jeudi 31 mars 2022

Coeurs noirs

Les films seraient-ils des voyages ? Cela peut effectivement m'arriver de les qualifier ainsi, mais je préfère dire qu'ils sont des fenêtres ouvertes sur le monde. C'est dans cet état d'esprit que j'ai choisi d'aller voir La femme du fossoyeur, un long-métrage venu d'ailleurs et dont la sortie nationale en France est attendue le 27 avril prochain.

Programmé à l'ouverture d'un festival totalement consacré au cinéma africain, La femme du fossoyeur me permettra d'enrichir la collection de drapeaux de ma page "Cinéma du monde" avec celui de la Somalie. Il narre l'histoire de Guled, quadra des quartiers pauvres de Djibouti. Malgré la précarité de sa situation, il forme une famille harmonieuse avec Nasra, son épouse, et leur fils Hamad. Or, une grave maladie rénale afflige la jeune femme: les quelques médicaments anti-douleur ne la soulagent plus et, si on ne l'opère pas rapidement, son pronostic vital - comme le disent parfois les médias - est clairement engagé. Peut-être jugerez-vous que ce scénario manque un peu d'originalité. Dans ce qu'il va nous montrer de la situation actuelle d'un pays, tiraillé entre des choix politiques assez discutables et de vieilles traditions rétrogrades, le film, lui, reste franchement très intéressant à voir. Même si je n'ai encore rien révélé du paysage dans lequel il s'inscrit...

Tourné avec des comédiens amateur, le long-métrage utilise le cadre naturel: aucun décor n'aurait été construit, la ville et l'environnement désertique qui l'entoure apparaissant tels qu'ils sont dans la réalité. Sans s'attarder à des discours idéologiques, La femme du fossoyeur témoigne toutefois, bien sûr, des conditions de vie sur le terrain. C'est ainsi avec stupéfaction que l'on pourra, par exemple, découvrir comment, armés d'une simple pelle ou d'une pioche, des hommes attendent aux portes des hôpitaux pour enterrer à moindre coût celles et ceux que l'on n'aura pas su guérir. Sobre, cet arrière-plan sociétal est apparu suffisamment important aux sélectionneurs de la Croisette pour retenir le film à la Semaine de la critique du Festival de Cannes. Plus important encore, il a reçu l'Étalon d'or du Fespaco, événement organisé au Burkina Faso et souvent présenté comme LA référence des festivals de cinéma sur l'ensemble du vaste continent africain. J'espère donc qu'après avoir été bien accueilli à Mogadiscio, il pourra trouver son public en France. Je trouve qu'il le mériterait amplement !

La femme du fossoyeur
Film somalien de Khadar Ayderus Ahmed (2021)

Une histoire simple sur toile de fond subsaharienne: il n'est pas exclu que certains d'entre vous réduisent ce long-métrage à sa dimension "exotique". Pour ma part, je considère en fait sa relative simplicité comme une qualité - et il n'est pas exclu que j'y revienne fin avril. Avant cela, je vous rappelle que j'ai déjà chroniqué d'autres films africains, à l'image notamment de Lamb. Tout reste à (re)découvrir !

mardi 29 mars 2022

En marge

Quel film m'a-t-il révélé le talent de Bouli Lanners acteur ? J'ai oublié. Je sais cependant que j'ai vu tous ceux qu'il a réalisés, à l'exception du premier (Ultranova, sorti en 2005, si quelqu'un a plus d'infos...). Voilà pile trois semaines, j'ai eu la chance de tomber sur le dernier lors d'une avant-première "surprise". Et il est sorti mercredi dernier...

Je ne vais pas y aller par quatre chemins: L'ombre d'un mensonge pourrait rester pour moi LE film important de ce premier trimestre. Sauf lors d'une scène dont je garderai le secret, il est en langue anglaise originale. C'est logique, en fait, puisqu'il se passe en Écosse. Et pas à Édimbourg ou Glasgow, non: à Lewis, une petite île reculée et fidèle à la plus radicale tradition presbytérienne. Revoyant sa façon de travailler, Bouli Lanners y a passé sept mois et, plutôt que le polar d'abord envisagé, y a tourné une belle histoire dont les personnages principaux sont Millie et Phil, une femme et un homme de 55-60 ans. Elle, c'est Michelle Fairley, comédienne expérimentée notamment vue dans le costume sombre de Lady Catelyn Stark, l'un des personnages féminins les plus charismatiques de la série télé Games of thrones. Lui, c'est Bouli Lanners himself, motivé (par sa directrice de casting) à jouer lui-même ce rôle qu'il pensait initialement confier à un autre. Quel beau duo, en vérité ! J'oserai même parler d'un "pas de deux". Quant au récit, il m'a paru d'une justesse admirable. Et très humain...

Le regard que l'acteur-cinéaste pose ici sur les vastes paysages écossais, dans les terres ou au bord de la mer, pourront vous rappeler qu'il est aussi peintre, passé un temps sur les bancs des Beaux-Arts. Ce grand taiseux ne se paye pas de mots et c'est donc avec sensibilité qu'il dessine cette danse d'un homme victime d'un accident vasculaire cérébral et de la femme généreuse qui accompagne sa convalescence. Je suppose que je n'ai pas besoin d'expliciter le titre pour expliquer que L'ombre d'un mensonge est assez mystérieux, à l'image d'ailleurs de son personnage masculin, toujours un peu "en marge" des autres. Tout s'éclaire petit à petit, sous la lumière ténue de cette terre sauvage et qui paraît le plus souvent bien éloignée du reste du monde connu - d'où, bien sûr, le choix de ce site particulier pour le tournage. Ce film est un véritable voyage et j'ai aimé le faire dans un fauteuil. J'avais une petite larme à l'oeil au moment d'enfin revenir à ma vie quotidienne, émotion que le débat proposé par la directrice du cinéma n'aura pas éteinte aussitôt. Et tant mieux: c'était vraiment agréable !

