lundi 23 avril 2012

En parler (ou pas)

Une chronique de Martin

Un fait divers sordide aux États-Unis dans les années 60. Un roman français de Didier Decoin, qui ajoute quelques éléments dramatiques supplémentaires à cette histoire. Et enfin, un film du réalisateur belge Lucas Belvaux, un peu en décalage lui aussi, notamment parce que transposé dans la cité portuaire du Havre. Comme son nom peut le suggérer, 38 témoins parle du meurtre d'une femme et s'oriente d'emblée vers les nombreuses personnes qui ont vu ou entendu quelque chose. Et qui, l'enquête ouverte, n'ont rien dit à la police.

À l'évidence, le film interroge: "Et vous, qu'auriez-vous fait ?". Question quasi-accusatoire qui peut transformer une soirée cinéma en séance d’introspection. Dans son identité même, la victime n'a plus guère d'importance. Le coupable, lui, n'est à aucun moment sujet du long-métrage – et ce alors même que le roman lui accordait une place importante. Pour aborder ces 38 témoins, Lucas Belvaux s'est rapproché de l'intimité d'un couple. Louise, elle, n'était pas chez elle la nuit du meurtre. Pierre, en revanche, était là, a entendu, vu, mais préfère garder le silence, comme ses voisins, ment donc par omission à sa compagne, dans un premier temps. Il sera ensuite celui qui viendra dynamiter l'omerta. C'est alors aux conséquences de ce revirement que le scénario s'intéresse. Maintenant, je m'arrête. Pas envie d'en dire plus sur ses circonvolutions. À vous de voir.

Côté réalisation, j'ai vraiment apprécié le travail plastique réalisé autour du film. J'ai aussi, c’est vrai, de l'affection pour Le Havre, une ville que j'ai habitée pendant quatre ans. Elle m'a semblé ici très joliment filmée. Sa frontière maritime apparaît comme la porte incertaine d'un autre monde et son port tel un oppressant labyrinthe. Vidé de l'essentiel de ses habitants, son centre-ville devient doucement le théâtre d'un huis-clos dévastateur. Même le refuge traditionnel du foyer n'en est plus un, tel qu'il apparaît à l'écran. Demeurent les hommes et les femmes, beaucoup et peu à la fois. Couple solidaire en voie de perdition, Sophie Quinton et Yvan Attal rivalisent de sobriété, en dépit de scènes un peu longuettes parfois. 38 témoins n'est paradoxalement pas un film très peuplé. J'y ai apprécié les prestations secondaires de Nicolas Garcia en journaliste patiente, de Natacha Régnier en voisine ambigue, de Didier Sandre en procureur fataliste et enfin de François Feroleto en flic à état d'âme. Des défauts, certes, mais du vrai bon cinéma francophone !

38 témoins
Film français de Lucas Belvaux (2012)
Même s'il est sans doute moins marquant, le long-métrage m'a fait songer à 12 hommes en colère. Par ce côté numérique, mais surtout cet homme qui fait barrage à l'unanimité dans un cadre judiciaire. Oui, je connais de nombreuses autres oeuvres axées sur la lâcheté humaine. Je n'en vois simplement pas qui étudie ainsi, de manière aussi rapprochée, les conséquences sur le lâche lui-même. Instructif.

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D'autres avis ?
Philippe n'a pas aimé du tout. Sylvie, une amie commune venue voir le film avec nous, beaucoup plus. Sur le Net, "Sur la route du cinéma" le présente de manière assez exhaustive et "L'impossible blog ciné" en parle plus sommairement, avec toutefois de longues observations sur le comportement du public ce soir-là, dans une salle parisienne...

2 commentaires:

Philippe Joseph a dit…

En parler (ou pas), à cette question, je choisis la deuxième réponse et ceci concerne le film et non le débat qu'il essaye désespérément d’aborder ! Essayer plutôt du Claude Chabrol !! Merci et bonne journée – P. JOSEPH

Anonyme a dit…

En parler, encore et encore ...
S.