dimanche 30 octobre 2011

L'amour d'abord

Une chronique de Martin

Enoch est tombé dans le coma après un grave accident de voiture. Quand il finit par se réveiller, il apprend que ses parents sont morts. Annabel doit subir un scanner pour surveiller l'évolution de sa maladie et sait que sa tumeur au cerveau devrait l'emporter dans trois mois environ. L'idée originale de Restless ne laissait aucune vraie place aux emphases balourdes. Entre pathos exacerbé et détachement exagéré, il était difficile de trouver le ton juste et d'ainsi pouvoir mettre en valeur cette histoire. Gus van Sant - que j'ai découvert avec ce dernier film, enfin ! - y est à mon avis assez bien parvenu.

Au départ, pourtant, voir Enoch assister à diverses cérémonies funéraires surprend. Quand, d'un joli et large sourire, Annabel entre en scène, l'idée que ces deux-là vont s'entendre et s'aimer s'impose aussitôt. La magie de Restless tient au fait qu'à partir d'un thème éminemment mélodramatique, le réalisateur ne tombe jamais franchement dans le piège du larmoyant. Mieux que ça, ce film ose parfois prendre à contre-pied, la scène triste la plus caricaturale n'étant ainsi rien d'autre qu'une fausse piste - à laquelle est associé un rebondissement. Bien que classique, la trame reste imaginative.

Tout me semble tenir en un seul mot: préparation. Au moment précis où Annabel évoque sa fin prochaine, Enoch ne part pas en courant et, tout au contraire, lui promet d'utiliser le temps encore disponible pour la préparer à partir en douceur. Dans cette démarche, il est secondé, épaulé même, par Hiroshi, un fantôme de pilote kamikaze nippon, dont on ne sait jamais vraiment s'il est réel ou imaginé. Annabel, de son côté, se sait condamnée et il y a alors un moment dans le film où le couple bascule: ce sera elle, ensuite, qui préparera son aimé à survivre à un second deuil. Restless dit finalement beaucoup de choses sans en faire jamais trop. En un instant fugace où il est donné lecture d'une lettre, j'ai regretté de ne pas entendre parler japonais, mais c'est mon unique bémol sur la forme qu'adopte le long-métrage. Retenue et pudeur sont ses premières qualités.

Restless
Film américain de Gus van Sant (2011)
Présenté à Cannes en sélection Un certain regard, le long-métrage est donc mon premier Gus van Sant. Il m'a donné envie d'en voir d'autres et ça tombe bien: j'en ai quelques-uns dans ma collection. Puisqu'il est ici question de deuil, je crois judicieux de vous renvoyer vers Departures pour une comparaison de l'appréhension de la mort selon les pays. J'en termine avec un mot sur les acteurs: déjà aperçue au cinéma, notamment dans Alice au pays des merveilles ou Tout va bien ! The kids are all right, Mia Wasikowska s'affirme petit à petit comme la jeune comédienne qui monte. Premier rôle masculin, Henry Hopper, fils de Dennis, débute à peine et me semble lui aussi prometteur. À voir et revoir, donc, mais sans se tromper. Deux autres films portent en effet le même nom que celui-là...

vendredi 28 octobre 2011

Elles et lui

Une chronique de Martin

Bertrand Morane n'aime pas une femme, mais toutes les femmes. Fasciné par les jambes d'une demoiselle croisée par hasard, il va jusqu'à fracasser sa voiture contre un mur pour s'en prétendre victime et retrouver sa trace. Beau parleur respectueux de la gente féminine à sa façon, il connaît un certain succès et enchaîne facilement conquêtes d'un soir ou conversations de quelques heures. L'homme qui aimait les femmes n'est pas un macho. Pour analyser sa fascination et un peu mieux se comprendre lui-même, il décide d'écrire un livre sur ses rencontres et aventures, titré Le cavaleur.

Je me suis vite demandé, en découvrant le film de François Truffaut, s'il fallait justement faire le rapprochement avec Le cavaleur, celui de Philippe de Broca sorti moins de deux ans plus tard. J'y ai pensé, oui, mais je ne crois pas, en fait: ce second long-métrage est plutôt une comédie, tandis que le premier ouvre sur une cérémonie funéraire pour son héros et recèle donc d'une certaine nostalgie funeste dans son propos. Attention: L'homme qui aimait les femmes n'est pas un film austère, son auteur ayant écrit des scénarios beaucoup plus sombres que celui-là. Ici, on sourit même souvent. Chiadé, le texte du film est également d'une poésie certaine. J'ai l'impression que c'est même le premier point en faveur de l'oeuvre.

Quand on connaît un peu toute l'importance que revêtent les acteurs pour Truffaut, on ne peut s'empêcher de mentionner la prestation impeccable de Charles Denner dans le rôle titre. On sent confusément que les deux hommes se connaissent bien: c'est, de fait, la troisième et dernière fois qu'ils collaborent. L'homme qui aimait les femmes, c'est sans le moindre doute le réalisateur lui-même, bien plus encore que son comédien. Littéraire dans son approche, le film est un cri d'amour, assez sombre par moments, il est vrai, et un peu daté, aussi. Tourné à la fin des années 70, il a l'audace de son époque, cette liberté de ton malgré tout assez contenue, qui lui donne un côté un peu guindé, pas franchement révolutionnaire en tout cas. Replacée dans son contexte historique, c'est tout même une oeuvre très intéressante, portée par un texte flamboyant. À découvrir, donc: le faire comme moi avec des représentants des deux sexes peut même présenter l'avantage de susciter un débat sur sa modernité.

