lundi 24 mai 2021

Une rencontre australe

Un curieux paradoxe: alors que j'aime le cinéma quand il me permet de sortir des sentiers battus, c'est souvent avec quelques semaines d'avance que je me décide à regarder tel ou tel film. La randonnée constituera une forme d'exception à cette supposée règle. Je l'ai vu grâce à une amie, qui l'avait programmé sur une plateforme Internet !

Marie-France, mille mercis: grâce à toi, j'ai fait un très beau voyage. L'essentiel du long-métrage se passe en effet dans le bush australien. Là, une adolescente et son très jeune frère sont partis avec leur père pour faire un étonnant pique-nique. Souci: il n'y a plus assez d'essence dans la voiture pour rentrer et, soudain, Papa décide alors... de tirer sur ses chers enfants ! Il ne les atteint pas, mais a gardé une balle pour lui-même. Les gosses se retrouvent seuls au milieu de nulle part. C'est au hasard de leurs pérégrinations qu'ils vont finir par rencontrer celui qui les sauvera peut-être: un jeune Aborigène, lui aussi coupé des siens et qui parle une langue dont ils ignorent tout. Et pourtant...

La randonnée
n'est qu'un titre approximatif. Je vous préciserai donc qu'en VO, le film a pour nom Walkabout. Ce terme très spécifique désigne une sorte de rite initiatique auxquels sont soumis les jeunes issus des familles des premiers peuples australiens. Il s'agit pour eux d'abandonner provisoirement leurs proches pour montrer leur capacité à s'en sortir sans soutien extérieur. Vous mesurez dès lors le fossé culturel qui peut exister entre eux et les enfants blancs des "colons" originaires d'Europe. Le film pose la question de leur cohabitation dans un même lieu de vie, ainsi que de leur possible bonne entente. Las ! Rien n'est facile quand il s'agit de s'apprivoiser réciproquement !

Je ne vais évidemment pas vous dire comment tout cela se termine. En revanche, je tiens à souligner les très grandes qualités formelles du film. La première d'entre elles est évidemment liée à sa photo. Avez-vous déjà pu visiter l'Australie ? Moi non, mais la terre sauvage que l'on arpente ici est d'une beauté incroyable - et encore sublimée par le cinéma, j'imagine. Autre aspect assez fascinant: la bande-son fait la part belle aux bruits de la nature, tout en laissant une place importante à la musique, portée par le lyrisme d'une composition signée John Barry et enrichie par le souffle rauque des didgeridoos australiens. Croyez-moi: il n'est pas compliqué de se laisser emporter.

Un (petit) avertissement: bien qu'adapté d'un roman jeunesse, le film s'adresse plutôt à un public adulte, à mon avis. Cela dit, je note aussi que le British Film Institute en fait l'un des cinquante longs-métrages à voir absolument avant d'avoir 14 ans. Bon... ça reste "accessible". C'est vrai aussi que de jeunes oreilles peuvent se montrer sensibles au message écolo du scénario, plutôt avant-gardiste sur cet aspect. Présenté à Cannes en son temps, La randonnée en était reparti bredouille et demeure méconnu aujourd'hui, un demi-siècle plus tard. Mon seul regret sera de ne pas avoir pu le découvrir sur grand écran. C'est une évidence: il est véritablement taillé pour un format cinéma !

La randonnée

Film australo-britannique de Nicolas Roeg (1971)

Le propos du film n'a rien de joyeux, mais son incroyable beauté formelle aura bien suffi à m'émerveiller. J'ai repensé au mystère insondable d'un autre opus lumineux: Yeelen, tourné, lui, en Afrique. Si c'est le désert australien qui vous attire, Tracks - sorti en 2014 - vaut le détour. La fascination pour ce pays lointain s'entretient aussi via Peter Weir (Pique-nique à Hanging Rock ou La dernière vague).

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