mercredi 30 avril 2014

Initiation

Il traînait sur un coin de mon enregistreur Livebox depuis juillet dernier. Je l'ai vu il y a trois semaines environ: il est grand temps désormais de vous parler de Northanger Abbey. Je constate ainsi qu'il est bien rare que je vous parle de téléfilms: produit de fiction britannique, celui d'aujourd'hui puise son inspiration dans un classique de Jane Austen, écrit vers 1798 et publié après la mort de la femme écrivain, en 1817. Tout ça ne m'a pas follement emballé, je l'avoue...

Dans Northanger Abbey, une jeune fille de la campagne anglaise part vivre à la ville, accueillie par de généreux voisins de ses parents. Grande lectrice de romans, ce qui semble bien encore considéré comme une activité futile en son temps, Catherine Morland découvre une vie plus frivole et, à l'occasion de bals et presque par hasard, fait vite la connaissance d'un jeune homme, un dénommé Henry Tinley, puis d'un autre, John Thorpe. Je vous passe les détails: les relations ainsi nouées restent chastes, bien entendu. Dans cette société anglaise huppée, il est en fait d'usage d'avoir une certaine position avant d'espérer convoler. Influencée par le romantisme bon marché des romans qu'elle dévore à la chandelle, la pauvre Catherine rêve éveillée d'un monde différent. La miss n'a que 17 ans, après tout...

Est-ce parce que j'ai vu le film en version française ? Je n'ai de fait que très moyennement accroché. La naïveté du personnage principal m'a paru plus exaspérante que touchante et, malgré la présence notable de têtes connues comme Cary Mulligan ou Liam Cunningham dans le casting, le jeu d'ensemble m'est apparu un peu plat. Dommage: en général, je vous l'ai déjà dit, j'aime les histoires costumées. De ce seul point de vue, Northanger Abbey respecte efficacement son cahier des charges, mais ce qui s'y déroule manque vraiment trop d'énergie pour être véritablement intéressant. Il est permis toutefois d'être sensible au charme de cette reconstitution. Personnellement, je n'ai jamais lu de Jane Austen: je crois savoir néanmoins que le roman originel est respecté. J'en attendais mieux.

Northanger Abbey
Téléfilm britannique de Jon Jones (2007)

Cette production fait partie d'un cycle produit par la groupe audiovisuel anglais ITV. Je lui accorde trois étoiles pour refléter l'idée que ce n'est pas un mauvais film en soi. Je me répète: c'est simplement que je n'ai pas "mordu" aussi fort que je pouvais l'espérer. Quitte à citer un autre récit d'initiation de la littérature britannique d'époque, il est préférable de vous renvoyer vers Tess...

lundi 28 avril 2014

La route ensemble

Il existe peut-être un trajet plus court. Google Maps donne 898 miles pour aller de Billings, Montana, à Lincoln, Nebraska, soit l'équivalent de 1.445 de nos kilomètres. Dans Nebraska, le film, c'est la route parcourue par Woodrow et son fils David. Le premier nommé a reçu une lettre qui dit qu'il est le grand gagnant d'une loterie, à hauteur d'un million de dollars. Il n'a pas envie d'écouter ceux qui prétendent qu'il s'agit d'une arnaque. Et c'est juste parce que cette obstination l'interroge que son second garçon l'accompagne chercher son "gain"...

Woodrow est-il sénile ? S'accroche-t-il à un ultime espoir pour oublier que le temps passe et que ses vieux jours n'ont plus rien d'exaltant ? David est-il soucieux ou pense-t-il devoir saisir une dernière occasion d'être proche de son père ? L'intelligence de Nebraska, c'est de laisser chacun libre de répondre à ces questions. Le film va son chemin lentement, presque tranquillement, sans donner de réponse définitive aux thématiques posées - il se termine d'ailleurs par le très beau plan d'une voiture filant vers l'horizon et tous les possibles. Cette odyssée dérisoire au coeur de l'Amérique profonde est efficace et touchante parce qu'elle mélange harmonieusement plusieurs émotions complémentaires: le ton est tour à tour drôle, mélancolique et digne. C'est évident qu'Alexander Payne, réalisateur, et Bob Nelson, scénariste, ont un grand respect pour le personnage de Woodrow. Imparfait, voire pathétique, il est surtout magnifiquement... humain.

Il faut bien dire que, devant la caméra, on assiste à un grand numéro de Bruce Dern. Souvenez-vous: en mai dernier, à 76 ans, l'acteur américain repartait du Festival de Cannes avec le Prix d'interprétation masculine. À l'antithèse de son nouvel héros, il rappelait avoir joué "plus de psychopathes, de marginaux et de camés que n'importe qui". Rien de tel ici, malgré un certain penchant pour la bière bon marché. Au sommet de son talent, Bruce Dern est le joyau d'une distribution quasi-parfaite, dont la justesse de jeu fait merveille. C'est formidable de voir autant de visages burinés réunis à l'écran et je veux citer l'extraordinaire June Squibb, 84 ans, au rang des seconds rôles majeurs, épouse acariâtre et malgré tout aimante. La belle retenue d'un Will Forte - alias David - en passe presque au second plan. N'allez surtout pas reculer devant l'image en noir et blanc: Nebraska est l'un des petits bijoux de ce début d'année 2014. Un joli voyage en famille.

Nebraska
Film américain d'Alexander Payne (2014)

Du même cinéaste, je voudrais voir The descendants, l'unique rôle de père de George Clooney. Pour le moment, je n'ai encore découvert que Sideways, un autre road-movie attachant avec Paul Giamatti. Alexander Payne tourne peu et bien. Les routes de ses films sillonnent l'Amérique populaire, ce fameux Promised land cher à Gus van Sant. On peut également songer à Jim Jarmusch et ses Broken flowers...

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Après toute cette route, faites une pause chez les copains...

Une autre chronique positive vous attend sur "Le blog de Dasola".

dimanche 27 avril 2014

Le roi criminel

Je voulais découvrir le cinéma d'Abel Ferrara depuis un bon moment. Pas attiré par son prochain film inspiré de l'affaire Strauss-Kahn, j'ai saisi l'occasion récente d'une diffusion télé de The king of New York pour assouvir un peu ma curiosité. C'est aussi Christopher Walken que j'étais content de retrouver ici. J'ai toujours trouvé l'acteur américain étrangement fascinant - c'est lié à son visage, je suppose. Cette fois, il est Frank White, un parrain du trafic de stupéfiants fraîchement sorti de prison et déterminé... à reprendre son business.

