mercredi 16 janvier 2013

Un conte triste

La date et le lieu restent imprécis. La France ? Les premières années du 18ème ? Peut-être. Colporteur, Ursus va de ville en ville pour vendre ses potions magiques et onguents miraculeux. Une nuit de tempête, son chemin croise la route de deux enfants: Gwynplaine, visage défiguré par un sourire élargi, et Dea, petite blonde aveugle. Un peu bourru sans doute, le brave homme les recueille finalement, comme une famille d'adoption. L'homme qui rit est un titre trompeur.

Il reprend celui du roman de Victor Hugo, que Jean-Pierre Améris s'est piqué d'adapter une nouvelle fois une cinéma. Le film ne fera pas l'unanimité. Loin de l'esprit de Noël et des promesses de ce fameux titre, c'est un drame authentique, en trois actes. Quand les enfants ont grandi, ils restent aux côtés de leur père choisi. Le trio itinérant gagne sa vie grâce aux pièces de théâtre qu'il joue depuis sa roulotte, jusqu'à ce qu'une duchesse de passage vienne un soir compromettre insidieusement le frêle équilibre. Le propos reste très actuel. L'homme qui rit est un gamin d'aujourd'hui, que la vie malmène déjà et qui cherche à faire sa place. Le jeune Marc-André Grondin ose endosser ce costume avec engagement et brio. Christa Théret, petite soeur de misère, resplendit de beauté, diaphane, pathétique, victime de la rudesse du temps. Et Gérard Depardieu, filmé avant son exil belge, se montre ample et généreux, comme il sait l'être dans le jeu.

Si je dis que le film ne fera pas l'unanimité, c'est parce que l'air du temps n'est sans doute pas à la glorification d'histoires aussi tristes. Dommage, pour le coup: imparfait, sans doute, le film recèle d'incontestables richesses. Le monde qu'il donne à voir et crée presque de toutes pièces a quelque chose de fascinant. Tourné essentiellement sur des plateaux tchèques, L'homme qui rit présente objectivement une étonnante beauté plastique. À la fois réalistes et oniriques, décors et costumes m'ont donné envie de me plonger dans le pavé original pour mieux comprendre les choix artistiques d'un cinéaste inspiré et visiblement bien entouré. Cette approche "artisanale" est l'une des forces du projet, somme toute réussi. Objectivement, on voit peu de films aussi beaux en France et c'est aussi pour ça que je veux défendre celui-là ! Une oeuvre originale, familiale, à laquelle il serait injuste de reproche son académisme.

L'homme qui rit
Film français de Jean-Pierre Améris (2012)

D'aucuns ont parlé d'un univers "burtonien". Je sais pour avoir recueilli ses impressions sur le sujet que le réalisateur souhaitait faire ce film depuis longtemps. J'ai du mal à trouver la juste comparaison. Il est certain toutefois que j'espère désormais découvrir les autres oeuvres de Jean-Pierre Améris, anciennes et nouvelles. Les émotifs anonymes m'avait déjà emballé, je dois dire, dans un tout autre registre.

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Un autre avis ?

Victor Hugo sur écran, ce n'est pas évident. Ici, c'est juste beau. J'ai donc voulu voir le film pour parler encore de son réalisateur, Jean-Pierre Améris, premier à m'avoir accordé une interview exclusive aux Bobines et vrai bel artisan de cinéma. Pascale me l'a fait connaître: elle en reparle avec plaisir ("Sur la route du cinéma").

Et pour finir, de la cuisine interne...
Un soir de veillée nocturne, après avoir tripatouillé quelques réglages sur le blog, ma chronique sur ce film s'est... effacée ! J'espère donc que vous aurez pris plaisir à lire ce qui est en fait une version 2. Après avoir pesté, j'ai bien failli l'intituler La rançon de la gloire...

1 commentaire:

Charline a dit…

Je découvre mille et une bobines et m'y arrête quelques minutes :)

Le film est visuellement très beau, c'est sûr. Mais personnellement il ne m'a pas plu du tout. Pas parce qu'il est triste, au contraire je suis plutôt friande de drame, mais celui-ci m'a laissé vraiment indifférente. Le casting peut être ou la manière trop empressée de raconter l'histoire...

Je vais de ce pas lire d'autres de vos critiques !