L'homme qui aimait les femmes
Film français de François Truffaut (1977)
Je crois ne pas trop me fourvoyer si j'affirme que, souvent inspirés par son propre destin, les films du réalisateur se répondent les uns aux autres. Encore trop inexpérimenté pour en dresser un panorama exhaustif, je vous propose tout de même de faire un rapprochement avec les deux autres qui sont déjà chroniqués ici. Je constate finalement qu'il s'agit à chaque fois d'histoires d'amours contrariées. Dans La chambre verte, c'est flagrant, avec ce personnage interprété par Truffaut lui-même, incapable de faire enfin le deuil d'une première épouse et qui rejette le bonheur qui lui tend les bras. L'histoire d'Adèle H. est tout aussi désespérée, bien qu'en l'espèce, la non-réciprocité soit inversée et le scénario appuyé sur des faits historiques. J'en ai surtout retenu la prestation ébouriffante d'Isabelle Adjani, récompensée d'une nomination aux Césars.

jeudi 27 octobre 2011

Audiard, génie polyvalent

Une chronique de Martin

On a célébré l'an dernier le 25ème anniversaire de sa disparition. J'admets volontiers que ce n'est que très récemment que j'ai réalisé que Michel Audiard était mort avant le troisième âge, à un peu plus de 65 ans. On ne saura jamais ce qu'il aurait pu faire s'il avait vécu, mais quelle carrière tout de même ! De 1949 à 1985, dialoguiste et/ou scénariste, il a participé en tout à près de 120 films, téléfilms et courts-métrages. Il faut y ajouter quelques oeuvres en réalisateur, quelques autres en tant qu'acteur et, "subsidiairement", une dizaine de romans. Logique que son fils Jacques fasse du cinéma, pas vrai ?

Ce grand monsieur du septième art français était d'ailleurs aussi, malgré sa boulimie de travail, un père sensible, dont on a affirmé qu'il avait été profondément marqué par la mort d'un autre fils, François, dans un accident de voiture - c'était en 1975. Découvrir l'ensemble de sa filmographie serait un pari (difficile à tenir). Maintenant, si vous voulez en avoir un petit aperçu, une fois appréciés le scénario et les dialogues de Ne nous fâchons pas, film présenté mardi, voici quelques repères disséminés sur le blog:
- Gas-oil - adaptation et dialogues (1955).
- Rue des prairies - scénario et dialogues (1959).
- Les vieux de la vieille - adaptation et dialogues (1960).
- Le président - adaptation et dialogues (1961).
- Un grand seigneur - scénario, adaptation et dialogues (1965).
- Le corps de mon ennemi - scénario et dialogues (1976).
- Le cavaleur - scénario et dialogues (1979).
- Les égouts du paradis - dialogues (1979).
- Garde à vue - dialogues (1981).

Je vous le promets aussi: je n'en ai pas terminé avec Michel Audiard !

mardi 25 octobre 2011

La patience (relative) des truands

Une chronique de Martin

Ne nous fâchons pas: Georges Lautner en place derrière la caméra et Michel Audiard aux dialogues, on imagine assez vite que le titre du film est une fausse piste. Cette comédie à l'ancienne suit les pas d'Antonio Beretto, truand repenti lancé dans le commerce de bateaux sur la Côte d'Azur. Un beau jour, il voit arriver deux ex-complices, poursuivis par la police. Ils lui demandent un navire et de l'argent pour passer en Italie. Et puisqu'ils n'auront pas l'occasion de revenir pour rembourser, ils donnent le nom de Léonard Michalon, voyou sans honneur qui leur a refilé un faux tuyau pour les courses hippiques, juste avant... de disparaître. Un zozo multi-récidiviste !

Antonio Beretto, c'est Lino Ventura, avec son pote Michel Constantin dans le rôle de Jeff, restaurateur et ami. Léonard Michalon repose sur les épaules de Jean Lefebvre. Rapport de forces disproportionné: c'est bien évidemment Michalon qui prend les baffes et Beretto (entre autres) qui les met. Évidemment, Léonard ne rembourse pas Antonio et, pire, ayant arnaqué un truand toujours en activité, il est traqué afin de passer à la casserole. Il faut donc bien le protéger pour avoir une chance de récupérer l'argent ! Ne nous fâchons pas, c'est donc bel et bien une suite de péripéties avec des gros durs enquiquinés par un perdreau de première catégorie. Et, pour peu qu'on apprécie ces scénarios un peu vieillots, c'est franchement drôle.

Le film tient plutôt bien la distance. Il rebondit assez efficacement quand le trio principal croise une femme, l'inévitable Mireille Darc. Chut ! Je ne vous en dis pas plus: vu qu'elle met plus d'une heure pour entrer en scène, je m'en voudrais de vous gâcher la surprise. Objectivement, après que les présentations ont été faites, le rythme du long-métrage ralentit quand même un peu, juste avant un final sous forme de feu d'artifices revanchard (là aussi, motus !). Honnêtement, les vrais héros de Ne nous fâchons pas, ce sont bien les mots de Michel Audiard. Pareille maîtrise de la langue populaire m'impressionne toujours. Le film est comme un condensé du meilleur en la matière. C'est d'ailleurs pour ça et quelques plans de la Côte d'Azur des sixties que j'ai tenu à le revoir. Et je ne le regrette pas.

Ne nous fâchons pas
Film français de Georges Lautner (1966)
Léonard Michalon rappelle François Pignon, comme s'il anticipait déjà le personnage de Jacques Brel dans L'emmerdeur. Lino Ventura joue d'ailleurs deux fois la "victime": le fait que les deux films appartiennent à la même école s'impose comme une évidence. Maintenant, si ce type de cinéma vous amuse et que vous avez envie d'apprécier un autre Georges Lautner, je vous renvoie par exemple vers Un grand seigneur, ma dernière découverte dans la filmo XXL du maître. Et j'indique aussi, comme une promesse, qu'il est certain que d'autres de ses oeuvres seront présentées ici même, tôt ou tard. Dites, au fait, vous avez, bien sûr, plus de patience que les truands ?

samedi 22 octobre 2011

Des origines du mal

Une chronique de Martin

Qu'est-ce qu'on attend du cinéma ? Il n'est sûrement pas nécessaire de toujours se poser la question avant d'aller voir un film, mais il est des longs-métrages qui nous la remettent en tête après la projection. Je dirais que ça a été mon cas pour We need to talk about Kevin. C'est avec une curiosité un peu atypique que je suis allé découvrir cette oeuvre de l'Écossaise Lynne Ramsay, inspirée d'un roman éponyme. Je savais qu'il y était question d'un adolescent meurtrier, ainsi que de la relation qui le lie à sa mère. Pas moins. Pas plus. Juste ça, l'envie de m'y frotter et un peu d'angoisse le moment venu.