Ce personnage serait tout à fait ordinaire dans le paysage du cinéma hollywoodien s'il n'avait une spécificité: ce baron du crime voit grand et s'imagine maire de New York. Criminel endurci, il fréquente déjà quelques notables corrompus et s'imagine meilleur qu'eux, au motif qu'il souhaite sauver un hôpital de la fermeture administrative. L'ambigüité de son comportement ne l'empêche pas d'être ambitieux. Seul un (petit) groupe de policiers contrarie ses rêves de gloire politico-criminelle. Je veux dire aussitôt que The king of New York dresse un portrait de la ville des plus originaux. La première scène est à ce titre assez emblématique: Frank White observe la mégapole depuis le fauteuil arrière d'une limousine, à l'abri des sous-citoyens qui forment la faune des bas quartiers. Le titre du métrage annonce clairement la couleur: l'homme est de retour chez lui, empereur incontestable des grands voyous et petites frappes. Ceux qui oseront se mettre en travers de son chemin en paieront le prix. Les dialogues restent relativement rares et la violence toujours latente, explosive.

The king of New York porte le poids de son quasi-quart de siècle. D'aucuns ont émis l'idée qu'Abel Ferrara donnait alors à ses films l'imagerie de clips musicaux. C'est assez vrai ici et plutôt bien trouvé. Jimmy Jump, l'homme de main joué par Laurence Fishburne, paraît ainsi tout droit issu d'une vidéo de gangsta rap. Le scénario mélange allègrement toutes les communautés de la ville: blacks, irlandais, chinois... un melting pot du crime qui confère au métrage un ton particulier et une atmosphère réaliste. On ne sait trop sur quel pied danser: les "méchants" ont des principes, tandis que les "gentils", eux, n'hésitent pas à sortir du cadre légal pour faire respecter l'ordre. J'imagine que c'est là qu'il faut chercher la signature Abel Ferrara. Réputé pour l'aspect hardcore et transgressif de son style, le cinéaste sait pertinemment de quoi il parle, lui qui est né dans le Bronx il y a bientôt 63 ans. Ses comédiens composent une galerie de personnages haute en couleurs, dont Christopher Walken paraît en réalité l'élément le plus contrôlé. Faire couler le sang n'empêche pas d'avoir du style.

The king of New York
Film américain d'Abel Ferrara (1990)

Une précision: ce film ne doit pas être confondu avec un autre, sorti neuf ans plus tôt et signé Sidney Lumet - Le prince de New York. Attention également avec Un prince à New York, une comédie réalisée par John Landis en 1988, avec Eddie Murphy dans le rôle principal. Du coté d'Abel Ferrara, les comparaisons possibles ciblent davantage des films comme Le parrain ou Les affranchis. Je préfère d'ailleurs Francis Ford Coppola et, un peu en retrait, Martin Scorsese. Mon film de gangsters culte demeure L'impasse, de Brian DePalma.

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Pour rester sur le film qui nous a occupés aujourd'hui...

Je vous recommande la lecture de "Mon cinéma, jour après jour".

samedi 26 avril 2014

Coup de pouce

Grégory Montel, Fred Scotlande, Martine Schambacher... au casting de L'air de rien, je n'ai trouvé que des noms inconnus. Il est rare d'ailleurs que je regarde un film sans en connaître les acteurs. L'unique repère dont je disposais ici était Michel Delpech, qui s'amuse à jouer son propre rôle dans une histoire inventée. Le scénario l'imagine criblé de dettes fiscales, au point d'être presque obligé d'hypothéquer sa maison pour ne pas passer par la case prison. Arrive alors un huissier, qui l'aide à lancer une nouvelle série de concerts...

L'air de rien fonctionne avant tout au travers de la complémentarité de ses deux personnages, le presque vrai et le pas-tout-à-fait-faux. C'est une gentille petite comédie sans prétention, qui ne s'adresse pas uniquement aux fans de Michel Delpech. Bien entendu, si les chansons du crooner des années 70 vous tapent sur le système, vous devriez passer à côté du film sans même vous retourner. Tant pis: il n'y a rien ici qui mérite nécessairement d'être découvert, sous peine de rater une nouvelle référence du cinéma mondial. L'aventure racontée tiendrait plutôt de la tranche de vie, avec un héros en mal de père véritablement bien peu à l'aise dans la peau d'un exécuteur de justice. Ce n'est pas un hasard si ce Grégory Morel décide d'apporter son aide à un ancien chanteur oublié. Lui aussi cherche une meilleure route...

Ce road-movie presque immobile est aussi l'occasion d'une promenade dans la France rurale. Il semble assez logique qu'il ait été sélectionné lors de festivals de province: à l'image de la terre où la vedette d'hier s'est retirée, son décor est celui des innombrables petites communes qui parsèment notre territoire. En partie financée par les régions Auvergne et Limousin, L'air de rien nous accompagne dans la Creuse et le Puy-de-Dôme. Ce n'est jamais toutefois un film franchouillard. J'aime assez cette modestie formelle, je dois dire, regrettant juste que le paysage naturel ne soit pas un peu mieux exploité. On passe rapidement d'un village à l'autre et on devine facilement où conduira le chemin. Peut-être est-ce aussi lié au fait que deux personnages seulement développent l'essentiel du propos. Je m'en suis contenté.

L'air de rien
Film français de Grégory Magne et Stéphane Viard (2012)

Parce qu'il est modeste et se passe sur les routes, ce film miniature m'a rappelé parfois le joli Mobile home de François Pirot. Il en ressort une douce mélancolie: le fait que l'intrigue soit une sorte de voyage évoque également le Torpédo de Matthieu Donck. Autant d'oeuvres d'une grande simplicité de forme, qui jouent tout sur le partage d'émotions ordinaires. J'aime bien. Quant à ceux qui seraient tentés d'apprécier le talent de Michel Delpech sur écran cinéma, ils noteront qu'avec un vrai engagement, il chante ici quatre de ses grands tubes. 

vendredi 25 avril 2014

Gang de requins

Je suis bien incapable de vous dire quand, mais je suis presque sûr d'avoir vu Les portes de la gloire au cinéma, avec mon père. Logiquement, ça doit être à la sortie du film, il y a plus de dix ans. J'avais encore en mémoire une scène autour d'une piscine, retrouvée avec plaisir dans la seconde partie du métrage. Je dois commencer par vous dire deux mots du scénario: nous suivons cinq types ordinaires, très ordinaires, chargés de refourguer des encyclopédies aux braves, très braves gens des sites ouvriers du Nord de la France.

