lundi 24 novembre 2025

Vers d'autres futurs

Il paraît qu'un film de Steven Spielberg sortira en salles en juin l'année prochaine. Or, toute fin octobre, j'ai eu envie de remonter le temps avec deux de ses anciens opus - que je vais donc évoquer aujourd'hui. Avant cela, une précision: j'ai revu le premier et découvert le second. Une nouvelle "escapade" dans le genre anticipation - science-fiction...

Minority report (2002)
L'adaptation d'une nouvelle de l'Américain Philip K. Dick (1928-1982). Dans le Washington de 2054, la police peut se targuer de statistiques flatteuses: six ans se sont écoulés sans le moindre crime de sang. L'incroyable bilan a en fait été rendu possible grâce à un procédé technologique innovant qui, connecté aussi à trois cerveaux humains alimentés par des drogues, permet aux agents de repérer les victimes avec précision. Et surtout avant que les suspects ne passent à l'acte ! Sauf que les choses vont se compliquer du côté des forces de l'ordre...

Un brillant inspecteur se retrouve à son tour pré-accusé de meurtre. La caméra ne lâchera plus Tom Cruise / John Anderton d'une semelle. Elle lui adjoindra juste un pseudo-rival (Colin Farrell) et un protecteur supposé (Max von Sidow), qu'on pensera dépassé par les événements. Minority report joue de faux semblants, mais reste assez prévisible. C'est toutefois un film d'action efficace et très honnêtement réalisé. Bilan: l'un des Spielberg les plus adultes - si ce n'est le plus sombre. J'aurais plutôt tendance à NE PAS le montrer à de très jeunes enfants.

Mais aussi...
3.709.488 entrées en France (dixième du box-office 2002)
► Plans B: Blade runner / Tron l'héritage / Ghost in the shell
► Et sur d'autres blogs de référence: Ideyvonne - Vincent - Elle et Lui.

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La guerre des mondes (2005)
Un autre Spielberg qu'il vaut mieux épargner à vos chers bambins. D'emblée, on sait bien à quoi s'attendre: une voix off - caverneuse - nous explique que l'humanité se trompe en se croyant invulnérable. Depuis l'espace, une autre forme de vie observe la Terre avec l'envie d'en prendre possession, non sans avoir massacré sa population. Après le 11-Septembre, l'allégorie est bien plus qu'évidente: assumée.

Zoom avant sur New York, où un dénommé Ray Ferrier (Tom Cruise) travaille comme docker. Divorcé, il s'occupe mal de ses deux enfants quand son ex a la drôle d'idée de les laisser sous sa surveillance exclusive. Cela devient un vrai gros problème quand un drôle d'orage géant dissimule en fait la toute première attaque des extraterrestres. Tiré d'un roman de H.G. Wells sorti en 1898, La guerre des mondes déploie la grosse artillerie technique dès une première demi-heure placée sous haute tension. Mais ce n'est que le début des hostilités ! La mise en scène joue aussi avec nos nerfs lors d'une longue scène silencieuse, où le héros triomphe... en perdant un peu d'humanité. Moins inventive et très consensuelle, la fin m'a quelque peu déçu. J'avoue que je l'ai même trouvée un peu trop expéditive à mon goût. Elle a cependant un vrai mérite: celui de respecter l'esprit du bouquin.

Mais aussi...
3.910.795 entrées en France (sixième du box-office 2005)
► Plans B: La version sortie en 1953 / Cloverfield / Underwater
► Et sur d'autres blogs de référence: Vincent - Benjamin - Lui (seul)

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Parce que j'espère un jour boucler mon intégrale Spielberg...

Il faut que je revoie trois de ses films: La liste de Schindler (1993) en premier, puis Arrête-moi si tu peux (2002) et Le terminal (2004). En plus de Firelight, son premier long disparu, j'en ai compté cinq encore jamais visionnés: Empire du soleil (1987) est le plus ancien d'entre eux, devant Always (1989), Amistad (1997), Munich (2005) et Le bon gros géant (2016). Bref, il me reste donc un peu de boulot !

