez-vous Walter Kowalski ? En 2008, Clint Eastwood affirmait que le personnage de Gran Torino serait le dernier qu'il incarnerait. Depuis, il est apparu dans quatre autres films et en a réalisé onze. OK, pour Juré n°2, le dernier en date, il est resté derrière la caméra. Mais cet énième "grand retour" s'avère... éminemment eastwoodien !

Comme il avait déjà pu le faire avec Jugé coupable, Clint se penche sur la justice de son pays - qu'il n'a jamais épargné de ses critiques. Cette fois, son personnage principal est un homme d'une trentaine d'années, Justin Kemp, jeune marié et futur papa. Le film commence alors qu'il vient d'être convoqué comme possible juré dans un procès d'assises, lui qui aurait franchement préféré accompagner sa femme dans les dernières semaines d'une grossesse difficile. On l'assure alors qu'il ne sera pas plus sollicité qu'il ne l'aurait été par son employeur. Mais un autre problème survient: Justin se rend rapidement compte qu'il doit trancher dans un dossier criminel dont il pourrait être partie prenante. Une sombre affaire autour d'un accident de la route fatal qu'une procureure ambitieuse envisage plutôt comme un féminicide. Bonne nouvelle: le cinéaste nous présente ici un personnage féminin fort - ce qui n'est pas dans ses habitudes, à de rares exceptions près. D'abord focalisée sur Nicholas Hoult, la caméra accorde donc une place importante (voire décisive) à Toni Collette. C'est un juste équilibre...

Juré n°2
est plus qu'un cours d'instruction civique sur grand écran. Bien évidemment, il nous raconte un peu ce que peut être l'Amérique aujourd'hui, mais, depuis la réélection de Donald Trump, c'est le cas également de chaque journal télévisé (ou presque). Ma connaissance du sujet demeure trop imprécise pour que je tire des conclusions hâtives du fait que Clint situe l'action à Savannah, une modeste ville de Géorgie, swing state "perdu" par Kamala Harris le 5 novembre. Lucide, le film montre et démontre cependant que des situations sociales des plus diverses coexistent aux États-Unis et nous suggère que certains des citoyens de ce pays sont, de fait, irréconciliables. Vous m'objecterez que ce n'est plus un scoop et vous aurez raison. Que cela nous soit à nouveau confirmé par un monsieur de 94 ans passés n'en demeure pas moins franchement préoccupant à mes yeux. Reste l'admirable classicisme de son cinéma, ancré dans la réalité. Est-ce que ce sera la dernière preuve de ce talent ? Pas forcément. Notre cher cowboy penserait encore prématuré de partir à la retraite !

Juré n°2
Film américain de Clint Eastwood (2024)

Ni didactique, ni abscons, ce nouvel opus du maître hollywoodien m'apparaît accessible à tous (à partir de 16-18 ans). La mise en scène évite toute fioriture et, à la différence de tant d'autres, cet opus parvient à ne pas dépasser - de peu, c'est vrai - les deux heures. Beaucoup le comparent à 12 hommes en colère... et c'est logique. N'oubliez pas deux (bons) films français: Le 7ème juré et Le torrent !

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À défaut, d'autres avis vous intéresseront peut-être...

Le film est notamment apprécié par Pascale, Dasola et Princécranoir. Strum, lui, en livre une analyse très détaillée, comme à son habitude. La presse pro est moins emballée, mais il est noté 3,8/5 sur Allociné.

lundi 9 décembre 2024

Délocalisés

Je vous l'accorde: le diptyque que j'ai choisi de façonner aujourd'hui est tout à fait discutable. Que voulez-vous ? J'avais la flemme d'écrire deux chroniques séparées et j'ai donc choisi un angle de vue: le fait que les personnages principaux ne sont pas exactement à leur place dans le lieu où on les découvre. À vrai dire, c'est plutôt anecdotique...

