samedi 9 décembre 2023

Journées de campagne

Je ne crois pas indécent d'affirmer qu'Albert Dupontel s'est assagi. J'ignore si son nouvel opus lui vaudra les quelque deux millions d'entrées de ses trois films précédents, mais je tenais à le voir. Second tour vaut bien qu'on s'y intéresse, d'ailleurs, car le cinéaste reste très fidèle à lui-même. Capable d'être doux et féroce à la fois...

Pierre-Henri Mercier est candidat à la présidence de la République. Dans son programme, il a retenu les grandes lignes d'un capitalisme assumé. Une posture qui lui vaut d'être "en même temps" le favori des sondages et le chouchou des médias. Sauf qu'une journaliste différente des autres va bientôt s'incruster dans son champ de vision politique ! Son rédacteur-en-chef avait exigé de ladite Nathalie Pove qu'elle couvre l'actualité du foot pour la punir pour son impertinence. Faute d'autre solution, il la charge finalement du suivi de la campagne électorale, sur la base de questions inoffensives, validées à l'avance. Second tour apparaît d'emblée comme un film très "dupontellien". Honnêtement, j'en ai vu d'autres et des plus fins, mais ce sentiment d'évoluer en terrain familier n'est pas désagréable ! Enfin, pour moi...

Avis à ses fans: Albert Dupontel revient à l'écran en tant qu'acteur principal de cette vraie-fausse comédie - sa première tête d'affiche depuis trois ans. Et bien sûr, il sait toujours parfaitement s'entourer ! Je passe sur les caméos de ses amis pour saluer la bonne prestation d'un habitué, Nicolas Marié, parfaitement convaincant en cameraman attachant, un peu benêt et malgré tout plutôt efficace dans son poste d'équipier. Cela dit, plus que lui, c'est évidemment Cécile de France qui attirera ici l'essentiel de la lumière. Je dois dire que l'actrice belge le mérite amplement, ne serait-ce que pour son humilité dans le jeu. À nouveau, elle place ses partenaires à égalité - et c'est agréable. Quelques très jolies scènes la mettent ainsi parfaitement en valeur. L'homme placé derrière la caméra n'est pas manchot, à l'évidence. Son regard sur la société française est plein d'acuité, mais il dispose également d'un talent consommé pour la mise en scène. La tendresse déployée pour ses personnages apparaît alors comme une qualité supplémentaire et la marque de son style. Ce dont je ne me lasse pas.

Second tour
Film français d'Albert Dupontel (2023)

Quelques faiblesses et peut-être une histoire bien trop rocambolesque pour faire l'unanimité... mais des qualités qui prennent le dessus. Pour comparer, il serait intéressant de voir ce long-métrage en duo avec Président, où le personnage d'Albert Dupontel s'avère glacial. Bref, la chose publique sait inspirer de bons films. Un exemple: celui que j'ai chroniqué tout début mai, De grandes espérances. À suivre !

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Je termine avec un hommage...

Albert Dupontel entend dédier ce nouveau film à Bertrand Tavernier, Jean-Paul Belmondo et Michel Deville. On a connu de pires références.

Et, pour être complet, un autre avis...
Pas d'hésitation à avoir: vous pouvez aussi consulter celui de Pascale.

jeudi 7 décembre 2023

Un secret bancaire

Jodie Foster. Denzel Washington. Clive Owen. Willem Dafoe. Christopher Plummer. Chiwetel Ejiofor. Cette distribution de prestige m'a encouragé à regarder Inside man, le deuxième plus gros succès du réalisateur américain Spike Lee dans nos chères salles françaises. J'avais également constaté qu'il jouissait d'une excellente réputation !