J'ai encore une info, tombée (presque) à la dernière minute...
Lundi dernier, cette longue double chronique me paraissait bouclée depuis déjà quelques jours lorsque j'ai appris qu'un Oscar d'honneur avait été remis à Tom Cruise. Et pourquoi pas ? On le cite souvent comme une référence: le numéro 1 des acteurs américains de films d'action. Les voir tous ne me tente guère. Mais c'est un autre débat...

dimanche 23 novembre 2025

Deux enfants, un espoir

Je commence avec une citation: "Il nous faut croire que le meilleur est possible. Il nous faut l'imaginer pour qu'il advienne". Son auteur s'appelle Ugo Bienvenu et il est l'auteur d'un beau film d'animation sorti en octobre dernier: Arco. Un film qui regarde l'avenir: l'histoire est en effet supposée se dérouler dans juste cinquante ans, en 2075 !

Iris, une fillette d'une dizaine d'années, voit un garçon de son âge tomber du ciel. Elle le soigne, aidée par Mikki, son robot domestique. Quand l'enfant reprend enfin connaissance, sa jeune bienfaitrice apprend qu'il vient du futur et qu'il a donc osé voyager dans le temps pour atterrir sur une planète où il espérait observer des dinosaures. Pour cela, il a bravé un interdit parental. Son seul souhait et objectif est donc de rentrer chez lui au plus vite, mais cela s'annonce difficile. Vous l'aurez compris: Arco - c'est aussi, bien sûr, le prénom du môme égaré - mise sur l'idée de la solidarité enfantine pour nous charmer. Une bonne nouvelle: oui, cela fonctionne plutôt bien, dans l'ensemble. J'ai vu des animés plus jolis, mais dès l'instant où le récit est entré dans le vif du sujet, je n'ai plus focalisé mon attention sur l'aspect graphique. Je me suis attaché aux personnages et les ai alors suivis dans leurs aventures avec un grand plaisir ! Émerveillé, c'est le mot...

C'est tellement vrai que je n'ai pas envie de détailler les techniques employées pour arriver à un tel résultat. Il me paraît plus judicieux d'en rester au tout premier degré émotionnel. On peut aussi parler d'Arco comme d'un film écologique, proche donc de la ligne artistique d'un Hayao Miyazaki. C'est une référence assumée d'Ugo Bienvenu. Parmi les oeuvres qui l'ont marqué "au fer rouge", le jeune réalisateur français en a en effet cité quelques-unes du vieux maître japonais. "Sous des allures légères, elles nous arment pour le réel", juge-t-il. J'apprécie beaucoup cette approche, d'autant qu'elle semble s'appuyer sur un relatif optimisme que je partage (au moins en partie, disons). Je me dis dès lors que le film s'adresse aux enfants ET aux adultes. Le voir et en rediscuter entre générations est une très bonne idée. Après tout, notre avenir commence dès aujourd'hui et il se construit. Mon grand-père le disait aussi: "Il n'est pas interdit de rêver un peu" !

Arco
Film français d'Ugo Bienvenu (2025)

Un ravissement, vraiment ! Je l'ai vu dans une salle remplie d'enfants venus avec leur famille, mais aussi d'adultes, seuls ou en groupe. Vous savez quoi ? Cela m'a fait du bien, vraiment, parmi les films complexes - et/ou dramatiques - que j'ai l'habitude de privilégier. Notons la participation de Natalie Portman en qualité de productrice. Et (re)voyons d'autres perles comme Nausicaä, Patéma ou Sauvages !

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Le long-métrage du jour ? Une promesse...

Certains se risquent même à en faire leur favori pour le César 2026 du meilleur film d'animation. Il a déjà remporté le Cristal du Festival d'Annecy et la Cigogne d'or du Festival européen du film fantastique de Strasbourg. Il est attendu dans les salles allemandes et espagnoles.

samedi 22 novembre 2025

Une belle complicité

Les quelques jolis Prix qu'il a reçus n'ont guère convaincu le public français de s'intéresser à son sort: les 146 copies de Mon ami robot n'auront attiré qu'un peu plus de 57.500 spectateurs dans les salles. Dommage ! Sorti peu après Noël l'an passé, ce petit film d'animation méritait mieux. Même si, a priori, il visait d'abord les jeunes enfants.