Je déteste le titre de ce film et je l'adore. Je le déteste parce qu'il va détourner une partie du public: à ceux qui ne parlent pas l'anglais, j'indique donc ici qu'il signifie Il faut que nous parlions de Kevin. Kevin, vous l'aurez compris, est l'adolescent que j'évoquais précédemment. J'adore ce titre parce qu'il ment, parce qu'il laisse entendre une volonté délibérée de régler le problème de cet enfant alors que, justement, les soucis qu'il pose ne sont jamais abordés qu'en surface. Est-ce que ça aurait changé quelque chose si ça avait été en profondeur ? C'est toute la question du film. We need to talk about Kevin est un coup de poing. Parce qu'il tue de sang froid, mais surtout parce qu'avant même de commettre l'irréparable, il provoque constamment sa mère de manière particulièrement cynique, le "héros" de cette histoire fait figure de monstre. Moi, malgré tout, je n'ai pas pu m'empêcher de me demander si sa mère avait fait assez pour en être aimée et ce qu'il fallait pour lui prouver son amour à elle. Parce que c'est la deuxième évidence de ce film: si Eva aime son fils, elle s'y oblige parfois. Avant même la naissance, on dirait qu'il y a en elle une forme de rejet qui ne justifie en rien les actes criminels de sa progéniture mais peut, à la limite, en partie venir expliquer cette froideur d'âme. L'aspect déstabilisant du film étant justement ce va-et-vient constant entre la responsabilité supposée de l'un et celle de l'autre. Chacun en aura sans doute une vision particulière. Moi, j'ai encore du mal à trouver une réponse définitive.

Je vous passe les détails (qui n'en sont pas): l'aveuglement d'un père, le comportement doux d'une petite soeur. Ces éléments de scénario ajoutent au film une complexité bien venue, qui met encore plus mal à l'aise, sans doute, mais fait réfléchir encore, ce qui me paraît franchement une bonne chose. En fait, We need to talk about Kevin est un film dur, sombre, plombant, mais sûrement pas manichéen. J'imagine volontiers qu'il peut susciter une violente envie de fuite. L'empathie relative qui peut naître envers l'un des protagonistes secoue assez rudement, âmes sensibles s'abstenir. Rien n'est simple. En ce sens, le film m'a presque transféré dans l'esprit d'un juré d'assises confronté tout à la fois à l'horreur d'un crime d'une cruauté manifeste et aux circonstances atténuantes plaidées par la défense. Placé sur le gril des émotions contradictoires, j'ai dû interroger quelques-unes de mes convictions profondes sur la foi en l'homme. Comme vous l'imaginez, ce n'était pas confortable. D'où ma question initiale: qu'est-ce qu'on attend du cinéma ? Si votre réponse spontanée est du divertissement, passez votre chemin... ou disons au moins votre tour. Oubliez ce film ou attendez d'être un peu mieux préparé avant de vous y confronter. C'est un récit qui fait réfléchir sans ménager le spectateur. Et même si la forme est parfois un peu outrancière, je crois pouvoir dire que le fond a su me clouer au siège deux heures durant. M'a donné envie de découvrir le livre, aussi. Bref, j'en redemande. L'expérience est perturbante, je ne le nie pas. À petites doses, je la crois potentiellement enrichissante, aussi.

We need to talk about Kevin
Film britannique de Lynne Ramsay (2011)
Pas de comparaison possible. En tout cas, aucune ne vient spontanément à mon esprit. Je conclus donc en évoquant un aspect du film bien particulier, dont je n'ai pas encore parlé: sa distribution. Ezra Miller, l'ado qui joue Kevin, est fabuleusement inquiétant. Idem pour Jasper Newell, qui l'interprète enfant, ce qui est je trouve encore plus fort. John C. Reilly, le père, montre une grande efficacité dans les habits de ce personnage aussi naïf. Et Tilda Swinton mérite vraiment le premier rôle: elle est ici impressionnante de justesse dans chacune de ses expressions. Là-dessus, à vrai dire, j'avais déjà un a priori favorable, dû à ce que j'avais eu l'occasion d'entrapercevoir dans Michael Clayton et aussi retrouvé dans Julia. En résumé: grands acteurs, grande histoire, grand film. Et retour difficile à la réalité, un peu comme après avoir vu un Lars von Trier.

vendredi 21 octobre 2011

Clint again (?)

Une chronique de Martin

Je sais, je sais, j'ai beaucoup parlé de Clint Eastwood dernièrement. J'ai évoqué le prochain film qu'il a réalisé, attendu en janvier, et j'ai aussi chroniqué une de ses anciennes créations. Je vous assure toutefois que je n'avais pas l'intention d'en rajouter une couche. Pas avant d'avoir vu un autre de ses longs-métrages, en tout cas. Seulement voilà, que voulez-vous ? J'ai appris que, dans l'attente forcée de la naissance du bébé de Beyonce Knowles, l'actrice principale de son nouveau projet, il se pourrait que Clint repasse encore une fois DEVANT la caméra ! Oui, à 81 ans, messieurs-dames !

L'idée serait de jouer pour Robert Lorenz, son assistant réalisateur et producteur sur Mystic river et Million dollar baby, notamment. Le projet a un titre en anglais - Trouble with the curve - et même un début de scénario. Il serait question de suivre un vieil entraîneur de baseball progressivement frappé de cécité et qui décide de faire une longue route avec sa fille pour superviser un jeune joueur. J'ignore qui pourrait entrer dans la distribution aux côtés de ma star éternelle, mais je me pourlèche les babines à l'idée que l'intention puisse être concrétisée. Ce pitch me parait des plus eastwoodiens. Frères et soeurs cinéphiles, si vous le voulez bien, prions ensemble !