Déguisés en peintres, un groupe de malfrats s'introduit sans difficulté dans une grande agence bancaire de Manhattan. Une bonne trentaine d'innocents sont pris en otage et menacés du pire en cas de rébellion. Histoire de démontrer qu'il ne plaisante pas, le chef des braqueurs passe à tabac un membre du personnel et n'est pas loin de le tuer. Malgré l'entrée en jeu rapide d'un négociateur chevronné, la situation semble pouvoir dégénérer à tout moment. Or, passées les scènes d'exposition, Inside man déroule un scénario nettement plus retors que je n'avais pu l'imaginer dans un premier temps - et c'est heureux. Je me suis alors demandé à qui pouvait profiter le crime commis devant mes yeux, les bad guys semblant ne pas s'intéresser à l'argent. Seul "problème": j'ai rapidement compris ce qu'il en était au juste. Cela n'a pas totalement altéré mon plaisir, mais un suspense éventé est parfois vecteur de frustration pour les gourmands de cinéma comme moi. Soyez-en assurés: le film d'aujourd'hui a d'autres qualités largement compensatrices. Pas question, donc, de bouder son plaisir !

Inside man - L'homme de l'intérieur
Film américain de Spike Lee (2006)

Elle est redondante, c'est certain, mais la seconde partie du titre d'exploitation du film en France permet de le distinguer d'un opus diffusé sur Netflix à l'automne 2019 et d'une série produite en 2022. Cela précisé, je vous recommande Bandits, mon film de braquage(s) préféré. Mélodie en sous-sol, c'est vraiment un tout autre genre ! Idem pour La grande attaque du train d'or, un classique plutôt fun...

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D'autres regards vous intéresseraient ?

Je vous suggère d'aller voir chez Pascale, Ideyvonne, Benjamin et Lui.

mercredi 6 décembre 2023

Chemins de traverse

Tiens ! Découvrir consécutivement deux films en projection unique me donne une idée: évoquer d'autres façons d'aborder les salles obscures. Faute d'avoir déjà fréquenté un drive-in, j'en compte quatre à ce stade de ma ciné-folie. Et je suis sûr de ne pas être exhaustif ! Mais qu'importe: je serais déjà content de susciter quelques envies...

... de projections uniques

À dire vrai, la bizarrerie indienne dont j'ai parlé samedi fait figure d'exception: habituellement, je vais plutôt voir des films ordinaires joués à plusieurs reprises, avec la joie d'ainsi remplir mon agenda. Mais j'essaye de ne pas manquer les reprises d'opus patrimoniaux intéressants, qui peuvent n'être projetés qu'une seule fois. C'est peu !

... d'avant-premières

Je le reconnais: je prêche, mais je pratique fort peu. Il est très rare que je cherche à découvrir un film avant sa vraie sortie officielle. Cela dit, si l’occasion se présente, je finirais peut-être par renouer avec la formule des avant-premières surprises. Le côté imprévu ajoute du piment ! Et, jusqu'à ce jour, je ne suis jamais mal tombé...

... de festivals
Pour le coup, j'ai de la chance: il en existe plusieurs dans ma ville actuelle et d'autres dans ses environs immédiats. Cela m'aura permis d'appréhender des cinématographies rares et étonnantes, africaines ou sud-américaines par exemple. Et oui, je le referais très volontiers. Qui devinera le prochain drapeau sur le blog ? Je l'ignore moi-même...

... de ciné-concerts
Aïe ! J'ai oublié le titre du premier film que j'ai vu sous cette forme. Parfois, jouer la bande-originale live suffit à enthousiasmer le public. J'en ai vu aussi d'un autre type (au moins un par an depuis 2019). Hybrides et donc ambitieux, ces spectacles revisitent le septième art en faisant défiler les images sur une partition musicale 100% inédite !

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J'ai tout dit... non !
L'image ? Vous avez reconnu ?

Ce photogramme est issu de Wild, un film de Jean-Marc Vallée sorti en 2014, avec Reese Witherspoon dans le premier rôle. Impossible pour moi d'en dire plus: je n'ai pas encore vu cet opus du cinéaste québécois, décédé fin 2021. Je voulais juste faire écho à mon titre...

