mercredi 7 juin 2023

Le retour des Galactiques

C'est sans empressement - mais avec plaisir - que j'ai fini par renouer avec l'univers Marvel en allant voir Les gardiens de la galaxie vol. 3. Rappel: les deux premiers épisodes sont déjà chroniqués sur ce blog. La formule, elle, reste (presque) inchangée: on suit les aventures pétaradantes d'un groupe de justiciers interstellaires, contre LE MAL !

Cette fois, la bande affronte principalement un généticien fou embarqué dans la reconstitution d'une Terre débarrassée de ses êtres imparfaits. Le plus important est ailleurs: dans l'attaque préalable d'un autre "méchant", Rocket, le raton-laveur du groupe des "gentils", est gravement blessé. Le scénario s'intéresse plutôt à ce personnage charismatique qu'aux tribulations de ses potes: il n'en reste pas moins que Star-Lord, Groot, Drax, Mantis, Gamora et Nébula sont encore là. Deux heures et demie durant, vous n'aurez pas le temps de souffler entre deux scènes: Les gardiens de la galaxie vol. 3, c'est de l'action continue et de la pyrotechnie permanente. Un grand film à pop corn...

Une évidence: pour prendre la mesure de ce spectacle, il faut le voir sur un écran digne de ce nom... et donc au cinéma ! Je sais bien que, Marvel appartenant à Disney, le film atterrira sur sa plateforme VOD d'ici quelques mois. N'empêche: Les gardiens de la galaxie vol. 3 devrait sans doute paraître un peu fadasse sur la petite lucarne. Quitte à voir un film de super-héros, je tiens à signaler également que celui-là a été mis en scène par un réalisateur souvent présenté comme l'un des plus créatifs de tous ceux qui s'intéressent à ce genre d'histoires. Celles et ceux qui connaissent déjà la saga se souviennent qu'elle est rythmée par quelques tubes pop/rock des années 70 et 80. C'est le cas encore une fois et c'est une chouette cerise sur le gâteau. Ami(e)s allergiques, attention toutefois au léger risque d'indigestion !

Les gardiens de la galaxie vol. 3
Film américain de James Gunn (2023)

Si cet univers ne vous est pas familier, je vous conseillerais plutôt d'attaquer avec le premier - qui est d'ailleurs le meilleur des trois. Ensuite, libre à vous d'enchaîner: les histoires sont indépendantes. Franchement, je trouve ça beaucoup plus fun que certains Marvel comme l'atroce Iron Man 3 ou encore le correct Ant-Man et la Guêpe. Je n'exclus donc pas de voir d'autres adaptations de comics, un jour...

lundi 5 juin 2023

Au bord du gouffre

Un jeune procureur prend ses fonctions dans un petit village turc. D'emblée, il rappelle à deux notables qu'il n'est ni légal, ni concevable de chasser le sanglier jusque dans les étroites rues de la bourgade. Mais comment imposer le respect d'un code pénal à une population engoncée dans ses traditions ? C'est la question de mon film du lundi !

Enfin... pas tout à fait: si Emre le juriste se heurte immédiatement aux moeurs de ses nouveaux concitoyens, c'est visiblement aussi parce qu'il a soudain mis les pieds dans un monde très corrompu. D'autres sont comme lui venus à Yalnikar et en sont repartis ensuite sans avoir su mettre fin aux dérives de ce territoire en vase clos. Sous un soleil accablant, Burning days illustre le possible égarement d'un homme dont, en quelque sorte, le combat est perdu d'avance. Venu de Turquie et soutenu toutefois par des producteurs d'horizons divers, le long-métrage a bien sûr eu maille à partir avec la censure. Dans son pays, c'est pour sa prétendue apologie de l'homosexualité que les autorités ont réclamé le remboursement des financements accordés. Histoire, sans doute, de décrédibiliser le véritable propos...