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Précision (même jour, vers 18h30): il semble que Sandra Bullock tienne la corde pour interpréter la fille de Clint. Je n'en sais pas plus.

mercredi 19 octobre 2011

Un homme simple

Une chronique de Martin

Si vous le voulez bien, restons un peu au Japon: je vous propose aujourd'hui de découvrir l'ultime scénario écrit par Akira Kurosawa, tourné après sa mort par un de ses assistants, Takashi Koizumi.

Après la pluie nous ramène au 18ème siècle et nous permet de faire la connaissance d'Ihei Misawa, ronin - c'est ainsi qu'on appelait alors un samouraï sans maître. L'histoire démarre quand le brave homme, errant avec sa femme en quête d'une nouvelle vie, se retrouve coincé dans une auberge par de vives intempéries. Là, après avoir empêché deux soldats à se battre en duel, il est repéré par l'un des seigneurs du voisinage et se voit proposer par lui un poste de maître d'armes.

Inutile de regarder Après la pluie si vous attendez un film d'arts martiaux. Ihei Misawa ne se bat que peu et, quand il tire son sabre de son fourreau, c'est avec ennui et simplement quand l'agressivité des autres l'y contraint. Si un poste d'éducateur peut lui convenir, c'est parce qu'il est maître de ses mouvements et de son esprit. Il est aussi d'une grande loyauté. Mais voilà, dans ce Japon aux traditions féodales encore vives, il n'est pas si évident d'être un homme simple. N'est-ce pas encore le cas ? Leur condition oblige les êtres modestes à forcer leur nature pour s'imposer dans une vie sociale sans pitié pour les faibles. Le film illustre cet aspect des choses, sans tomber dans la dénonciation politique. Comparaison n'est pas raison.

Ainsi que son titre le montre bien, Après la pluie apparaît d'abord comme une oeuvre d'une grande poésie. Je suis donc parti en voyage dès les toutes premières images: même si je connais encore mal l'oeuvre d'Akira Kurosawa, je dirais que son disciple a bien travaillé pour en restituer le faste et la beauté. Le fait est qu'ici, le décor s'harmonise parfaitement avec le propos. La simplicité des espaces et lieux offre un écrin saisissant à l'attitude mesurée d'Ihei Misawa. J'ai ressenti beaucoup de sympathie pour ce personnage et j'ai trouvé fort belle la manière dont les sentiments qui l'unissent à sa femme sont présentés. J'ai d'autant plus apprécié le film que je ne savais pas à quoi m'attendre, jusqu'à une fin assez surprenante et ouverte. Un coup de coeur qui donne envie de s'intéresser d'un peu plus près au cinéma japonais. C'est d'ailleurs bien ce que je prévois de faire.

Après la pluie
Film japonais de Takashi Koizumi (1999)
Akira Terao, l'acteur principal de ce joli film, est surtout connu comme chanteur. C'est peut-être ce qui apporte au long-métrage cette tonalité, sa subtilité et sa distinction. Je suis en peine cependant de trouver un possible comparatif, car je ne crois pas avoir vu d'autres oeuvres du même genre. J'en suis donc réduit encore une fois à vous conseiller les deux films japonais cités il y a peu, Voyage à Tokyo et Still walking. Chacun dans leur époque illustre combien l'art nippon (et asiatique ?) est délicat. Je le mesure film après film et j'espère pouvoir rapidement le ressentir à nouveau.

lundi 17 octobre 2011

Demain les robots

Une chronique de Martin

Je veux aujourd'hui vous parler de Metropolis. Pas le chef d'oeuvre de Fritz Lang, mais le dessin animé japonais, adapté d'un manga publié à la fin des années 40. Je l'ai plutôt bien aimé. Il y est question d'un monde futuriste où les hommes et les robots cohabitent. Comment ça se passe ? Plutôt pas bien, certains humains se révoltant contre les machines et cherchant même à les anéantir. Chacun a ses droits propres, l'accès à certaines zones de la ville géante étant interdit à l'une ou l'autre des catégories. Quand le film démarre, on fait la connaissance de trois détectives - deux hommes et un robot - chargés d'enquêter sur la mort d'un scientifique.

Ce savant était en train de concevoir le plus perfectionné des robots, ce qui n'était pas forcément du goût de tout le monde. C'est pourquoi il a été assassiné, geste lâche, mais bien trop tardif pour empêcher que la machine soit achevée et prête à l'emploi. La question du film est alors de savoir quel serait justement cet emploi et si la gestion d'une intelligence artificielle ne risque pas de poser quelques ennuis sérieux à l'homme qui en perdrait le contrôle. Classique. Metropolis n'est peut-être pas le plus original des dessins animés que j'ai eu l'occasion de découvrir et/ou de commenter ici. Qu'importe: je pense qu'il peut plaire et faire réfléchir ceux d'entre vous qui apprécient l'esprit de la science-fiction et les oeuvres qui s'en inspirent.

Pour ma part, donc, j'ai apprécié le spectacle. C'est d'un point de vue graphique que Metropolis m'a avant tout enchanté. Est-ce un effet de la grosse semaine de travail qui a précédé ? Je suis un peu resté en marge de ce qu'il raconte. Il faut dire aussi que j'ai toujours beaucoup de mal à entrer dans un univers futuriste s'il s'éloigne trop largement de ce que le monde contemporain nous donne à voir. Conséquence: ma satisfaction pour cet univers n'est que partielle. J'imagine toutefois que les amateurs du genre peuvent le prendre comme un petit bijou, d'autant qu'encore une fois, du point de vue de l'animation pure, c'est franchement réussi - et très coloré. Il faut de tout pour faire un monde. Et, oui, plus encore pour le refaire.