Et vous, alors ? Vous faites comment ?
Je n'ai peut-être pas fait le tour de toutes les méthodes alternatives pour "consommer" du cinéma. Bons plans et commentaires appréciés !

lundi 4 décembre 2023

C(h)oeurs d'Italie

C'est un constat que je fais depuis longtemps: l'Italie et le Japon alternent à la quatrième place des pays producteurs de cinéma représentés sur ce blog. Aujourd'hui, je vais vous emmener à Rome pour évoquer un petit film découvert lors d'un festival: Settembre. J'ignore s'il a un distributeur pour s'assurer une sortie "tous publics"...

Pire: je ne sais même pas si on parle encore de film choral fin 2023. C'est en tout cas l'expression que je vais retenir pour résumer l'esprit de cette modeste production. Quelques personnages archétypaux, ignorant tout les uns des autres, vivent néanmoins des situations comparables et, au gré du seul hasard, finissent par se rencontrer. Parmi eux, vous vous attacherez peut-être au vieux médecin divorcé, à sa patiente négligée par son mari, au boulanger tombé amoureux d'une jeune prostituée, à l'ado qu'un très dévoué camarade de classe aide à préparer sa première expérience sexuelle... ou alors à chacun d'entre ces personnages, tous crédibles à mes yeux. Et c'est un atout !

Si j'en viens à oublier les acteurs, cela n'a pas d'importance, au fond. Mes attentes d'avant-séance n'étaient pas très hautes, cette fois. Soyez informés d'une chose: Settembre est un film doux, bienveillant. J'imagine qu'au goût de certains, il paraîtra donc beaucoup trop sucré. Ma mansuétude me pousse à en dire du bien. Les touches d'humour qui parsèment le métrage ne redéfiniront certes pas l'art du cinéma mondial, mais rien ne dit que la réalisatrice en avait l'ambition. Honnêtement, le montage aurait gagné à être un peu plus resserré. C'est un détail: le calme des images produit un contraste agréable lorsque tout s'agite autour de vous. Une affaire de ressenti, en fait...

Settembre
Film italien de Giulia Louise Steigerwalt (2022)

Quelques infos sur la cinéaste: elle a 41 ans et est diplômée de philo. De nationalité américaine, elle exerce également comme comédienne et romancière. Settembre est son premier film derrière la caméra. Bon... sa manière d'observer un échantillon de la société italienne d'aujourd'hui n'a pas l'acuité d'un Moretti (Mia madre, Tre piani). Aucune polémique, hein ? Rome non plus ne s'est pas faite en un jour.

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Une précision pour finir...

C'est le seul film que j'ai vu du festival (Dolce Cinema / Grenoble). J'ai appris ensuite qu'il en était reparti récompensé du Prix du public !

samedi 2 décembre 2023

Le réveil du tigre

La crise sanitaire l'a freinée, mais l'Inde garde la tête pour le nombre de films produits chaque année. Très peu arrivent dans les salles françaises. Je n'en avais moi-même pas vu depuis près de cinq ans quand un copain m'a proposé une séance cinéma en mode Bollywood. Et, avant de sauter le pas, j'ai cru bon de regarder la bande-annonce !

Surprise: alors que je pensais tomber sur une interminable comédie musicale, j'ai en réalité eu affaire à un film d'action ultra-musclé. Tiger 3 - qui paraît n'avoir été diffusé que le 12 novembre dernier - est, comme son nom l'indique, le troisième épisode d'une franchise extrêmement populaire dans son pays d'origine. J'ai cru comprendre que cela va encore plus loin: la saga aurait rencontré un si vif succès que ses producteurs l'auraient intégré dans un "univers" plus large. Quoi qu'il en soit, cet opus n'a rien à envier aux blockbusters américains qui, eux, déferlent en nombre sur l'Europe. Le scénario imagine un sale type prêt à tout faire pour empêcher la réconciliation de peuples que les dirigeants de l'Inde et du Pakistan veulent bâtir. Heureusement, il reste un espoir: un certain Avinash Singh Rathore devrait pouvoir écarter la menace avec ses gros bras et ses armes lourdes. Un peu comme le ferait un James Bond revisité, en somme...