Titre compris, Les portes de la gloire se présente donc d'emblée comme une comédie. En fait, je l'ai trouvé moins drôle "à la revoyure" que dans mon souvenir. Jamais vraiment féroce, la farce sociale caricature tout de même une réalité particulièrement sordide. L'exploitation de l'homme par l'homme, c'est ça aussi, je suppose. Notez toutefois que le film n'a rien de moraliste: chacun pourra tirer la conclusion qu'il veut des péripéties nordistes... et bientôt sudistes de ces Pieds Nickelés de la vente au porte-à-porte. Là où ce petit film m'est apparu vraiment réussi, c'est dans sa galerie de portraits: on a bien l'impression que les acteurs ont pris un certain plaisir à jouer ainsi les crétins. Même Julien Boisselier, qui écope du personnage principal, joue au con avant d'apparaître cynique. Un tel aréopage invite à se moquer sans réserve, avant peut-être de trouver tout ça franchement pathétique. Je n'en rajoute pas et vous laisserai juges...

Un aveu, à présent: ce qui m'a incité à revoir le film, c'est d'abord l'identité de l'acteur qui joue le chef de bande. Je suppose évidemment que vous l'avez aussitôt reconnu: Benoît Poelvoorde n'était pas encore l'un de mes comédiens préférés, à l'époque. Chronologiquement, Les portes de la gloire n'est d'ailleurs finalement que le cinquième film de sa carrière - il en est à une quarantaine aujourd'hui, si j'ai bien compté. Ici, ses fans resteront en terrain connu: les crises de nerfs de l'ami wallon ne savent jamais masquer longtemps sa solitude profonde. De là à affirmer que Régis Demanet est en fait l'un de ces personnages touchants que j'affectionne particulièrement outre-Quiévrain, il y a un pas que je ferai pas. Certes, la progression de l'intrigue nous accompagne tout doucement vers autre chose que du pur humour fantasque. J'ai toutefois connu d'autres films plus contrastés: au final, celui-là demeure assez soft...

Les portes de la gloire
Film français de Christian Merret-Palmair (2001)

En comparaison avec d'autres, ce gentil petit long-métrage tricolore manque peut-être bien... de "belgitude". Si vous voulez apprécier Benoît Poelvoorde dans ses oeuvres les plus folles, tournez-vous plutôt vers les films de son compatriote Benoît Mariage, à l'image notamment de Cowboy ou Les convoyeurs attendent ! Je conseille aussi Une place sur la Terre, bon exemple d'un registre plus sombre.

jeudi 24 avril 2014

Un flic

J'essaye toujours d'écrire mes chroniques dans les jours qui suivent celui où j'ai regardé le film évoqué. Je me dis parfois qu'il serait bien de prendre un peu de recul, mais cette autre méthode présente aussi quelques inconvénients. Bref... au moment que j'ai choisi pour écrire ces quelques lignes à son sujet, trois jours seulement après l'avoir découvert, je n'étais pas très emballé par Une nuit. Ce polar français pose une ambiance (nocturne, donc) qui ne m'a pas séduit. Ou disons plutôt qu'elle ne m'a pas suffi. En fait, c'est plutôt ça, l'impression...

Oui, bon... il me semble bien que ça aurait pu me plaire davantage. Une nuit: le titre annonce le programme et un peu le style, aussi. Quand Simon Weiss sort de chez lui, le jour est tombé et on se dit qu'il ne se lèvera qu'au seul moment du générique final, au mieux. L'ennui, c'est que l'enjeu du film est très vite perceptible. La caméra suit un flic qui effectue une ronde nocturne dans Paris, accompagné en cela par une collègue en guise de chauffeur. Les relations entretenues par notre homme avec le monde de la nuit se révèlent alors peu conformes à l'idée qu'on se fait de la mission d'un policier. Alors, iconoclaste ou ripou ? Le suspense est ébouriffant, les amis !

Personnellement, j'ai très vite compris où tout cela menait. Déception majeure: j'ai deviné la fin une bonne grosse demi-heure avant ! Conclusion: je me suis bien ennuyé. J'aurais vraiment aimé vous dire autre chose, je vous jure. Ainsi filmé, presque fantasmé, le Paris interlope ne manque pas d'attraits: allez savoir, peut-être qu'Une nuit aurait emporté mon adhésion en n'étant qu'un portrait de la ville. Quelque chose en moi rechigne franchement à dire du mal du tandem Roschdy Zem / Sara Forestier, mais c'est un fait: j'ai vu leur talent bien mieux utilisé ailleurs. On dira que le metteur en scène, 27 ans après son dernier film de cinéma, s'est refait plaisir. Et puis voilà...

Une nuit
Film français de Philippe Lefebvre (2012)
J'ai mis trois étoiles généreuses, quand même, histoire de dire aussi que je comprends qu'on puisse aimer ce type d'ambiance et du coup s'en contenter. Pour en dire du bien, certains critiques ont mis ce film en parallèle avec l'oeuvre d'un Michael Mann, période Collateral. Soit. En polar dans Paris, moi, définitivement, je me sens plutôt Frantic...

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Vous êtes toujours là ? Vous avez envie d'un autre avis ?

À vous de choisir: "Le blog de Dasola" ou "Sur la route du cinéma". Personne ne peut évidemment vous empêcher de lire... les deux.

mercredi 23 avril 2014

L'annonce aux parents

Il y a des films qui tombent bien. Fin mars, à la veille du second tour des élections municipales, alors que je songeais aux conséquences futures de la montée d'une certaine colère en France, j'ai eu l'occasion de découvrir un film plutôt courageux: Devine qui vient dîner ? Courageux, ce film l'est parce qu'il évoque la perspective d'un mariage mixte entre Joanna, femme blanche, et John, homme noir. Le cadre de fond est l'Amérique de 1967. Des États-Unis où les discriminations fondées sur la race ne sont alors interdites que depuis trois ans...

On notera au passage que le Civil Rights Act de 1964 prohibait également les discriminations religieuses, sexuelles ou nationales. Pour en revenir au film... Devine qui vient dîner ? nous présente deux tourtereaux déjà bien décidés à convoler, alors même que la loi leur interdit encore dans 14 des États américains. Joanna et John ont donc décidé de partir vivre en Suisse et, en chemin, ils sont allés exposer la situation aux parents de la jeune femme, soucieux d'obtenir leur bénédiction. Le plus inquiet est John, qui hésite d'ailleurs encore à parler trop vite et aimerait attendre quelque temps pour présenter son aimée à ses propres parents. Je vous passe maintenant l'évolution de cette intrigue et ses rebondissements. Tourné en studio, le film est objectivement théâtral, au meilleur sens du terme. Son scénario est remarquablement écrit et chaque acteur joue sa partition à la perfection. Grand, très grand cinéma classique.

