lundi 5 octobre 2020

Un trio bancal

Divorcée et dépressive, Marie est victime d'un chantage à la sextape. Christine, chauffeur VTC, transporte ses amis gratis et est mal notée sur les sites d'évaluation. Quant à Bertrand, il élève seul une ado harcelée à l'école et espère enfin rencontrer Miranda, la jeune femme qui le démarche au téléphone. Vous croyez les avoir (re)connus ? Ah...

Je ne suis pas surpris d'avoir vu Benoît Delépine et Gustave Kervern, trublions échappés du Groland, s'intéresser à celles et ceux qui prirent d'assaut les ronds-points en endossant alors un gilet de couleur jaune pour se distinguer de la masse - ou disons plutôt de la multitude. Blanche Gardin, Corinne Masiero et Denis Podalydès sont bien choisis pour représenter ces citadins périphériques, que notre cher cinéma national a lui aussi, de fait, largement tendance à laisser de côté. Pourtant, et même s'il s'intéresse surtout aux dérives des réseaux sociaux et d'Internet, Effacer l'historique n'est pas un film politique. Pas au sens militant du mot, en tout cas: c'est d'abord une oeuvre sociale, qui se moque de son sujet pour le rendre plus percutant encore. Dans la filmo du duo de réalisateurs, je me dis après coup que c'est peut-être la plus mélancolique. On rit, oui, mais le ton gentiment sarcastique n'est pas (véritablement) celui de la comédie...
 
Un film où Bouli Lanners interprète un hacker qu'on appelle Dieu peut-il être fondamentalement mauvais ? En réalité, je ne crois pas. J'ajoute que l'acteur-réalisateur belge n'est pas le seul copain invité par le duo derrière la caméra. Ce côté "bande de potes et caméos" rend Effacer l'historique attachant, malgré ses défauts, son humour aléatoire et sa mise en scène un peu plus bancale que bankable. J'avoue: fidèle au tandem Delépine / Kervern, j'ai tenu à les retrouver sans barguigner outre mesure et ne suis donc pas spécialement déçu par ce nouvel opus - leur neuvième long, déjà. Je veux juste préciser pour être honnête qu'à mon humble avis, ce n'est pas leur meilleur. Ben et Gus ont expliqué, eux, qu'une bonne partie des péripéties subies par leurs personnages leur sont arrivées dans la vraie vie. Autant en rire, donc, puisqu'on tient là une partie de leur matière première filmique ! Et je ne suis pas convaincu que le filon soit tari...

Effacer l'historique
Film français de Benoît Delépine et Gustave Kervern (2020)

Je le répète: les deux réalisateurs ont fait mieux dont, sur un thème comparable, Louise-Michel et Le grand soir. Ce type de cinéma social demeure malgré tout, à mes yeux, sans véritable équivalent dans le panorama du cinéma français - un bon point pour eux, donc. Libres à vous de préférer le réalisme de Rosetta (par exemple). J'avais pour ma part été ému devant Hector. Et scotché par Naked...

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Si vous aimez confronter les points de vue...

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6 commentaires:

Pascale a dit…

Une déception pour moi.
Ça leur est peut-être arrivé dans la vraie mais prendre un avion au pied levé pour aller à l'autre bout du monde...ça coince quand on veut faire du social réalité.
Bouli dans son éolienne : j'adore, mais une déception pour moi.

Contente d'avoir appris un mot:barguigner... C'est régional.

Martin a dit…

Oui, le coup de l'avion, c'est un peu gros. Mais bon...

Pascale a dit…

Comme tu le dis, c'est bancal.

Martin a dit…

Je leur pardonne. Ils feront mieux une prochaine fois.

dasola a dit…

Bonjour Martin, pour moi, Naked est le meilleur film de Mike Leigh avec des acteurs exceptionnels dont la regrettée Katrin Cartlidge disparue trop tôt. Bonne après-midi et bonne fête de fin d'année.

Martin a dit…

Oui, je suis d'accord avec tout ce que tu as écrit au sujet de "Naked".
Et aujourd'hui, je te souhaite une bonne année, Dasola !