C'est incontestable: deux hommes émergent au coeur de l'intrigue. Dont acte. Mais il est clair aussi que le miroir ainsi tendu à la Turquie d'Erdogan renvoie un reflet bien peu flatteur ! Je lisais récemment dans Courrier international que le film a été tourné dans la région centrale de Konya, réputée à la fois conservatrice et nationaliste. Burning days exploite à merveille ce décor aride, parcouru de dolines impressionnantes - le manque d'eau est un enjeu majeur du scénario. Que vous dire alors ? À l'image du personnage principal, j'ai suffoqué d'un bout à l'autre du métrage... soit deux bonnes heures en apnée. Aucun regret, au contraire: les quelques petites longueurs ressenties lors des premières scènes m'ont finalement laissé avec le sentiment d'être moi-même englué dans des sables mouvants, sans vrai espoir d'en ressortir indemne. La fin, elle, paraît ouvrir une (petite) porte. Elle m'a étonné. Le mieux est de vous laisser juger de son réalisme...

Burning days
Film turc d'Emin Alper (2023)

Mon quatrième opus de cette nationalité et mon second du cinéaste ! Le dépaysement n'est pas total, mais la plongée dans le quasi-inconnu aussi intéressante qu'éprouvante, au gré d'une situation (complexe) qui semble devoir toujours s'aggraver pour le premier protagoniste. C'était aussi le cas dans El reino, avec un héros moins sympathique. L'Iran sous tension se visite avec Le client et/ou Un homme intègre.

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D'autres avis sur le film du jour ?

Oui ! Vous pourrez le retrouver chez Pascale, Dasola et Princécranoir.

dimanche 4 juin 2023

Adèle...

Le hasard l'a voulu: j'ai passé plus d'une semaine sans voir de cinéma après avoir entendu les déclarations très enflammées d'Adèle Haenel pour annoncer son retrait des plateaux de tournage. Il est possible que j'y revienne: bien que je ne partage pas tout à fait les opinions radicales de la désormais ex-comédienne, je salue ce qu'elle a réalisé.

Elle va manquer, je crois, et j'espère donc que sa force d'engagement portera d'autres fruits - qu'ils soient artistiques ou non. La manière dont certain(e)s lui tombent dessus me hérisse. J'y vois un symbole des clivages de notre société abîmée et le reflet d'une autre forme d'extrémisme, foncièrement défavorable, elle, aux libertés et droits chèrement acquis au fil du temps - et d'abord par les Révolutionnaires de 1789. Un vaste sujet qui nous éloigne du septième art, c'est vrai. J'y reviendrai avec d'autres films d'Adèle ! Commentaires appréciés...

vendredi 2 juin 2023

La bataille d'Alger

C'est l'évidence même: le cinéma est un art du mensonge. Je l'admire pour sa capacité à nous embobiner et à évoquer des protagonistes prétendument historiques, qu'il met en scène pour notre seul plaisir. Ainsi l'héroïne de La dernière reine n'est-elle peut-être qu'invention. Est-ce très important d'être au clair sur ce point ? Je ne le crois pas...

1516. Zaphira coule des jours heureux et insouciants dans un palais algérois, tout en regrettant que Salim Toumi, son mari et le sultan local, lui préfère Chegga, son autre épouse. Le film montre d'emblée que la situation est plus tendue qu'il n'y paraît: de fortes troupes espagnoles assiègent la ville et, bientôt, les hommes s'embarquent pour une bataille à l'issue incertaine. Le soutien armé d'une cohorte emmenée par le chef corsaire Aroudj Baba-Oruç - alias Barberousse - leur offre cependant la victoire. Reste ensuite à maintenir la paix. Comment ? Depuis la coulisse du pouvoir, c'est ce que le film détaille. J'ai parlé de Shakespeare mercredi: il pourrait avoir écrit le scénario. Je dois toutefois dire que La dernière reine est tout d'abord un film d'une grande beauté, qui nous transporte sans mal dans son époque lointaine grâce à ses somptueux décors et costumes - on s'y croirait. Cette magnificence est sans doute ce qui m'a attiré en premier lieu...