Imaginez une ville de New York vidée de tous ses habitants humains. Dog y réside et, parce qu'il vit seul, s'y ennuie, la plupart du temps. La solution ? Le brave toutou va la dénicher auprès d'un fabricant professionnel de robots en kit. Quelques heures d'un montage efficace lui suffiront pour avoir enfin un nouveau compagnon et un bon pote. La machine humanoïde serait-elle à l'avenir le meilleur ami du chien ? C'est la première hypothèse du scénario, jusqu'à ce Dog et Robot passent un après-m' à la plage, si doux qu'ils s'endorment sur le sable. Oups ! Au réveil, le quadrupède est obligé d'abandonner son compère mécanique, tombé en panne sèche sur un site... bientôt inaccessible !

Comment l'un et l'autre s'en sortiront-ils ? C'est à vous de le voir ! Pour cela, l'idéal est d'ouvrir grand vos yeux, ainsi que votre coeur. Vos oreilles, elles, devraient se réjouir de la très chouette bande musicale qui accompagne les images ultra-colorées de cette histoire d'amitié pas-comme-les-autres. "Détail" intéressant: Mon ami robot dure environ une heure quarante et ne repose sur aucun dialogue. C'était aussi le cas, semble-t-il, de la BD dont il est l'adaptation. Logique, à vrai dire: parue aux éditions Dargaud et signée de l'autrice américaine Susan Varon, l'oeuvre originelle est en réalité un roman graphique (que je n'ai pas - ou pas encore ? - eu l'occasion de lire). Vous êtes intéressés ? D'accord. Pour info, il s'appelle Robot dreams. Le film, mignon mais "pas que", donne presque envie d'approfondir...

Mon ami robot
Film franco-espagnol de Pablo Berger (2023)

Le grand enfant que je suis assume cette note très haute, révélatrice d'un plaisir né du caractère "muet" de ce bel ouvrage en couleurs. Notez également que le sujet est un peu plus profond et même adulte qu'on ne peut l'imaginer de prime abord. Parfait pour les familles. Bon... on n'est certes pas au niveau de La tortue rouge ou de Flow. Mais c'est avec joie que j'ai identifié l'homme derrière Blancanieves !

jeudi 20 novembre 2025

Le combat d'une vie

Enfant, j'ai pu effectuer plusieurs séjours à l'étranger, en Allemagne et en Angleterre, principalement, dans le cadre d'échanges scolaires ou d'accueils dans des familles. Je n'ai cependant pas le souvenir d'avoir reçu beaucoup d'enseignements sur nos voisins européens. Pourtant, je les perçois plus comme des amis que comme des rivaux !

Sorti en octobre 2024 en Italie, Berlinguer - La grande ambition n'est arrivé qu'une année plus tard dans les salles obscures françaises. Cet excellent film politique m'a permis d'en apprendre énormément sur la vie publique dans la Péninsule au long de la période 1973-1984. Le récit suit longuement les pas d'Enrico Berlinguer, alors secrétaire général du Parti communiste italien. Un homme qui tenait clairement à ce que son équipe garde ses distances avec Moscou et les pays satellites de l'URSS, tout en étant un adversaire farouche du fascisme et le défenseur constant des classes dites populaires et travailleuses. Sans jamais avoir obtenu de majorité absolue, il constatait justement qu'un Italien sur trois votait alors pour le PC... et pensait que ce poids électoral pouvait favoriser des alliances avec d'autres partis modérés pour obtenir un "compromis historique" établi sur la base d'avancées économiques et sociales. Sa stratégie ne lui valait pas que des amis. Et fut mise à mal par l'action de groupuscules terroristes "politiques" !

Sur le fond, une petite précision: dès l'ouverture du film, un carton souligne que son scénario a été écrit à partir de nombreuses sources véritables tout en admettant que certaines des séquences historiques ont été retravaillées dans une logique dramaturgique. Je tiens à dire que j'ai vraiment apprécié le résultat: les scènes 100% politiques alternent avec d'autres qui permettent de découvrir un Berlinguer intime, marié et père de quatre enfants (trois filles et un garçon). Remarquable, le montage s'enrichit également de nombreuses images d'archives - sans voix off - pour mieux montrer le peuple italien d'alors. Il ne reste donc plus qu'à bien se concentrer sur les dialogues pour comprendre une décennie en seulement deux heures de métrage. Ce que j'ai l'impression d'être relativement bien parvenu à faire. Berlinguer - La grande ambition m'apparaît comme une réussite cinématographique, apte à donner espoir à qui connaît des heures difficiles. C'est aussi une oeuvre empreinte d'une certaine mélancolie. L'intégrité de son "héros" n'a pas toujours suffi pour que ses valeurs triomphent. Il faudra s'en souvenir dès aujourd'hui... et pour demain !

