Est-ce la station balnéaire d'Ostie, au sud de l'embouchure du Tibre ? Ou bien, plus au nord, serait-ce Rimini, sa ville natale, sur le littoral adriatique ? Peu importe. C'est en tout cas dans un paysage familier que Federico Fellini tourna son deuxième film en solo: Les vitelloni. Et l'héritage du néoréalisme reculait déjà un peu face à sa fantaisie...
Cinq jeunes hommes désoeuvrés seront mes protagonistes du jour. Moins de dix ans après la fin du fascisme, Moraldo, Alberto, Fausto, Leopoldo et Riccardo forment un groupe soudé, mais pas homogène. Loin de l'engagement de leurs pères, ils passent de longues journées oisives à errer et à séduire les femmes (ou à s'y essayer, du moins). Cela leur paraît normal, sachant qu'on les laisse plus ou moins faire. D'ailleurs, ce ne sont pas les spectateurs qui y trouveront à redire. Sous la caméra du maestro Fellini, cette vie paraît presque enviable. Dans toute la première partie du film, il est question de s'a-mu-ser ! Le désenchantement arrivera ensuite, après une soirée de carnaval...
C'est connu: le plaisir de la vie, c'est toujours mieux à au moins deux. Or, à mesure que le temps passe et que les bons copains des débuts vieillissent, la bande est fragilisée par des comportements et intérêts divergents. Ainsi, d'avoir épousé Sandra qu'il a mise enceinte, Fausto déprime ! Il aura tôt fait de reprendre ses habitudes de type bravache et désinvolte, perdant même son travail dans de tristes aventures. Moraldo, lui, qui était déjà venu au secours d'un Alberto qu'un abus d'alcool avait rendu agressif, tentera encore de "sauver les meubles". Las ! En dépit de ses efforts, Les vitelloni commence à s'assombrir. De l'humour toujours, mais le ton du film évolue assez radicalement...
Derrière les sourires de façade, il y a en fait beaucoup de mélancolie. Plusieurs raisons peuvent l'expliquer, mais je n'en privilégie aucune. Malgré certains aspects autobiographiques, le film laisse chacun libre des conclusions qu'il tire du récit: il n'est ni moralisateur, ni univoque. Souvent, les images parlent d'elles-mêmes, mais les cinq personnages principaux s'avèrent si différents les uns des autres que la désillusion semble pouvoir frapper n'importe qui, à n'importe quel moment. Résultat: à des degrés variés, nous pouvons tous nous y reconnaître. C'est possiblement ce qui explique que cet opus reçut un Lion d'argent à Venise. Et fut ensuite le premier succès de son auteur à l'étranger...
Vous constaterez que chez Fellini, et ce n'est pas qu'une métaphore subtile, il y a ceux qui restent à quai et ceux qui prennent le train. Pour exister et avoir un vrai sens, la "réussite" passe par un départ. Chose qui m'a surpris: dans Les vitelloni, il est également suggéré que garder l'espoir n'est peut-être qu'une question de génération. Cette fois encore, chacun interprétera ce qu'il verra à sa manière. J'aime ce cinéma qui illustre et, cependant, n'impose aucun discours préétabli: j'y vois une forme d'humanisme à laquelle je suis sensible. De toute évidence, elle contribue grandement à mon amour de l'Italie. Soyez dès lors bien (r)assurés sur un fait: je n'ai pas fini d'y revenir...
Les vitelloni
Film italien de Federico Fellini (1953)
Ce beau titre intraduisible fut pourtant traduit: Les inutiles (bof...). Passons sur ce point et retenons qu'il est déjà nettement moins rieur que le précédent de son auteur: Le cheik blanc - avec, déjà, ce duo d'acteurs majeurs que constituent Alberto Sordi et Leopoldo Trieste. Un excellent film, avant les merveilleux La strada et La dolce vita. NB: d'autres perles sont à redécouvrir en section "Cinéma du monde" !
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Une anecdote personnelle...
Ce film m'a appris qu'avant les César, il existait déjà une cérémonie française dédiée au cinéma: les Étoiles de cristal (de 1955 à 1975). Les vitteloni restera comme le premier lauréat du Prix international.
Et pour finir, d'autres liens intéressants...
Il n'en a pas tiré une chronique, mais je sais que notre ami Eeguab demeure attaché à ce film. Strum l'est aussi - et a priori plus que Lui.
Cinq jeunes hommes désoeuvrés seront mes protagonistes du jour. Moins de dix ans après la fin du fascisme, Moraldo, Alberto, Fausto, Leopoldo et Riccardo forment un groupe soudé, mais pas homogène. Loin de l'engagement de leurs pères, ils passent de longues journées oisives à errer et à séduire les femmes (ou à s'y essayer, du moins). Cela leur paraît normal, sachant qu'on les laisse plus ou moins faire. D'ailleurs, ce ne sont pas les spectateurs qui y trouveront à redire. Sous la caméra du maestro Fellini, cette vie paraît presque enviable. Dans toute la première partie du film, il est question de s'a-mu-ser ! Le désenchantement arrivera ensuite, après une soirée de carnaval...