Ici, pourtant, point de girls, mais une demoiselle qui a des ennuis sérieux... et qui s'implique sur le terrain pour qu'ils soient résolus. Prière de ne pas espérer de Tiger 3 la moindre once de crédibilité ! Au moins traite-t-il les femmes et les hommes à égalité: l'histoire qu'ils portent toutes et tous est invraisemblable, de toute façon. Cette faculté à raconter absolument n'importe quoi a un avantage certain: elle nous offre quelques grands morceaux de bravoure. Puisqu'il s'agit au fond d'éviter un coup d'État, les personnages n'hésitent jamais à "mouiller la chemise" lors de virevoltants combats au corps à corps, quitte ensuite à rejoindre un hélicoptère en vol après avoir sauté dans le vide. Bref, plus c'est gros, mieux ça passe. Précision: ma séance était organisée par une association spécialiste de ce cinéma et qui avait aussi invité une danseuse à se produire avant la projection. Et trois heures plus tard, c'est sur un autre ballet un peu kitsch que s'est déroulé le générique. Des applaudissements copieux ont finalement accueilli le premier des teasers de l'épisode 4 !

Tiger 3
Film indien de Maneesh Sharma (2023)
C'est le septième opus de cette nationalité chroniqué sur les Bobines. Pour le Bollywood dansé et chanté, voyez plutôt Devdas... et retenez le nom de The lunchbox si vous cherchez une belle histoire sociale. Désolé: je n'ai pas (encore ?) vu d'autre film indien comparable à celui d'aujourd'hui. Mes "références" bourrines sont plutôt américaines. Cela se jouerait entre Machete, Expandables et Fast and furious 8 !

jeudi 30 novembre 2023

À bon compte ?

Son rêve, ce serait de faire des maths tout le temps. La seule façon de mettre un peu d'ordre dans notre monde infini, pense-t-elle. Marguerite, étudiante à Normale Sup, doit soutenir une thèse à l'oral pour devenir chercheuse. Mais cette ultime épreuve la voit échouer ! Le raisonnement de la jeune femme est contredit. Et tout s'écroule...

Qu'arrive-t-il en pareil cas ? Je n'ai pas fait d'études assez longues pour le savoir. J'imagine qu'après de si longues années d'un travail acharné, l'étudiant, fille ou garçon, qui n'obtient pas le diplôme convoité peut allégrement "péter les plombs". C'est l'hypothèse du film dont je voulais vous parler aujourd'hui: Le théorème de Marguerite. La thésarde qui en est l'héroïne encaisse le choc et cherche un boulot utile pour oublier sa grosse déconvenue de scientifique chevronnée. Je vous laisserai découvrir par vous-mêmes comment elle s'y prendra pour retrouver un mental conquérant et si elle oubliera ces maths qu'elle a si longtemps considérées comme sa raison d'être. Un point important: il n'est pas du tout nécessaire d'être un pro des équations pour tout comprendre au scénario ! Car l'enjeu véritable est ailleurs...

Il me semble en effet que le film est d'abord le portrait d'une femme. D'une femme comme il y en a encore peu, je suppose, la protagoniste du long-métrage apparaissant d'ailleurs particulièrement solitaire. Est-ce logique ? Normal ? Injuste ? Le théorème de Marguerite n'assène aucune réponse, mais nous invite à réfléchir à la question. Pour cela, au-delà de ses qualités d'écriture, il peut surtout s'appuyer sur la parfaite interprétation d'Ella Rumpf, l'actrice principale, 28 ans. J'ai trouvé très intéressant son duo avec un garçon de la Comédie française, Julien Frison, 30 ans, que je n'avais pas repéré jusqu'alors. Face à l'expérimenté Jean-Pierre Darroussin, la jeunesse assure. Clotilde Courau, elle, est une jolie retrouvaille (dans un petit rôle). Qu'ai-je aimé encore ? Les ruptures de ton du récit, ses notes humoristiques, ses petites touches dramatiques et son optimisme finalement salvateur. Sans hésiter, je dis que tout est bon à prendre !

