mercredi 20 octobre 2021

Retour sur Arrakis

Vous avez lu les livres de Frank Herbert ? La source littéraire de Dune me manque toujours: il faut admettre que je ne suis pas un passionné de science-fiction. Si je suis allé voir le - très attendu - nouveau film de Denis Villeneuve, c'est parce que la bande-annonce promettait beaucoup... et que le cinéaste québécois ne m'a encore jamais déplu !

Un petit résumé pour les néophytes: l'histoire de Dune se passe loin dans le futur, de nombreuses galaxies étant habitées par des humains et gouvernées par un empereur, Padishah Shaddam IV. Ce souverain s'appuie sur des familles nobles et a ainsi chargé les Harkonnen d'exploiter Arrakis, une planète recouverte de sable, mais aussi riche d'une matière première qui assure la survie de l'humanité: l'Épice. Fidèles vassaux de sa Majesté, les Harkonnen n'ont pas d'état d'âme lorsqu'il s'agit de massacrer la population locale et/ou de la dépouiller de sa seule ressource abondante. Au tout début du film, après 80 ans sans changement de méthode, l'empereur décide de mettre un terme à leur présence sur Arrakis et de faire alors appel à une autre lignée prestigieuse, les Atréides, pour reprendre le flambeau. Un casus belli évident entre les deux maisons rivales, sans possibilité d'arbitrage ! La suite, le film la développe sur deux grosses heures: il est évident que l'on a ici affaire à une très grosse production hollywoodienne. Mais je dirai que ce n'est pas tout à fait un blockbuster pour autant...

Le garçon présenté sur la photo ci-dessus est Paul Atréides, le héros de l'histoire. Dans le bouquin, il n'a que seize ans... et doit affronter une situation de tension qu'il n'a pas cherchée. C'est la même chose dans le film: de fait, quand tout commence, il n'est que l'héritier possible de son père et n'est préparé à la succession que depuis peu. Je vais arrêter là mes explications sur le scénario: j'ajouterai juste qu'évidemment, son destin va le rattraper - à vous de voir comment. Maintenant, mon avis sur la forme: Dune est une indéniable réussite au niveau visuel. Même si nombre de plans sont sombres et difficiles à "lire", les décors et les costumes sont constamment grandioses. Souvent tourné sur des sites naturels, le long-métrage convainc aussi par l'esthétisme de ses scènes d'intérieur et la parfaite intégration des effets numériques nécessaires à son intrigue. Pour sûr, le cinéma d'auteur ne perd rien à se montrer ambitieux du point de vue graphique. Si cet univers ne plaira pas à tous, on s'y immerge facilement. Oui, j'aurais même apprécié d'en voir encore un peu plus !

J'ai déjà vu (et présenté) l'autre version cinéma de Dune, charcutée par ses producteurs et reniée par son auteur, le grand David Lynch. Longtemps jugé inadaptable, le roman originel était également venu à bout du cinéaste chilien Alejandro Jodorowsky, dont l'appétit artistique était, dit-on, beaucoup trop gourmand pour ses partenaires financiers. Bref... Denis Villeneuve, amoureux depuis son adolescence de la saga écrite, s'est de fait attaqué à une très haute montagne. J'affirme qu'il a gagné son pari: malgré un nombre de personnages incalculable, son propos reste très compréhensible. J'ai pu "décrocher" quelques fois, mais cela m'a alors donné envie de m'offrir le livre ! Une précision: pour moi, cette bonne tenue générale du long-métrage doit aussi beaucoup au casting, dominé par les rôles masculins confiés à Timothée Chalamet, Oscar Isaac et Josh Brolin, notamment. Vous ne les connaissez pas ? Ils méritent qu'on s'intéresse à eux. Dommage que les femmes - Rebecca Ferguson et Charlotte Rampling en têtes d'affiche - paraissent un peu en retrait. Mais là, je chipote...