Comme souvent pour les grands films, le souvenir du tournage apporte son lot d'anecdotes intéressantes et/ou touchantes. Présenté comme la dernière occasion de voir réunis à l'écran Katharine Hepburn et Spencer Tracy, Devine qui vient dîner ? a été conçu et tourné alors que ce dernier était gravement malade - il est d'ailleurs mort seulement 17 jours après le clap final. Au-delà de la contrainte technique posée par cette sombre réalité, je crois qu'on peut prendre le film comme une autre déclaration d'amour, réelle cette fois. Paroxystique, l'ultime monologue de Spencer Tracy - huit minutes ! - laisse Katharine Hepburn les yeux embués... c'est à la fois logique pour son personnage et pour elle-même. J'ai déjà salué l'intelligence du scénario: entre pure comédie et études de moeurs, les répliques font mouche, encore aujourd'hui. Sidney Poitier, que je découvrais pour l'occasion, m'a transporté et Katharine Hougton, ému. Bonheur !

Devine qui vient dîner ?
Film américain de Stanley Kramer (1967)

Je ne crois pas qu'on puisse parler de film militant. J'ai le sentiment que le thème du respect de la différence aurait pu être abordé autrement. Si c'est la pigmentation des amoureux qui pose question en l'espèce, le "problème" aurait pu venir d'autre chose: handicap physique, différence d'âge majeure ou orientation sexuelle. Je crois pouvoir dire que le film n'a vraiment rien perdu de sa pertinence. Avant de découvrir cette oeuvre, je ne connaissais Stanley Kramer que pour Un monde fou, fou, fou, fou. Dans un tout autre genre...

lundi 21 avril 2014

Chasse aux trésors

Au programme aujourd'hui: une bonne leçon d'histoire à la sauce hollywoodienne. Je trouve que George Clooney a plutôt bien fait d'aborder ce sujet fort peu connu: au cours de la seconde guerre mondiale, un petit groupe d'historiens de l'art est parti sur le front pour récupérer diverses oeuvres dérobées par les Nazis, dans l'espoir de les restituer à leurs véritables propriétaires, fondations, musées ou simples particuliers. On les a surnommés les Monuments men. C'est aussi - vous l'aurez compris - le titre du film qui les "ressuscite".

Avec celle de la résistance, leur action mérite l'éloge: de grands chefs d'oeuvre ont été sauvés, qu'Hitler avait imaginé garder... ou détruire. George Clooney est ici producteur, scénariste, réalisateur et acteur. Sans doute le sujet lui tenait-il à coeur - et c'est tant mieux. Nanti d'un carnet d'adresses XXL, il en a profité pour contacter ses copains et donner de bons rôles à Matt Damon, Bill Murray, John Goodman, Cate Blanchett, Jean Dujardin... entre autres. Cette distribution glamour n'a rien à se reprocher: le vrai problème de Monuments men ne tient nullement à une quelconque contre-performance dans le jeu de l'un ou l'autre des protagonistes. Si le film m'a déçu, c'est plutôt parce qu'il est "propret", sans véritable aspérité. Il en deviendrait même caricatural, pour ainsi dire. La guerre devient une circonstance anecdotique, la zone de conflit un décor qu'on peut traverser aisément. Et, bien sûr, personne ne souffre de réelles privations...

Plutôt bien fichu, pas antipathique, le film m'a en fait paru "décalé". L'un de mes regrets est qu'il soit si bêtement patriotique: les Alliés sont des mecs bien, évidemment, les Allemands des brutes épaisses promptes au mensonge et les Russes une nouvelle menace à éviter d'urgence. En y ajoutant la bande originale d'un Alexandre Desplat pour une fois peu inspiré, on obtient un long-métrage grandiloquent sans raison objective, qui sonne faux. L'autre souci tient au choix d'insérer dans l'intrigue quelques séquences humoristiques: je suis friand des blagues "clooneysques", en général, mais là, ça tombe souvent comme un cheveu sur la soupe. C'est que Monuments men mélange les genres: les monstruosités du conflit armé et de la Shoah sont évoquées par petites touches, mais justement... je me suis dit que c'était trop ou pas assez ! Je n'ai pas vu un mauvais film, non. C'est juste que, paradoxalement, tout ça finit par manquer d'émotion.

Monuments men
Film américain de George Clooney (2014)

Petite déception, donc. Je n'ai mis que trois étoiles, ce qui me semble refléter au mieux l'idée que le sujet méritait meilleur traitement.  J'imagine bien que l'ami George a voulu faire un autre de ces films entre potes qu'il affectionne tant: je le respecte, mais je dirais juste que ce n'était peut-être pas le meilleur choix à retenir, pour le coup. Reste le plaisir du casting et de la belle reconstitution. C'est déjà ça. Au rayon films sur l'art en temps de guerre, et même si ce parallèle est lui-même discutable, vous pourriez préférer "Le dernier métro".

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La presse est assez critique, mais qu'en est-il ailleurs ?

Pascale ("Sur la route du cinéma") n'a pas été emballée, loin de là. Dans sa "Bulle", Princécranoir n'a pas de termes plus élogieux. Nouveau venu croisé ailleurs, 2flicsamiami donne juste la moyenne (cf. "Callciné"). Et Phil Siné (cf. sa "Cinémathèque") parle carrément d'oeuvre puante ! Bigre ! Et dire que pendant ce temps, Clooney crée la polémique en réclamant la restitution de la Joconde à l'Italie...

dimanche 20 avril 2014

Les vieux amis

Qu'est-ce qu'un cinéphile ? Un amateur de cinéma qui consacre l'essentiel de son temps à regarder des films pointus ? Un passionné qui tend à l'exhaustivité et voit tout ce qui lui passe sous les yeux ? Cela surprend parfois mes amis, mais je ne me crois pas cinéphile. S'il me fallait choisir, je serais plus proche de la seconde définition. Je n'ai donc pas eu de vrai scrupule devant De la part des copains...

Je revendique le droit de regarder parfois des films "dispensables". Objectivement, celui-là n'a rien d'un incontournable. Charles Bronson est un ancien militaire, devenu loueur de yachts sur la Côte d'Azur. Liv Ullman, que le monde du cinéma connaît surtout comme égérie d'Ingmar Bergman, l'a épousé sans tout connaître de son passé. Problème: un soir d'été, un inconnu débarque, armé d'un revolver, pour contrarier ce petit bonheur tranquille. De la part des copains marque les retrouvailles d'anciens compagnons d'armes: le différend qui les oppose de longue date doit désormais être réglé définitivement. Parmi les noms connus de la distribution, on retrouve également James Mason et Michel Constantin. Un casting qu'on jugera joliment hétéroclite, symbole de l'aspect international de l'entreprise. Après tout, le producteur du film est français et son réalisateur britannique. De tels "mélanges" étaient courants, à cette époque...

