samedi 11 juillet 2009

L'enfoiré, côté sombre

Il a fait rire des millions de Français. Il en a réconforté beaucoup d'autres. Il est mort sur une route de Provence et, plus de vingt ans plus tard, il garde une place à part dans notre histoire nationale. Pour lui rendre hommage, Antoine de Caunes a choisi d'évoquer "simplement" deux petites années de sa vie, au cours desquelles il fut, pour le parti d'en rire, l'un des candidats engagés dans la course à la présidence de la République. Coluche, l'histoire d'un mec est, je trouve, un film courageux. Il fallait d'abord avoir une certaine dose de culot pour faire revivre l'humoriste le plus populaire de son temps. Il en fallait davantage encore de l'aborder par un petit bout de lorgnette, de le réduire ainsi, si j'ose dire, à l'un de ses engagements les plus forts, les plus symboliques. Il aurait sans doute été déjà difficile de signer un biopic classique sur la vie de ce grand héros national. Se focaliser sur une courte période, c'était bel et bien un pari. Un quitte ou double casse-cou, du genre peut-être de ceux qu'aurait pu faire un dénommé Michel Colucci.

Pari gagné ? Pari perdu ? Pour de nombreuses critiques que j'ai eu l'occasion de lire sur le film, Coluche, l'histoire d'un mec restera une déception. Beaucoup affirment en fait qu'Antoine de Caunes a été aveuglé par son admiration et, du coup, écrasé par son sujet. Convenons-en: ce n'est pas tout à fait faux. Son film-référence reste à réaliser et celui-là n'est pas exempt de défauts. Je tiens toutefois aussi à le défendre, car, devant ma télé, j'ai véritablement pris plaisir à (re)découvrir cette histoire ancienne. En termes journalistiques, le réalisateur a donc choisi un angle: des sketches "coluchiens", on entend juste une petite partie, et on reste essentiellement les témoins, à l'arrière-plan, de la progression chaotique de son parcours politique. Bilan et je crois qu'il est important de le dire: le film n'est pas drôle, pas drôle du tout, même. Je l'ai au contraire trouvé très sombre, à l'image de son héros, militant sincère et apolitique de la cause populaire, vite encouragé dans sa démarche, mais finalement dépassé par les événements. Oui, il y a beaucoup de pathétisme dans ce parcours, en fait.

Coluche, l'histoire d'un mec donne à voir la face la plus cachée (et parfois tout autant la moins reluisante) de son personnage principal. Un brave type, indubitablement, mais qui s'engage dans un combat trop dur pour lui et qui, peu à peu, délaisse sa femme, se coupe doucement de ses enfants, se fâche avec ses amis. J'ai senti planer l'ombre de la mort sur une bonne partie du film, au point que j'ai fini par remettre mes souvenirs en doute quant à la date de l'accident. Mais non ! Ma mémoire ne me trompait pas totalement: c'est bien après l'élection, et précisément en 1986, que Coluche fut tué. Il y a quelque chose de très touchant dans la manière pudique dont Antoine de Caunes raconte son aventure et son renoncement: on y découvre un clown triste hanté par de vieux démons. La naissance ultérieure des Restos du Coeur trouve là une résonnance intime tout à fait intéressante, comme une forme de revanche douce face au cynisme des hommes politiques "traditionnels". Pour faire passer ce message puissant, il fallait assurément un grand acteur dans le rôle-titre. Bingo ! Dans son phrasé, dans sa gestuelle comme dans l'expressivité de son jeu, François-Xavier Demaison est juste parfait !

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