mardi 30 août 2011

La Vierge à l'écurie

Une chronique de Martin

C'était dit-on plus net aux premières heures de sa carrière: les films du réalisateur franco-espagnol Luis Bunuel sont très souvent marqués par le surréalisme. Voir Le charme discret de la bourgeoisie suppose de se laisser entraîner dans une forme de fantaisie déroutante pour le profane. Moi-même qui ai déjà vu quatre oeuvres du maître, je dois dire que je suis encore surpris. Positivement ? Sans doute, oui, car j'aime l'originalité. Je vais tout de même avoir du mal à vous résumer le long-métrage. Une certitude: il sort résolument des sentiers battus. Il faut le rejoindre pour l'apprécier.

Au départ, pourtant, rien ne présage de la difficulté. Par des images somme toute assez classiques, le film nous conduit dans la voiture d'un diplomate sud-américain à Paris, sur la route d'un simple dîner entre amis. Parvenu jusqu'à la demeure de son hôte en la compagnie de quelques autres convives, l'ambassadeur de Miranda, république aussi imaginaire que bananière, trouve une maîtresse de maison déjà en robe de chambre, en fait persuadée d'avoir lancé l'invitation pour le lendemain. Le charme discret de la bourgeoisie, ce sera notamment l'histoire de six personnages qui ne parviennent jamais longtemps à se mettre à table. Prévu d'abord pour reproduire plusieurs fois la reconstitution du meurtre d'un notable, le film repose volontairement sur le principe de la répétition. Ad libitum.

Les protagonistes seront en effet systématiquement interrompus, par la pénurie des ingrédients nécessaires à leurs agapes, l'intrusion d'un groupe de terroristes ou même le lever d'un rideau de théâtre sur leur repas du soir. Plusieurs rôles secondaires entraîneront encore le film vers d'autres horizons, que ce soit une escouade militaire en pleine manoeuvre, un évêque à la vocation de jardinier ou un mort déjà froid dans une chapelle ardente. Je le redis encore une fois: Le charme discret de la bourgeoisie n'est pas une oeuvre facile à présenter, ni du reste à appréhender. Elle a toutefois marqué l'histoire du cinéma à sa façon, recevant l'Oscar du meilleur film étranger en 1973. À vous de vous y frotter et de ressentir alors comment vous la percevrez. Et ensuite, n'hésitez pas à m'en parler !

Le charme discret de la bourgeoisie
Film français de Luis Bunuel (1972)
Je peux maintenant dévoiler le pourquoi du titre de ma chronique. Co-scénariste, Jean-Claude Carrière raconte que Luis Bunuel et lui ont oeuvré à partir d'un simple titre de travail, à savoir Les invités. Chacun de leur côté, avec droit de véto réciproque, ils ont ensuite réfléchi pour trouver autre chose. J'ai retenu l'une des propositions de l'Espagnol et, pour l'anecdote, j'ajoute qu'il voulait encore ajouter un vitupérant À bas Lénine ! Au petit jeu de la comparaison filmographique, le sens d'oeuvres comme Belle de jour ou Tristana reste franchement plus limpide, La voie lactée s'inscrivant plutôt dans la veine surréaliste. Avis à tous ceux qui aiment la bizarrerie !

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