lundi 16 juillet 2018

Sur les circuits

Le 15 est passé: je ne veux pas attendre que le 16 le soit aussi. Conséquence: comme d'habitude en milieu de mois, je donne la place à Joss. Elle souhaite encore vous parler de motos... et de deux films autour du Continental Circus ! Et je la laisse donc vous expliquer ça !

Quarante-deux ans les séparent. Et c'est justement ce recul qui rend la chose particulièrement intéressante. Pour clore un semestre de chroniques motocyclistes, j'ai choisi deux longs-métrages français de genre documentaire tout à fait exceptionnels. Non concurrents, mais complémentaires, ils offrent un témoignage unique sur la société des sportifs moto des années soixante-dix.

Sorti en 1972, sur une bande-son du groupe Gong, le film Continental Circus, de Jérôme Laperrousaz, porte le nom que donnaient les coureurs aux Championnats du Monde de vitesse moto des années seventies/eighties. "Circus" comme un cirque ou une foire qui se déplace de site en site, d'année en année, avec ses forains, ses véhicules, ses drapeaux, son spectacle. Et "Continental" parce que la totalité des courses avaient lieu en Europe et, surtout, en dehors de la Grande-Bretagne !

Le film raconte la quotidien d'un pilote de moto privé, l'Australien Jack Findlay (1935-2007), surnommé "le guerrier des circuits" par le journal Libération et assisté de sa compagne Nanou, durant la saison 1969. Ses deux machines: une 500 Matchless et une Jawa 350 quatre cylindres type 673, en remplacement de Bill Ivy, décédé lors des essais du Grand Prix d'Allemagne de l'Est. Les principales difficultés de ce pilote comme quasiment de tous les autres sont malgré tout d'ordre financier.

Les pilotes privés de l'époque ne subsistent que grâce aux primes gagnées lors des courses. Quant aux chutes, elles représentent une double perte financière, celles des dégâts sur la moto et du manque à gagner sur la prime. "Cinq semaines de convalescence, trois Grands Prix manqués, 1 000 livres perdues !", déclare la compagne du pilote australien. 

Bien entendu, la vie des pilotes d'usine est aux antipodes de celle des privés. Sur sa MV Agusta, le champion du monde italien Giacomo Agostini en est le témoin emblématique. Au terme d'une année de lutte, d'insupportables moments de détresse et de douleur, physique ou morale, mêlés à des joies intenses et échanges superbes de fraternité et d'amour, Jack Findlay remportera la cinquième place du Championnat, après trois chutes et autant de podiums. Belle prestation pour le pilote comme pour le film Continental Circus qui mérita le Prix Jean Vigo "pour sa qualité de réalisation et son indépendance d'esprit". Une sacrée page, historique et authentique.

Deuxième volet : "Dans la série Continental Circus, je voudrais le film !", ont dit certains. Et oui, sorti en 2014, le documentaire Il était une fois le Continental Circus reprend le contexte du même championnat, mais cette fois, après plus de quatre décennies, sous l'œil et la main experte de Bernard Fau, lui-même pilote de Grand Prix moto du Continental Circus, se déplaçant de ville en ville pour assurer un spectacle aussi poignant que dangereux. Trois heures durant (si, si !), ce réalisateur-cameraman-monteur mène de façon très artistique, totalement passionnante et carrément émouvante, les courses appelées ICCP, organisées par Eric Saul, un autre champion de la même veine. 

Des interviews de ses copains de la grande époque comme Giacomo Agostini, Christian Sarron… ou de la génération suivante comme celle de Jean-Louis Tournadre (premier champion du monde français en 1982 et qui abandonna tout définitivement un an après !) aux tours de piste de leurs emblématiques machines, des images d’archives de l'INA sur les années 70-80 couvrant les impressions des jeunes fougueux (dont certains y ont laissé la vie… Olivier Chevallier, Patrick Pons, Michel Rougerie, Barry Sheene), à celles des paddocks, départs, arrivées, podiums, des sportifs mythiques d'hier aux fascinants pilotes vintage qu'ils sont devenus, comme à ceux moins connus, souvent talentueux, et pour lesquels il était question de survivre financièrement, et aussi survivre tout simplement tant le danger était omniprésent à chaque compétition…

En résumé, c'est tout un univers qui reprend vie et dans lequel on ne s'ennuie jamais. Bien tourné et remarquablement monté, le film de Bernard Fau nous parle aussi de celui qu'il est, qui n'a jamais cessé de courir sur circuit, mais qui, faute de budget, a arrêté la haute compétition dès 1963, se tournant avec beaucoup de talent vers le cinéma : "Faute de titre, je rêvais de devenir le premier pilote-réalisateur !"

Un pari totalement réussi qu’ont soutenu la Fédération française de motocyclcisme, mais aussi des sponsors comme Eric de Seyne, à la tête de Yamaha Europe, et puis tant de passionnés par le biais d'une souscription sur le web, qui font parler le réalisateur d’un véritable "film de famille". Il était une fois le Continental Circus (www.bernardfau.com) continue à séduire partout dans les festivals de films de moto, comme par exemple au French Riviera Motorcycle Film Festival - premier festival français créé par Olivier Wagner - qui s'est tenu à Nice en mars dernier (www.frmff.com). Un (très) long-métrage qui s'engage encore à tenir en haleine pour longtemps. On appelle ça une référence, non ?

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Allo, allo, amies lectrices, amis lecteurs... vous êtes encore là ? N'attendez plus pour remercier Joss de sa contribution à ce blog ! J'espère la convaincre de rempiler en septembre. Vos commentaires sont rares, mais toujours très appréciés. Bref... je compte sur VOUS !

Petit rappel au cas où: Joss et la moto, c'était aussi...
- Un vieux film italien: Les fiancés de la mort,
- Un autre récent: Italian race (Veloce come il vento),
- Un court-métrage français: 1971, Motorcycle heart,
- Une gentille petite blague en images: Trois pêcheurs,
- Et une présentation générale sur le Festival déjà cité.

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