Une chronique de Martin
La première redif' de l'année, mais quelle redif' ! Après l'avoir découvert sur... VHS, il y avait déjà quelque temps que j'avais envie de revoir Sur mes lèvres, thriller de Jacques Audiard, fils de Michel. J'en gardais le souvenir d'un bon moment de cinéma et, s'il me reste le regret de ne pas l'avoir vécu en salles, je dois dire sans attendre que ma mémoire ne me trompait pas. J'ai de nouveau pu savourer cette perle noire à la française, scintillant du feu de ses interprètes principaux, Emmanuelle Devos et Vincent Cassel. L'une et l'autre parviennent à ne pas se voler la vedette: ensemble, ils forment vite un couple tout à la fois improbable et convaincant. Chapeau !
L'histoire ? C'est celle de Carla, une fille à moitié sourde qui bosse comme secrétaire polyvalente - j'aurais pu dire bonne à tout faire - dans un cabinet BTP qu'on peut imaginer parisien. Débordée, ignorée par ses collègues, moquée par ses supérieurs hiérarchiques, elle a simplement la possibilité de recruter un stagiaire. À une nana quelconque de l'ANPE, elle explique en substance qu'elle cherche avant tout quelqu'un qui présente bien. Quand Paul débarque finalement au bureau, on comprend que Sur mes lèvres ne sera pas qu'un banal film sur le stress au travail. Mais que le nouveau, à peine sorti de prison, risque fort de créer d'autres embrouilles. Vraiment ?
Tout le talent de Jacques Audiard, c'est de très rapidement inverser la perspective. Les pourris ne sont pas forcément ceux qu'on croit, pas plus d'ailleurs que les plus vulnérables. Je l'ai suggéré, je le dis plus clairement: l'efficacité du film doit d'abord beaucoup au duo Emmanuelle Devos / Vincent Cassel. L'ambiance de Sur mes lèvres est avant tout le résultat de leur capacité à rendre leurs personnages crédibles. Cela posé, il convient d'aller plus loin, histoire de dire notamment que le métrage vit également de son implacable scénario de film noir, ainsi que grâce à l'oeil du réalisateur derrière la caméra. Beaucoup de choses sont dites sans qu'un mot soit prononcé, l'ensemble de ces choses mises bout à bout s'avérant saisissant. Oeuvre "coup de poing", donc, peut-être juste un poil trop longue dans sa deuxième partie, pour ce qui mène à sa glaciale conclusion.
Sur mes lèvres
Film français de Jacques Audiard (2001)
Le réalisateur est l'un des chouchous de la critique: il le mérite amplement. Son indéniable maîtrise formelle s'accompagne généralement d'une grande vigueur de fond. Sans être 100% original dans ce qu'il raconte, il connaît ses classiques et parvient parfaitement à les transcender sur la base de scénarios bien ficelés. Il faudra que je me décide à parler d'autres de ces films, par exemple De battre mon coeur s'est arrêté, celui qui a emmené Romain Duris vers des personnages nettement plus sombres que ceux qu'il avait l'habitude de jouer jusqu'alors, chez Cédric Klapisch notamment. Quant à Un prophète, qui récolta quelques Césars l'an passé, je dois encore le découvrir. Qui sait ? Ce sera peut-être pour bientôt.
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