Metropolis
Film japonais de Rintaro (2001)
Surprise: le robot clé de l'histoire ressemble fort au Petit Prince. J'évite tout de suite la comparaison facile avec l'oeuvre originale d'Osamu Tezuka: je n'ai pas lu ce manga et ne compte pas le faire dans l'immédiat, même si sa publication juste après la guerre m'apporte une porte d'entrée très intéressante. C'est avec Steamboy que j'établis un parallèle, logique quand on sait que les deux films ont le même scénariste, Katsuhiro Ôtomo. Ce comparatif me semble favorable au film d'aujourd'hui, a priori plus accessible et peut-être plus cohérent. Il faudrait désormais que je puisse découvrir Akira, toujours du même scénariste, pour une vision un peu plus complète. En attendant, je vous recommanderai Amer béton, le dernier film d'animation japonaise qui m'a réellement accroché. Il faut de tout...

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Petite info complémentaire: la barre des 20.000 internautes venus sur le blog a été franchie ce jour, vers 21h30. Merci à vous, lecteurs fidèles ou de passage, commentateurs occasionnels ou plus réguliers, cinéphiles d'un jour ou de toujours. Et, évidemment, vive le cinéma !

dimanche 16 octobre 2011

Benoît et Benoît

Une chronique de Martin

J'ignorais tout de Benoît Mariage il y a encore deux semaines. Découvrir Cowboy m'a amené à m'intéresser au reste de son travail, et notamment à ses collaborations avec l'autre Benoît du cinéma belge, Poelvoorde. La première oeuvre commune aux deux hommes est en fait un court-métrage: Le signaleur. Tournée en noir et blanc, avec aussi Olivier Gourmet à l'affiche, cette historiette raconte comment l'organisateur d'une course cycliste "recrute" des bénévoles dans la maison de retraite du voisinage. Humour noir caractéristique.

Sous la caméra de son pote Mariage, Benoît Poelvoorde convainc dans ce (petit) rôle d'affreux jojo. En interview, le réalisateur wallon se félicitait d'avoir vu son acteur évoluer et donner progressivement une tournure plus dramatique à son jeu. Je n'aurais pas mieux dit ! C'est effectivement ce mélange de distinction, de cynisme, de folie pure et de désespoir larvé que j'apprécie chez la star de C'est arrivé près de chez vous - film qu'il me faut encore découvrir, d'ailleurs. D'ici là, je pourrais peut-être apprécier la troisième création originale des deux Benoît, Les convoyeurs attendent. J'ai cru lire que ça parlait d'un autre journaliste qui souhaiterait changer de vie...

vendredi 14 octobre 2011

Tout changer ?

Une chronique de Martin

L'histoire de Cowboy sort en droite ligne de la rubrique des faits divers. Au début des années 80, un jeune Belge prend un bus d'enfants en otage pour dire à la télé combien il lui est difficile d'avoir à vivre dans la société. À partir de cette drôle d'histoire vraie, le scénario du film s'intéresse à Daniel Piron, un journaliste qui, 25 ans plus tard, a l'idée de réunir l'ensemble des protagonistes de l'époque pour un reportage sur leur (supposée) réconciliation. L'enquêteur cherche en fait à aller mieux, avec les autres sans doute, mais d'abord avec lui-même. C'est donc à une comédie un peu aigre que Benoît Mariage nous convie. Le drame y affleure sous l'ironie.

Porté par l'espoir du changement, Cowboy repose assez largement sur les frêles épaules de Benoît Poelvoorde. Vous le savez peut-être: le comédien joue souvent ce rôle du brave type un peu perdu ou mal à l'aise dans la vie, ce personnage qui lui ressemble en fait beaucoup. Dans tout son désarroi, il est ici magnifique: que ce soit dans la fulgurance de ses paroles et l'expression de ses silences, toujours, il parvient à susciter un profond sentiment d'empathie. Point plus qu'appréciable, l'éclat de sa prestation ne ternit pas celle de ses partenaires de jeu. Au contraire, la distribution est un régal de justesse, de Gilbert Melki chien fou désormais la bride sur le cou à François Damiens caméraman moins crétin que prévu, en passant par Julie Depardieu épouse à la compassion éprouvée. Que des bons.

Est-ce seulement possible de tout changer simplement en le désirant ardemment ? Cowboy apporte à la question existentielle une réponse ambiguë, rappelant aussi combien il est important de ne pas laisser les autres sur le bord du chemin. D'une drôlerie franchement absurde par moments, Daniel Piron est surtout touchant, limite pathétique parfois. Le film de cathartie qu'il s'échine à tourner lui échappe doucement, mais son acharnement à aller jusqu'au bout laisse entendre que c'est lui qui en a le plus besoin. Il suffit de se souvenir de ses propres états d'âme pour savourer cette quête, avec la mer pour horizon. Douce-amère, la toute dernière scène laisse espérer qu'il y a peut-être encore un peu de lumière au bout du tunnel.

Cowboy
Film franco-belge de Benoît Mariage (2007)
Le réalisme cru du film et ses outrances m'ont évoqué Mammuth, l'oeuvre décalée du duo Kervern-Delépine. Si Benoît Mariage affirme ne pas forcément avoir trouvé en Benoît Poelvoorde son alter ego face caméra, il me paraît clair que le long-métrage est vraiment lié par toutes ses fibres à son comédien. Comédien que j'apprécie vraiment de plus en plus et que je vous recommande encore une fois d'admirer dans Les émotifs anonymes, sorti en début d'année. J'attends avec impatience sa prochaine prestation écorchée vive.

mercredi 12 octobre 2011

Sa guerre aussi

Une chronique de Martin

Après lui avoir longtemps tourné autour, j'ai fini par "rencontrer" Tahar Rahim. Propulsé tout au sommet des espoirs du cinéma français depuis sa collaboration avec Jacques Audiard, le comédien est actuellement à l'affiche de Les hommes libres, fiction inspirée d'éléments historiques sur fond de seconde guerre mondiale. Le film d'Ismaël Ferroukhi s'intéresse au sort d'un jeune Algérien à Paris depuis 1939 et qui vit des revenus du marché noir. Surpris et arrêté par la milice, il échappe à la peine de mort quand il accepte d'espionner le recteur de la Grande Mosquée, soupçonné pour sa part de venir en aide à la résistance et à la population juive. Rien que ça !

