dimanche 23 novembre 2014

Chômeurs

J'ai été ému par l'humanisme d'Aki Kaurismäki quand j'ai vu son film tourné dans un port normand. J'ai prisé le côté absurde de son cinéma devant son personnage amnésique. J'ai ri du kitsch absolu d'un groupe de rock finlandais engagé dans une calamiteuse tournée-virée américaine. Aujourd'hui, je vais ajouter un quatrième opus à la liste de mes références du même cinéaste: Au loin s'en vont les nuages.

D'abord, une petite anecdote historique: l'année de sa sortie, le film marqua la troisième participation de son auteur au Festival de Cannes et, surtout, sa toute première sélection pour la course à la Palme. Même si le jury présidé par Francis Ford Coppola ne lui décerna aucune récompense, Aki Kaurismäki commençait à imposer son style. Sur l'aspect visuel en tout cas, Au loin s'en vont les nuages ressemble vraiment à ce que je connaissais déjà. Ce sentiment d'agréable familiarité s'est encore renforcé avec la présence à l'écran de Kati Outinen, la muse du réalisateur. Kari Väänänen, premier rôle masculin, est un autre visage connu: ici, il vient d'ailleurs remplacer Matti Pellonpää, l'acteur fidèle des tout premiers Kaurismäki, décédé quelques mois avant le tournage. Autour de ces décors et acteurs relativement habituels, le long-métrage m'a alors permis d'apprécier une facette plus sombre de son créateur. Et sans oublier de sourire...

Au loin s'en vont les nuages: le titre dit déjà beaucoup de choses. Reprise des paroles d'une chanson entendue dans le film, il annonce un possible happy end - je vous laisse juger seuls de la vraie nature de cette fin, réconfortante ou quelque peu ironique. Il vous faudra d'abord savoir accueillir un long-métrage atypique, peu bavard, entrecoupé de très nombreux fondus au noir, assez "anti-naturaliste" comme l'a suggéré celui qui, ce soir-là, le présentait dans le cinéma où je l'ai découvert. Concrètement, l'histoire d'Ilona et Lauri, couple en deuil d'un enfant et soudain frappé par le chômage, n'est pas drôle. La chose incroyable est qu'elle prête quand même à l'amusement. Face au sort qui s'acharne, les deux anti-héros se battent courageusement et, avec les moyens du bord, s'en sortent dignement. L'ironie tient notamment à ce que la source des problèmes apporte aussi leur solution, après la parenthèse désenchantée. Autant rire...

Au loin s'en vont les nuages
Film finlandais d'Aki Kaurismäki (1996)

À la table des grands réalisateurs sociaux, je placerais très volontiers Aki Kaurismäki à une place voisine de celle de Ken Loach. J'imagine qu'en se croisant à Cannes, les deux ont eu des choses à se dire. J'ajoute également notre Robert Guédiguian national. C'est bien à lui que j'ai pensé devant ce nouveau film et une Kati Outinen impeccable de sobriété, telle une Ariane Ascaride qui aurait migré vers le Nord...

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Un dernier soupçon d'ironie, peut-être ?
Cette année-là, la Palme d'or revint à un autre film social, britannique celui-là: Secrets et mensonges, de Mike Leigh. Un tout autre genre.

Quant à ce qu'il en dit, lui...
Invité du Festival de Lecce (Italie) l'année dernière, Aki Kaurismäki était notamment honoré d'une exposition de photos sur ses oeuvres. La légende sous celle d'Au loin s'en vont les nuages était une citation généreuse: "J'ai toujours eu l'ambition secrète que le spectateur sorte du cinéma en se sentant un peu plus heureux que lorsqu'il est arrivé".

1 commentaire:

Anonyme a dit…

MERCI : j'arrive sur votre blog par hasard ce soir, et je suis très très heureuse d'y lire ces mots (bien écrits qui plus est) sur Aki Kaurismäki, à qui je dois quelques unes de mes plus belles émotions cinématographiques !