lundi 28 mai 2012

Et la Palme est attribuée à...

Une chronique de Martin

L'info, vous l'avez sans doute déjà: la 65ème édition du Festival international du film de Cannes a fermé ses portes lors de la soirée d'hier, après la traditionnelle remise des prix. L'heure est donc venue pour moi de vous proposer mon analyse personnelle, étant précisé que je n'ai pour l'instant vu que deux des 22 oeuvres en compétition. De prime abord moins flamboyant que celui de 2011, le palmarès cannois n'en réveille pas moins en moi de vraies envies de cinéma.

Sauf si son distributeur décide d'une sortie anticipée, il semble bien qu'il faudra attendre encore quelques mois pour découvrir la Palme d'or. Le réalisateur autrichien Michael Haneke en ajoute une seconde à sa collection, lui qui avait déjà été couronné en 2009. Festivalier fidèle et parfaitement francophone, il a une nouvelle fois su apporter la lumière sur des comédiens français, en l'occurrence cette fois Emmanuelle Riva et Jean-Louis Trintignant, 85 et 81 ans. J'ai hâte désormais d'aller voir cet Amour, récit du quotidien d'un couple d'octogénaires, quand la dame perd tour à tour la mobilité, la parole et la mémoire. Michael Haneke a présenté le sujet comme le fruit d'une conversation avec sa propre épouse. Je peux déjà supposer qu'entre les mains de grands comédiens, ce sera de fait bouleversant.

Était-ce l'oeuvre la plus forte de la sélection ? C'est très possible. Reality, la comédie amère qui permet à Matteo Garrone de recevoir un nouveau Grand Prix du jury après celui de 2008, suit un candidat frustré à une émission de téléréalité. Le film précédent du cinéaste évoquant la mafia napolitaine, on peut parler d'un revirement thématique complet. Est-ce un bien ou un mal ? Je n'en jugerai pas avant d'avoir vu le(s) film(s). Celui-là m'attire peu, pour l'instant. J'ajoute que je peux très bien changer d'avis quand il sera sorti.

Est-ce la récompense des adieux pour Ken Loach ? Je crois avoir noté que le réalisateur britannique en était cette année à sa 15ème venue sur la Croisette. Je l'aime bien, sincèrement. Même si la critique n'a pas toujours goûté à La part des anges, son nouveau long-métrage, peut-être bien que j'irai le voir pour juger moi-même de sa valeur. De manière assez surprenante pour quelqu'un qui s'est surtout illustré dans le drame, il semble qu'il s'agisse d'une nouvelle comédie. L'intrigue tournerait autour d'un jeune père condamné à un travail d'intérêt général et que son superviseur initie à l'art de la distillation du whisky. Rendez-vous en salles prévu à la fin du mois de juin.

Pourra-t-on également y découvrir les deux jeunes actrices récompensées du Prix d'interprétation féminine ? Les Roumaines Cristina Flutur et Cosmina Stratan, respectivement ex-comédienne de théâtre et ancienne journaliste, s'illustrent dans le nouveau film de Cristian Mungiu, leur compatriote qui avait obtenu la Palme d'or en 2007. Au-delà des collines est aussi leur tout premier film ! Juste descendues d'avion, les deux actrices ont fait part de leur émotion. Elles pourraient à leur tour en susciter avec leurs personnages, l'une amoureuse de l'autre et voulant l'empêcher de vouer sa vie à Dieu. Notez que le long-métrage repart également avec le Prix du scénario.

Mads Mikkelsen est sans nul doute un comédien plus expérimenté. Connu à l'international, notamment pour avoir prêté ses traits à l'un des derniers bad boys de la série James Bond, le Danois n'a pas oublié ses compatriotes auteurs et notamment Thomas Vinterberg. Dans le dernier film de ce dernier, il joue un homme que la rumeur accuse de pédophilie. La chasse a reçu le Prix du jury oecuménique. Clin d'oeil du destin: la femme de Mads Mikkelsen poursuit actuellement des études de théologie. Le cinéaste, lui, s'est éloigné ici des préceptes du Dogme danois, ces conditions de tournage draconiennes qu'il avait décidé de s'imposer au début de sa carrière. Son acteur rentre au pays avec le Prix d'interprétation masculine.