Je n'ai pas l'intention d'alimenter le débat sur la véracité des faits présentés dans le film. Sur le plan strictement cinématographique, Les hommes libres illustre une tranche de vie, celle d'un homme étranger qui considère d'abord que la résistance n'est pas sa guerre, avant d'ouvrir les yeux sur la nécessité d'être solidaire et finalement de rejoindre le mouvement. La bande-annonce et l'affiche peuvent laisser penser à une oeuvre trépidante, portée sur l'action. La chose se présente autrement: l'essentiel du propos est porté par le texte des dialogues et ceux qui iront voir le long-métrage pour les scènes de coups de feu en seront pour leurs frais. Ce n'est pas plus mal.

Du côté des comédiens, Tahar Rahim n'a, assez paradoxalement, pas grand-chose à dire. L'acteur se tire bien, cela dit, d'une prestation toute en retenue, son expressivité parlant pour lui pour le rendre crédible - et ce même si j'ai trouvé son engagement un peu rapide compte tenu de la tiédeur de ses convictions initiales. Impeccable l'an passé en moine chrétien, Michael Lonsdale, lui, reste un acteur efficace et porte bien l'habit musulman. Quelques autres personnages auraient pu donner plus de relief au scénario, mais sont trop effacés pour emporter le morceau, je pense ainsi notamment à celui qu'interprète la belle Lubna Azabal. Il manque un petit quelque chose pour faire de Les hommes libres un grand film: son mérite premier restera la mise à la lumière d'un épisode méconnu de notre histoire.

Les hommes libres
Film français d'Ismaël Ferroukhi (2011)
Il a admis qu'il appréciait la comparaison, mais le réalisateur a dit aussi ne pas s'être directement inspiré de L'armée des ombres, grande référence du film de résistance à la française. Son travail particulier m'a fait songer à L'armée du crime, que je lui préfère, parce qu'il me semble plus explicite sur les états d'âme des citoyens ordinaires à l'heure de la lutte armée. Homme ordinaire que la force des choses contraint à l'action, Bourvil l'est dans Fortunat, oeuvre axée sur le mélodrame. Devant le film de ce jour, j'ai pensé à ceux de Rachid Bouchareb, Indigènes et Hors-la-loi, autres évocations récentes au cinéma de fragments oubliés de l'histoire de France.

lundi 10 octobre 2011

Revoir la Normandie

Une chronique de Martin

Mon titre du jour ? Il correspond à mon idée première au moment d'aller voir La fée au cinéma. C'est parce qu'il se passe au Havre, ville où j'ai vécu quatre ans pendant mes études, que j'ai été attiré par le film. J'avais aussi entendu des choses assez encourageantes autour d'Abel, Gordon et Romy, le trio de réalisateurs, que j'ai donc découvert à l'occasion. Après L'iceberg et Rumba, les échos relevés autour de leur dernière création commune étaient motivants, annonçant une oeuvre burlesque non dénuée d'une touche de poésie. Point de départ: Dom, un veilleur de nuit maladroit, voit débarquer une femme, Fiona, qui lui promet d'exaucer trois de ses souhaits.

Et ça marche ! Dom obtient un scooter et de l'essence gratuite à vie. Quant à son troisième voeu, il préfère ne pas l'exprimer, de peur probablement de voir disparaître sa bienfaitrice (qui n'insiste pas). La fée est un petit film qui fait du bien: il apporte véritablement quelque chose d'original au cinéma d'aujourd'hui et nous embarque avec lui dans une aventure irrationnelle - un peu comme l'avaient fait, parait-il, les deux premiers longs-métrages de ses créateurs. Conséquence: la meilleure conduite à suivre devant pareil spectacle est de larguer les amarres et de se laisser prendre au jeu. Inutile d'aller chercher un message sous le vernis de cet univers décalé.

Pourtant, l'air de rien, La fée parle aussi (un peu) du monde d'aujourd'hui, des immigrés clandestins venus d'Afrique, des malades internés en hôpital psychiatrique ou des employés en contrat précaire. On y croise encore un petit chien enfermé dans le sac écossais de son maître anglais et kleptomane, une équipe complète de rugbywomen, sa capitaine chanteuse et un patron de bistro myope comme une taupe. On y danse au fond de la mer ou bien sur les toits de la ville. Le Havre est reconnaissable, bien exploité et bien trouvé pour une production de ce genre. J'attends le prochain Ari Kaurismäki en décembre pour le revoir encore une fois en décor de cinéma.

La fée
Film français de D. Abel, F. Gordon et B. Romy (2011)
Même si leur univers peut déplaire, Dominique, Fiona et Bruno ont bien travaillé. Je les désigne d'autant plus volontiers par leur prénom que c'est aussi à chaque fois celui de leurs personnages. Ce cinéma me rappelle les Deschiens ou, côté cinéma, le Ni à vendre ni à louer de Pascal Rabaté. Son côté artisanal m'évoque aussi certains travaux de Michel Gondry. À noter le succès d'une certaine approche francophone: Abel est belge, Gordon canadienne et Romy français.

samedi 8 octobre 2011

La mort dans l'âme

Une chronique de Martin

Beaucoup d'appelés et peu d'élus: depuis que l'Académie des Oscars attribue un prix au meilleur film en langue étrangère, le cinéma japonais reste souvent à l'écart des récompenses. Après avoir glané trois statuettes d'honneur dans les années 50, les artistes cinéastes de l'archipel sont restés bredouilles jusqu'en 2009 et la consécration de Yojiro Takita, réalisateur de Departures. Je viens de découvrir cette oeuvre. Son héros, Daigo Kobayashi, est un jeune violoncelliste dont l'orchestre, faute d'un vrai succès, a subitement été démantelé.