Le théorème de Marguerite
Film français d'Anna Novion (2023)

Les deux premiers films de la cinéaste sont sur Mille et une bobines. Attention: si ce n'est un rôle pour Darroussin, ils n'ont guère de lien avec ce nouvel opus. Certains ont vu en Marguerite un personnage proche de celui de Sophie dans La voie royale... et cela me convainc davantage que le parallèle (masculin) avec Un homme d'exception. Pour d'autres maths féminines, autant revoir Les figures de l'ombre !

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Un dernier mot ?

Oui: pour relayer l'avis de Dasola. Et celui de Pascale... en point final.

lundi 27 novembre 2023

Le voyage de Mahito

À 82 ans, Hayao Miyazaki signe-t-il une oeuvre à visée testamentaire avec Le garçon et le héron ? Certaines des critiques que j'ai lues après avoir découvert le film l'affirment. Il est vrai que le maître japonais renoue avec ses motifs, mais aussi avec quelques souvenirs très lointains: les bombardements de Tokyo, une mère hospitalisée...

Celle de Mahito, le jeune héros du film, est également la pensionnaire d'un établissement de soins, qu'un raid aérien dévaste soudainement. Sa mort conduit l'enfant et son père, ingénieur dans une usine d'armement, à quitter la capitale pour une maison à la campagne. D'abord meurtri par le deuil, Mahito y découvre une jeune femme souriante qui n'est autre que sa tante. Très vite, la gigantesque tour couverte de végétation qu'il repère à proximité l'intrigue fortement. Le gosse tient à comprendre ce qu'est devenu le majestueux oiseau entré par l'une des fenêtres, mais les lieux lui semblent inaccessibles. Préoccupées, de vieilles dames l'invitent à ne pas aller voir plus loin...

Le garçon et le héron
s'ouvre donc sur un drame et des images saisissantes, aussitôt suivies d'autres, bucoliques et donc porteuses d'apaisement. Nous n'en sommes encore qu'au prélude: un univers imaginaire va bientôt se déployer devant nos yeux (émerveillés). Pélicans, grenouilles ou poissons parlants, d'autres animaux unissent leurs forces pour nous emmener ailleurs, en un lieu où une réponse pourrait bien être donnée aux délicates questions que Mahito se pose. Il lui faudra dès lors suivre un parcours initiatique, un thème habituel dans toute l'oeuvre du génie à l'origine de ce superbe dessin animé. Mais il ne faut pas priver les adultes de ce voyage à nul autre pareil...

J'insiste sur un point: l'animation s'apparente ici à de l'orfèvrerie. Habitués que nous sommes à une telle prouesse, il peut nous arriver d'oublier à quel point ce style est même emblématique de son auteur. Actif depuis les années 60 et découvert en France avec une trentaine d'années de retard, Miyazaki-san n'en finit plus d'épater ! Son travail me fascine d'autant plus qu'il est tout aussi inventif que constant. Aujourd'hui, ses divers exégètes s'interrogent sur ce qu'il adviendra de Ghibli, son studio, lorsqu'il rejoindra son vieil ami Isao Takahata parmi les étoiles. Avant de le savoir, pouvoir profiter de son talent avec ce nouvel opus - diffusé en salles obscures - tient du privilège...