Les choses simples
Film français d'Éric Besnard (2023)

Une pub - pour le jambon Herta - conseillait de ne pas passer à côté. Le film, lui, nous suggère que c'est dans la plus grande simplicité qu'on vit le mieux. C'est le choix qu'a fait Pierre (Grégory Gadebois) après la mort accidentelle de son frère. Lui qui était un scientifique renommé a tout quitté pour aider sa jolie belle-soeur (Marie Gillain) et sa nièce à remonter la pente. C'est ce que découvre un chef d'entreprise obsédé par la performance, Vincent (Lambert Wilson). Les deux hommes pourront-ils se comprendre ? Ou se rapprocher ? C'est un peu le problème de ce genre de films: un scénario cousu de fil blanc nous déroule une gentille petite histoire, sans surprise aucune. Les acteurs ne déméritent pas, mais leur talent est sous-exploité. Une déception, donc, malgré les très beaux paysages de la Maurienne.

→ Et ailleurs ?
Zut ! Je n'ai pas trouvé un(e) camarade de blog pour ajouter un lien...

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Parlez-moi de la pluie
Film français d'Agnès Jaoui (2008)

À la veille d'une élection importante pour elle, une femme politique accepte de recevoir des journalistes dans la maison de son enfance. Comme de bien entendu, tout cela va gentiment partir en vrille ! D'après ce que j'ai lu, Agnès Jaoui (et son comparse Jean-Pierre Bacri) avaient depuis longtemps l'envie de tourner avec Jamel Debbouze. Improbable à l'époque, leur collaboration ne fait pas d'étincelles ici. J'ai des difficultés à exprimer ce que je reproche au film, au juste. Peut-être un manque de profondeur ou un rythme trop peu soutenu. J'espérais une comédie corrosive: ce n'est qu'une production ordinaire autour de la question de l'engagement - et ce à des niveaux multiples. C'est encore la déception qui domine: il y avait, je crois, le casting pour mieux faire. Et surtout après avoir retenu un titre de Brassens...

→ Et ailleurs ?
Ah ! Les blogs sont au rendez-vous: Dasola, Laurent, Benjamin et Lui.
MAJ du mercredi 10
(11h26): un autre avis est publié chez Pascale.

vendredi 6 décembre 2024

La belle et le faux prince

2000-2024: entre ces deux années, sept films français et quatre films américains ont remporté la Palme d'or. On peut affirmer sans erreur que les deux pays dominent (largement) la liste des lauréats cannois. Un état de fait encore confirmé le 25 mai dernier avec le triomphe inattendu du New-yorkais Sean Baker et de son huitième film, Anora !

Anora ? C'est le prénom officiel d'une stripteaseuse de Brooklyn, âgée de 23 ans. Elle qui vend ses charmes préférerait qu'on l'appelle Ani. Soudain, sa vie prend un tournant imprévu: Ivan, le fils d'un oligarque russe, passe une soirée avec elle, lui propose ensuite de l'embaucher toute une semaine et, après quelques parties de jambes en l'air échevelées dans une luxueuse villa, finit par la demander en mariage. Incrédule mais déjà amoureuse, la jeune femme accepte de voyager jusqu'à Vegas et d'y convoler en justes noces. Les parents du prince charmant s'y opposent, évidemment, et chargent alors trois "gorilles" de ramener leur héritier à la raison, quitte à briser le coeur d'Anora. Stop ! Je ne dirai rien sur ce qui arrive ensuite dans ce long-métrage d'une durée totale légèrement supérieure aux deux heures et quart. Comme moi, vous serez peut-être saisis par une palette d'émotions contrastées. J'hésite vraiment à classer le film dans un genre défini...

Ce qui est certain, en revanche, c'est qu'il est très bien interprété. Mikey Madison, l'actrice principale, affiche déjà sept ans de cinéma derrière elle, mais c'est une belle révélation. La tonicité de son jeu crédibilise son personnage et me l'a même rendu aussitôt attachant. Mark Eydelshteyn - qui incarne Ivan - est lui aussi très convaincant dans son rôle d'enfant immature, rattrapé par l'autorité maternelle. Le reste de la distribution ? À l'image de l'Arménien Karren Karagulian et du Russe Youri Borissov, il compte plusieurs acteurs remarquables. Résultat: on croit à l'improbable scénario d'Anora, sans difficulté. Mais méritait-il la Palme ? Je ne sais pas répondre à cette question récurrente, n'ayant pas (encore) vu grand-chose de la "concurrence". Vous me permettrez donc de botter en touche et de redire tout le bien que je pense de ce film, sans revenir sur le contexte de sa présence dans les salles françaises - ce qui serait vain, à mon humble avis. Sean Baker, lui, semble apprécier à sa juste valeur sa reconnaissance festivalière. Il se peut que je cherche à mieux connaître son travail...