Malgré la violence des hommes, c'est une femme qui donne le tempo de ce (premier) long-métrage venu d'Afrique du Nord. Son existence reste contestée avec véhémence par certains spécialistes, qui jugent que les affabulations du récit lui retirent aussitôt toute pertinence narrative. Je ne suis pas de cet avis: bien au contraire, le caractère romanesque du personnage m'a vraiment convaincu de m'y intéresser. En cinq actes, La dernière reine nous raconte l'histoire d'une femme qui entend garder auprès d'elle l'homme qu'elle aime et sauver l'enfant qu'ils ont eu ensemble. Ce double sujet est très moderne, finalement. L'enjeu politique de l'intrigue n'est certes pas anodin: il vient relever d'une touche épique une oeuvre qui, selon moi, est d'abord intimiste. C'est en ce sens que j'ose vous dire qu'il s'avère presque subsidiaire. Cela ne m'a pas empêché de faire quelques recherches sur l'histoire réelle de cette période troublée. Mais je ne l'ai fait qu'après coup ! C'est une bonne façon de prolonger le plaisir de la séance de cinéma. Vous savez que le septième art a aussi le mérite d'ouvrir des portes...

La dernière reine
Film algérien de Damien Ounouri et Adila Bendimerad (2023)

Oui, un homme et une femme ont créé ce long-métrage épatant ! Mieux: si Damien Ounouri reste derrière la caméra, Adila Bendimerad assure aussi la tête d'affiche, aux côtés notamment de Dali Benssallah et Nadia Tereszkiewicz. C'est un vrai bonheur de cinéphile, pour sûr. J'aimerais le rapprocher d'un film chinois: L'empereur et l'assassin. J'imagine que je n'en ai pas fini avec la référence shakespearienne...

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En attendant d'autres comparaisons...

Je vous laisse lire les opinions de Pascale et Dasola sur l'opus du jour.

mercredi 31 mai 2023

Le Maure et sa chute

Vous lirez ailleurs le récit chaotique du tournage d'Othello. Trois ans auront été nécessaires à Orson Welles pour parvenir à boucler ce film inspiré de la pièce éponyme de Shakespeare (créée, elle, en 1604). Soyez-en conscients: le réalisateur américain a manqué de moyens financiers pour avancer plus vite. Malgré cela, il n'abandonna jamais !

L'acharnement du cinéaste fut payant: présenté au Festival de Cannes au printemps 1952, Othello fut l'un des deux lauréats du Grand Prix qui y était alors décerné - avant la Palme d'or, apparue, elle, en 1955. J'ai tout lieu de croire qu'ici, Welles est fidèle à l'oeuvre originelle réservée aux planches, même s'il nous en raconte d'abord la fin. Connaissez-vous cette histoire ? Maure à Venise, Othello est un chef de guerre respecté que l'on charge de combattre la puissante armée turque, laquelle menace d'étendre sa zone d'influence jusqu'à Chypre. Quand il arrive sur le terrain des combats, l'ennemi n'y est plus. Comme par miracle, sa flotte, prise dans une forte tempête, a coulé. Sans opposition, le général installe donc sa garnison et, en l'absence d'un péril imminent, retrouve sa jeune épouse, la belle Desdémone. J'ai vu un spectacle autour de cette tragédie classique quelques jours avant d'apprécier le film: je peux donc dire que le cinéma lui va bien. Souvent grandiloquent, mais jamais pompier, Welles est un Othello puissant, en proie à un destin funeste. Tout paraît alors inéluctable...

Je ne veux pas tout vous dévoiler, mais ce qui me semble terrible dans cette fiction, c'est qu'il ne s'agit pas de sanctionner l'ambition démesurée d'un homme qui se croyait l'égal de quelque divinité d'essence supérieure. Non ! C'est même le contraire, il me semble. Othello n'aspire qu'à vivre heureux et dans le respect des règles morales que d'autres ont édictées. Fait notable, il est aussi un Noir parmi les Blancs et, face à la bêtise, il a dû prouver son honorabilité. Oui, mais... à ses côtés, un homme pétri de haine refuse d'accepter qu'il y soit arrivé en s'élevant plus haut que lui, Vénitien "de souche". Pas de doute: cet argument a encore une résonance à notre époque. En noir et blanc, cet Othello de cinéma donne à voir des contrastes saisissants, au coeur même de la cité fortifiée d'Eassouira (Maroc). Quel beau film international ! Les décors du grand Alexandre Trauner et les costumes de l'Italienne Maria De Matteis font des merveilles pour donner corps à ce passé lointain - et réinventé, je le répète. Welles a adapté deux autres Shakespeare. Je compte bien y revenir...

