Cela peut surprendre: j'aime autant ne pas me revendiquer cinéphile. Au cours des discussions que j'ai sur le cinéma, il y a presque toujours un moment où mes interlocuteurs, amis ou autres, évoquent un film que je n'ai pas vu et qui, pour eux, tient du classique incontournable. Mais n'est-ce pas une bonne chose que d'avoir ainsi quelques grands films sous le coude ? Ce dont je suis sûr, déjà, c'est qu'il m'est arrivé d'éprouver une petite forme de deuil à l'idée simplement de ne plus jamais pouvoir découvrir ce que je pourrais appeler mes classiques à moi. Les oublis plus ou moins volontaires me paraissent sources de plaisirs futurs. Dans cette optique, j'ai dernièrement choisi de découvrir Pierrot le fou, d'autant moins réticent au petit écran que, de toute façon, mes chances de le voir en salles étaient devenues très faibles. Ce film de la Nouvelle Vague est aussi mon premier Jean-Luc Godard. Un bon début, ma foi !
Dans les bonus du DVD, que j'ai regardés ensuite, un spécialiste conseille au spectateur de ne pas uniquement voir Pierrot le fou comme un classique, mais comme un simple film, de ne pas dès lors se laisser emmener par autre chose que ses qualités propres. Ouais... pas facile. Même à moi dont les références sur le cinéma français de cette époque (1965) restent faibles, l'envie de découvrir cette oeuvre est venue de l'idée qu'elle avait quelque chose d'historique, qu'elle était une sorte de pierre blanche dans l'histoire du septième art, l'une des pionnières d'un genre nouveau. Je dois dire qu'elle ne ressemble pas à grand-chose de tout ce que j'ai pu voir par ailleurs. Son intrigue, pourtant, est simple: après une soirée mondaine, Ferdinand raccompagne la baby-sitter de ses enfants et, du coup, réalise qu'il la connaît, se souvenant même qu'il l'a aimée. L'occasion est belle de filer à l'anglaise et d'abandonner là, aussitôt, une condition sociale qui ne lui convient plus. Et zou ! Délaissant sans regret aucun une vie familiale trop rangée à son goût, l'homme retrouve la flamme de sa jeunesse et le Sud de la France...
Après réflexion, je crois que je souscris bien à une autre remarque du critique interrogé dans les suppléments: malgré un traitement formel assez original, Pierrot le fou déroule d'abord son scénario d'une façon plutôt linéaire et pour tout dire relativement prévisible. C'est à partir du moment où Ferdinand / Jean-Paul Belmondo balance sa voiture dans le décor à la demande de Marianne / Anna Karina (Mme Godard, à l'époque) que le film prend une tournure beaucoup moins attendue. Il n'est pas évident de raconter à la fois fidèlement et sommairement l'histoire de cette drôle de fuite. Il serait également dommage d'en évoquer le dénouement: en effet, tous ceux qui ne l'auraient pas encore vu en seraient sans doute privés d'un moment agréable. Dès lors, que dire d'autre pour vous donner envie de voir le film ? Qu'en le considérant pour lui-même, et non pas seulement comme un monument du cinéma français, on peut effectivement l'apprécier: la façon particulière dont Jean-Luc Godard filme cette histoire somme toute assez banale l'embellit absolument. Même si je ne saurais vous promettre qu'elle vous paraîtra forcément séduisante, ou même convaincante, il y a là une proposition formelle, un style, qui donne à l'ensemble un ton tout à fait personnel.
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