Anora
Film américain de Sean Baker (2024)

Un Cendrillon à la sauce Scorsese: c'est ainsi que plusieurs critiques ont présenté ce long-métrage très appréciable, digne représentant d'un cinéma américain qui n'a pas tout abandonné aux blockbusters. Les mêmes pros ont notamment évoqué le très nocturne After hours. Et le cinéma des frères Safdie - Good time - a lui été aussi cité ! Autant de points d'ancrage qui vous aideront peut-être à y voir clair...

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Envie de (re)partir à New York, à présent ?

Je vous y encourage: Pascale et Princécranoir peuvent être vos guides lors d'une escapade dans les mille et un recoins de la Grosse Pomme. Une ville dont le cinéma n'a sûrement pas fini d'arpenter les quartiers.

mercredi 4 décembre 2024

Charles, sa vie, son oeuvre

Il se voyait déjà en haut de l'affiche et a vécu des années de bohème. Et pourtant, formidable, il est devenu l'une des plus grandes vedettes de la chanson française, comme ils disent. Je ne trouve pas étonnant que Charles Aznavour soit le sujet d'un biopic, six ans après sa mort. Une précision: sa carrière d'acteur y est presque totalement oubliée...

N'empêche: Monsieur Aznavour - le titre du film sorti le 23 octobre - dit beaucoup de l'admiration que lui portent les deux coréalisateurs associés, Grand Corps Malade et son complice en cinéma, Mehdi Idir. "On entend la grandeur du personnage", indique le premier nommé. "Ce titre s'imposait", témoigne le second. Les deux hommes reconnaissent volontiers que leur projet de film avait été "adoubé" par le principal intéressé, présenté comme un "consultant de luxe". Seul le tournage avait pris du retard, le hasard voulant qu'Aznavour disparaisse exactement le jour... où la production devait démarrer. Rien à regretter, dirais-je: le film est fort académique, mais réussi. Très investi, Tahar Rahim sait faire oublier ses origines algériennes pour nous offrir une vision crédible du plus français des Arméniens. Cette performance majuscule pourrait lui valoir un (troisième) César en février prochain, quinze ans après son doublé pour Un prophète...

L'important n'est pas là: ce que je trouve intéressant, c'est que le film revienne sur le long parcours du chanteur, en quasi-exhaustivité. Personnellement, j'ai appris beaucoup de choses, au sujet notamment de son duo avec Pierre Roche, quand il n'était qu'un jeune débutant. J'ignorais également qu'il avait "galéré" un certain nombre d'années avant de percer et qu'Edith Piaf l'avait d'abord pris sous son aile. Tiens ! J'ai parlé ici de deux des principaux personnages secondaires du film: le talentueux Bastien Bouillon et l'épatante Marie-Julie Baup les incarnent admirablement et méritent donc tous les éloges ! Monsieur Aznavour est aussi un film de troupe, qui nous replonge dans un certain cadre social d'après-guerre et le destin d'une famille réfugiée. La musique et le chant y apparaissent comme des besoins vitaux, ni plus, ni moins - ce qui devrait doper les ventes d'albums. J'ai aimé le plan discret où on découvre le nombre de petits carnets remplis par le grand Charles pour libérer sa miraculeuse inspiration. On occulte ainsi ses engagements et ses déboires fiscaux ? Tant pis...

Monsieur Aznavour
Film français de Grand Corps Malade et Mehdi Idir (2024)

Certains biopics se concentrent sur un épisode de la vie de leur sujet. Celui-là est donc très complet: c'est sa force et, je crois, sa limite. Autant le dire: vous avez vraiment intérêt... à aimer les chansons. Bon, si ce n'est pas le cas, d'autres biographies filmées et musicales pourraient mieux convenir, comme Barbara ou Cloclo, par exemple. L'amie Joss vous avait présenté Dalida, que je n'ai toujours pas vu...