Berlinguer - La grande ambition
Film italien d'Andrea Segre (2024)

Quatre étoiles fort enthousiastes pour un film à la fois mélancolique et porteur d'espoirs: je souhaite bien entendu en retenir le meilleur. Et, décidément, j'ai vu de beaux films italiens, cette année ! D'autres suivront, sans aucun doute. Celui-là me semble un héritier du cinéma social italien, porté aussi par des comédies comme Il boom (1963). Que nos frontières soient ouvertes à ce type d'imports est salutaire...

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Un plaisir très personnel...

J'avais vu et aimé le premier film de Segre: La petite Venise (2011). Et mon chouette souvenir, c'est d'avoir même pu en discuter avec lui !

Un autre point de vue pour conclure ?

Vous pourrez aller lire celui de Pascale. Elle a (beaucoup) aimé le film.

mercredi 19 novembre 2025

Cachez ce film !

Un simple accident, film clandestin, est donc un opus remarquable. Loin de moi l'idée de vouloir relativiser les très nombreuses entraves que le pouvoir, à Téhéran, place dans les pas de "ses" cinéastes ! Simplement, en cherchant à illustrer la censure, j'ai d'abord trouvé beaucoup de photos du sieur Sébastien L. (Premier ministre français).

Faut-il en déduire que "notre" cinéma est libre ? C'est allé un peu vite. N'exagérons rien: je dirais que les diverses contraintes susceptibles d'être imposées aux artistes restent très légères si on les compare avec celles qui existent dans d'autres pays - dont l'Iran, évidemment. Cela dit, je pense qu'il est important de se souvenir des périodes sombres de notre histoire. Et de rester vigilants quant à nos libertés.

Wikipédia explique par exemple qu'après l'armistice de Compiègne signé le 22 juin 1940, Vichy fit interdire les films avec des acteurs juifs, les productions jugées hostiles au Reich allemand, puis celles qui venaient d'Angleterre ou des États-Unis. Des bobines de films d'avant-guerre étaient censées ne plus circuler ou alors simplement pour en extraire des matériaux et contribuer à l'effort de guerre nazi. Est-ce que c'est vraiment arrivé ? Possible. Je dois encore le vérifier !

Chaque époque et chaque pays a ses limites et interdits, je suppose. Je ne vais pas m'étendre sur tout cela aujourd'hui, mais j'y reviendrai sans doute quand une autre occasion se présentera. Je veux rappeler dès aujourd'hui qu'à la Libération, certaines personnalités du cinéma français eurent des ennuis en lien avec leur travail sous l'Occupation. C'était vraiment normal pour quelques-unes - et injuste pour d'autres.

Quatre-vingts ans plus tard, ouf ! Nous ne vivons plus dans un cadre aussi tendu, nos lois ne nous sont plus dictées par un ennemi étranger installé sur notre territoire, et nos élans créatifs ne sont plus bridés. Il reste des bornes, cela dit, et pour le septième art une classification des films qui peut limiter leur budget ou le nombre des écrans auxquels ils auront accès. Oui, c'est un vaste, un très vaste sujet ! Vous intéresse-t-il ? Nous pourrions le développer en commentaires. Demain, c'est avec un film italien que je vous reparlerai de politique. Petite confidence: cela fera aussi un écho à la question de la liberté...

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Et l'image que j'ai choisie, alors ?

Vous aurez peut-être reconnu le petit Danny Lloyd, l'enfant tourmenté des Torrance dans l'implacable Shining (Stanley Kubrick / 1980). Notons au passage que le film demeure interdit aux moins de 12 ans !

lundi 17 novembre 2025

Obtenir justice

Il a effectué plusieurs séjours en prison et mené une grève de la faim pour obtenir sa libération (conditionnelle). Au moment où le cinéaste iranien Jafar Panahi a reçu la Palme d'or en mai, j'ai soudain réalisé que je n'avais vu aucun de ses films et donc mis Un simple accident sur la liste de mes envies. Je confirme: cela valait le coup d'attendre !