S'il faut parler d'un défaut du film, j'en retiens un gros: sa musique. Elle est omniprésente, assourdissante et, à la longue, limite pénible. J'apprécie les bandes originales quand elles accompagnent les images ou les subliment: là, de temps à autre, elle les écrase, au contraire ! Cela m'a quelque peu frustré par moments, mais bon... rien à faire là-dessus: je ne voulais pas sortir de la salle et y suis donc resté jusqu'au bout du générique. Un autre souci: le film privilégie l'action et semble parfois moins inspiré dans les séquences calmes, intimes. Ponctuellement, j'ai eu du mal à savoir qui faisait quoi et quel camp était avec quel autre: rien de dramatique sur la durée du métrage. N'oublions pas que cet opus est présenté comme un premier épisode ! Denis Villeneuve, qui voulait en faire trois, sera autorisé à en tourner au moins un second si celui-là s'avère assez lucratif pour la Warner. Franchement, je le souhaite: tel quel, Dune finit en queue de poisson et réclame donc une suite. Je vais m'accrocher à la ligne de dialogue finale: "This is only the beginning" ! Et rempiler en 2023, peut-être...

Dune - Première partie
Film canado-américain de Denis Villeneuve (2021)

Le chef d'oeuvre de l'année ? Non, mais un long-métrage spectaculaire et évidemment conçu pour les écrans XXL. Je suis content d'avoir pu le voir dans d'excellentes conditions, pile au centre d'une salle géante. En face, le Dune lynchien de 1984 paraît bien rabougri: un comble. Côté SF, je vous encourage donc plutôt à privilégier deux Villeneuve passés: l'efficace Blade runner 2049 et le superbe Premier contact !

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J'ai l'impression que le film crée pas mal de débat...

Pascale, Princécranoir, Strum et Benjamin en ont parlé avant moi. Mais la discussion peut se prolonger en commentaires, bien entendu !

6 commentaires:

Laurent a dit…

Je suis en total accord avec toi, Martin, en particulier sur la bande originale de Hans Zimmer, que j'ai trouvé souvent envahissante et qui écrase parfois le film. Mais, d'un point de vue esthétique et sur le plan de l'écriture, il n'y a presque rien à redire à mes yeux. Et le casting est juste parfait !

Au passage, je te signale une petite coquille dans ton chouette billet : le réalisateur est Denis Villeneuve et non David (à moins qu'ils n'aient été deux, pour réaliser pareil morceau de cinéma)

Pascale a dit…

Comme toi, "J'ai pu "décrocher" quelques fois" et je trouve ça gênant.
Je l'ai trouvé confus ce film et pas passionnant malgré un beau personnage, très bien incarné par Timothée Chalamet.
La musique oui, est ASSOMMANTE et les personnages sont survolés.
Et comme toi : "j'ai eu du mal à savoir qui faisait quoi et quel camp était avec quel autre" ce qui est aussi très gênant et prouve que le réalisateur n'a pas dominé la complexité et a ajouté de la confusion.
Le rôle de la mère interprétée par Rebecca Ferguson est pour moi une grave erreur de casting. Quant à Charlotte Rampling elle est réduite ces derniers temps à jouer des personnages qui font flipper (cf. Tout s'est bien passé). Je ne parle pas de la Zendaya... j'ai pitié.
Bon courage si tu parviens à lire le livre, moi j'ai jamais réussi.

David Villeneuve ? C'est le petit frère de Denis ? :-)

Martin a dit…

@Laurent:

Nous sommes effectivement d'accord en tous points. Cela me fait plaisir.
Je n'ai pas grand-chose à ajouter à ton message, si ce n'est: vivement la suite !

Merci de m'avoir signalé cette coquille. Je me suis emmêlé les pinceaux avec Lynch...

Martin a dit…

@Pascale:

Le film passe un peu trop vite sur certains personnages, mais bon... j'ai réussi à rassembles les morceaux et je me dis que tout sera plus clair quand l'histoire nous aura été racontée jusqu'au bout.

David Villeneuve, ça doit être un lointain cousin de Denis Lynch, je suppose...

Strum a dit…

Le bouquin est génial. Le film beaucoup plus lisse et moins intéressant même si c'est du travail sérieux. A condition de survivre en effet à l'affreuse bande-son de Zimmer. Vu le succès rencontré au box office, les augures sont favorables pour une suite. Merci pour le lien Martin !

Martin a dit…

Je termine un (gros) bouquin et il est possible que j'entame "Dune" après.
Tant mieux si la suite s'annonce bien ! En revanche, si la musique reste aussi grandiloquente...