Bon... déjà fort longue, cette chronique élude toutefois l'hypothèse d'un ultime message du réalisateur nippon à son public, fidèle ou non. Petit indice: parmi ses personnes importants, Le garçon et le héron compte un vieux monsieur, chargé de la construction et de l'équilibre du monde. En s'apercevant ensuite qu'à l'écran, ce monde est édifié sur treize briques fondatrices, comme autant de films d'animation inventés par Miyazaki, d'aucuns ont vu en ce protagoniste l'alter ego du cinéaste. Je le reconnais: cela ne me paraît pas du tout absurde. D'ailleurs, j'ai noté que le film parlait de transmission, entre autres. J'ajoute que ce n'est pas forcément ce à quoi j'ai été le plus sensible. Embarqué dans une aventure complexe, je me suis laissé emporter par le récit. "Ceux qui cherchent à comprendre périront": cette phrase d'une scène de transition m'incite à me contenter de mes émotions pour vous recommander une rapide sortie au cinéma le plus proche...

Le garçon et le héron
Film japonais de Hayao Miyazaki (2023)

Je n'avais encore regardé qu'un seul film venu du Pays du soleil levant cette année... et c'était déjà un animé: 7 jours, de Yuta Murano. Celui d'aujourd'hui lui est largement supérieur et pourrait s'inscrire comme une nouvelle référence. Cela dit, je vous avoue humblement que j'ai préféré Le voyage de Chihiro. Et sur le sujet du traumatisme lié à la guerre, Dans un recoin de ce monde est à voir, sans hésiter !

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D'autres regards pour vous convaincre ?

Princécranoir et Strum ont été parmi les premiers à publier un avis favorable. Pascale a aimé aussi, avec (un peu) moins d'enthousiasme.

samedi 25 novembre 2023

Une seule couronne

Je suis allé au Danemark en 2010 et y retournerai très volontiers. Quelques années plus tôt, j'avais appris d'un Danois que ce pays nordique est encore gouverné par une reine: Sa Majesté Margrethe II. Il faut remonter jusqu'en 1387 pour trouver la première souveraine qui ait porté ce prénom. Et le personnage-phare de mon film du jour !

À qui voudra bien s'intéresser à ce sujet, Margrete, reine du Nord raconte comment, au tout début du XVème siècle, la monarque parvient à rassembler sous la même couronne le Danemark, la Suède et la Norvège. Le scénario suggère qu'elle ouvre ainsi une ère de paix et de prospérité pour les différents peuples relevant de son autorité. Mais, très vite, un fichu grain de sable vient enrayer la mécanique royale: alors que Margrete a placé Erik, son fils adoptif, à ses côtés comme héritier, elle voit un autre homme, Olaf, débarquer à la cour. Et, pire, affirmer qu'il est son vrai enfant - celui qu'on croyait mort depuis des lustres. De quoi faire basculer un royaume dans le chaos ! Je vous laisse désormais découvrir par vous-mêmes ce qu'il adviendra de celui du Danemark (et aussi des autres terres à lui associées). D'après ce que j'ai pu comprendre, le film prend d'importantes libertés avec la réalité historique. Qu'à cela ne tienne: ce que j'ai vu m'a plu. Tout au plus m'a-t-il manqué quelques scènes d'action plus enlevées. L'essentiel se passe dans un palais et cela reste agréable à regarder...

Margrete, reine du Nord
Film danois de Charlotte Sieling (2021)

Une réalisatrice pour ce beau portrait féminin: c'est une bonne chose. Si j'avais senti un peu plus de souffle épique, je pense que ma note aurait été arrondie à l'étoile supérieure. Tant pis pour cette fois ! Cette année, j'ai adoré La dernière reine, dans un genre proche. Passionnés d'histoire, il est possible que Marie Stuart, reine d'Écosse vous convienne pareillement. Et ne pas oublier Elizabeth, of course...

vendredi 24 novembre 2023

Offrons du cinéma !

Je dois bien l'admettre: c'est très souvent au cours des derniers jours avant la date fatidique que je fais mes courses (et cadeaux) de Noël. Autant dire qu'à un mois de l'échéance, je n'ai même pas commencé ! Vous n'avez pas d'inspiration non plus ? Je me dis que le cinéma pourrait être d'un grand secours, dans certains cas. À vous de juger...