Je crois que l'on peut se sentir fier et heureux que des producteurs européens - français et luxembourgeois - aient pris part à ce projet. Cependant, je considère que nous avons d'abord affaire à un film iranien, car tourné sur place, dans la clandestinité. Il raconte l'histoire de Vahid qui, un matin, croit reconnaître celui qui fut son bourreau. On comprend petit à petit que ce type avait en réalité été considéré comme un agitateur par la terrifiante police secrète de son pays. Pourquoi ? Juste pour avoir revendiqué... le versement de son salaire.

L'important n'est pas là: le scénario nous parle avant tout d'une envie de revanche. Vahid, qui souffre de très importants troubles rénaux depuis son incarcération, enlève celui qu'il voit comme le responsable de ses malheurs. Il est absolument déterminé à l'enterrer vivant. Mais, bientôt, sa conviction s'effrite: il n'est plus certain à 100% d'être face au vrai coupable des diverses ignominies qu'il a subies. C'est pourquoi il va faire appel à d'autres victimes pour témoigner. Avec elles, il pourrait déterminer le sort de leur supposé oppresseur...

Certains critiques présentent Un simple accident comme un thriller. Cela se tient: on se demande longtemps ce qui va arriver au final. Évidemment, c'est un film "de débat": l'ensemble des personnages n'affronte pas la situation de la même façon et la réelle pertinence d'une vengeance exécutive pose question - pour le dire sobrement. Jafar Panahi, lui, savait où il allait: il a indiqué avoir écrit son film après en avoir imaginé la fin. En interview, il a d'ailleurs bien précisé que c'est ainsi qu'il procède généralement: il pense d'abord à un début et à une conclusion, avant donc de combler le vide entre les deux. Rappel: il a déjà réalisé douze longs-métrages. Non sans difficultés...

Je ne crois pas que, pour plaire, son travail ait été "occidentalisé". Toutefois, soyez assurés d'une chose: le récit du film est limpide. Franchement, il est inutile de tout savoir des (indéniables) exactions du régime iranien: le propos a, à mes yeux, une valeur universelle. Vous noterez d'ailleurs qu'aucune indication réelle ne nous est donnée sur le lieu de l'action ou même l'époque à laquelle elle se produit. J'imagine que c'est aussi un moyen de contourner la censure officielle. Quoi qu'il en soit, le long-métrage s'avère toujours d'une intelligence remarquable et a le très grand mérite de solliciter celle du spectateur. C'est pour sûr l'une des grandes oeuvres cinéma de cette année 2025 !

Un simple accident
Film (franco-luxo-)iranien de Jafar Panahi (2025)

Je n'ai pas expliqué le titre, mais vous saurez vite de quoi il retourne. Bien des choses dans cet excellent film reposent sur le plus pur hasard et les conséquences des choix que les personnages vont lui opposer. En exil ou pas, le cinéma iranien regorge décidément de pépites ! Parmi mes préférences personnelles, je citerais volontiers Les chats persans, Une séparation ou Un homme intègre - à titre d'exemples.

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Et, avant de passer à autre chose...

Vous trouverez d'autres films iraniens en index "Cinéma du monde". Autre option: lire les avis de Dasola, Pascale, Princécranoir et Strum.

samedi 15 novembre 2025

Au nom du frère

À 44 ans, on pourrait croire qu'il n'avait plus grand-chose à apprendre. Pourtant, à la toute fin du générique, on découvre qu'il dédie son film à son frère aîné August, "mon premier et meilleur professeur" (sic). Comme quoi ! Malgré deux Palmes d'or, trois Oscars et plusieurs prix internationaux, Francis Ford Coppola n'a rien effacé de ses origines...