Franchement surpris, le musicien doit revendre son instrument et, avec sa femme, il quitte la ville pour s'installer là où vivait sa mère. Pour démarrer une nouvelle vie, Daigo répond à une petite annonce pour un emploi d'aide aux voyages. Alors qu'il pense qu'il va vendre des croisières et escapades touristiques, il découvre que l'entreprise qui l'a recruté est une société de... pompes funèbres, spécialisée dans la toilette de personnes plus ou moins fraîchement décédées. Departures n'est pourtant pas un film d'humour noir: s'il comporte effectivement quelques moments amusants, il relève de la comédie de moeurs et propose d'abord un panorama décalé de la société japonaise contemporaine. Suivre l'ex-violoncelliste devenu apprenti croque-mort n'est pas drôle avant tout: le scénario s'intéresse beaucoup plus à ses états d'âme qu'à la cocasserie des situations. C'est de fait ce qui rend le long-métrage intéressant, sinon poignant.

Departures tient aussi du parcours initiatique. Son héros n'a pas eu beaucoup de chance dans la vie: même si son épouse se montre compréhensive et patiente avec lui, il traîne un boulet, une névrose liée à un père déserteur du foyer conjugal et à une mère trop tôt disparue. C'est contre ces deux fantômes que Daigo lutte constamment au cours du film, son drôle de métier lui offrant refuge dans une sorte d'accomplissement spirituel, inattendu et salvateur. Je vous laisse désormais découvrir comment le jeune homme évoluera pour devenir un autre lui-même: il y a là quelque chose d'assez universel, l'esprit japonais se manifestant de temps à autre par une certaine pudeur de ton. Une histoire fine et réconfortante.

Departures
Film japonais de Yojiro Takita (2008)
Par l'immobilité du cadre et la sobriété de la mise en scène, le film m'a rappelé l'extraordinaire Voyage à Tokyo. La comparaison s'arrête là: le long-métrage d'aujourd'hui est un gentil mélo, qui ne restera probablement pas aussi longtemps au sommet du panthéon cinématographique mondial. Dans la série des oeuvres récentes venues tout droit du Japon, je lui ai d'ailleurs préféré Still walking.

jeudi 6 octobre 2011

Il était une fois ailleurs

Une chronique de Martin

Le western est un voyage: celui d'aujourd'hui nous conduit en Bolivie.

L'idée de Blackthorn est de ressusciter le légendaire Butch Cassidy et d'avancer que, contrairement à ce que le cinéma a déjà pu suggérer, le braqueur de banques n'est pas mort abattu sous le feu de la police sud-américaine. Avec son ami Sundance Kid, il aurait fui et serait resté caché de longues années pour se faire doucement oublier dans les habits d'un éleveur de chevaux, avant de se décider finalement à rentrer au pays pour retrouver un neveu - ou un fils ? - égaré. Un bel argument scénaristique qui dévie de sa trajectoire initiale quand Butch croise la route d'un drôle d'ingénieur, poursuivi par une horde de prétendus chasseurs de prime. Le début des ennuis.

Blackthorn est un western bolivien, tourné là-bas par un cinéaste espagnol. L'Amérique est aussi bien présente, dans les traits fatigués du héros joué par un excellent Sam Shepard. La toute première chose qui frappe ici, c'est la beauté inaltérable des paysages: ils ne sont pas de l'Ouest, d'accord, mais ces décors naturels apportent au film d'éclatantes couleurs, d'autant qu'ils sont incroyablement diversifiés (montagne enneigée, désert de sel, jungle luxuriante). C'est bien là ce qui m'a permis d'entrer dans l'histoire, d'accepter ses petits temps morts et de prendre beaucoup de plaisir dans une posture strictement contemplative. Je peux négliger ce que montre le cinéma au profit de ce qu'il raconte. Dans le cas présent, il y a un équilibre.

Le résultat n'est pas parfait, mais mérite le détour. Je crois difficile d'imaginer les rebondissements du scénario avant que Butch Cassidy ne se soit véritablement remis en selle. À ceux qui, faute de l'avoir rencontré, ne cadreraient pas le personnage, quelques flash-backs viennent livrer des éléments concrets sur ce qu'était sa vie "active" d'avant la retraite bolivienne. Comme dans le film de George Roy Hill sorti en 1969, il y a dans Blackthorn quelque chose qui ressemble beaucoup à de la nostalgie. D'une manière générale, le ton demeure plus sombre aujourd'hui qu'il ne l'était hier. Les dernières images laissent toutefois croire en une issue plus favorable, sinon heureuse. Au loin, une ultime nouvelle vie pour les jours du troisième âge.

Blackthorn
Film espagnol de Mateo Gil (2011)
Crépusculaire: l'adjectif colle à ces westerns modernes où un héros vieillissant s'embarque pour une dernière chevauchée - c'est d'ailleurs le sous-titre du film. Impitoyable (de Clint Eastwood) fait figure d'incontournable référence pour tous les réalisateurs qui s'attellent aujourd'hui à pareil projet. Bien plus que le True grit sorti au début de cette année de la caméra des frères Coen. Le genre peut-il désormais rebondir autrement ? Je n'en sais rien, mais j'accepte d'emblée d'être à nouveau surpris. Et si possible par quelque chose d'un peu plus consistant que le récent Cowboys et envahisseurs.

mardi 4 octobre 2011

Le sort des ex-sorciers

Une chronique de Martin

Je doute que la question vous obsède, mais je me suis demandé l'autre jour ce que les principaux des acteurs de Harry Potter devenaient maintenant que la série mythique était terminée. J'ai trouvé quelques réponses et eu envie d'en faire écho. Je vous dirai donc un petit mot sur six des comédiens de la fameuse "octologie". Avec la nécessité de faire un choix, j'ai sélectionné les plus fameux. Peut-être bien - qui sait ? - que j'en retrouverai d'autres ensuite...