C'est connu: le plaisir de la vie, c'est toujours mieux à au moins deux. Or, à mesure que le temps passe et que les bons copains des débuts vieillissent, la bande est fragilisée par des comportements et intérêts divergents. Ainsi, d'avoir épousé Sandra qu'il a mise enceinte, Fausto déprime ! Il aura tôt fait de reprendre ses habitudes de type bravache et désinvolte, perdant même son travail dans de tristes aventures. Moraldo, lui, qui était déjà venu au secours d'un Alberto qu'un abus d'alcool avait rendu agressif, tentera encore de "sauver les meubles". Las ! En dépit de ses efforts, Les vitelloni commence à s'assombrir. De l'humour toujours, mais le ton du film évolue assez radicalement...
Derrière les sourires de façade, il y a en fait beaucoup de mélancolie. Plusieurs raisons peuvent l'expliquer, mais je n'en privilégie aucune. Malgré certains aspects autobiographiques, le film laisse chacun libre des conclusions qu'il tire du récit: il n'est ni moralisateur, ni univoque. Souvent, les images parlent d'elles-mêmes, mais les cinq personnages principaux s'avèrent si différents les uns des autres que la désillusion semble pouvoir frapper n'importe qui, à n'importe quel moment. Résultat: à des degrés variés, nous pouvons tous nous y reconnaître. C'est possiblement ce qui explique que cet opus reçut un Lion d'argent à Venise. Et fut ensuite le premier succès de son auteur à l'étranger...
Vous constaterez que chez Fellini, et ce n'est pas qu'une métaphore subtile, il y a ceux qui restent à quai et ceux qui prennent le train. Pour exister et avoir un vrai sens, la "réussite" passe par un départ. Chose qui m'a surpris: dans Les vitelloni, il est également suggéré que garder l'espoir n'est peut-être qu'une question de génération. Cette fois encore, chacun interprétera ce qu'il verra à sa manière. J'aime ce cinéma qui illustre et, cependant, n'impose aucun discours préétabli: j'y vois une forme d'humanisme à laquelle je suis sensible. De toute évidence, elle contribue grandement à mon amour de l'Italie. Soyez dès lors bien (r)assurés sur un fait: je n'ai pas fini d'y revenir...
Les vitelloni
Film italien de Federico Fellini (1953)
Ce beau titre intraduisible fut pourtant traduit: Les inutiles (bof...). Passons sur ce point et retenons qu'il est déjà nettement moins rieur que le précédent de son auteur: Le cheik blanc - avec, déjà, ce duo d'acteurs majeurs que constituent Alberto Sordi et Leopoldo Trieste. Un excellent film, avant les merveilleux La strada et La dolce vita. NB: d'autres perles sont à redécouvrir en section "Cinéma du monde" !
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Une anecdote personnelle...
Ce film m'a appris qu'avant les César, il existait déjà une cérémonie française dédiée au cinéma: les Étoiles de cristal (de 1955 à 1975). Les vitteloni restera comme le premier lauréat du Prix international.
Et pour finir, d'autres liens intéressants...
Il n'en a pas tiré une chronique, mais je sais que notre ami Eeguab demeure attaché à ce film. Strum l'est aussi - et a priori plus que Lui.
6 commentaires:
Jamais vu (shame on me) mais tu donnes envie.
J'ai toujours pensé que Les Vitelloni étaient un nom de famille (avec cette manie de mettre des majuscules au 1er mot des titres souvent).
Mes recherches m'ont menée à ceci :
La traduction littérale du titre italien serait « Les gros veaux ». Avec ce film, Fellini inventa un néologisme. Le mot vitelloni est passé dans le langage courant pour désigner des jeunes gens fainéants, sans métier, sans projet, des grands adolescents qui vivent aux crochets de leurs parents.
La traduction française est moche mais pas totalement délirante.
"Che vergogna !" me semble plus indiqué que "Shame on me", pour le coup.
Je t'envie presque d'avoir ce film à rattraper. Federico Fellini, c'est toujours du grand art !
La traduction, je la zappe, même s'il faudrait dire "I vitelloni" pour être tout à fait précis.
Avant de voir le film, je croyais aussi qu'il s'agissait d'un nom de famille. Grossière erreur...
Si je donne envie, c'est super ! J'en ai profité pour rétablir partout le V minuscule du nom commun.
Hello Martin. Pour moi l'un des plus beaux films non seulement de Fellini, non seulement de l'Italie, mais de toute l'histoire du cinéma. Vraiment. Et ces perdants magnifiques, ces histrions pathétiques, ces ratés sublimes sont inoubliables.
Désolé, encore oublié de lever mon anonymat (relatif). A bientôt.
Tu les as tous vus, les Fellini ? Moi, parmi mes découvertes, j'ai un faible pour "Les nuits de Cabiria".
Par ailleurs, je suis tout à fait d'accord avec toi sur le double côté magnifique et pathétique de ces cinq-là.
Je redoute le jour où je n'aurai plus de film du grand Federico à découvrir. Mais je ne sais pas encore quel sera mon prochain...
Merci d'avoir précisé les choses (même si je n'avais guère de doute).
Je suis ravi que tu aies commenté cette chronique, toi, mon maître ès-cinéma italien.
Oui, à bientôt !
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