Il y a quelques années, ma chère maman m'avait offert une carte d'abonnement pour un an d'accès illimité aux salles d'un grand réseau national. Elle n'a fonctionné que dix mois... et je n'ai jamais obtenu de remboursement ou de prolongation. Ce genre de déconvenues s'évite facilement: en offrant des livres sur le cinéma, par exemple. J'ai déjà une belle collection: je vous en reparlerai un jour prochain. D'ici là, je suis à l'affût de toute bonne idée pour préparer les Fêtes. Soyez rassurés: l'heure de la pause hivernale sur Mille et une bobines n'a pas encore sonné - je prends encore un mois pour parler de films. Si vous voulez m'en recommander pour Noël, n'hésitez surtout pas ! C'est de fait un autre sujet sur lequel je sèche, année après année. J'imagine que, dans un mois, je m'en sortirai avec un bon classique...

mercredi 22 novembre 2023

Comme une fièvre

L'ai-je déjà dit ? Peut-être. S'il fallait que je désigne quelques mots auxquels je tiens, je crois que l'utopie serait vraiment bien placée. Celle de Raymond Maufrais était d'explorer des zones peu défrichées. C'est ainsi qu'avant même ses vingt ans, il arpenta le Mato Grosso brésilien auprès des Chavantes, Indiens réputés hostiles aux Blancs...

Le film La vie pure revient sur les traces de cet homme, mais choisit de ne pas se consacrer à ses premières expéditions en Amérique latine. Le scénario ne retient que la dernière: un parcours en Guyane française, à destination du Brésil, avec l'idée de gravir les sommets mythiques des monts Tumuc-Humac (en fait une suite de collines). Parti au début de l'été 1949, Maufrais, ex-résistant, ne revint jamais de ce voyage. Ce que les historiens en savent toutefois aujourd'hui est issu d'un carnet qu'il laissa derrière lui et qui, lui, fut retrouvé. Épuisé et malade après des semaines de jungle, le jeune explorateur aurait achevé son périple en se jetant dans un fleuve, dans l'espoir insensé de dériver jusqu'à un village où il pourrait enfin être soigné. Vous l'aurez compris: le long-métrage évoque ce qui s'est passé avant. Il s'avère très touchant, sans déployer de grands moyens techniques. Et les scènes extérieures dévoilent bel et bien un territoire fascinant !

Ce récit est d'autant plus fort qu'il s'appuie sur un montage alterné. Entre deux scènes de jungle, il nous mène à Toulon, la ville d'origine de Maufrais. Nous y rencontrons sa mère et son père, un couple capable de laisser son enfant vivre son utopie, mais bien sûr inquiet de ne pas le voir revenir. Edgar vaudrait sûrement un film à lui seul ! Plutôt que de céder aux larmes, il mena au total dix-huit expéditions en douze ans et sur 12.000 kilomètres pour retrouver son fils. Point positif: La vie pure ne présente jamais cet acharnement paternel comme une banale lubie. À vrai dire, c'est surtout Raymond lui-même que la caméra filme, sans d'ailleurs porter le moindre jugement moral sur son entreprise et/ou sa dimension pathétique. Bon... je doute que de grosses sommes d'argent aient été investies sur ce tournage. Conséquence: les images ne sont pas toujours les plus spectaculaires. Cela ne m'a pas réellement dérangé, d'autant que le tout dernier plan m'a laissé le temps de vivre une belle émotion - et c'était nécessaire. Vous voulez en savoir plus ? Internet regorge d'éléments intéressants !

La vie pure
Film français de Jeremy Banster (2015)

Le parcours de Raymond Maufrais est édifiant et je suis heureux d'avoir pu le découvrir grâce au cinéma. Il le rapproche quelque peu de Christopher McCandless, le héros - malgré lui ! - de Into the wild. Dans l'idée d'une rencontre avec un peuple étranger, j'ai pensé aussi aux temps anciens et au destin de Percy Fawcett (The lost city of Z). Avant de décoller vers l'Afrique pour revoir Gabriel et la montagne...