Quoiqu'il en soit, De la part des copains n'est certes pas un chef d'oeuvre. Il a le bon goût de ne durer qu'une heure et demie, timing largement suffisant pour ce qu'il veut raconter. On pointera toutefois quelques vraies longueurs lors d'une course-poursuite sur les corniches qui surplombent Nice. La totale invraisemblance des situations importe peu: on voit bien la voiture du héros sous toutes ses coutures et presque pas les motos qui l'ont pris en chasse, jusqu'au moment fatal où ces mêmes deux-roues partent dans le décor. Il faudra juste ensuite qu'un feu soit allumé dans la nature pour que le personnage féminin échappe au gros méchant, ne pouvant plus se reposer alors sur l'esprit chevaleresque du premier chef du gang. Bref: le nanar n'est évité que de justesse, pour être honnête. J'ai pris plaisir toutefois à voir une région que je connais bien, du côté notamment du petit port de Villefranche-sur-Mer. Cela aura suffi à mon bonheur.

De la part des copains
Film franco-italien (!) de Terence Young (1970)

Trois étoiles généreuses et une petite demie supplémentaire, symbole du plaisir pris avec ce petit film d'époque. Ma note serait inférieure s'il avait été tourné sur d'autres sites, tout à fait inconnus de moi. Terence Young compte trois James Bond à son actif. Il a aussi réalisé Seule dans la nuit, qui est tout de même meilleur. Et dans la "filmo" de Charles Bronson, je recommande plutôt Le passager de la pluie...

vendredi 18 avril 2014

Brut de Cannes

Je ne vais pas vous raconter d'histoire: bien sûr que je me suis fait devancer par la presse spécialisée et sûrement par les rédacteurs non-professionnels de nombreux autres blogs cinéma. Pas de regret là-dessus: de toute façon, ce matin, je n'avais pas le temps d'écrire quoi que ce soit sur la conférence de presse du Festival de Cannes. J'avais programmé une mise à jour à l'heure habituelle, midi pile. Finalement, je l'ai décalée à dimanche. Et je me suis dit qu'il fallait quand même parler ce jeudi, à J-27, du rendez-vous de la Croisette...

Gilles Jacob et Thierry Frémaux, respectivement président et délégué général du Festival, ont donc annoncé ce matin ce que les cinéphiles attendent chaque année avec impatience: la liste des films engagés dans la compétition cannoise. Brute de décoffrage, je publie ci-dessous les noms des candidats à la récompense suprême: la Palme d'or. J'envisage déjà de vous donner plus de détails un jour prochain.

Voici donc toujours cette fameuse liste...
Olivier Assayas / Sils Maria / France
Bertrand Bonello / Saint Laurent / France
Nuri Bilge Ceylan / Sommeil d'hiver / Turquie
David Cronenberg / Maps to the stars / Canada
Jean-Pierre et Luc Dardenne / Deux jours, une nuit / Belgique
Xavier Dolan / Mommy / Canada
Atom Egoyan / Captives / Canada
Jean-Luc Godard / Adieu au langage / France et Suisse
Michel Hazanavicius / The search / France
Tommy Lee Jones / The Homesman / États-Unis
Naomi Kawase / Deux fenêtres / Japon
Mike Leigh / Mr. Turner / Grande-Bretagne
Ken Loach / Jimmy's hall / Grande-Bretagne
Bennett Miller / Foxcatcher / États-Unis
Alice Rohrwacher / Le meraviglie / Italie
Abderrahmane Sissako / Timbuktu / Mauritanie et Mali
Damian Szifron / Wild tales / Argentine
Andrey Zvyagintsev / Leviathan / Russie

La présentation s'est faite selon l'ordre alphabétique des réalisateurs.

Un mot encore pour vous rappeler que cette année, l'affiche officielle du Festival reprend une photo de l'acteur italien Marcello Mastroianni. Le saviez-vous ? Ce n'est pas la toute première fois que Cannes vient saluer ainsi la mémoire d'une star disparue. Pour ma part, je reste sceptique sur ce type de choix. Il me paraît tout à fait incontestable qu'un tel comédien mérite l'hommage posthume ainsi rendu. J'ai noté d'ailleurs que sa fille Chiara se disait très fière et très touchée. Simplement, j'apprécie surtout Cannes quand le Festival est capable de défricher de nouveaux territoires. Me voilà à nouveau impatient...

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Un peu d'ironie du côté des horloges, pour conclure...
Je visais jeudi... et j'ai fini ma chronique vendredi, à 0h00 pétantes !

mercredi 16 avril 2014

Scarlett forever

Certains de mes amis restent bouche bée devant Scarlett Johansson. Jamais à mes yeux elle n'a pourtant encore pu prétendre se mesurer aux plus grandes stars hollywoodiennes. Je relativise ce propos sévère en soulignant que la belle n'a jamais que 29 ans. Si sa carrière continue de suivre son cours, elle pourrait sans nul doute être demain l'une des plus grandes stars de sa génération. C'est bien parti, en fait.

Son personnage virtuel dans Her m'a séduit, je dois dire. Je respecte particulièrement les artistes qui osent parfois prendre des risques avec leur image. Comment alors ne pas être admiratif d'une femme considérée par beaucoup comme un sex symbol et qui accepte un rôle totalement invisible, réduit à sa seule performance verbale ? J'y vois un culot que beaucoup d'autres comédiens et comédiennes n'ont pas. C'est aussi la 35ème participation de la demoiselle à un long-métrage. Peut-être bien la plus intrigante également. J'attends donc la suite...

Même si rien ne permet d'affirmer qu'il y aura d'autres occasions d'apprécier la complémentarité de leur talent, Scarlett Johansson demeure pour moi indissociable de Woody Allen. J'ai choisi d'illustrer mon propos avec une image de Scoop, le deuxième des trois films qu'ils ont tournés ensemble et le seul qui les réunit à l'écran. J'aime les deux autres, Match point et Vicky Cristina Barcelona. Scarlett joue les femmes fatales dans le premier, les coquines dans le second. J'ignore si un autre réalisateur que Woody a su aussi bien la filmer.