Othello
Film américain d'Orson Welles (1951)

Lyrique au possible, la musique rappelle qu'il existe une version opéra composée par Verdi (et créée à la Scala de Milan en février 1887). Bref, les mythes, eux, ne meurent jamais et cette relecture "wellesienne" n'est pas la moins belle. Je poursuis mon parcours shakespearien au cinéma et, si vous avez du retard, vous conseille deux étapes japonaises: Le château de l'araignée et Ran. À suivre...

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Sans attendre, vous pourrez trouver fortune ailleurs...

Je ne peux que suggérer les écrits d'Eeguab et de "L'oeil sur l'écran". Ideyvonne, quant à elle, nous présente la carrière du chef décorateur.

Et si, à ce stade, vous n'êtes toujours pas repus d'infos...
En cherchant un peu, vous devriez trouver Filming Othello, un film documentaire tourné par Welles en 1978 pour revenir sur le tournage. Faute de l'avoir vu, je ne peux donc pas vous donner un avis éclairé...

lundi 29 mai 2023

Le paradis ?

Il se peut que je me trompe en considérant le Britannique Danny Boyle comme l'un des réalisateurs cultes de ma post-adolescence. Les films anglais de ses débuts, au mitan des années 1990, ont fait parler d'eux quand j'étais étudiant et affichaient un je-ne-sais-quoi de séduisant pour titiller ma cinéphilie (encore en germe). Il faut un début à tout...

J'avais tout juste 25 ans à la sortie de La plage sur les écrans français. Leonardo DiCaprio aurait vendu n'importe quoi, à l'époque. La présence à ses côtés du duo Virginie Ledoyen / Guillaume Canet faisait aussi mousser notre cinéma national et sa jeune génération. Résultat: un relatif flop critique, mais presque 2,3 millions d'entrées !

Le sujet du film y est pour quelque chose, qui dresse le portrait coloré d'un baroudeur sans attache apparente, Richard. Ses pérégrinations l'ont conduit dans un hôtel thaïlandais miteux. Il y rencontre une fille dont il tombe amoureux, Françoise, et... son petit copain, Étienne. Mieux: il croise le chemin de Daffy, hippie visiblement sous l'emprise de quelque substance végétale à caractère fortement hallucinogène. Une nuit agitée plus tard, Richard a récupéré la carte d'une île ignorée des géographes officiels, où est censé se cacher un véritable Éden. C'est une bonne raison de se mettre à nouveau en route, non ? L'ennui étant que, passé la phase de découverte, le scénario patine sévère. J'ai trouvé le propos passé de mode, à vrai dire, et les personnages finalement trop peu attachants pour m'intéresser à ce qui leur arrive. Revoir Tilda Swinton et Robert Carlyle n'y aura donc rien changé. Disons-le: après un petit quart de siècle, La plage m'a paru has been. J'en suis navré pour l'équipe, qui a visiblement tenté des choses nouvelles. Aïe ! Tout le côté technique paraît déjà d'un autre temps...

La plage
Film britannico-américain de Danny Boyle (2000)

Bof ! Pas un bug de cette fameuse année, mais un opus trop moyen. L'idée de se couper du monde ne peut sûrement qu'attirer un bataillon de prétendants au voyage lointain, mais ça ne suffit pas à fabriquer du bon cinéma. Autant peut-être se retourner vers une aventure vécue: celle de Christopher McCandless dans Into the wild est belle. Vous préférez vraiment la fiction ? Soit. Essayez donc La montagne...

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Et avant de revenir sur le sable fin...

Vous aurez noté que Laurent ne se montre pas enthousiaste non plus.

vendredi 26 mai 2023

Temps anciens

Le Moyen Âge reste sans aucun doute l'une des périodes historiques qui exercent le plus de fascination (et suscitent le plus de fantasmes). Je m'y suis replongé en regardant Le frère du guerrier, film oublié sorti au début des années 2000 et qui nous ramène au 13ème siècle. J'aime ses images sobres, tournées sur un causse du sud de la Lozère.