Certains exégètes affirment que Rusty James, adaptation d'un roman pour ados, est aussi issu de ses souvenirs. Ma seule vraie certitude est qu'en cette année 1983, le maître en est à son deuxième film consacré aux bandes rivales de Tulsa, la capitale de l'Oklahoma. Quelques mois seulement après le précédent, ce nouvel opus étonne néanmoins parce qu'il est presque totalement tourné en noir et blanc. Ce n'est toutefois pas qu'un exercice de style. On s'attache très vite au personnage principal, Rusty, un jeune qui a abandonné ses études et, à l'image de son frère avant lui, se rêve comme un chef de gang. Un beau soir, il apprend qu'un autre petit caïd veut lui faire la peau. Résultat: il rameute ses copains en vue d'un règlement de comptes définitif, sous forme de bagarre générale, et ce au mépris du danger. Heureusement pour lui, alors qu'il est gravement blessé, son frangin jadis disparu sur sa moto revient soudain en ville et lui sauve la vie ! L'occasion de renouer les liens familiaux ? Je vous laisse le découvrir. Échec au box-office, le film est je crois mieux apprécié aujourd'hui...

En son temps, il reçut tout de même un assez bon accueil critique. Après quoi, il obtint deux prix au Festival de Saint-Sébastien 1984. Vous vous intéressez aux acteurs ? Il y aura là de quoi vous satisfaire. Il faut dire que notre ami Coppola a fait confiance à une ribambelle d'interprètes de talent: têtes d'affiche, Matt Dillon et Mickey Rourke côtoient ainsi Nicolas Cage, Diane Lane ou encore Dennis Hopper. Larry Fishburne, Tom Waits et Chris Penn ont chacun un petit rôle. Côté technique, j'ai littéralement été ébahi par la direction artistique de Dean Tavoularis et la superbe photographie de Stephen H. Burum. La baston du début, admirablement chorégraphiée, m'a impressionné. La bande-son du film est tout aussi remarquable, avec une musique de Stewart Copeland (la première au cinéma du batteur de Police). Décidément, le cinéma US des années 80 est d'une grande richesse. Ce n'est plus un scoop, certes, mais j'apprécie toutes les opportunités que je peux avoir de le vérifier - disons, un peu plus "tardivement". J'espère donc que j'en aurais donné l'envie à certain(e)s d'entre vous !

Rusty James
Film américain de Francis Ford Coppola (1983)

Il n'est assurément pas trop tard pour découvrir ce petit bijou noir ! Moins clinquant que Le parrain et financièrement moins gourmand qu'Apocalyse now, il est l'un des films plus modestes de son auteur comme L'idéaliste (sorti, quant à lui, en 1997). Ses bandes rivales peuvent rappeler celles de West Side story et de Shotgun stories. Soyez prudents: souvent, ces histoires-là se terminent dans le sang...

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Un petit complément ?

Je n'ai malheureusement pas trouvé de chronique sur mes blogs-amis. Cela dit, Ideyvonne avait rendu un bel hommage... à Dean Tavoularis.

jeudi 13 novembre 2025

De pâles étoiles

Avez-vous déjà entendu parler de la "diagonale du vide" ? Ce terme peu flatteur désigne une bande du territoire français qui, de la Meuse aux Landes, accueille une population moins dense qu'ailleurs. Auteur d'un court-métrage reprenant cet intitulé dès 2012, Hubert Charuel nous emmène jusqu'en Haute-Marne avec son nouveau long: Météors.

Nous rencontrons Mika et Dan, deux bons copains un peu paumés. Ensemble, ils rêvent de partir un jour à la Réunion pour travailler dans un chenil. En attendant, Mika est serveur dans un fast food quand Dan, lui, apparaît totalement désoeuvré. Les garçons s'attirent des ennuis un soir où, après une fête bien arrosée, ils volent un chat de race, qu'ils pensent pouvoir revendre quelques centaines d'euros. Rattrapés par la justice, ils doivent dès lors trouver un emploi durable et se tenir à carreau pendant six mois pour échapper à l'incarcération.

Autant le souligner: Météors s'apparente tout d'abord à une comédie autour de ces deux "loulous" qui n'ont certes pas inventé l'eau tiède. Mais, soudain, leur bonne entente vole en éclats et le sourire se fige devant un récit qui, petit à petit, prend une coloration dramatique. Évidemment, je ne vais pas tout vous raconter: disons que la réussite du film tient aussi à ce changement de ton, que les deux acteurs principaux - Paul Kircher et Idir Azougli - assument remarquablement. J'ai apprécié aussi la présence à leurs côtés du talentueux Salif Cissé. La sobriété de la mise en scène nous rend les personnages attachants et l'histoire crédible. Recommandé aux adultes et aux adolescent(e)s !

