mercredi 6 janvier 2010

Chronique d'un mensonge

Bonjour et bienvenue sur Mille et une bobines. Je vous souhaite aujourd'hui à toutes et à tous une très belle année option cinéma. Pour démarrer le millésime dignement, il me faut d'abord bien sûr achever ce que j'ai commencé et ainsi vous proposer les chroniques des derniers films que j'ai vus en 2009. Je commence aujourd'hui avec A l'origine, oeuvre sortie dans les salles en fin d'année dernière, signée Xavier Giannoli. Ici, un maître mot: méfiance. Pourquoi ? Parce que ce pourrait bien être celui des premières lignes de cette première critique 2010, tant le long métrage ne m'a pas attiré d'office. Bien qu'il ait été retenu dans la (courte) sélection officielle du dernier Festival de Cannes, il ne m'avait alors pas tapé dans l'oeil: à première vue, je l'avais même perçu et aussitôt "rangé" comme l'un des maillons faibles de ladite sélection. Ensuite, sachant qu'il évoque les conditions de vie dans le Nord de la France, j'ai pu craindre un ciné-réalité digne des pires reportages télévisés - et ce d'autant plus qu'il s'inspire aussi d'un fait divers survenu en France, certes, mais dans... la Sarthe. Et puis, sans que je sache vraiment l'expliquer, peut-être tout simplement parce que les premiers échos publics étaient encourageants, j'ai révisé mon jugement. Doucement. J'ai progressivement eu très envie de voir le film. Depuis que c'est fait, j'en suis finalement très content.

Puisque je parlais de Cannes, je crois qu'il faut souligner ici que, depuis le Festival, Xavier Giannoli a revu sa copie. Ainsi, et d'après les critiques qui ont vu les deux versions, celle qui a finalement été proposée au grand public est-elle plus courte - et aussi plus sobre - que sa devancière présentée sur la Croisette. L'intrigue elle-même reste bien sûr inchangée: la caméra s'intéresse à Philippe, un truand de petite envergure qui débarque dans la région de Lille, en transit entre deux coups fumeux. C'est là que, sans l'avoir vraiment préparée à l'avance, il va monter sa plus grosse affaire: se faire passer pour l'émissaire d'une compagnie de travaux publics, chargé d'évaluer la possibilité de faire repartir un chantier d'autoroute abandonné cinq ans auparavant. Et ça marchera ! Les gens y croiront et reprendront le travail ! Abracadabrant, dites-vous ? Réaction admissible. J'insiste donc: A l'origine s'inspire bien d'événements "historiques" et ne fait que réinventer des personnages ayant réellement existé. Et j'enfonce le clou: toute ressemblance est d'autant moins fortuite que le réalisateur a rencontré divers témoins de l'époque, dont l'escroc lui-même, au parloir de la prison, et le juge d'instruction qui avait pris en charge cet étonnant dossier. Clin d'oeil sympa, ce dernier apparaît d'ailleurs dans le film.

Fiction malgré tout, A l'origine m'apparaît comme une réussite. Nette et sans bavure. Franche. Même le choix de Xavier Giannoli d'avoir transféré son scénario dans une autre région ne doit finalement rien à la complaisance. Il est ainsi assez étonnant de voir ces gens croire aux boniments de Philippe, mais le fait est qu'on a envie d'y croire aussi et qu'on en vient à espérer que la supercherie ne soit pas démasquée afin que le chantier puisse être mené à bien. Je ne trahirai rien de l'évolution de l'histoire pour ne pas vous gâcher la surprise. Je dirai simplement que, malgré quelques maladresses bénignes, la mise en images de cet étrange fait divers est parfaitement crédible, j'aurais pu dire réaliste. Si le travail effectué derrière la caméra est en soi de la belle ouvrage, le plaisir pris à voir ce film doit aussi beaucoup à ses interprètes. En bons capitaines d'équipe, Emmanuelle Devos et François Cluzet sont impeccables. Idem pour Gérard Depardieu dans un petit rôle et un registre objectivement assez classique pour lui. Je tiens à souligner un point moins attendu: la très belle interprétation de deux jeunes comédiens moins expérimentés, Stéphanie Sokolinski et Vincent Rottiers. L'avenir me donnera raison ou pas: m'est avis que, sur cette lancée, on pourrait reparler d'eux au cours des années à venir. Un conseil pour finir: en attendant, ne boudez pas le plaisir que vous pourriez avoir à les découvrir ici. Le voyage vaut le détour.

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