Parmi les nombreuses émotions que procure le cinéma, il y en a une que je prise tout particulièrement: celle qui correspond au bonheur d'aller voir un film longtemps anticipé et de le découvrir aussi beau qu'on l'avait espéré. Cette émotion-là, j'ai eu la chance de la ressentir vers la toute fin du mois d'août dernier, grâce à Michael Kohlhaas.
Comme probablement d'autres amateurs de cinéma, j'avais entendu parler du film pour la première fois après sa participation à la course à la Palme d'or du dernier Festival de Cannes. J'ai cru en lui aussitôt. Et, bien qu'il soit reparti bredouille de la Croisette, je l'ai attendu.
Michael Kohlhaas ? Le héros éponyme du film est éleveur de chevaux dans la France du 16ème siècle. Un jour qu'il part à la foire agricole pour vendre ses bêtes, il est arrêté en chemin: fait inédit, on exige de lui qu'il s'acquitte d'un droit de péage. Alors que la discussion s'envenime, notre homme finit par accepter de confier deux chevaux au percepteur, en guise de garantie du paiement de sa dette nouvelle. Problème: quand il revient, les animaux ont été maltraités au point qu'ils sont méconnaissables. Le maquignon demande réparation et, bientôt, faute d'obtenir satisfaction, lance les hommes de son clan dans une vendetta. Laquelle, et c'est à l'évidence le sujet du film, dépasse allégrement le motif de fâcherie initiale. Je crois nécessaire de souligner ici que la violence du long-métrage ne doit rien aux effusions de sang. L'hémoglobine ne prend que peu de place à l'image. Ce que le film a de dur réside plutôt dans ces interrogations qu'il pose de plus en plus frontalement au fil des minutes: le héros vengeur est-il légitime ? Est-ce que le mal qu'on lui a fait méritait vraiment d'être puni de cette façon ? Est-ce qu'en se faisant alors chef de guerre, il ne devient pas lui-même le monstre qu'il dit combattre ?
Soyez prévenus: ici, la parole est juste, mais rare. L'action suggérée plutôt qu'explicite. Le film est anti-spectaculaire, si vous m'autorisez ce néologisme. De fait, cela ne l'empêche nullement d'être beau. Pourquoi ? D'abord parce qu'en replaçant un roman de la littérature romantique allemande dans les Cévennes, le réalisateur a su construire des images d'une beauté saisissante, où la nature sauvage et les caprices de la météo sont presque des personnages à part entière. Je l'ai perçu instinctivement, sans chercher à comparer depuis: esthétiquement, Michael Kohlhaas est le plus fort des films que j'ai vus cette année. Amoureux du cinéma en costumes, j'ai été transporté, ne regardant plus un écran, mais des lieux et personnages réels. Et quel charisme ils avaient, toutes et tous ! En tête d'affiche et en français dans le texte, le Danois Mads Mikkelsen dégage véritablement une prestance hors du commun. Les seconds rôles m'ont donné des frissons. De peur de trop dire, je ne citerais aujourd'hui que le vieux Bruno Ganz et une formidable gamine âgée d'à peine 14 ans et répondant à un très joli nom: Mélusine Mayance. Denis Lavant, lui, n'a qu'une petite scène, mais ce passage change tout au regard qu'on porte à ce qui nous est montré. Le film y puise son juste écho à la France actuelle. Du grand, du très grand cinéma.
Michael Kohlhaas
Film français d'Arnaud des Pallières (2013)
Que dire pour finir ? Que, bien que peu divertissant, ce que j'ai vu m'a paru plus profond, plus pertinent et plus touchant que le spectacle proposé par d'autres films sur fond de Moyen Âge. L'austérité protestante du long-métrage, assumée, m'a littéralement embarqué avec elle. Arnaud des Pallières a par ailleurs l'intelligence d'exposer des événements sans livrer son point de vue. Son film pose nettement plus de questions qu'un Braveheart, mais c'est à chacun d'entre nous d'y répondre. Je me répète: voilà du très grand cinéma ! L'Allemand Volker Schlöndorff avait livré sa propre vision en 1969. Précision littéraire: le roman, lui, a été écrit par Heinrich von Kleist en 1810. Et donc deux ans après La marquise d'O... (cf. Eric Rohmer).