Météors
Film français de Hubert Charuel et Claude Le Pape (2025)

Un duo homme-femme pour un film centré sur des protagonistes masculins... et pourquoi pas ? Je note que les figures de l'autorité s'avèrent toutes féminines: une toxicologue, une avocate, une juge. Rappel: Hubert Charuel, c'était Petit paysan, il y a (déjà) huit ans. Loin des campagnes, son nouvel opus évoque Les trois fantastiques ou, à la rigueur, en introduisant une dimension de conte, Les géants !

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Et pour approfondir le sujet...

Vous pouvez céder à l'envie de lire (ou relire) la chronique de Pascale.

lundi 10 novembre 2025

JLG dédoublé

Donner au cinéma le statut d'un art à part entière: certains critiques estiment que c'est ainsi que l'on pourrait résumer l'ambition première des réalisateurs de la Nouvelle Vague. La mise en scène elle-même apparaît plus importante que le scénario: le cinéaste devient auteur. Y reviendrai-je ? Oui, mais je veux d'abord vous parler de deux films !

Nouvelle Vague
Film français de Richard Linklater (2025)

Première destination: le Paris de 1959, aux côtés d'une "bande à part" bientôt appelée à révolutionner le septième art. Truffaut, Chabrol, Rivette, Demy, Rozier: ils sont tous là, et surtout Godard, plume agile des Cahiers du cinéma, impatient de tourner son tout premier opus. Ce sera À bout de souffle, avec Jean Seberg et Jean-Paul Belmondo en vedettes, mis en boîte en vingt jours seulement et sorti à l'aube du printemps 1960. C'est sur le tournage-éclair que revient ce film imaginé par un Américain, heureux de valoriser l'héritage d'un JLG qu'il considère visiblement comme un brillant précurseur. Bien entouré par des comédiens méconnus, mais ressemblant aux protagonistes réels, Linklater nous présente ainsi un hommage ludique et souriant. Spéciale dédicace à mon pote Benoît, grâce à qui je suis allé le voir...
 
Avant la séance, j'étais à mille lieues de parier sur une telle réussite. C'est impossible de savoir ce qu'en auraient pensé ses sources d'inspiration, bien sûr, mais Nouvelle Vague m'est de fait apparu comme un film charmant. Certains plans reproduisent des images iconiques que, peu ou prou, tous les amateurs de cinéma ont en tête. Amusé, j'en ai pratiquement oublié qu'elles avaient désormais 65 ans. Qu'elles soient recréées par de jeunes interprètes dont j'ignorais tout jusqu'alors aura fait de la projection un moment des plus agréables. Aucune fausse note à déplorer: la reconstitution (décors et costumes) s'avère elle aussi particulièrement soignée, la photo noir et blanc permettant de s'imaginer en train d'arpenter les rues de cette capitale reconstituée. Un plaisir qui, partout dans le monde, fait des envieux !

(+) En complément...
Vous lirez les avis de Dasola, Pascale, Vincent, Strum et Benjamin. L'occasion de constater que je ne suis pas le seul à avoir aimé le film.

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À bout de souffle
Film français de Jean-Luc Godard (1960)
Même si Nouvelle Vague n'est pas un making of, je crois très logique qu'il suscite à lui seul l'envie de voir - et même de revoir - l'oeuvre originelle. La qualifiant volontiers de fondatrice, c'est ce que j'ai fait depuis mon canapé, deux jours à peine après ma séance au cinéma. Bonne nouvelle pour ceux qui le verront d'abord: le film de 2025 assume bel et bien sa filiation, mais n'en dit pas trop sur le scénario de son prédécesseur. Il ne gâche donc pas le plaisir de la découverte. Après coup, je dois dire que je comprends déjà mieux ce que ce film avait de moderne en son temps. Son "héros" est un jeune homme fauché, qui a abattu un flic qui l'avait pris en filature sur la route entre Marseille et Paris. Il retrouve alors une vendeuse de journaux dont il dit être amoureux ! Son espoir: qu'elle parte à Rome avec lui...

