Je dirais de The brutalist qu'il est un film imposant. Du grand cinéma made in USA, porté par l'interprétation aussi magistrale que fiévreuse d'Adrien Brody, bientôt 52 ans, dans le rôle principal (Oscar à la clé). Je n'avais jamais retenu le nom de Brady Corbet acteur. Coscénariste et réalisateur, il déconstruit ici le rêve américain. Un peu plus encore.
Son "héros" s'appelle László Tóth - avec accents hongrois de rigueur. Nous sommes vers 1945. Rescapé de Buchenwald, il débarque un jour à New York depuis les cales d'un bateau, encore totalement étranger au territoire qu'il découvre. Il veut croire que sa femme et sa nièce parviendront à le rejoindre, elles qui ont aussi survécu à l'horreur nazie - bien que prisonnières du camp de Dachau (ouvert dès 1933). László trouve refuge chez un cousin, Attila, qui a gommé son nom d'origine pour mieux se fondre dans le grand tout qu'est Philadelphie. Il fait rapidement des affaires avec ce parent, mais cela ne dure pas. Quand l'un de ses riches clients découvre qu'il était un architecte réputé avant la guerre, il l'embauche à nouveau pour le projet XXL d'un centre communautaire dédié à la mémoire de sa mère. On se dit que la bataille des egos ne fait alors que commencer... et la suite vous le confirmera, avec grandiloquence. Un film imposant, disais-je.
Découpé en plusieurs époques, The brutalist est une reconstitution soignée de ces temps révolus (les années 50 étant le plus marquant). Je ne vois rien à reprocher au film sur le plan visuel et esthétique. Forme toujours, l'environnement sonore - sons et surtout musique - constitue une vraie réussite. Les trois heures et demie de projection, entrecoupées d'un quart d'heure d'entracte, passent donc sans ennui. Elles réclament cependant du spectateur une certaine concentration. J'ai choisi la version originale: le nombre et la densité des dialogues n'ont pas été loin, parfois, de me faire "perdre le fil". L'introduction d'un nouveau personnage central s'effectue à peu près à mi-parcours. Quand on arrive à passer ce cap, on a sans doute fait le plus dur. Même si, à chaud, je crois bien que j'ai préféré la première heure. J'aimerais éviter de trop en dire, mais on est ici dans un schéma classique d'ascension et de chute. Avec échos au monde d'aujourd'hui.
Et les interprétations ? Je l'ai suggéré dès le préambule: Adrien Brody fait des étincelles et n'a pas volé son Oscar. Il faut juste admettre que tout tourne autour de lui, du titre aux conclusions de l'épilogue. Felicity Jones, la comédienne britannique qui joue Erzsébet, la femme et muse de László, semble parfois presque en retrait. C'est logique. On pourrait presque lire le scénario comme le récit d'amours tragiques et contrariées. Âmes très sensibles, vous voilà ainsi donc prévenues. Également en tête d'affiche, l'Australien Guy Pearce se sort très bien du rôle du soi-disant mécène: vous allez sûrement adorer le détester. Je passe sur les autres, concernés mais assez secondaires: Joe Alwyn, Stacy Martin, Ariane Labed et Isaach de Bankolé (revu avec plaisir). Aux Oscars, ils ont été bredouilles. Daniel Blumberg pour la musique et Lol Crawley pour la photo, eux, ont chacun remporté leur statuette. Dix nominations et trois récompenses: certains ont parlé d'un échec...
Mais pas moi ! Je l'ai dit et le répète: The brutalist m'a intéressé. Parce que c'est aussi une histoire sordide, je peine à dire que le film m'a véritablement plu. Ses grandes qualités narratives et formelles m'attachent à l'écran, oui, a fortiori parce qu'au cinéma, il est géant. Jouer sur la petitesse de l'être humain face à son environnement immédiat et dangereux marque mon esprit (féru d'art et citoyen). Résultat: je ne peux pas occulter la dimension politique du dispositif. Je ne le souhaite pas non plus: certaines de mes réserves sur le film me semblent y trouver leur source. Bon... on échappe heureusement au brûlot 100% militant et manichéen, que j'aurais sûrement rejeté. J'espère que ce long-métrage trouvera sa juste place dans la mémoire collective du cinéma américain et, au-delà, du cinéma international. Malgré ma légère retenue, je le vois volontiers comme une oeuvre essentielle de ce début de 21ème siècle. Il en est d'autres à (re)voir...
Son "héros" s'appelle László Tóth - avec accents hongrois de rigueur. Nous sommes vers 1945. Rescapé de Buchenwald, il débarque un jour à New York depuis les cales d'un bateau, encore totalement étranger au territoire qu'il découvre. Il veut croire que sa femme et sa nièce parviendront à le rejoindre, elles qui ont aussi survécu à l'horreur nazie - bien que prisonnières du camp de Dachau (ouvert dès 1933). László trouve refuge chez un cousin, Attila, qui a gommé son nom d'origine pour mieux se fondre dans le grand tout qu'est Philadelphie. Il fait rapidement des affaires avec ce parent, mais cela ne dure pas. Quand l'un de ses riches clients découvre qu'il était un architecte réputé avant la guerre, il l'embauche à nouveau pour le projet XXL d'un centre communautaire dédié à la mémoire de sa mère. On se dit que la bataille des egos ne fait alors que commencer... et la suite vous le confirmera, avec grandiloquence. Un film imposant, disais-je.