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Et maintenant, je vous conseille d'aller voir ailleurs...
Pascale ("Sur la route du cinéma") a bien aimé le film, mais en parle avec des réserves que je comprends et qu'elle attribue à un sentiment de froideur, si j'ai bien saisi le sens de ses explications. Une preuve de plus qu'au cinéma, il n'y a jamais qu'une seule vision possible. Celle de Liv, qui m'a fait le plaisir de laisser un commentaire récemment, est plutôt positive. Découvrez-la sur son blog: "Liv/raison de films".
Comme probablement d'autres amateurs de cinéma, j'avais entendu parler du film pour la première fois après sa participation à la course à la Palme d'or du dernier Festival de Cannes. J'ai cru en lui aussitôt. Et, bien qu'il soit reparti bredouille de la Croisette, je l'ai attendu.
Soyez prévenus: ici, la parole est juste, mais rare. L'action suggérée plutôt qu'explicite. Le film est anti-spectaculaire, si vous m'autorisez ce néologisme. De fait, cela ne l'empêche nullement d'être beau. Pourquoi ? D'abord parce qu'en replaçant un roman de la littérature romantique allemande dans les Cévennes, le réalisateur a su construire des images d'une beauté saisissante, où la nature sauvage et les caprices de la météo sont presque des personnages à part entière. Je l'ai perçu instinctivement, sans chercher à comparer depuis: esthétiquement, Michael Kohlhaas est le plus fort des films que j'ai vus cette année. Amoureux du cinéma en costumes, j'ai été transporté, ne regardant plus un écran, mais des lieux et personnages réels. Et quel charisme ils avaient, toutes et tous ! En tête d'affiche et en français dans le texte, le Danois Mads Mikkelsen dégage véritablement une prestance hors du commun. Les seconds rôles m'ont donné des frissons. De peur de trop dire, je ne citerais aujourd'hui que le vieux Bruno Ganz et une formidable gamine âgée d'à peine 14 ans et répondant à un très joli nom: Mélusine Mayance. Denis Lavant, lui, n'a qu'une petite scène, mais ce passage change tout au regard qu'on porte à ce qui nous est montré. Le film y puise son juste écho à la France actuelle. Du grand, du très grand cinéma.
Michael Kohlhaas
Film français d'Arnaud des Pallières (2013)
Que dire pour finir ? Que, bien que peu divertissant, ce que j'ai vu m'a paru plus profond, plus pertinent et plus touchant que le spectacle proposé par d'autres films sur fond de Moyen Âge. L'austérité protestante du long-métrage, assumée, m'a littéralement embarqué avec elle. Arnaud des Pallières a par ailleurs l'intelligence d'exposer des événements sans livrer son point de vue. Son film pose nettement plus de questions qu'un Braveheart, mais c'est à chacun d'entre nous d'y répondre. Je me répète: voilà du très grand cinéma ! L'Allemand Volker Schlöndorff avait livré sa propre vision en 1969. Précision littéraire: le roman, lui, a été écrit par Heinrich von Kleist en 1810. Et donc deux ans après La marquise d'O... (cf. Eric Rohmer).
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Et maintenant, je vous conseille d'aller voir ailleurs...
Pascale ("Sur la route du cinéma") a bien aimé le film, mais en parle avec des réserves que je comprends et qu'elle attribue à un sentiment de froideur, si j'ai bien saisi le sens de ses explications. Une preuve de plus qu'au cinéma, il n'y a jamais qu'une seule vision possible. Celle de Liv, qui m'a fait le plaisir de laisser un commentaire récemment, est plutôt positive. Découvrez-la sur son blog: "Liv/raison de films".