Étudiante américaine, la belle résiste, cependant, profite de l'instant quand elle en a envie, mais reste assez peu réceptive aux techniques d'approche de son French lover supposé. On est très loin de l'imagerie du couple traditionnel de cette époque - celle d'un Charles De Gaulle revenu aux affaires et des premières heures de la Vème République. Détail révélateur: À bout de souffle n'a pas échappé à la censure. Interdit aux moins de 18 ans à sa sortie, il fut élagué de scènes "historiques", l'une d'entre elles montrant le général, son homologue américain Dwight D. Eisenhower et notre Bébel national, tout jeunot. Le film a également été vilipendé pour "la nature du dialogue". Logique: le garçon exprime à de très nombreuses reprises son désir de mettre la fille dans son lit et exerce sur elle "une influence croissante". Godard, paraît-il, a hésité entre plusieurs fins possibles. Et atteint une étape majeure de l'histoire du cinéma dans notre pays !

(+) En complément...
Je vous suggère de lire l'avis de "L'oeil sur l'écran" et celui d'Eeguab. Benjamin a su me précéder de quelques jours en publiant le sien. Princécranoir, enfin, fait coup double: il évoque le film et sa musique.

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Je crois avoir tout dit, mais j'ai encore à dire...

Une chose est sûre: je n'en ai pas terminé avec la Nouvelle Vague. Plusieurs films de ce courant sont déjà chroniqués sur les Bobines. Parmi ceux que la Cinémathèque juge indispensables, je peux citer quelques classiques: Ascenseur pour l'échafaud, La Baie des Anges ou Cléo de 5 à 7, par exemple. Je peux vous promettre que d'autres suivront. Autant le dire: je reste désormais à l'écoute de vos conseils.

samedi 8 novembre 2025

Malades d'amour

Le cadre géographique de mon film d'aujourd'hui a des allures de bout du monde. Ce n'est en fait qu'une petite ville poussée à proximité d'une exploitation minière, dans le nord du Chili. Ceux qui l'habitent sont des mineurs, donc, mais aussi des artistes de cabaret travestis. Et, parmi ces derniers, la toute jeune fille qu'ils ont recueillie, Lidia...

Le mystérieux regard du flamant rose
... j'ai pu découvrir un film atypique, censé se passer courant 1982, sous ce titre (magnifique). Une certaine tension oppose ses deux communautés, la rumeur voulant que les hommes de la seconde transmettent une maladie mortelle à ceux de la première après un simple échange de regards. C'est faux, évidemment, mais cela illustre aussi que l'homosexualité de quelques-uns est encore systématiquement rejetée par d'autres. Vous l'aurez compris: le scénario parle de "peste", mais son vrai sujet est bien sûr le Sida, en cette décennie funeste pour tant de malades. Le choix d'une pré-adolescente comme personnage principal du récit apporte un peu de lumière. Les discriminations et comportements violents que l'on observe sont tempérés par la solidarité, la tolérance et une forme inattendue du vivre-ensemble, même si le bonheur véritable vient peut-être de la mise à l'écart - à l'abri ? - volontaire. D'après moi, le film laisse tout de même une belle place pour l'amour. D'une certaine façon, je dirais qu'il demeure même au centre de tout !

Le mystérieux regard du flamant rose
Film chilien de Diego Céspedes (2025)

Après deux courts, c'est le tout premier long-métrage d'un réalisateur âgé de 30 ans (il est né à Santiago le 5 janvier 1995). Il s'est entouré de producteurs européens - allemands, espagnols, belges et français. Résultat: le Prix "Un certain regard" du dernier Festival de Cannes. D'aucuns comparent ce cinéma avec ceux de Fassbinder et Almódovar. Des travestis rigolos ? Revoyez Tootsie. Et Certains l'aiment chaud !

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Vous avez envie de le voir ?

Comme celui de mardi, Le mystérieux regard... est un film récent que j'ai découvert au 25ème festival Vues d'en face, un événement consacré au cinéma LGBTQIA+. D'après Allociné, les salles françaises ne pourront le programmer qu'à partir du 18 février 2026 ! Patience...