"Comment ? Tu me parles ? Que dis-tu ? Je ne te comprends pas !". Dignes d'un dialogue de sourds, ces phrases tout à fait imaginaires pourraient être la version française - et simplifiée - d'une réplique dans un film de Michelangelo Antonioni. Le maître italien (1912-2007) est connu comme le grand cinéaste de l'incommunicabilité ! Et donc...
On ne s'étonnera pas que, dans La nuit, il fasse le portrait d'un couple incapable de se parler et nous propose d'assister à sa déliquescence. Écrivain renommé, Giovanni (Marcelo Mastroianni) visite un confrère hospitalisé, en compagnie de son épouse, Lidia (Jeanne Moreau). S'efforçant de faire bonne figure, cette dernière refuse le champagne que le malade voudrait lui offrir et, très émue, quitte la chambre. Quand Giovanni fait de même, il est accosté par une jeune femme visiblement démente, en fait empressée... de faire l'amour avec lui ! Il se rend alors à une réception de lancement de son nouveau livre. Lidia, quant à elle, s'en échappe et rallie le quartier où ils vivaient après leur mariage. Le soir, ils vont dans un cabaret, puis à une fête mondaine. Antonioni, aussi patient et curieux qu'un entomologiste, examine les chemins qu'ils empruntent ensemble, ainsi que tous ceux qu'ils abordent chacun de leur côté, sans juger bon d'en aviser l'autre. Ce qui permet au spectateur de voir Milan sous plusieurs facettes. Vous rêviez d'un voyage d'agrément ? Vous n'êtes pas au bon endroit. Le film n'a rien de vraiment plaisant pour l'homo touristicus lambda...
On m'avait prévenu que j'allais me frotter à du cinéma "intellectuel". Pas faux - et son propos est évidemment beaucoup moins simpliste que le pseudo-verbiage que j'ai élaboré au début de cette chronique. La nuit a, en tout cas à mes yeux, quelques attributs de la tragédie classique: une unité de lieu (la capitale de la Lombardie), une unité de temps (quelques heures) et une unité d'action (la fin d'un amour). Saisis dans les filets du destin, les personnages se débattent à peine. Pire, peut-être: ils laissent de côté les rares nouvelles opportunités qui s'offrent à eux telles que, par exemple pour Giovanni, l'offre d'embauche d'un capitaine d'industrie - qui le rendrait moins tributaire de son succès littéraire et, du même coup, moins dépendant de Lidia. Les très beaux plans d'Antonioni découpent cette réalité au scalpel tout en composant une oeuvre à la froideur clinique, que la présence de la sublime Monica Vitti, muse du réalisateur, peine à réchauffer. Un bémol ? Non. La photo noir et blanc et les cadres sont splendides. J'ajoute que le film était reparti du Festival de Berlin avec l'Ours d'or !
La nuit (ou La notte)
Film franco-italien de Michelangelo Antonioni (1961)
Le long-métrage paie d'une demi-étoile sa relative aridité formelle. D'autres opus du même réalisateur sont un tantinet plus "accessibles" pour les profanes dont je fais partie - cela reste discutable, bien sûr. Antonioni reste cependant bien placé sur l'échelle du grand cinéma italien, quelque part entre Fellini (Les vitelloni) et De Sica (Il boom). Hésitants ? Essayez d'au moins laisser une petite chance aux acteurs !
On ne s'étonnera pas que, dans La nuit, il fasse le portrait d'un couple incapable de se parler et nous propose d'assister à sa déliquescence. Écrivain renommé, Giovanni (Marcelo Mastroianni) visite un confrère hospitalisé, en compagnie de son épouse, Lidia (Jeanne Moreau). S'efforçant de faire bonne figure, cette dernière refuse le champagne que le malade voudrait lui offrir et, très émue, quitte la chambre. Quand Giovanni fait de même, il est accosté par une jeune femme visiblement démente, en fait empressée... de faire l'amour avec lui ! Il se rend alors à une réception de lancement de son nouveau livre. Lidia, quant à elle, s'en échappe et rallie le quartier où ils vivaient après leur mariage. Le soir, ils vont dans un cabaret, puis à une fête mondaine. Antonioni, aussi patient et curieux qu'un entomologiste, examine les chemins qu'ils empruntent ensemble, ainsi que tous ceux qu'ils abordent chacun de leur côté, sans juger bon d'en aviser l'autre. Ce qui permet au spectateur de voir Milan sous plusieurs facettes. Vous rêviez d'un voyage d'agrément ? Vous n'êtes pas au bon endroit. Le film n'a rien de vraiment plaisant pour l'homo touristicus lambda...
On m'avait prévenu que j'allais me frotter à du cinéma "intellectuel". Pas faux - et son propos est évidemment beaucoup moins simpliste que le pseudo-verbiage que j'ai élaboré au début de cette chronique. La nuit a, en tout cas à mes yeux, quelques attributs de la tragédie classique: une unité de lieu (la capitale de la Lombardie), une unité de temps (quelques heures) et une unité d'action (la fin d'un amour). Saisis dans les filets du destin, les personnages se débattent à peine. Pire, peut-être: ils laissent de côté les rares nouvelles opportunités qui s'offrent à eux telles que, par exemple pour Giovanni, l'offre d'embauche d'un capitaine d'industrie - qui le rendrait moins tributaire de son succès littéraire et, du même coup, moins dépendant de Lidia. Les très beaux plans d'Antonioni découpent cette réalité au scalpel tout en composant une oeuvre à la froideur clinique, que la présence de la sublime Monica Vitti, muse du réalisateur, peine à réchauffer. Un bémol ? Non. La photo noir et blanc et les cadres sont splendides. J'ajoute que le film était reparti du Festival de Berlin avec l'Ours d'or !
La nuit (ou La notte)
Film franco-italien de Michelangelo Antonioni (1961)
Le long-métrage paie d'une demi-étoile sa relative aridité formelle. D'autres opus du même réalisateur sont un tantinet plus "accessibles" pour les profanes dont je fais partie - cela reste discutable, bien sûr. Antonioni reste cependant bien placé sur l'échelle du grand cinéma italien, quelque part entre Fellini (Les vitelloni) et De Sica (Il boom). Hésitants ? Essayez d'au moins laisser une petite chance aux acteurs !