Les gazettes people ne parlent plus guère que de sa future maternité. Sur grand écran, il est prévu qu'elle rendosse (deux fois !) la tenue moulante de la Veuve Noire, le personnage de la franchise Avengers. N'étant pas spécialement amateur de films de super-héros, je risque encore une fois de passer à côté ou au moins d'attendre la diffusion télé. Scarlett me paraît tellement mieux dans Lost in translation ! Curieusement, son parcours au cinéma est une suite de blockbusters et de films d'auteur, sans cohérence apparente. Cela peut dérouter.

Un jour populaire, le lendemain malaimée, Scarlett sait faire parler d'elle de différentes façons - c'est sans doute une partie de son talent. Dernièrement, avant de recevoir un César d'honneur, elle aurait déçu une partie de ses fans en renonçant à un engagement humanitaire pour faire la pub d'une société israélienne implantée sur le sol palestinien. Je n'ai pas vraiment d'avis définitif sur cette polémique. J'aime autant ne m'intéresser qu'au cinéma et attendre patiemment Under the skin, un film où Scarlett sera brune et... extra-terrestre !

lundi 14 avril 2014

Virtualité des sentiments

"Her est d'ores et déjà l'un des plus grands films de l'année". Je suis assez d'accord avec Christophe Chadefaud, le critique qui a présenté le dernier Spike Jonze dans les colonnes de Studio Ciné Live le mois dernier. L'ancien spécialiste des vidéos de skateboard et clippeur expérimenté ne signe ici que son quatrième longs-métrage de fiction en quinze ans. Il a reçu un Oscar du meilleur scénario original mérité. Ce nouvel opus m'a emballé de bout en bout. Les réserves que j'émets généralement à l'égard du cinéma de science-fiction se sont envolées.

Le film commence par un gros plan sur le visage de Joaquin Phoenix. Cet acteur fabuleux capte d'emblée notre attention: il dit des choses touchantes, mais, première surprise, parle de lui au féminin. Theodore Twombley, son personnage, est en fait une sorte d'écrivain public: on le découvre en train de relire une lettre qu'une femme inconnue - sa cliente - lui a fait rédiger, à l'attention de son mari. Theodore vit ainsi par procuration, scribe de toutes sortes de gens. Lui reste seul, jusqu'au jour où il installe un nouveau système d'exploitation sur son ordinateur. À sa demande, cet outil moderne prend la voix d'une femme et, du fait de sa sophistication, devient véritablement... une amie. Je vous laisse désormais découvrir jusqu'où Her pousse cette incroyable idée de départ. Sitôt vu, le film a fait une entrée fracassante au plus haut niveau de mon classement - provisoire - des meilleurs longs-métrages de 2014. Si vous acceptez son postulat de départ, il y a de bonnes chances qu'il vous transporte. L'informatique aurait-t-elle déjà pris une telle place dans nos vies ?

À cette question, Her apporte des éléments de réponse. Spike Jonze parvient à maintenir un équilibre sensible: il ne porte aucun jugement sur son personnage principal. J'ai vraiment beaucoup aimé la manière dont le réalisateur nous présente et nous fait comprendre Theodore. Alors que l'interaction avec la machine le dévoile petit à petit, le film est également émaillé de flashbacks muets. Les sons  du présent demeurent sur les images du passé et c'est magnifique. Que dire alors de la prestation de Joaquin Phoenix ? L'acteur a choisi de se laisser pousser la moustache pour dissimuler la disgrâce qui barre sa lèvre supérieure: il est constamment juste. Il faut dire aussi que la réplique qui lui est offerte est de grand talent: Amy Adams confirme encore tout le bien que je pense d'elle, tandis qu'Olivia Wilde et Rooney Mara amènent un peu plus d'émotion en tant que conquêtes éphémères. L'apport au film le plus vibrant reste celui de Scarlett Johansson. Présente par sa seule voix, la comédienne parvient à crédibiliser cette très belle histoire d'amour. Autant vous le dire: la VO s'impose !

Her
Film américain de Spike Jonze (2013)

Qu'il est agréable de voir que le cinéma américain est encore capable d'inventer de nouvelles façons de nous émerveiller ! Ce film m'a donné l'opportunité d'éprouver plusieurs émotions: j'ai ri, frémi, pleuré. Aucune fausse note à regretter. C'est un peu avec le même plaisir qu'en son temps, j'avais vu Eternal sunshine of the spotless mind. Une salle silencieuse et un écran géant: quelle incroyable expérience !

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Je ne suis évidemment pas le seul à parler du film...
Pascale ("Sur la route du cinéma") en dit également beaucoup de bien. Un autre point de vue positif est également à lire sur "Callciné". Princécranoir, lui aussi, entre dans le débat sur son blog, "Ma bulle".

dimanche 13 avril 2014

Par élimination

C'est le propre de tous les blogs cinéma: de grands réalisateurs y sont cités, quand d'autres qui mériteraient bien d'être souvent évoqués passent à la trappe de manière étonnante, sinon incompréhensible. Placer Konstantinos Costa-Gavras dans la liste de ceux dont je devrais parler davantage serait logique. C'est d'abord pour lui que j'ai voulu voir Le couperet. Pour lui et pour José Garcia, en fait, car j'étais tenté d'apprécier le comédien à contre-emploi. Cette histoire policière sur fond de crise économique m'en offrait une occasion. Je l'ai saisie.

Le couperet transpose en France le roman éponyme de l'écrivain américain Donald E. Westlake. Employé lambda dans une entreprise spécialisée dans la fabrication de papier, Bruno Davert est licencié après quinze ans de bons et loyaux services. Ses compétences spécifiques l'empêchent de retrouver facilement un emploi intéressant. Sa femme elle aussi va de petit boulot en petit boulot. Bref, les Davert galèrent. Une idée vient alors au père de famille. Grâce à une adresse postale, il crée une fausse entreprise, passe ensuite une annonce pour faire croire qu'il recrute, reçoit des dizaines de CV et prend alors connaissance des coordonnées de concurrents possibles sur le marché du travail. Vous avez deviné ? Avec un flingue hérité de son père, notre homme s'en va abattre ceux qu'il considère comme des obstacles. Et je veux dire sans attendre que José Garcia incarne de manière crédible cet honnête citoyen qui part en vrille...

