samedi 12 octobre 2024

Au prix du sang

Le saviez-vous ? Les navigateurs portugais du début du 16ème siècle furent les premiers à découvrir l'Île Maurice, où des colons hollandais s'installèrent à partir de 1598. Virent ensuite les Français (1715-1810) et les Britanniques, jusqu'à l'indépendance proclamée en mars 1968. Là-bas, à ce jour, on compte 1,26 million d'habitants - sur 1.865 km2.

Cette introduction pour parler à présent de Ni chaînes ni maîtres. Projeté en ouverture mondiale au Festival de Deauville 2024, ce film sorti le 18 septembre est la toute première réalisation du scénariste franco-béninois Simon Moutaïrou (Burn out, Boîte noire, Goliath...). Il se passe sur l'Isle de France - l'ancien nom de Maurice - en 1759. Eugène Larcenet y dirige une exploitation sucrière dont les terres appartiennent au roi. Il est à ce titre le maître de dizaines d'esclaves. Originaires de Madagascar ou du continent africain, ces derniers tentent parfois de s'échapper... et payent parfois le prix du sang lorsqu'ils sont repris: marquage au fer, mutilation ou exécution. Massamba, lui, est jugé plutôt loyal, mais décide finalement de fuir pour retrouver sa fille, partie avant lui en quête d'un improbable asile épargné par les Blancs - je vous laisse découvrir cela vous-mêmes. Une histoire vraie ? Non, mais toutefois proche des faits historiques !

Le film nous fait le plaisir de s'appuyer sur d'excellents acteurs. Mention spéciale pour Ibrahima Mbaye et Thiandoum Anna Diakhere que j'ai découverts dans des rôles complexes, interprétés sobrement. J'ai aussi été ravi de retrouver Benoît Magimel, mais surtout heureux d'avoir pu apprécier Camille Cottin dans un rôle il me semble inédit pour elle: celui d'une "méchante", qu'elle incarne avec un brio certain. Autre aspect intéressant de Ni chaînes ni maîtres: certaines scènes sont empreintes d'un mysticisme dont j'ignore l'origine et la nature. Bref... en dépit de quelques anachronismes, le film est fascinant. J'ajoute qu'il est aussi très beau, porté par la superbe photographie d'Antoine Sanier, qui disposait déjà de références dans ce domaine. Loin de l'austérité d'un vieux livre poussiéreux, cette leçon de cinéma donne évidemment de notre pays une image pour le moins piteuse. Assumons: en France, l'abolition définitive de l'esclavage ne remonte qu'à l'année 1848, premier millésime d'une très éphémère République. Il serait désormais bien regrettable de l'oublier. Vous ne trouvez pas ?

Ni chaînes ni maîtres
Film français de Simon Moutaïrou (2024)

Je venais de finir un livre sur l'esclavage (Aminata, de Lawrence Hill) quand je suis allé voir ce long-métrage d'une puissance incroyable. J'en ai quelques autres dans ma besace - dont je reparlerai un jour. L'homme blanc dominant peut aussi être le sujet au centre d'opus largement méconnus comme Le chemin de la liberté ou Robe Noire. Le sujet est inépuisable, me semble-t-il ! Et si vous avez des pistes...

----------
Avant de conclure moi-même...

Je vous propose de lire - ou de relire - la chronique de l'amie Pascale.

Aucun commentaire: