mercredi 13 janvier 2010

Etats d'âme enfantins

Sandrine, une amie à moi, estime que la magie du cinéma tient simplement au fait qu'il lui est facile d'exciter notre imagination grâce à un peu de lumière sur un écran blanc. C'est sans doute vrai qu'illusoire par nature, le septième art peut aussi s'avérer trompeur. Ainsi par exemple du film Max et les Maximonstres, sorti en fin d'année dernière. Devant les grosses boules de poils ou de plumes parsemant la bande-annonce, et cette image de petit garçon devenu roi d'une colonie d'improbables créatures, il aurait été des plus faciles de conclure à un énième film pour enfants. Or, ce n'est pas ça, mais plutôt un film SUR les enfants, voire sur l'enfance elle-même, avec ses joies, peurs, fantasmes et rêves plus ou moins réalisables, plus ou moins réalisés. Le héros est donc un tout jeune homme, Max, petit Américain lambda qui vit avec sa mère célibataire et sa soeur adolescente. Autant dire que ce monde ne lui convient pas et que, dans son costume de chat ou dans l'igloo qu'il a créé dans son jardin, Max cherche à s'évader d'un quotidien ordinaire, pour ne pas dire tristounet. Le début du film donne presque la chair de poule quand, au milieu des siens mais pourtant loin d'eux, l'enfant en furie saute sur le chien de la maisonnée, réclamant implicitement une attention qu'il ne trouve jamais vraiment. Dur, dur, mais ça lance le scénario.

En effet, après cette introduction somme toute classique, le film bascule. Il nous emmène vers autre chose, une aventure incroyable qui est à la fois totalement imprévisible pour tous ceux qui n'auraient rien vu du long métrage avant la projection, mais aussi très logique, un prolongement cohérent de ce qui était montré précédemment. Après une dispute avec sa mère, Max met les voiles, au sens figuré comme au sens propre. Il court dans les rues de la ville, se retrouve finalement sur un littoral, grimpe à bord d'un petit voilier et met cap vers le large. Max et les Maximonstres aborde alors ce qui est l'essentiel de son propos: l'arrivée du petit garçon sur une île mystérieuse et sa rencontre avec les créatures précitées. Au départ un peu effrayé, puis menacé d'être dévoré, Max s'en sort finalement par une habile manoeuvre et parvient à convaincre ses hôtes forcés qu'il est leur souverain. Incongru, dites-vous ? Je ne peux pas contester ce point de vue. Au contraire, je le partage. Le film part effectivement d'un point de départ assez insolite, pour ne pas dire déroutant. En clair, et je l'affirme avec d'autant moins d'hésitations que je l'ai constaté, voilà une histoire dans laquelle il faut entrer pour l'apprécier vraiment. Oublier ses références antérieures, accepter l'aspect totalement fantaisiste de cet univers, ce n'est pas forcément gagné d'avance. Je m'estime chanceux d'y être parvenu.

Les spécialistes vous diront que Spike Jonze, réalisateur américain dont je reparlerai très bientôt, s'est inspiré d'un livre illustré publié en 1963 par Maurice Sendak, Where the wild things are - là où sont les choses sauvages, ce qui est d'ailleurs aussi le titre du film en VO. Ce qui est très étonnant, c'est qu'en accaparant cette histoire franchement particulière, le cinéaste lui a donné une ampleur inédite. L'ouvrage originel est en effet beaucoup plus court, l'intrigue dès lors bien plus resserrée. Or, si je n'ai pas (encore ?) eu l'occasion d'apprécier l'oeuvre de départ, je peux dire sans rougir que j'ai vraiment aimé Max et les Maximonstres version cinéma. Il arrive parfois que, sur une trame d'abord familière, le septième art parvienne à nous transporter vers quelque chose de très imaginatif et, finalement, de totalement nouveau. C'est à mon avis le cas ici. Le "produit" qui est proposé ne ressemble à aucun autre de tous ceux que j'ai vus auparavant. En lui-même, il affiche une référence nouvelle, 100% originale, en tout cas pour moi. M'est avis qu'il sera bien difficile à d'autres de l'imiter: tant mieux ! Le cinéma - et l'art en général - gagnent sans doute leurs lettres de noblesse quand, ainsi, des artistes osent y faire souffler un vent de totale nouveauté. Comme je suppose volontiers que cette réussite est aussi le résultat d'un bon travail d'équipe, je saluerai pour finir la très jolie prestation de Max Records, le jeune acteur choisi pour être Max. Recherches complémentaires effectuées, son interprétation me semble en fait d'autant plus remarquable que c'était son premier grand rôle, et seulement le troisième au total. Du haut de ses douze ans, le voilà aujourd'hui présenté comme... un très sérieux candidat à l'Oscar !

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