vendredi 11 février 2011

Ne réfléchissez pas: plongez !

Une chronique de Silvia Salomé

Et cette invitation c’est à Luc Besson que vous la devez ! Avec Le grand bleu, il vous propose de plonger sans retenue dans la vie de Jacques Mayol et d’Enzo Maiorca, deux célèbres apnéistes (c’est une libre adaptation de leurs parcours). Après avoir partagé leur enfance dans les années 60 en Grèce, et avec surtout une dévotion totale pour la mer, les deux garçons se perdent de vue. Pour mieux se retrouver dans les eighties, en Sicile, à Taormina plus précisément, pour un championnat du monde d’apnée. Pas convaincu(e)s ? Ecoutez Rosanna Arquette qui vous susurre à l’oreille son mythique : « Go and see my love ! »

La force du Grand bleu, c’est aussi un pari : faire un film qui parle de la mer et de l’amour que l’on peut ressentir pour elle. Grâce à ses personnages, deux rois de l’apnée très connus, Luc Besson nous plonge dans cet univers passionnant. Pour l’aider dans sa mission, précisons que Jacques Mayol, le vrai, a été conseillé technique sur le tournage - une anecdote à son sujet qui a son importance: il a réussi à communiquer avec les dauphins. Ce qui n’a pas été le cas de son collègue, Enzo Maiorca. Bien au contraire, il est un farouche opposant au film: il ne l’a pas apprécié et a même entamé une procédure en diffamation. D’ailleurs, dans la version ciné de sa vie, il deviendra Enzo Molinari ! Pour la petite histoire, sachez que les Italiens ont été les grands perdants de cette bataille judiciaire: pendant quatorze longues années, la sortie du film est bloquée ! Ce n’est qu’en 2002 que nos amis transalpins découvrent Le grand bleu sur grand écran. Et encore, la version qu’on leur propose a été tronquée, notamment la scène où Enzo Molinari, alias Jean Reno, se fait payer pour sauver la vie d’un homme qui est en train de se noyer !

Mais hormis ces points divergents, la substance même du film est identique. Les acteurs d’abord ! Bien sûr, ils contribuent aussi très largement au succès du film. Après avoir essuyé plusieurs refus pour jouer Jacques Mayol, notamment celui de Christophe Lambert (ouf !) qui préfère jouer dans Le Sicilien de Michael Cimino, de Mickey Rourke qui avoue avoir peur de plonger en apnée ou encore Mel Gibson (dommage !), Luc Besson décide de lancer un casting: c’est là qu’il rencontre un parfait inconnu, Jean-Marc Barr, pour notre plus grand bonheur, les filles ! Il est impeccable dans ce rôle: à la fois timide et fragile, déterminé et fort, doux et passionné, il explose carrément sur le grand écran. Une nuance tout de même, le record de descente en apnée de Mayol, le vrai, était de 105 mètres, une limite considérée comme absolue. Dans le film, Besson fait descendre son avatar, si j’ose dire, à 120 mètres. Aujourd’hui, ces records, réel et fictif, ont été pulvérisés dans une discipline que les puristes appellent l’apnée no limit avec l’Autrichien Herbert Nitsch, qui est descendu à 214 mètres, en juin 2007 !

Jean-Marc Barr partage l’affiche avec le très charismatique Jean Reno, qui connaît bien Luc Besson. Il a déjà tourné avec lui, L’avant-dernier (un court-métrage), Le dernier combat et Subway (par la suite, ils multiplient leurs excellentes collaborations). Jean Reno donne une incroyable prestance à son personnage, Enzo Molinari. Par son physique bien sûr: c'est un grand gaillard, qui impose le respect au premier regard. Mais aussi et surtout par sa voix: gâté par la nature, l’acteur a un timbre grave, une voix qui porte, mais qu’il sait aussi moduler à la demande, pour la rendre douce ou au contraire sévère. Autre atout pour Jean Reno, son regard ! Tout passe par ses yeux: sa détermination, ses peines, son désespoir, même lorsqu’il joue la comédie du bonheur, ce sont ses mirettes qui le trahissent !