Prix de la mise en scène, Post tenebras lux semble pour sa part s'illustrer par l'un de ces curieux formalismes que peut revêtir parfois le cinéma d'auteur. Je ne sais pas grand-chose de ce long-métrage signé du réalisateur mexicain Carlos Reygadas. Sa bande-annonce m'a laissé croire en l'analyse de la critique: le film s'annonce surtout comme une oeuvre contemplative. Après les ténèbres, la lumière ? J'attendrai donc ce récit autobiographique dans une salle... obscure.

Idem pour Les bêtes du sud sauvage, la Caméra d'or 2012. Rappel pour les étourdis: cette récompense vient couronner ce qui est considéré comme la meilleure première oeuvre de tout le Festival. Cette année, il fallait la chercher dans la catégorie Un certain regard. Petite polémique à la clé: l'Américain Benh Zeitlin avait déjà été récompensé d'un trophée pour ce même film, lors du dernier Festival de Sundance. La meilleure façon de juger si c'est mérité - ou non - sera évidemment de voir le long-métrage. Il y serait en fait question d'une petite fille partie à la recherche de sa mère, alors que son père tombe malade. Une thématique abordée comme elle pourrait l'être dans un conte, si j'ai bien compris, ce qui vient titiller ma curiosité.

Un mot enfin sur Sessiz be-Deng, petit film venu de Turquie, Palme du court-métrage. C'est la troisième oeuvre de son auteur, âgé seulement de 34 ans. Le jeune L. Rezan Yesilbas a pu le présenter comme le deuxième volet d'une trilogie féminine. Il s'intéresse effectivement à une femme, qui vient rendre visite à son mari prisonnier. Je n'en sais pas beaucoup plus, mais note que le cinéaste a dit du Festival qu'il était pour lui "une bulle au milieu du monde". J'aime assez cette idée d'espace culturel, protégé et ouvert à la fois.

J'en ai terminé avec les lauréats. Comme chaque année, Cannes laisse aussi quelques déçus sur le bord du chemin. Promis: ce constat amer ne me découragera pas de vous parler d'autres réalisateurs émérites comme Jacques Audiard, dont le sixième opus, De rouille et d'os, est reparti bredouille. Je crains que la critique française s'enflamme un peu vite dès qu'elle voit un bon film tricolore ! Visiblement, Alain Resnais et son Vous n'avez encore rien vu peuvent souffrir des mêmes symptômes, de même que Leos Carax, pourtant régulièrement cité parmi les favoris pour son Holy motors. En revanche, c'est sans doute autre chose qui a nui au Sur la route de Walter Salles, au Cosmopolis de David Cronenberg ou bien encore au Moonrise Kingdom de Wes Anderson. Je m'étonne presque d'avoir vu le palmarès défiler sans mention du film égyptien, contexte politique et printemps arabe obligent. Au tour du public d'en juger.

Pour ma part, je veux laisser le mot de la fin au président du jury choisi pour cette édition 2012. "J'ai huit nouveaux amis", a dit l'Italien Nanni Moretti à propos de ses jurés, les citant tour à tour avant de souligner à la fois "la sincérité d'Ewan McGregor, la passion d'Hiam Abbas, la bonne humeur de Jean-Paul Gaultier, spectateur idéal à mon sens, la détermination de Diane Kruger, la douceur d'Emmanuelle Devos, la mémoire historique et cinématographique d'Alexander Payne, la compétence et la culture de Raoul Peck". Ajoutant enfin "l'énorme énergie d'Andrea Arnold, qui avait décidé qu’on se baignerait tous dans une mer à 14°C, projet que nous avons fort heureusement réussi à faire échouer !". En passionné, le lauréat de 2001 a également parlé de sa méthode de travail: les jurés auraient ainsi eu huit réunions pour parler de tous les films. N'allant pas jusqu'à citer des noms, Nanni Moretti a aussi dit son sentiment que "plusieurs des réalisateurs en compétition étaient plus amoureux de leur style que de leurs personnages". Il a par ailleurs assuré qu'aucun prix n'avait fait l'unanimité et, au sujet de la Palme d'or Amour et de ses comédiens, exprimé son regret que le règlement interdise désormais d'octroyer à la fois Palme et Prix d'interprétation à un même long-métrage. Nous verrons si cela change en 2013. Objectivement, je n'ai pas d'info là-dessus, mais j'en doute beaucoup.

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