mercredi 26 mars 2025

Ils plient, mais...

Au début de ce mois, après les César et la consécration (attendue ?) d'Emilia Pérez, je me suis souvenu que j'avais la possibilité concrète de découvrir plusieurs films primés qui m'étaient encore inconnus. C'est un souvenir adolescent qui m'a d'abord poussé vers Les roseaux sauvages. L'occasion aussi d'un peu mieux connaître André Téchiné...

1962. La fin de la guerre d'Algérie approche. Le réalisateur-scénariste nous embarque vers le Lot-et-Garonne, où un groupe de garçons s'apprête à passer le bac. La relative douceur du printemps aquitain réveille aussi leur soif de vie et leurs diverses envies amoureuses. Comment s'aimer, justement, quand la France traverse des heures sombres et se divise sur le devenir de ses toutes dernières colonies ? Que comprendre quand on est à des kilomètres du lieu des combats ? Les roseaux sauvages pose intelligemment ces questions cruciales. Dans le - magnifique - cadre naturel du film, une partie de l'avenir s'écrit pour des jeunes incertains, souvent emplis de contradictions. Proche d'eux, la caméra capte au mieux leurs émotions et les sublime pour rendre parfois leurs attitudes et questionnements universels. Discrète mais omniprésente, Élodie Bouchez tient un rôle-révélation que ceux qui l'ont repérée n'ont sûrement pas oublié. Un talent brut...

Beaucoup de ce qui a trait à la jeunesse de ce début des années 1960 est, de fait, très beau dans Les roseaux sauvages. J'ose même dire que toute la fin du film est magnifique, où des regards se croisent avant que des corps ne se frôlent, un temps oublieux de l'attente angoissée d'un résultat scolaire (et d'éventuels départs vers l'ailleurs). Le film n'est pas parfait pour autant: il nous présente un personnage d'enseignante, par exemple, qui ne m'aura qu'à moitié convaincu. Peut-être ce développement est-il dû à l'origine même de ce projet d'auteur: avant d'inventer un vrai film de cinéma, André Téchiné répondait à une commande d'Arte, dans un format un peu plus court. Je laisse pour l'heure à chacun le soin de se renseigner sur ce point. Je me contenterai donc de retenir ce qui m'a ému personnellement. J'imagine qu'on apprécie d'autant plus ce lumineux long-métrage quand on a une petite idée de sa facette sombre et des "événements d'Algérie" qu'il évoque - sans jamais en montrer la moindre image. Point de crainte: le récit reste accessible ! Et oui, très actuel, aussi...

Les roseaux sauvages
Film français d'André Téchiné (1994)

Je tempère mon enthousiasme, c'est vrai, mais je garde le positif dans un film proche des deux heures de métrage. Un César mérité ! Les jeunes de 2025, vus dans Eat the night, pourraient s'y retrouver. Bien des films ont été faits avec cet éveil à l'existence comme toile de fond. Exemples récents, Shéhérazade, Les passagers de la nuit ou Sans Coeur rendent tous compte de sa belle et franche diversité...

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Et maintenant, pour conclure et en quelques clics...

Vous trouverez les avis de "L'oeil sur l'écran" et/ou celui de Benjamin.

4 commentaires:

Pascale a dit…

Bizarrement je ne l'ai jamais vu.

Martin a dit…

Comme tu le dis parfois, on ne peut pas tout voir.
Mais peut-être auras-tu l'occasion un jour, lors d'un festival par exemple.

Pascale a dit…

C'est une vraie lacune car ce film est souvent cité je trouve.
Je ne comprends pas comment il a pu m'échapper, d'autant que j'ai regardé la filmo de Téchiné, ce doit être le seul qui me manque. Ou alors je l'ai vu et n'en ai gardé aucun souvenir...

Martin a dit…

Une hypothèse : tu l'as vu, il t'a déçu et du coup, tu l'as oublié.
Ou alors, c'est tout simplement que tu n'as pas pu le voir à sa sortie et que du coup... oublié aussi.

Ce sont des choses qui arrivent. Même si, effectivement, j'ai l'impression que c'est l'un des Téchiné les plus cités.