À ses côtés, on retrouvera notamment Karin Viard, très bien également pour interpréter la femme qui ne se rend compte de rien. Parmi les petits rôles, je retiens aussi ceux d'Ulrich Tukur, en vendeur de chaussures déprimé, et d'Olivier Gourmet, cadre sup alcoolique. Criminel de pacotille, Bruno Davert se rend finalement vite compte que ses victimes lui ressemblent. Stop ! Je ne veux pas en dire davantage sur les ressorts du scénario et l'évolution du personnage principal. Sur le plan formel, j'ai bien aimé que Le couperet commence sur un flashback, retrouve ensuite une narration ancrée dans le temps présent pour s'achever sur une fin ouverte et libre d'interprétation. Ce n'est certes pas un très grand film. J'ai pu avoir l'impression qu'il n'allait pas au bout de ses (bonnes) intentions. Ponctuellement, l'image moque l'esthétique de la pub, mais reste finalement à distance d'une critique plus frontale. Un vrai gros regret.

Le couperet
Film français de Konstantinos Costa-Gavras (2005)

Oui, donc... compte tenu de la réputation du réalisateur, j'attendais quelque chose d'un peu plus approfondi, c'est vrai. J'ai vu ici et là quelques belles idées, mais suis un peu resté sur ma faim, au final. Peut-être que le film reste trop proche du bouquin, en fait. Adapter un roman n'est sans doute pas un exercice facile. Je préfère les films de crise réalistes (Louise Wimmer) ou poétiques (Lulu femme nue).

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Un petit contrepoint critique, voulez-vous ?
Je note que mes deux comparaisons ont des personnages féminins. Deux autres chroniques à lire: sur "L'oeil sur l'écran", le film est jugé décevant. Même constat sur "Mon cinéma, jour après jour". Bon...

samedi 12 avril 2014

Israël encore

Vous l'aurez constaté: le Festival du film israélien dont je vous parle depuis quelques jours met à son programme des films très récents. Ce n'est pas tout: quand la lumière s'éteint, les organisateurs proposent systématiquement un court-métrage. Une façon pour eux d'encourager et de révéler quelques nouveaux talents. Le format court serait en effet privilégié, ici comme là-bas, par de jeunes cinéastes. Les deux films que j'ai vus dataient, sauf erreur, de l'année dernière. Leur durée respective: 18 minutes pour le premier, 10 pour le second.

Si j'ai bien compris, Yael Nahome est issue de l'une des 17 (!) écoles de cinéma du pays. J'ai découvert et pu apprécier son Man, girl, dog. Parce que l'animal qu'elle promène lui échappe et file entre les rayons d'un supermarché, une jeune femme s'y retrouve coincée une nuit entière, en seule présence d'un des vendeurs. Trois cambrioleurs idiots s'ajoutent alors au trio homme / fille / chien. L'intrigue parle vaguement d'intolérance, à l'égard des femmes ou des étrangers. J'aurai appris que des Russes vivaient en Israël - un des huit millions d'habitants environ, si j'en crois Wikipedia. Du point de vue cinématographique, cela dit, le programme était sympa. Sans plus.

A knock on the door nous a été présenté comme le seul court indépendant de cinq semaines de Festival. Il fallait juste comprendre que son réalisateur, Eliran Elya, l'a adressé au comité de sélection sans être appuyé par un quelconque organisme de formation. L'histoire de son petit film: un vieil écrivain malade voit s'installer chez lui un homme armé d'un revolver. Menacé, il est sommé d'inventer une histoire pour son visiteur. Problème: il est interrompu par d'autres inconnus, en exigeant une aussi et... de la même façon. Pas très emballé par le résultat, j'ai noté que ce programme adapte un texte d'Etgar Keret, déjà présent dans mon index des réalisateurs.

jeudi 10 avril 2014

Sacré mystère

Nice Israël Film Festival, épisode 2. Je voulais vous présenter aujourd'hui un autre film découvert à l'occasion de cet événement cinématographique: The wonders. Intrigué, depuis l'une des fenêtres de son appartement, Arnav voit trois hommes en malmener un autre. Visiblement, l'intéressé est retenu prisonnier dans un appartement voisin. En dépit du danger, Arnav, simple barman, se décide à mener une petite enquête personnelle pour comprendre ce qui se passe. Discrètement, il parvient à parler avec le détenu, Knafo, un rabbin...

Est-ce parce que j'étais fatigué ce jour-là ? Faut-il penser que c'est lié à la version originale hébreue ? Le fait est que j'ai parfois éprouvé quelques difficultés inattendues à bien saisir l'intrigue du film. Plusieurs personnages entrent en scène et se croisent: un détective privé, la belle-soeur de Knafo et la petite amie d'Arnav, entre autres. C'est après coup, en lisant un peu ce qui s'est déjà écrit (en anglais !) sur cette histoire, que je l'ai mieux appréciée. The wonders a connu un important succès critique et public en Israël. Un journal réputé pour son influence, Cinemascope, l'a présenté comme le meilleur film israélien de l'année dernière. Présenté au Festival de Toronto, on y a parlé de lui comme d'une "dramédie intelligente et sophistiquée". Tourné à Jérusalem, le film évoque ponctuellement les aspects néfastes d'une pratique religieuse irréfléchie. J'imagine très aisément que c'est faire preuve d'audace, car plutôt moins facile là-bas qu'ici.

Les connaisseurs notent que, dans le quartier de Jérusalem où le film a été réalisé, plusieurs cultures cohabitent, avec à la fois des Juifs ultra-orthodoxes, des Musulmans arabes et des Bohémiens. Objectivement peu au fait de la réalité de ce melting pot, je m'y suis donc... égaré. Est-ce la raison du titre d'exploitation du long-métrage en Europe ? D'aucuns jugent que le cadre du film se rapproche aussi de l'univers d'Alice au pays des merveilles (Wonderland, en anglais). Fatigué ou non, j'ai bien remarqué quelques incursions fantaisistes par le biais de détails et personnages animés dans les scènes filmées traditionnelles. Le héros du film étant aussi un spécialiste du dessin et du graffiti, il y a là une cohérence que j'aurais aimé voir développée plus avant - j'imaginais The wonders en un long-métrage associant les deux techniques, en réalité. J'ai en fait dû me contenter d'une production policière honnête et, ma foi, pas si facile à suivre...

