mardi 17 mai 2022

Une enfance irlandaise

La guerre en Ukraine ? Médiatiquement, elle fut d'abord une "crise". Celle qui opposa la France à sa colonie ? On parla des "événements" d'Algérie. Au rayon des euphémismes, nos chers amis anglo-saxons appellent "troubles" la rivalité sanglante entre unionistes protestants et républicains catholiques nord-irlandais, dans les années 70-80-90...

Aujourd'hui âgé de 61 ans, le réalisateur britannique Kenneth Branagh passa une partie de son enfance en Ulster. Il s'est aujourd'hui inspiré de ses souvenirs pour construire un film - Belfast - sur ces décennies terribles, qui virent périr 3.500 personnes (dont la moitié de civils). Audacieux, le cinéaste choisit de raconter cette histoire à hauteur d'enfant: il en résulte un long-métrage aigre-doux, qui ne dit rien d'absolument exhaustif sur les causes et les conséquences du conflit. L'idée est plutôt d'expliquer comment une famille résolument attachée à son cadre de vie a finalement été contrainte de tout abandonner derrière elle pour avoir une chance de s'en sortir sans dommage. Pareil scénario peut certes faire écho à beaucoup de situations vécues dans d'autres pays, en d'autres temps ! Pas sûr que ce soit l'objectif...

Pour tout dire, Belfast ne se départit jamais d'une certaine légèreté. Les drames que traverse le petit Buddy, héros du film, n'apparaissent qu'au second plan (ou presque). Le choix d'une image en noir et blanc apporte aussi une distanciation que l'on peut de fait juger salutaire. La quasi-totalité de la troupe des comédiens ressemble à un groupe d'hommes et de femmes heureux et solidaires, que la misère sociale touche sans accabler - parce qu'ils se protègent les uns les autres. L'idéalisme du propos est encore renforcé par une photographie soignée et une bande originale de bon aloi, qui enchaîne les tubes autour du très pop Everlasting love des Anglais de Love Affair (1968). Tout ce sucre peut déplaire aux spectateurs exigeants, mais je dirais qu'un peu de douceur ne fait pas de mal. Une affaire de dosage, oui...

Belfast
Film britannique de Kenneth Branagh (2022)

Compte tenu du sujet, je ne m'attendais pas à un film aussi tendre ! Et c'est ma foi une assez bonne surprise, d'où mes quatre étoiles enthousiastes et sincères ! Toutefois, la comparaison avec Billy Elliot qu'ont pu faire certains critiques me paraît plutôt à côté de la plaque. Pour rester lié avec le conflit irlandais, Ken Loach (Le vent se lève) ou James Marsh (Shadow Dancer) peuvent convenir. Un autre style...

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4 commentaires:

dasola a dit…

Bonsoir Martin, je n'ai pas trouvé le film sucré mais très bon enfant. On sent que Branagh a été marqué par cette époque. Je regrette que les critiques du Masque et la plume n'aient pas apprécié. Bonne soirée.

Martin a dit…

Salut Dasola. Compte tenu des événements qui lui servent de toile de fond, je l'ai trouvé assez "soft", comme on pourrait le dire d'un film britannique. Il y a bien les deux gars qui s'essayent à faire chanter la famille, mais... et je ne veux pas trop en dire.

Je n'ai jamais écoute le Masque et la Plume que d'une oreille discrète. J'ai vraiment du mal avec les critiques professionnels qui dénigrent et ne donnent pas toujours les bons arguments. Le plaisir du bon mot à la française n'excuse pas tout. Et puis, il y a plein d'autres moyens d'avoir des infos (et même un regard critique) sur le cinéma, il me semble.

Pascale a dit…

Les critiques se sont abattues sur ce film parce qu'il n'est pas réaliste.
J'ai adoré le point de vue et heureusement que les enfants parviennent, quand c'est possible, à vivre la guerre à leur manière.
J'adore Kenneth Brannagh mais il a dû faire quelque chose d'irréparable aux critiques.

Martin a dit…

Je suppose que ces adaptations shakespeariennes ne font pas l'unanimité. Quelque chose me dit aussi que, venant du théâtre, on est encore plus exigeant avec lui. J'en reparlerai... peut-être.