Arnaud, un jeune paysan, a reçu de sa mère la science des plantes médicinales. Il devrait pouvoir exercer à son tour comme guérisseur. Oui, mais voilà... un beau jour, sa ferme est attaquée par un groupe de brigands. Le pauvre homme est roué de coups et laissé pour mort. Il survit, pourtant, mais son épouse constate qu'il a perdu la mémoire et l'usage de la parole. Guillemette confie ses enfants à une voisine charitable et part à la recherche de Thomas, le frère aîné d'Arnaud, disparu depuis des années et qui pourrait revenir protéger les siens...

L'histoire qui s'ensuit est belle, même si prévisible dans son déroulé. Mélanie Doutey, Vincent Lindon et Guillaume Canet sont convaincants grâce à la sincérité avec laquelle ils habitent leurs personnages. L'intelligence du récit est de ne pas multiplier les autres protagonistes jusqu'à l'infini: Le frère du guerrier y gagne l'aura d'un western rural et médiéval, qui évoque finalement la grande dureté de ces temps lointains (mais également l'importance des tous premiers livres). Costumes, décors ou musique: je ne relève aucune réelle fausse note. Ce sera à vous de l'apprécier désormais: il m'a semblé que le film intégrait une dimension féministe - jusqu'à son plan final. C'est bien !

Le frère du guerrier
Film français de Pierre Jolivet (2002)

Ses couleurs sont un peu ternes, mais je dois dire que la retenue relative de cette évocation médiévale m'est apparue séduisante. Inspiré d'une histoire vraie, Le dernier duel s'avère une production intéressante sur bien des points, tout en étant plus spectaculaire. Pour privilégier la sobriété, j'ai aussitôt repensé à Michael Kholhaas. Tout en étant curieux de (re)voir un blockbuster comme Braveheart !

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Envie d'en savoir un peu plus ?

Je vous recommande de lire "La Kinopithèque" (et "L'oeil sur l'écran").

jeudi 25 mai 2023

Chiffres et valeurs

C'est une statistique qui a fait parler: en avril dernier, les cinémas français ont enregistré un peu plus de 19 millions d'entrées, un chiffre supérieur à celui de la moyenne 2017-2019, avant la crise sanitaire. D'autres éléments augurent d'un rebond durable pour 2023, dans le fil de triomphes comme Super Mario Bros. et Les trois mousquetaires !

Fin avril, je n'avais (encore ?) vu aucune de ces deux "locomotives" nationales, zappant également Alibi.com 2, sur le podium provisoire du box-office 2023. Dans le top ten, je n'avais accordé mes faveurs qu'à Astérix & Obélix - L'Empire du milieu, Babylon et Mon crime. Finiront-ils aussi bien classés parmi mes préférences du millésime actuel ? Je l'ignore: il est assurément beaucoup trop tôt pour le dire. Parmi les dix plus grands succès de 2022 en France, je n'avais choisi d'aller voir que deux blockbusters US: Avatar 2 et Le chat potté 2. Aucun film parmi mes dix préférés n'avait pu atteindre le million d'entrées. Le plus "vendeur" ? Goliath (avec 787.100 tickets écoulés).

En avril toujours, je me suis plongé avec bonheur dans la lecture épisodique d'une de mes références habituelles: l'Annuel du cinéma. Voici, de leur côté, les trente films qu'ils mettent en avant pour 2022:
- Les Amandiers / Valeria Bruni-Tedeschi,
- Armageddon time / James Gray,
- Aucun ours / Jafar Panahi,
- Les banshees d'Inisherin / Martin McDonagh,
- The Batman / Matt Reeves,
- As bestas / Rodrigo Sorogoyen,
- Bruno Reidal / Vincent Le Port,
- Cahiers noirs / Shlomi Elkabetz,
- La conspiration du Caire / Tarik Saleh,
- Contes du hasard / Ryûsuke Hamaguchi,
- Elvis / Baz Luhrmann,
- Les enfants des autres / Rebecca Zlotowski,
- Eo / Jerzy Skolimowski,
- Godland / Hlynur Pálmason,
- Hit the road / Jafar Panahi,
- Incroyable mais vrai / Quentin Dupieux,
- Leila et ses frères / Saeed Roustaee,
- Licorice Pizza / Paul Thomas Anderson,
- Nope / Jordan Peele,
- La nuit du 12 / Dominik Moll,
- Pacifiction / Albert Serra,
- Retour à Reims / Jean-Gabriel Périot,
- Rien à foutre / Emmanuel Marre et Julie Lecoustre,
- Saint Omer / Alice Diop,
- Sans filtre / Ruben Östlund,
- Sous le ciel de Koutaïssi / Alexandre Korebidze,
- The souvenir : parts I & II / Joanna Hogg,
- Top Gun : Maverick / Joseph Kosinski,
- Les travaux et les jours / C.W. Winter et Anders Edström,
- Un autre monde / Stéphane Brizé.

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Et pour conclure...
Vous êtes encore là ? Bien ! J'en profite pour vous dire que 659 films sont sortis en France l'an dernier, à plus ou moins grande échelle. Avant la crise sanitaire, les salles françaises en avaient accueilli 681 en 2017, 670 en 2018 et 685 en 2019 - des chiffres certes positifs pour la diversité, mais qui tendent à noyer les petites productions dans une grande masse. Nous étions descendus à 366 en 2020 et 456 en 2021. Quel serait le point d'équilibre idéal ? Je n'ai pas d'opinion tranchée sur cette question (importante). Et votre avis m'intéresse...

lundi 22 mai 2023

La vie qui lui arrive

J'ai revu passer le nom de Benoît Mariage sur mes sources d'info ciné. Je gardais un bon souvenir des films de ce cinéaste et d'un échange téléphonique avec lui. J'ai fini par passer le cap des critiques mitigées sur son tout nouvel opus pour - enfin - le découvrir par moi-même. Habib, la grande aventure n'a été que peu diffusé. C'est dommage...

Pour ma part, j'ai aimé cette histoire d'un jeune Belge d'ascendance marocaine, bien déterminé à interpréter François d'Assise au théâtre. Pour se fondre dans ce rôle difficile, Habib tend à effacer la culture héritée de ses parents et jusqu'à son prénom. Mais ça ne suffit pas face à un metteur en scène qui le renvoie en fait à son "arabitude" ! Dans le sens inverse, quand le jeune homme passe alors une audition pour un petit rôle au cinéma, il l'obtient parce qu'il se montre capable de prétendre qu'il s'appelle Philippe... sur différents tons. Et le fait qu'il puisse jouer aux côtés d'une très grande comédienne lui cause soudain bien des ennuis ! J'espère que vous pourrez découvrir la suite douce-amère des pérégrinations de ce jeune homme effacé, Pierrot des temps dits modernes incarné par Bastien Ughetto (avec justesse). Le personnage ressemble un peu au petit frère des attachants losers des frères Coen ! J'ai eu envie de le secouer, mais de l'aimer, aussi...

De fait centrée sur son drôle d'anti-héros, cette "grande aventure" déploie aussi toute une galerie de beaux protagonistes secondaires. Dans leurs brefs échanges, quelques répliques bien senties me parlent tout particulièrement. L'une vient me rappeler la sensible différence entre envisager et dévisager, par exemple. Une autre m'aura soufflé le titre de ma chronique, au sujet de cette "vie qui arrive" et heurte parfois celle dont nous rêvons. Il y a de la mélancolie, évidemment. Habib, la grande aventure apporte aussi une vraie dose d'espoir autour de l'acceptation des différences (et, donc, de nos singularités). N'ayez pas peur: le film n'est nullement replié sur une communauté unique. Au contraire: il montre qu'il est possible de vivre heureux avec une identité multiple et, avant tout, que l'essentiel n'est visible que du coeur. Est-ce que cela donne du grand cinéma ? Peut-être pas. Mais oui, je suis sensible à la petite musique du film. Elle me semble d'une humanité proche de celle que je sentais déjà en Benoît Mariage. Une impression qui, en prime, conforte ma francophonie de partage. Une info aux Belges qui me liraient: le film arrivera chez vous en juin.

