lundi 19 octobre 2009

Pour l'Espagne !

Je ne suis pas loin de penser qu'aux yeux de certains cinéphiles, Charlton Heston reste désormais fatalement associé au militant armé qu'il fut à la fin de sa vie. Certains esprits polémistes pourraient même bouder ses films sur ce seul prétexte, à mon avis. Ce serait dommage, je trouve, car l'acteur peut aussi légitimement prétendre au statut de monstre sacré d'Hollywood, même s'il n'a jamais été l'un de ces jeunes premiers, remarqués pour leur beauté. J'ai trouvé malgré tout qu'il avait une certaine classe sur cette image, tout droit issue d'un film d'Anthony Mann, Le Cid, adaptation très libre (libérée ?) de la tragédie de Pierre Corneille. Sorti en l'an de grâce 1961, ce long métrage de près de trois heures peut être présenté comme l'une des dernières créations du réalisateur américain, connu comme auteur de très nombreux westerns. Dans la filmographie complète de son acteur principal, elle arrive au contraire assez tôt, même si l'intéressé tourne déjà depuis vingt ans ! Sa prestation réussie ne lui vaudra aucune récompense particulière, mais plaira tout de même à ceux qui, comme moi, apprécient les fresques pseudo-historiques en Technicolor. Qu'importe au fond l'écrit cornélien: les images de Mann sont flamboyantes, son film suffisamment épique pour passer un bon moment à le regarder. Franchement, en grand amateur du genre, je me suis régalé !

Pour ceux qui l'ignoreraient encore, précisons que l'intrigue ramène dans le passé, et plus précisément dans l'Espagne du 11ème siècle. Chrétiens et mahométans y vivent en assez bonne harmonie. La paix civile est toutefois précaire, contrariée par les volontés bellicistes d'un dénommé Ben Youssouf, chef arabe basé en Afrique du Nord. Ses prétentions sur les cités ibériques s'appuient sur le fanatisme religieux, ce qui a pu être lu à l'époque du film, comme une allégorie de la menace communiste. Je ne sais pas si j'irai jusque là. Pas ici. Ce qui est clair, c'est que c'est possible, mais pas flagrant du tout quarante ans plus tard. Peut-être est-ce notre regard qui a changé, peut-être est-ce aussi qu'au fond, sauf à faire un cours d'histoire cinématographique, tout cela n'a plus forcément d'importance. Honnêtement, je vous dirai que j'ai voulu regarder Le Cid un samedi après-midi et qu'alors, je n'avais pas une envie folle de me pencher sur un éventuel message sous-jacent. Je l'ai dès lors considéré comme un divertissement, au tout premier degré, en fait comme l'un de ces grands spectacles ancrés dans leur époque, à grands renforts d'héroïsme et de bons sentiments. J'avoue: j'admire toujours autant ces grosses productions, leurs décors, costumes et figurants, et enfin l'aspect mythique de leurs stars - n'oublions pas ici la belle Sophia Loren dans le rôle de Chimène ! Et j'ai toujours l'impression que de tels films n'existent plus et la petite nostalgie qui va avec.

Je terminerai cette chronique en disant deux mots de ce que j'ai appris sur Anthony Mann depuis. D'abord, donc, que Le Cid est bien l'un de ses tout derniers films. Le compte est vite fait: il en réalisera encore trois, ne survivant pas jusqu'à la fin du tournage du dernier ! On ne peut pas dire qu'avoir fait celui-là lui apportera beaucoup d'admiration ou juste de reconnaissance, dans la mesure où même Charlton Heston a affirmé (bien plus tard) ne pas être spécialement séduit par le film terminé. Dans son autobiographie, l'auteur écrivit ainsi en 1995 que le long métrage aurait sans doute été meilleur autrement, s'il avait été conçu par William Wyler, le réalisateur connu entre autres pour Ben Hur - on ne pourra évidemment jamais le savoir. Une certitude toutefois, pour ce pauvre vieux Mann, c'est qu'un an seulement avant de donner sa version du héros légendaire espagnol, il avait été dépossédé d'un scénario précédent, Spartacus, au profit d'un certain Stanley Kubrick. Cela étant dit, j'aurais tendance à ajouter qu'il mériterait aujourd'hui qu'on daigne à nouveau étudier d'un peu plus près son abondante filmographie. Parce qu'il y a largement de quoi faire: 43 oeuvres, tout de même ! Souvenez-vous: je vous ai déjà parlé de La chute de l'empire romain et c'est le même homme derrière la caméra. Si j'ai l'occasion d'aller plus loin encore, je n'hésiterais pas une seconde. C'est dit !

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