dimanche 6 octobre 2013

Au révélateur

Il s'appelle Antoine Dumas, "comme les trois mousquetaires". Il vit seul ou en compagnie parfois d'un petit garçon, son "meilleur copain". Photographe, il ne crée plus d'image intéressante, malgré un talent qu'il ignore et auquel il ne croit pas. L'unique personne qui le touche est une voisine: depuis l'immeuble en face, il l'entend et la voit jouer du piano. Quand Une place sur la Terre démarre, Elena grimpe finalement sur le toit, y danse un peu et saute. Antoine, qui a tout vu et tout photographié, appelle les secours. Rencontre de deux êtres cabossés par la vie sur le froid pavé d'une cour d'immeuble ordinaire.

Une place sur la Terre fait partie de ces films que je suis allé voir sur la foi d'une bande-annonce et parce que j'ai confiance en l'acteur principal. Rien à redire: Benoît Poelvoorde est excellent, une fois encore, dans ce rôle torturé. Je sais un peu des névroses personnelles du comédien. La façon dont il donne corps aux troubles existentiels de son personnage me touche et me fait me demander: joue-t-il vraiment ? Quoiqu'il en soit, son pathétisme assumé (?) lui confère une présence indéniable, presque magnétique: je ne vois personne d'autre que lui pour aussi bien porter les frustrations et les doutes d'Antoine. D'aucuns objecteront que le comédien reste en terrain familier, qu'il a déjà joué dans ce registre. C'est vrai, c'est son "truc". Et pourquoi ne pas considérer que c'est un peu de lui-même, donc ?

D'après moi, c'est clair: l'histoire du film est celle d'une révélation. Aussi incongru que soit son événement déclencheur, la rencontre Elena / Antoine offre à ce dernier la possibilité de s'accomplir enfin. Le photographe maudit passe lui-même au révélateur. Il fallait donc compter sur une autre présence forte en face de Benoît Poelvoorde pour crédibiliser ce chemin de vie. C'est le cas: j'ignorais tout d'Ariane Labed jusqu'alors, mais la jeune femme joue elle aussi remarquablement. Les sourires qui savent éclairer ce beau visage sont rares, mais ils sont lumineux quand ils surviennent: c'est l'esprit même du personnage. Une place sur la Terre trouve une belle vérité dramatique dans la complémentarité de son duo d'acteurs. J'ajoute volontiers un coup de chapeau au petit Max Baissette de Malglaive.

Une place sur la Terre
Film franco-belge de Fabienne Godet (2013)

À ce stade de la lecture de ma chronique, vous vous dites sûrement que j'ai aimé le long-métrage. Les étoiles vous le confirmeront. Laissez-moi tout de même préciser deux choses: 1) le scénario concentre l'essentiel de la dramaturgie sur deux êtres, certains autres ne faisant alors que passer - c'est parfois dommage et 2) le film prête à sourire à certains moments, mais demeure un vrai drame. Je note que la réalisatrice a déclaré vouloir "filmer des âmes". C'est réussi. Imparfait et beau à la fois, avec la discrète Bruxelles en toile de fond.

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Un autre avis vous serait-il utile ?

Si c'est le cas, vous en trouverez sur "Le blog de Dasola". J'ajoute enfin que Patrick, un collègue de travail qui m'accompagnait, a trouvé le film glauque, sombre, désespéré, mais surtout... formidable.

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