mercredi 5 avril 2023

Ombres et lumières

À quoi tient la magie du septième art ? Les technologies numériques d'aujourd'hui nous le font oublier: à un peu de lumière sur un écran. J'avoue tout: il aura presque suffi que j'apprenne qu'un vieux cinéma posé sur la côte anglaise était son décor pour aimer Empire of light. Et je ne voulais pas rater l'occasion de le voir en (très) grand format !

Coquetterie ultime: j'ai vu projeté le film en version pellicule. Franchement, mises à part quelques "tâches" au début, la différence ne m'a pas sauté aux yeux. Il m'a semblé aussi que le son était éraillé comme dans mes plus vieux souvenirs, mais... point d'émotion nostalgique, pour ma part. Tant pis: Empire of light m'en a offert d'autres, modernes, et bien plus nombreuses, finalement, que celles que m'inspire la seule évocation de ce qu'a pu être le cinéma hier. Cela étant dit, je précise que le scénario nous ramène d'abord à la fin de 1980. Lors du passage à 1981, une dénommé Hilary, gérante déprimée de salles en perdition, embrasse Stephen, un collègue recruté depuis peu. Elle est blanche et quinqua, lui noir et a 20 ans. Sont-ce des problèmes ? Dans l'Angleterre de Maggy Thatcher, oui. Disons en tout cas que, pour aimer, c'est franchement compliqué. Mais serait-ce plus simple aujourd'hui ? Je vous laisserai y réfléchir...

Je vous passe les détails. La manière dont le film tisse son histoire autour de ce duo central est tout à fait admirable à mes yeux. Honnêtement, je pourrais même énumérer l'ensemble de la troupe d'actrices et d'acteurs pour mes éloges, mais je préfère vous soutenir que Empire of light est le film d'Olivia Colman et Micheal Ward. Avant de le voir, je la connaissais un peu, elle, et lui, pas du tout. C'est donc pour moi une quasi-double révélation ! Et la forme sublime tout: du grand, grand, grand cinéma d'auteur - et populaire aussi. Intelligemment fictif et néanmoins ancré dans les réalités profondes d'un pays, d'une époque et je dirais peut-être d'une classe sociale. Tout cela sans le moindre pathos ou misérabilisme, je dis chapeau. Saisi comme je l'ai été, je ne vais pas chipoter sur quelques points moins réussis: je couperais les cheveux en quatre... et je m'y refuse. Autant acclamer Roger Deakins, bientôt 74 ans et directeur photo jamais pris en défaut, ainsi avec lui que toute l'équipe technique ! Les Oscars sont passés "à côté" ? Exact. Et c'est dommage pour eux...

Empire of light
Film américano-britannique de Sam Mendes (2022)

Un film qui montre bien ce que peut être la vie, entre épiphanies merveilleuses et drames effroyables. Il enferme beaucoup d'humanité et une jolie sensibilité, portée par une belle galerie de personnages. Sans oublier, bien sûr, tout ce qu'il nous dit de la valeur du cinéma ! Après ces images superbes, j'ai vu Les faussaires de Manhattan comme un film comparable. Pour... une certaine idée de la résilience.

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D'autres avis ?

Eh oui ! J'attends le vôtre en relisant ceux de Pascale et Princécanoir.

2 commentaires:

Pascale a dit…

J'ai adoré ce film pour bien des raisons et je dirais même malgré Olivia Colman que je trouve surestimée en général et insupportable en ce qui me concerne. Je ne vais pas encore y aller de mon couplet sur cette actrice. Mais tu es encore plus dur que moi. Elle n'est pas encore quinqua et encore moins lors du tournage.
Je n'ai pas cru un instant à l'histoire d'amour, c'est gênant surtout parce qu'Olivia crie Oscaaaaar à chaque apparition.... mais pas assez fort puisque Hollywood a préféré cette année tout offrir à un film absolument indupportable.
La révélation de l'Empire c'est bien Micheal. La scène de la manif m'a époustouflée et ses conséquences bouleversée.
Tout le film est chic, élégant, l'environnement éblouissante. J'espère aller un jour faire un tour sur cette promenade.

Martin a dit…

Oui, j'ai bien noté que tu ne voyais qu'une "performance" dans le jeu d'Olivia Colman, là où, pour ma part, je vois un personnage interprété avec intensité dans une mise en scène qui efface les autres dans ses scènes les plus violentes. Affaire de ressenti sur l'instant, je suppose. Chacun a le sien. C'est cela, la magie du cinéma, il me semble.

Pour ce qui est de mon "quinqua", il est vrai que j'ai vieilli l'actrice, mais il me semble que c'est l'âge du personnage. De toute manière, pour moi, ce n'est pas dans l'intention d'être dur que j'ai relevé cet âge. Juste pour signaler qu'en la matière, il y a un gros écart entre Hilary et Stephen. C'est clairement l'un des sujets du film, à mes yeux.

Et pour le reste, je me réjouis de nous voir d'accord sur plein de points. Micheal Ward est vraiment fabuleux dans ce film et j'espère qu'on le verra encore longtemps dans des productions de ce niveau (émotionnel et technique).