The wonders
Film israélien d'Avi Nesher (2013)

Pas d'effacement de l'image réelle devant le dessin: ce film ne va pas aussi loin que Le congrès. L'interaction des personnages "de chair" avec leurs homologues crayonnés n'est finalement qu'anecdotique. Rien de comparable avec Qui veut la peau de Roger Rabbit ? ici. Reste à découvrir une oeuvre originaire d'un pays aussi exposé médiatiquement que finalement méconnu. C'est ce que j'ai fait. Unique regret: un savoir culturel trop faible pour mieux comprendre. Disons donc que c'est une nouvelle petite étape dans ma cinéphilie... 

mercredi 9 avril 2014

Les pères, les fils

J'ai raté les premières minutes de The place beyond the pines. J'étais chez mon parrain et, à vrai dire, je pensais faire autre chose que regarder la télé, ce soir-là. Je me suis finalement laissé prendre au jeu. Il faut dire que c'était aussi la première occasion de rattraper un film que j'avais manqué en salles, alors même que je jugeais prometteuse l'association de Ryan Gosling et Bradley Cooper. Je vais d'abord vous dire que le bilan est franchement mitigé. Je suis resté sur ma faim, la faute à un scénario prévisible et cousu de fil blanc...

The place beyond the pines est en réalité un triptyque cinématographique. Son premier personnage - Luke Glanton - gagne sa vie comme cascadeur à moto. Un peu marginal, il découvre subitement que Romina, son ex, a eu un enfant de lui... et s'efforce alors de subvenir aux besoins du bébé, élevé par un dénommé Kofi. Rapidement, il s'avère qu'il n'a pas d'autre talent que celui de braquer des banques. D'où l'entrée en scène d'Avery Cross, jeune flic intègre et fils de juge, lui-même père de famille. En fin de métrage, ce sera aux enfants des deux protagonistes de boucler la boucle du scénario. Honnêtement, la distribution du film est plutôt bonne. Vous aurez peut-être plaisir à y retrouver Ray Liotta en ripou et à y redécouvrir Eva Mendes, bombe démaquillée, convaincante en femme ordinaire. Pas de doute: devant ou derrière la caméra, les artistes du cinéma américain savent planter un décor. Reste à l'habiter: autre histoire...

Je ne sais pas vraiment dire ce qui a pu me manquer. Peut-être bien d'être surpris. Je peux certes souligner qu'un événement-choc survient à mi-parcours, mais, sachant à quoi m'en tenir à ce sujet avant même les premières images, je n'ai pas été bouleversé. Malheureusement, c'est même tout le contraire: j'ai trouvé le temps long et la dernière partie du film aussi dispensable qu'irréaliste. Dommage: dans un format plus reserré, je me dis que The place beyond the pines - quel joli titre ! - aurait pu me plaire davantage. Tel quel, il me paraît juste correct et finalement assez banal. L'idée d'opposer deux personnages n'a rien d'original, même s'il est malin d'avoir réduit au strict minimum le nombre de leurs scènes communes. J'aime aussi le concept du truand naïf et du policier ambivalent, mais il m'a paru traité ici de manière trop caricaturale. Malgré une mise en scène léchée, le film ne décolle jamais vraiment.

The place beyond the pines
Film américain de Derek Cianfrance (2013)

Ryan Gosling fait du Ryan Gosling: il compose un personnage mutique, lointain cousin de cet autre loulou qu'il jouait dans Drive. Quant à Bradley Cooper, je le préfère dans American bluff: flic ici comme là-bas, il est cette fois, scénario oblige, beaucoup moins drôle et exagérément ambigu. Il y avait mieux à faire avec ce casting ! Comme Les brasiers de la colère, cet autre polar sur fond de misère sociale ne me laissera probablement pas un souvenir impérissable. J'écoute volontiers vos suggestions si vous avez mieux à proposer...

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Après, bon, je n'ai pas forcément la science infuse...

D'autres cinéphiles ont du film une opinion positive. Deux références possibles: "Sur la route du cinéma" et "Mon cinéma, jour après jour".

lundi 7 avril 2014

Ses idées à elle

Combien de fois le cinéma s'est-il inspiré de la littérature ? J'imagine qu'il est impossible de répondre à cette question. Il est bien évident que c'est une pratique courante. Je le reconnais toutefois: j'ignorais totalement qu'avant d'être le sujet d'un film Disney, Mary Poppins était née dans les pages de livres pour enfants. Je l'ai découvert devant Dans l'ombre de Mary, un film... Disney qui raconte la façon dont le studio s'est emparé de cette histoire. Une idée du grand Walt lui-même, qui a d'abord vu l'auteur se cramponner à ses idées à elle...

De nationalité australienne, Helen Goff signait sous un nom d'emprunt: celui de Pamela Lyndon Travers. Le film explique pourquoi et fait de ce personnage une femme très réticente à l'heure de céder ses droits à un inventeur de dessins animés. De fait rude en affaires et particulièrement maniaque, l'intéressée passe très régulièrement pour une vieille rombière psycho-rigide. Ce caractère bien trempé permet d'apprécier une comédie réussie, quoiqu'un tantinet répétitive pour illustrer l'incompatibilité d'humeur entre Mrs Travers et son hôte américain. Les dialogues restent plutôt sympa, à savourer en version originale de préférence. Dans l'ombre de Mary repose sur une joute verbale féroce, avec Emma Thompson et Tom Hanks pour duellistes. C'est rythmé, piquant et assez jubilatoire. Grands numéros d'acteurs.

Bien que simplifiées pour les besoins du récit, un enregistrement final révèle que les choses se sont presque passées ainsi dans la réalité. Tout ça vous donnera peut-être envie de (re)voir le résultat. J'aimerais avant cela vous avoir expliqué que Dans l'ombre de Mary est un film à deux facettes. À l'aide de flashbacks, il revient aussi assez longuement sur l'enfance de P. L. Travers. L'alternance fréquente des deux temporalités risque peut-être de dérouter certains d'entre vous. Le long-métrage y gagne en mystère, voire en suspense. Cependant, le procédé n'est pas toujours pleinement convaincant. J'irai même jusqu'à dire qu'il est parfois discutable, le scénario appuyant un peu trop sur le pathétisme. Il est vrai aussi que le soin apporté à la double reconstitution m'a fait oublier ce péché d’orgueil.

Dans l'ombre de Mary
Film américain de John Lee Hancock (2013)

Je ne connaissais pas du tout ce cinéaste. Il a pourtant scénarisé deux films de Clint Eastwood: Un monde parfait (1993) et Minuit dans le jardin du bien et du mal (1998). Dans l'ombre de Mary arrive au cinquième rang de ses créations personnelles, quatre ans après The blind side, un film qui valut un Oscar à Sandra Bullock. Comme suggéré, j'aimerais bien désormais revoir... Mary Poppins.

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Et pour vous donner une autre idée du film du jour...

Je vous renvoie vers deux sites amis. "Sur la route du cinéma" s'avère très critique, parlant de "meringue" et de "grosse soupe indigeste". "Le blog de Dasola" se montre moins cinglant et porté par l'émotion.