Le casting est complété par une jolie équipe: Rosanna Arquette, inoubliable dans son rôle de Johanna Baker, l’amoureuse éperdue de Mayol. Elle est tellement craquante avec son petit accent américain ! J’ai aussi beaucoup aimé Marc Duret qui interprète le fidèle acolyte de Molinari, Roberto. Leur duo fonctionne à merveille: tordant pour nous faire rire, ils vont vivre quelques aventures épiques et cocasses. Je me souviens d’une certaine Fiat 500, conduite par Enzo, dont la tête sort par le toit ouvrant du véhicule ! Ou encore des gaffes du pauvre Roberto ! Ils sont également très forts dans le registre de l’émotion: une véritable amitié les lie. Et Roberto voue une grande admiration à son cousin: il souffre donc pour lui ! Sans oublier bien sûr, l’oncle Louis immortalisé par Jean Bouise. D’autres personnages se joignent à eux, pour le découvrir ou les redécouvrir, vous savez ce qu’il vous reste à faire !

Sachez que pour tous les acteurs et les techniciens, le tournage n’a pas été de tout repos. De la Grèce au Pérou, en passant par l’Italie, ils ont dû subir des conditions climatiques extrêmes. Sans oublier, qu’aucun des acteurs n’a été doublé pour les scènes de plongée (on comprend mieux les appréhensions de Mickey Rourke !): ils effectuaient une quinzaine de descentes par jour ! Au total, deux cent dix personnes ont été mobilisées pendant les neuf de tournage. Il aura fallu huit mois supplémentaires pour monter le film !

Autres stars du film: les dauphins évidemment. Et sans aucun doute, quand j’étais enfant, ce sont eux qui m’ont fait aimée ce film, avant même que je le vois ! «Un film avec des dauphins, c’est forcément bien !», ai-je dû penser un bon millier de fois ! Il est clair que les scènes avec ses majestueux animaux sont magiques. Ils sont tellement beaux, épris de liberté, gentils. Hélas, le film n’a pas eu la même prise de conscience sur le public que Sauvez Willy et ses orques, mais on a quand même une furieuse envie de libérer tous les dauphins oppressés des parcs aquatiques ! Pour la petite histoire, le dauphin qui hypnotise Jacques Mayol est en réalité une delphine qui, ironie du sort, passe sa retraite au Marineland d’Antibes. C’est Joséphine et elle est reconnaissable grâce à ses yeux bridés, une caractéristique assez rare semble-t-il. Cette femelle a été capturée au large de Rockport (Palacios Point, proche du Texas). Elle a eu deux delfineaux, un petit Eclair en 1990, et une petite Manon en 1993.

Le grand bleu
Film franco-américano-italien de Luc Besson (1988)
Encore un film dont je me souviens parfaitement de ma première rencontre avec lui ! Cannes 1988: Le grand bleu fait l’ouverture du prestigieux festival. Bilan: les critiques descendent l’œuvre de Luc Besson ! Moi, du haut de mes 9 ans, je ne comprends pas que l’on puisse critiquer un film parlant de dauphins ! Je vois encore les expressions du visage de Luc Besson: incompréhension, frustration et surtout beaucoup de peine et de colère ! Et la critique a la dent dure, car à cause d’eux, j’ai été interdite de Grand bleu, enfin, jusqu’à sa diffusion à la télévision. Ce qui devait arriver arriva: comme des millions des spectateurs, j’ai succombé au film, même si je n’en avais pas saisi toutes les subtilités. Pour entendre toute sa poésie, il faut être un «grand» ! Depuis, j’ai vu et revu ce film, qui, pour moi est cultissime. Je le connais par cœur, et les émotions sont toujours là, même après plus de deux décennies ! Loin de se rallier à la sacro-sainte critique, les spectateurs se sont rués dans les salles obscures pour voir ce film: 9,2 millions de spectateurs, rien que pour l’Hexagone ! Luc Besson a même dû ressortir le film avec une version rallongée de plusieurs dizaines de minutes. Sur l’affiche, il a ajouté aussi un cinglant et efficace: «N’y allez pas, ça dure 3h !». Pourtant, le public y est allé et a récidivé ! L’année qui a suivi sa sortie, Le grand bleu est nominé huit fois aux Césars. Et aujourd’hui, je ne compte pas les millions de DVD vendus. Moi-même, j’en ai plusieurs exemplaires ! À ce succès s’ajoute un carton au niveau de la bande originale: un chef d’œuvre signé Eric Serra, vendu à plus de trois millions d’exemplaires dans le monde ! Bien sûr, j’ai le mien, en version double CD, sinon, ce n’est pas drôle ! La musique de Serra est un pur moment de magie, qui contribue sans aucun doute à la force du film ! C’est ce que l’on appelle un film générationnel !

Pour un autre avis sur le même film...
Vous pouvez relire une ancienne chronique de Martin.

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