Daniel Radcliffe / Harry Potter
Le héros de Poudlard a perdu ses lunettes et revient au cinéma l'année prochaine pour incarner Arthur Kipps, le personnage principal d'un thriller horrifique, The woman in black. Cette dame en noir semble ne pas avoir de rapport avec le roman de Gaston Leroux, mais serait en fait un fantôme prêt à se venger de je-ne-sais-quoi. Un peu de surnaturel au menu, quand même, dans un film qui devrait également contenir une bonne dose de suspense. Je surveille ça. Patience toutefois: aucune date de sortie précise n'est communiquée.

Emma Watson / Hermione Granger
Plusieurs projets à l'agenda de la belle, et notamment un film attendu le mois prochain aux States: My week with Marilyn. On devrait revivre l'ambiance des États-Unis de 1956 et l'histoire d'une relation entre la star hollywoodienne et l'acteur britannique Laurence Olivier. Sincèrement, je n'en sais pas plus, si ce n'est que le long-métrage serait adapté d'un roman. Vous noterez qu'Emma Watson y joue bien le rôle principal, mais pas celui de Marilyn. J'essayerai d'en savoir plus avant la sortie et une éventuelle découverte sur grand écran.

Rupert Grint / Ron Weasley
Le rouquin devrait revenir à l'écran dans la peau d'un athlète britannique, Eddie "The eagle" Edwards, le tout premier représentant de son pays en compétition olympique de... saut à ski. Un sportif illustre, pas très performant, mais que sa maladresse a rendu sympathique aux yeux de ses compatriotes, si j'ai bien compris. Apparemment, il se serait également lié d'amitié l'équipe jamaïcaine de bobsleigh, mais il me faudrait désormais voir le film pour livrer quelques détails. À vrai dire, en soi, ça me paraît assez intéressant.

Alan Rickman / Severus Rogue
Méconnaissable, hein ? On annonce le vil professeur de Serpentard dans Gambit, le remake d'une comédie de cambriolage britannique écrit par les frères Coen. Je ne sais pas trop ce que ça va donner, mais ça s'annonce toujours assez prometteur sur le papier, je trouve. Je suis d'autant plus curieux du résultat que le reste du casting a belle allure, avec un trio Colin Firth, Cameron Diaz et Stanley Tucci. Quand rirons-nous ? Je l'ignore, mais je suis content de constater qu'Alan Rickman donne encore des tons variés à sa filmographie XXL.

Michael Gambon / Albus Dumbledore
À 70 ans passés, l'acteur irlandais s'estime visiblement trop jeune pour la retraite dorée des professeurs de magie. On l'attend désormais au générique de Page eight, premier film du dramaturge anglais David Hare. L'auteur annonce un film d'espionnage qui sera, à l'en croire, un divertissement avant d'être un pamphlet - Hare étant paraît-il connu pour ses pièces engagées sur le plan politique. Revenons à Michael Gambon, ex-élève de Laurence Olivier: il devrait aussi être du premier film de Dustin Hoffmann réalisateur. À suivre...

Ralph Fiennes / Lord Voldemor
Non content d'être aussi du projet Page eight, le Britannique fêtera en 2012 ses 50 ans avec le deuxième épisode du diptyque Le choc des titans. Il y incarnera une nouvelle fois Hadès, le dieu des enfers. Je n'ai pas vu le premier opus, ni même d'ailleurs le film original sorti en 1981, et je suis donc en peine pour vous dire de quoi il retourne exactement. Tout ce que je peux ajouter, c'est qu'on devrait aussi bientôt voir débarquer le premier film de Ralph Fiennes réalisateur. Et que l'Anglais pourrait être du prochain James Bond. Wait and see.

dimanche 2 octobre 2011

Deux pour le prix d'un

Une chronique de Martin

L'autre soir, j'ai hésité au moment de choisir un DVD quelconque regardable sur ma platine. Incapable d'opter pour tel ou tel film, j'ai partiellement renoncé et du coup regardé... deux courts-métrages plutôt qu'un long. Vous ne devriez pas avoir de mal à en profiter aussi: peut-être moins bien protégés que d'autres, ils sont visibles sur des sites comme Youtube et Dailymotion. À vous de chercher !

Le premier s'appelle Omnibus. Comme vous pourrez aussi le vérifier dans la rubrique dédiée, il a reçu plusieurs Prix, dont une Palme d'or du meilleur court et un Oscar. Il raconte l'ennui d'un usager du rail, qui se rend compte que le train qu'il emprunte chaque matin a changé d'itinéraire et ne dessert plus la gare où il descend. Ce tout petit film s'illustre essentiellement par sa chute, improbable et comique, ainsi que par les regards consternés qu'envoient les figurants au voyageur malchanceux. Les enfants de la télé reconnaîtront des visages connus dans les rôles principaux, ex-mulets du commissaire Navarro. Détail amusant: avec Sam Karmann, il y en a un autre à la réalisation.

Foutaises, lui, est signé Jean-Pierre Jeunet. Dominique Pinon s'amuse à jouer au petit jeu du J'aime /J'aime pas cher au papa d'Amélie Poulain. Le résultat ? Une série de toutes petites scènes tournées en noir et blanc, un hommage nostalgique au vieux cinéma et quelques pitreries et grimaces. Des éléments qui ont quand même permis au réalisateur d'obtenir un César ! Vingt ans après, le projet paraît un peu fauché, mais il ne manque pas de charme pour autant. Il y a là un peu plus que le brouillon d'un film long, une inspiration poétique. Cela dit, je suis resté un peu sur ma faim, le tout s'avérant certes ludique, mais manquant un peu de profondeur. Rien de grave. C'est probablement la simple conséquence de ce format court.