Découpé en plusieurs époques, The brutalist est une reconstitution soignée de ces temps révolus (les années 50 étant le plus marquant). Je ne vois rien à reprocher au film sur le plan visuel et esthétique. Forme toujours, l'environnement sonore - sons et surtout musique - constitue une vraie réussite. Les trois heures et demie de projection, entrecoupées d'un quart d'heure d'entracte, passent donc sans ennui. Elles réclament cependant du spectateur une certaine concentration. J'ai choisi la version originale: le nombre et la densité des dialogues n'ont pas été loin, parfois, de me faire "perdre le fil". L'introduction d'un nouveau personnage central s'effectue à peu près à mi-parcours. Quand on arrive à passer ce cap, on a sans doute fait le plus dur. Même si, à chaud, je crois bien que j'ai préféré la première heure. J'aimerais éviter de trop en dire, mais on est ici dans un schéma classique d'ascension et de chute. Avec échos au monde d'aujourd'hui.
Et les interprétations ? Je l'ai suggéré dès le préambule: Adrien Brody fait des étincelles et n'a pas volé son Oscar. Il faut juste admettre que tout tourne autour de lui, du titre aux conclusions de l'épilogue. Felicity Jones, la comédienne britannique qui joue Erzsébet, la femme et muse de László, semble parfois presque en retrait. C'est logique. On pourrait presque lire le scénario comme le récit d'amours tragiques et contrariées. Âmes très sensibles, vous voilà ainsi donc prévenues. Également en tête d'affiche, l'Australien Guy Pearce se sort très bien du rôle du soi-disant mécène: vous allez sûrement adorer le détester. Je passe sur les autres, concernés mais assez secondaires: Joe Alwyn, Stacy Martin, Ariane Labed et Isaach de Bankolé (revu avec plaisir). Aux Oscars, ils ont été bredouilles. Daniel Blumberg pour la musique et Lol Crawley pour la photo, eux, ont chacun remporté leur statuette. Dix nominations et trois récompenses: certains ont parlé d'un échec...
Mais pas moi ! Je l'ai dit et le répète: The brutalist m'a intéressé. Parce que c'est aussi une histoire sordide, je peine à dire que le film m'a véritablement plu. Ses grandes qualités narratives et formelles m'attachent à l'écran, oui, a fortiori parce qu'au cinéma, il est géant. Jouer sur la petitesse de l'être humain face à son environnement immédiat et dangereux marque mon esprit (féru d'art et citoyen). Résultat: je ne peux pas occulter la dimension politique du dispositif. Je ne le souhaite pas non plus: certaines de mes réserves sur le film me semblent y trouver leur source. Bon... on échappe heureusement au brûlot 100% militant et manichéen, que j'aurais sûrement rejeté. J'espère que ce long-métrage trouvera sa juste place dans la mémoire collective du cinéma américain et, au-delà, du cinéma international. Malgré ma légère retenue, je le vois volontiers comme une oeuvre essentielle de ce début de 21ème siècle. Il en est d'autres à (re)voir...
The brutalist
Film britannico-hongro-américain de Brady Corbet (2024)
Beaucoup de très belles choses dans ce film... qui m'a trop bousculé pour que je lui accorde une note supérieure. Certaines situations m'ont paru surlignées (ou quelques scènes déjà entrevues ailleurs). Une partie de la projection, j'ai pensé à La porte du paradis, un film comparable par sa longueur et ses enjeux, mais honni en son temps. Allez... je préfère ce Brady Corvet au The immigrant de James Gray !
----------
Il faut quand même que j'ajoute une dernière chose...
Le film n'aurait coûté "que" dix millions de dollars américains environ. Une somme folle ? Oui, mais sur de nombreuses grosses productions hollywoodiennes actuelles, on facture plutôt en centaines de millions !
Et bien sûr, d'autres points de vue s'expriment sur la toile...
Vous y trouverez notamment ceux de Pascale, Dasola et Princécranoir.
Film britannico-hongro-américain de Brady Corbet (2024)
Beaucoup de très belles choses dans ce film... qui m'a trop bousculé pour que je lui accorde une note supérieure. Certaines situations m'ont paru surlignées (ou quelques scènes déjà entrevues ailleurs). Une partie de la projection, j'ai pensé à La porte du paradis, un film comparable par sa longueur et ses enjeux, mais honni en son temps. Allez... je préfère ce Brady Corvet au The immigrant de James Gray !
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Il faut quand même que j'ajoute une dernière chose...
