Une chronique de Martin
C'est je crois mon père qui, le tout premier, m'a parlé de 12 hommes en colère. Il y a quelques années, à Paris, il m'avait même emmené voir la pièce de théâtre, avec... Michel Leeb dans le rôle principal. L'occasion de faire tomber un premier préjugé: les comédiens comiques peuvent jouer sur d'autres cordes sensibles et, comme ici, donner vie à une histoire plutôt dramatique. L'oeuvre nait d'une idée simple: après un procès, suivre le délibéré d'un jury criminel, à partir du moment où un seul des jurés doute de la culpabilité de l'accusé, vote "non-coupable" et empêche alors la possible condamnation.
Au cinéma, ce rôle dissident est confié à Henry Fonda. L'acteur s'implique à un tel point dans le film qu'il en est aussi le producteur et convainc le jeune Sidney Lumet, de 19 ans son cadet, de tourner son premier long-métrage. 12 hommes en colère s'oriente évidemment vers ce héros solitaire, cet homme-là, seul contre tous. Réduire l'intrigue à la faconde de ce personnage me paraîtrait toutefois une erreur. Le fait est que les onze autres acteurs me sont moins familiers, mais chacun se démarque des autres. Sous l'oeil attentif du spectateur, c'est un peu un kaléidoscope de l'âme humaine qui est donné à voir. Il y a là douze Américains ordinaires, certains pressés d'en finir, d'autres convaincus, qui vont devoir prendre ensemble une décision lourde de sens. L'aboutissement n'a rien de surprenant, mais c'est le cheminement qui est intéressant. Tout ce que les images apportent, c'est en réalité la vie elle-même.
Dès lors, pas besoin d'avoir fait du droit pour apprécier le spectacle. Le huis-clos est suffisamment bien construit pour qu'on s'y laisse prendre. L'intensité dramatique est d'autant plus forte que le mot innocence n'est, je crois, jamais prononcé. "Non-coupable": le jargon même de la justice renferme sa part de doute. Je trouve le film exemplaire sur ce point: il ne tranche pas, donc s'écarte des postures moralisatrices. Il n'y a pas de bons et pas davantage de méchants. Juste 12 hommes en colère avec qui, une bonne heure et demie durant, réfléchir au-delà des idées toutes faites. La force théâtrale de ce thriller fonctionne au cinéma grâce à ces longues séquences filmées d'une traite. Elles sont d'ailleurs, petit à petit, entrecoupées de gros plans révélateurs. Ces bonnes vieilles ficelles du septième art peuvent aussi paraître surannées: j'ai parfois trouvé la caméra quelque peu empesée. Reste à admirer une intelligence d'écriture dont certains cinéastes contemporains feraient bien de s'inspirer...
12 hommes en colère
Film américain de Sidney Lumet (1957)
Coup d'essai, coup de maître: dès son premier film, le cinéaste pose des bases solides pour un genre tout particulier, le film de huis-clos. Cela dit, ma ciné-addiction est encore trop récente pour que j'aie vraiment un film de comparaison à vous proposer. Il faudra donc peut-être vous contenter du dernier Roman Polanski, Carnage, présenté ici même il y a quelques semaines. J'ai pour ma part envie de revoir le classique hitchockien Fenêtre sur cour, autre grand film sur les apparences trompeuses. Pas tout de suite, mais un jour...
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Si vous voulez en savoir plus...
J'en ai gardé sous le coude. Avant et surtout après avoir vu le film, vous apprécierez peut-être de lire l'avis de "L'oeil sur l'écran". En plus d'une analyse positive du travail de Sidney Lumet, cette chronique contient plusieurs anecdotes, que j'ai trouvées très intéressantes.
1 commentaire:
Je l'avais vu au ciné il y a deux ou trois ans, vraiment remarquable.
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