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On peut aimer Aznavour et juger le film décevant...

C'est visiblement le cas de Pascale, qui le juge "appliqué et scolaire".

lundi 2 décembre 2024

La révolution saucisse

Tiens... je crois que c'est la première fois que j'illustre une chronique avec une photo de Paul Préboist. Le billet que j'ai mis en ligne samedi aurait pu l'utiliser et devenir un diptyque, sachant que Michel Serrault et Jean Poiret figurent aussi au casting de mon film du jour, un nanar des années 1980: Liberté, égalité, choucroute. Tout un programme !

Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ
, son film précédent, avait attiré un peu plus de 4,6 millions de spectateurs dans les salles. C'est pourquoi Jean Yanne, quinqua audacieux, disposait d'un budget confortable pour écrire et tourner sa drôle de parodie révolutionnaire avec quelques-unes des plus grandes stars - féminines et masculines - de l'époque. La caméra remonte le temps jusqu'au printemps de 1789 et, au milieu des figures historiques, invente un prince de Bagdad venu à Paris pour découvrir une invention prometteuse: la guillotine ! Tout cela n'est bien sûr pas très sérieux (et pas très rigolo non plus). On comprend vite que le réalisateur avait quelques comptes à régler avec la gauche de Mitterrand, mais en 2024, ses vannes font flop. Notez bien qu'à sa sortie, le film n'était pas rentré dans ses frais. Jean Yanne s'en relèverait, poursuivant ensuite sa carrière d'acteur jusqu'à sa mort, en 2003. Ce dont j'aurai donc l'occasion de reparler...

Liberté, égalité, choucroute
Film français de Jean Yanne (1985)

Deux étoiles: l'une pour saluer l'idée de départ, l'autre pour la kyrielle de grands noms investis dans cette périlleuse entreprise comique. Croyez bien que c'est généreux de ma part - et de la leur, également. Vous dites vouloir d'une révolution ? Je suis sûr que d'autres films pourraient vous plaire: Les adieux à la reine, Un peuple et son roi ou, à la rigueur, Marie-Antoinette. Jetez aussi un oeil à Lady Oscar !

samedi 30 novembre 2024

Lui... ou l'autre

Je suppose que nous sommes nombreux à rêver d'un jumeau ou sosie acceptant d'assumer nos activités les plus ingrates à notre place. Dans le bien nommé La gueule de l'autre, un homme politique véreux se sent menacé par une relation ancienne. Pour mener une campagne électorale, l'un de ses collaborateurs décide d'en appeler à son cousin !

Scénariste et producteur, Jean Poiret se tourne vers Pierre Tchernia pour réaliser cette comédie bouffonne et confie à l'ami Michel Serrault le double rôle du leader des Conservateurs indépendants progressistes et de son parent, un acteur à la petite semaine. C'est drôle ? Oui. C'est désopilant ? Euh... non. Au temps de Giscard, je peux admettre que l'histoire avait un petit quelque chose de corrosif, mais sa force semble bien effacée désormais, 45 ans après la sortie dans les salles obscures. Vous noterez que, même en 1979, La gueule de l'autre n'avait rencontré qu'un succès d'estime, avec à peine plus d'un million de spectateurs (32ème rang du box-office / 19ème film français). Aujourd'hui, reste tout de même le plaisir de revoir des acteurs familiers dans leurs oeuvres, parmi lesquels Roger Carel, Michel Blanc ou, du côté de ces dames, Bernadette Lafont et Dominique Lavanant. Très décent, ce casting élève un  peu le niveau du film: c'est déjà ça !

La gueule de l'autre
Film français de Pierre Tchernia (1979)

Du même réalisateur, très franchement, je préfère Le viager (1972). Le film d'aujourd'hui - son troisième (sur quatre) - est un bonbon nostalgique, au goût quelque peu passé. Bon, il y a pire comédie ! C'est le thème du double qui vous a intéressé ? Je vous recommande de (re)découvrir deux films: Président d'un jour et Second tour. Sérieux ou pas, je suggère aussi Le dictateur, Kagemusha, Enemy...

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Et pour prolonger le plaisir...
Vous pouvez toujours accorder un peu de temps à "L'oeil sur l'écran".