Le film n'aurait coûté "que" dix millions de dollars américains environ. Une somme folle ? Oui, mais sur de nombreuses grosses productions hollywoodiennes actuelles, on facture plutôt en centaines de millions !
Et bien sûr, d'autres points de vue s'expriment sur la toile...
Vous y trouverez notamment ceux de Pascale, Dasola et Princécranoir.
8 commentaires:
Bonjour Martin, si j'ai bien lu, tu as aimé mais pas adoré. C'est vrai que vu l'histoire, on ne peut pas forcément adorer. A. Brody a mérité son Oscar mais les autres acteurs ne déméritent pas. Une histoire sombre. A propos d'architecture brutaliste, Monsieur Trump n'aime pas puisqu'il veut détruire certains bâtiments brutaux. Il y en a encore pour presque quatre ans.!!!! Bonne journée.
5 étoiles sans la moindre réserve ni hésitation pour moi.
Je l'ai même revu parce qu'il me hantait ce film et que sur petit écran ce ne sera pas pareil.
Vo indispensable évidemment car les acteurs ont travaillé leur accent (aidés dans les graves par l' IA).
Être bousculée ? Avec l'émotion c'est ce que je cherche au cinéma
Sur ces deux points ce film fait un sans faute. Mais aussi visuellement et auditivement. Cette musique !!!
Et l'histoire (vraie) de Lazslo est passionnante et bien racontée.
Les rôles secondaires sont à la hauteur du prodigieux Adrien Brody.
Quel film détrônera ce chef doeuvre cette année ?
Dans la foulée j'ai vu Vox lux de Brady Corbet. J'ai détesté mais j'aimerais quand même voir L'enfance d'un chef dont rien que la BA est terrifiante.
Salut Dasola. Oui, tu as bien compris ce que je voulais exprimer.
J'ai du mal à dire que j'aime ce genre de films, en fait. Je les trouve trop "insistants", en quelque sorte.
Cela ne m'empêche pas de penser que "The brutalist" a beaucoup de qualités et pourrait marquer l'histoire du cinéma.
En fait, Pascale, j'ai du mal à trouver le bon adjectif. J'aime bien être bousculé, moi aussi, mais pas comme ça.
Comme je l'ai indiqué à Dasola, je trouve le film trop insistant. Il arrive à ce type trop de choses négatives.
Cela dit, tu dis que c'est une histoire vraie ? En es-tu sûre ? Je croyais que non...
Bonne idée de découvrir les autres films de Corbet dans la foulée. Tu as peut-être commencé par le meilleur.
Mais non l'histoire n'est pas inspirée d'un véritable personnage. Je me suis laissée emporter par la passion.
Oui sa vie est sombre, terrible et j'ai lu ailleurs également que ce n'était qu'une avalanche de drames. Je ne suis pas du tout d'accord avec ça.
Je trouve qu'il y a aussi de la lumière. Il a réussi à quitter son pays, il aurait pu continuer à pelleter du charbon, il retrouve sa femme.
*** ATTENTION SPOILERS ***
Ah, je me disais bien aussi, que ce n'était pas une histoire vraie. En général, c'est signalé quand c'est le cas.
Pour ce qui est de la lumière et du côté sombre du film, je te rejoins un peu : ce n'est pas une avalanche de drames.
Les retrouvailles avec sa femme constituent l'espoir de la première partie... que j'ai donc préférée à la seconde.
En fait, ce qui "coince" le plus pour moi, c'est d'avoir fait de son mécène plus qu'un sale type : un violeur.
Une réplique du fils m'a marqué et, à mon sens, elle aurait largement pu suffire : le terrible "Nous vous tolérons".
Je comprends mieux.
J'ai "tiqué" aussi. Je crois que dans ma note je parle de scène problématique ou je mets des points de suspension ("voire pire..."). C'est l'humiliation ultime et je reconnais que je n'ai pas compris ce que ça fichait là. Lâchement, tellement je trouve ce film génial, j'ai préféré occulter cette scène qui dure qq secondes et finit quand même par vampiriser le film. Lorsqu'ils sortent de "la grotte" comme s'il ne s'était rien passé c'est terrible. Lazslo toujours trottinant derrière son mécène. Avec le recul je me suis dit que Corbet voulait montrer que rien ne pouvait détruire son personnage ni son ambition mais je n'aime pas ce moment.
Je cite cette réplique aussi dans ma note. "Nous vous tolérons" renferme tous les racisme et antisémitisme du monde. Elle est violente et puissante. D'ailleurs, je trouve Joe Aldwyn (et Stacy Martin) vraiment formidables.
*** ATTENTION SPOILERS ***
Je pense que la scène de viol est là pour en ajouter une couche. Inutile, à mon sens.
Elle introduit la scène (presque finale) où Erzsébet balance tout, mais je trouve ça racoleur.
D'ailleurs, quand le fils du mécène et la nièce de László s'isolent, il se passe déjà quelque chose de malsain...
Je te rejoins pour dire que les acteurs sont très bien dans leurs rôles respectifs.
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