vendredi 18 novembre 2016

Travelling panorama

Les apparences peuvent vous tromper: même si, dès cette chronique publiée, il y aura 1.357 films présentés sur le blog, je me considère toujours comme un cinéphile débutant. D'abord, parce que je suis loin de TOUT connaître et ensuite, parce que j'aime apprendre des goûts d'autrui. Je suis donc allé voir Voyage à travers le cinéma français...

Habituel cinéaste de fiction, Bertrand Tavernier offre ici au public, trois heures et quart durant, un panorama des films qu'il aime le plus dans "notre" production, depuis les premiers parlants des années 30 et jusqu'à l'aube des années 70. Il faut se garder de conclure aussitôt à un regard trop cocardier sur le cinéma: le réalisateur tient un blog qui montre qu'il connaît son métier et a aussi un admiration sincère pour bien des artistes d'autres nationalités. Non... l'idée qu'il paraît développer dans cet incroyable documentaire, c'est que des oeuvres peu connues ou déjà oubliées méritent aussi de rester à la postérité. Et que quelques perles rares n'ont pas usurpé le nom de classiques...

Hôtel du Nord / Marcel Carné / 1938
Voyage à travers le cinéma français nous conduit en Subjectivité. Assez remarquablement, le film est souvent didactique, mais il reste très à l'écart d'un discours sentencieux - et c'est un juste équilibre. Imperceptiblement, toutefois, Bertrand Tavernier ose basculer: l'ado cinéphile qu'il était laisse, progressivement, la place au témoin privilégié de la carrière de quelques-uns des plus grandes signatures du septième art made in France. C'est que le narrateur a collaboré avec eux, sur les plateaux de tournage ou comme attaché de presse. Remonte alors à la mémoire un champ infini d'anecdotes. Je préfère vous laisser la surprise des noms qui sont les plus souvent évoqués...

Pierrot le fou / Jean-Luc Godard / 1965
Une petite indication, tout de même: Bertrand Tavernier ne parle pas que de ses films préférés, des grands réalisateurs et des stars d'hier. En passant, en vrai passionné qu'il est, il évoque aussi l'importance souvent décisive de la technique et, en particulier, le rôle incroyable que peut prendre la musique au service du plaisir et de l'émotion. Limpides, ses analyses nous montrent ce qu'on entend sans le voir réellement et nous aident à ressentir ce que l'on voit dans le silence. Quelle belle leçon et quel professeur, débonnaire et passionnant ! J'aurais bien volontiers repris le cours après un entracte et un eskimo chocolat. La fin du film est belle, mais aussi... un tantinet frustrante.

L'horloger de Saint-Paul / Bertrand Tavernier / 1974
Il ne nous reste alors qu'à admettre - ou pas - les choix du maître. Qu'à s'émouvoir - ou non - avec lui de retrouver le jardin familial, site des débuts qu'il revisita avec Philippe Noiret. D'autres documentaires devraient suivre, toujours dans cette belle logique de transmission. Voyage à travers le cinéma français ne serait dès lors qu'un début. Pour en prendre toute la mesure, je crois qu'il est judicieux de citer quelques chiffres: ce film, c'est six ans de préparation, 80 semaines de montage, 94 oeuvres choisies et 582 extraits, plus de 950 films vus ou revus, mais aussi 700 documentaires d'actualités visionnés. Une tâche qui m'incite à l'humilité... tout en chatouillant mes envies !

Voyage à travers le cinéma français
Documentaire français de Bertrand Tavernier (2016)

À l'origine, il y avait l'espoir d'un enfant de 1941, quand la projection démarrait dans son cinéma de quartier, lui rappelant les lumières joyeuses de la Libération. Attention: cette maladie est contagieuse ! Sorti de la salle, j'avais déjà l'idée de découvrir un autre vieux film. J'avais retenu le mantra de Jean Renoir: "Se juger capable de changer le cours de l'histoire, puis se réjouir d'avoir touché deux personnes"...

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Envie, comme moi, de jouer les prolongations ?
Je vous recommande sans plus attendre de vous rendre chez Pascale

6 commentaires:

eeguab a dit…

Nul doute que ce doit être passionnant, dans la lignée des fabuleux films de Scorsese, Voyage à travers le cinéma italien (ma bible) et Voyage à travers le cinéma américain. Tavernier a fait beaucoup pour la découverte de certains films. Je n'ai pas un très bon souvenir par contre de mes deux rencontres avec lui. Il m'a semblé qu'il ne supportait guère la contradiction.

ideyvonne a dit…

Je t'invite à aller sur son blog, un vrai puits de science cinématographique !!!
(le lien est sur mon blog ;) )

Pascale a dit…

Quel voyage passionnant. INDISPENSABLE.
Et je fonce illico vers son blog :-)

Martin a dit…

@Eeguab:

Oh ! Oui ! Il faudrait que je trouve le moyen de voir les anthologies de Martin Scorsese.

Je pense effectivement que Bertrand Tavernier doit avoir avoir un caractère bien trempé.
Pour cette fois, je dirais tant mieux ! J'aimerais le rencontrer (pour d'autres raisons).

Martin a dit…

@Ideyvonne:

J'y suis déjà passé à quelques occasions et j'y retournerai, c'est sûr.
J'ai tout de même une franche admiration pour ce grand monsieur du cinéma français.

Martin a dit…

@Pascale:

Indispensable, c'est le mot, en tout cas pour quiconque s'intéresse à l'histoire de notre cinéma.
J'espère qu'il y aura une suite… ou même des suites !