Habib, la grande aventure
Film (franco-suisso-)belge de Benoît Mariage (2023)

Un regard sur toutes les altérités qui recèle d'une grande empathie pour son personnage principal... et pour ceux qui l'entourent, croqués avec leurs forces, leurs faiblesses et une bonne dose de bienveillance amusée. J'aime vraiment que le cinéma non-spectaculaire soit ainsi. De Benoît Mariage, je conseille aussi Cowboy (et tous les autres) ! D'aucuns parlent d'une "belgitude". Et il me plairait d'en (re)discuter...

vendredi 19 mai 2023

Sous pression

Nous l'avons sans doute oublié: en 2016, d'importantes manifestations agitèrent la Corée du Sud jusqu'au vote d'une motion de destitution contre Park Geun-hye, la présidente, vivement accusée de corruption. Mais que savons-nous au fond de ce pays ? Ce n'est que par le cinéma que j'en ai une vague représentation. Bon. Après tout, c'est déjà ça...

About Kim Sohee
est le dernier film sud-coréen à avoir fait le buzz. C'est à Cannes, l'an passé et en clôture de la Semaine de la critique, qu'il a été projeté en France pour la première fois. Je dois admettre qu'avant de le découvrir, j'ignorais tout de July Jung (Jeong Joon-ri). Scénariste et réalisatrice, elle signe ici son premier long-métrage depuis huit ans. Au départ, il y a un fait divers - je n'en dirai rien. Nous faisons la connaissance de Sohee, une adolescente embauchée pour un stage, officiellement très convoité, dans un centre d'appels. Accueillie sans chaleur, la jeune femme déchante vite en s'apercevant qu'au-delà des discours rassurants de son chef, un système pyramidal fait d'elle un simple pion sur l'échiquier, constamment sous pression. Pas le droit de flancher: si la base tremble, c'est toute la construction qui risque de s'effondrer, ce que les responsables de l'entreprise veulent à tout prix éviter, quitte à accuser leurs salariés des fautes qu'ils ont commises. Se prévaloir de la justice sociale dans ce cadre ultra-capitaliste ? C'est perçu comme un acte de sédition. Dangereux !

Tout cela nous est expliqué en détail dans la première partie du film. La seconde, d'une durée quasi-équivalente, dévoile les conséquences funestes que cette logique a pu avoir dans la réalité. On suit l'affaire dans le sillage d'une enquête policière - dont je ne dirai rien non plus. About Kim Sohee s'appuie alors sur un second personnage féminin important, qui vient progressivement révéler la profonde inhumanité d'un système économico-politique basé sur la recherche du seul profit. Je ne suis pas dupe de ce qui se passe chez nous, mais il est certain que le film ne m'a pas donné envie d'aller voir ce qu'il en est en Corée. Cette vision cinématographie est-elle lucide ? Oui, c'est fort possible. J'ose imaginer que le Pays du matin calme ne l'est pas tous les jours. Quoi qu'il en soit, que le récit prenne ou non des libertés importantes avec les sacro-saints faits "réels" m'importe peu, pour tout vous dire. Il vaut surtout pour son aspect universel (et peut-être intemporel). Quelque chose me dit que tout cela pourrait s'être passé en France. Sauf qu'aucune de nos casseroles n'a conduit au départ du président...

About Kim Sohee
Film sud-coréen de July Jung (2022)

Je crois que c'est la première fois que je vois un film de ce pays réalisé par une femme... et, ma foi, il vaut vraiment le détour ! Difficile, cependant, de le comparer avec un autre opus équivalent. Pour le regard porté sur la jeunesse, Burning est je crois une option intéressante. Memories of murder ? Pour les méthodes discutables d'une partie de la police ? À la limite. Mais c'est un peu capillotracté...

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Autant aller voir ce qu'on en pense ailleurs...

D'autres avis positifs sont à lire chez Pascale, Dasola et Princécranoir.