L'ombre d'un mensonge
Film belge de Bouli Lanners (2022)

Je n'aime pas ce titre, mais, au fond, ce n'est qu'un minuscule détail. Attention: la bande-annonce, elle, en dit beaucoup trop, à mon avis. D'une subtilité rare, ce long-métrage mérite d'être vu sans a priori. Apparemment, le réalisateur se dit (et espère) qu'il est susceptible d'attirer une audience un peu plus large que ses opus antérieurs. Celui de 2016, Les premiers les derniers, est excellent ! À voir et revoir...

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Vous aimeriez lire un avis féminin ?

Bonne nouvelle: Pascale m'a devancé et propose le sien depuis... hier.

lundi 28 mars 2022

Il était une fois l'homme

Vous ne me croirez peut-être pas: enfant, quand j'ai enfin compris que l'homme impactait son environnement, je me suis également dit que seuls les virus, microbes et bactéries sauraient encore le freiner. J'y ai repensé l'autre jour, en regardant Ötzi, l'homme des glaces. Inédit en salles en France, ce (télé)film allemand est passé sur Arte...

5.000 ans avant Jésus-Christ, à quelques mois près. L'homo sapiens n'est pas tout à fait cette espèce dominante qu'il est devenu depuis. Quelque part sur le flanc des Alpes, une petite communauté est réunie autour d'un chamane. Une femme enceinte a rendu son dernier souffle en donnant la vie à son bébé. Le rite primitif atténue les souffrances morales: tout continue comme si rien ne s'était passé (ou presque). C'est quand le chef de tribu part à la chasse que les choses se gâtent. Le village est attaqué par trois vagabonds et tous ses habitants présents sur place sont tués, à la notable exception du dernier né. L'absent revient trop tard, constate la désolation et prend un chemin vers les hauts sommets, animé semble-t-il d'un désir de vengeance. Ötzi... m'a cueilli: je ne m'attendais pas à être aussi ému et captivé par un récit préhistorique. Sans chichi, le film a su me faire réfléchir au grand mystère de la vie dans ce qu'elle a de fragile et de sacré. Solide "performance" soutenue par de superbes décors et une langue imaginaire crédible - et non sous-titrée. Une agréable surprise, donc !

Ötzi, l'homme des glaces
Film austro-italo-allemand de Felix Randau (2017)

Je vous précise maintenant que cet étonnant opus s'est aussi appuyé sur les conclusions des chercheurs qui ont étudié la momie naturelle retrouvée dans le val italien de Senales, près de l'Autriche, en 1991. De quoi souligner mon goût pour le côté "reconstitution" du scénario. Dans le genre, j'aime La guerre du feu et, malgré un bémol, Alpha. Loin du clone de The revenant ou des Tarantino évoqué par certains !

dimanche 27 mars 2022

En attendant demain

La crise sanitaire n'est pas seule en cause. Si je n'ai vu que 42 films américains l'an passé, soit moins du quart de mon total, c'est aussi parce que je m'intéresse de plus en plus à "notre" cinéma européen. N'empêche: demain, je ne priverai pas de jeter un oeil aux résultats des Oscars décernés la nuit prochaine. Oui, toujours un peu curieux...

J'ai d'ailleurs vu quatre des films en lice pour la récompense suprême. À savoir Dune, Licorice Pizza, Nightmare Alley et West Side story. Certains pourraient me rester inconnus... à jamais: ils sont diffusés sur des plateformes auxquelles je n'ai pas accès - ou juste pas envie de m'abonner. Je ne suis pas sûr qu'il faille s'inquiéter pour le cinéma présenté sur grand écran, qu'on dit déjà sur le déclin aux États-Unis. Point de mélancolie: j'ouvre d'autres horizons et c'est fort agréable. Par ailleurs, j'ai relevé aussi que, pour succéder à Chloé Zhao en 2021 et Bong Joon-ho en 2020, l'Académie peut choisir un troisième artiste asiatique, le Japonais Ryusuke Hamaguchi - né en 1978 - étant en lice avec son Drive my car (nommé pour quatre statuettes). L'absence d'une analyse du palmarès de ma part lundi ne veut surtout pas dire que je refuse définitivement d'en débattre, soyez-en bien assuré(e)s. J'ai peu de temps cette année et privilégie d'autres choix, voilà tout. L'Amérique reste clairement un horizon cinématographique important pour moi. Dès lors, je ne doute pas de bien vite y revenir ! À suivre...

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Une précision, tout de même...

Les Oscars 2022 peuvent bien sûr être discutés ici, en commentaires.

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Mise à jour (lundi, 11h18):
Finalement, et un peu à la surprise générale, c'est CODA, opus diffusé sur la plateforme Apple + - et qui est le remake de La famille Bélier - qui a décroché l'Oscar du meilleur film. Il se peut que l'on parle davantage de la gifle que Will Smith a donnée à Chris Rock. L'animateur s'était moqué de sa femme malade, si j'ai bien compris...

samedi 26 mars 2022

Opiniâtre, mais...

Je crois ne pas me tromper en affirmant que la marque des régimes autoritaires consiste à chercher à éradiquer toutes les références culturelles antérieures - quitte à se les approprier "en cachette". Exemple: le régime nazi, qui parlait d'art dégénéré tout en spoliant d'innombrables musées (et particuliers) des trésors qu'ils possédaient.

Dans La femme au tableau, le réalisateur britannique Simon Curtis raconte l'histoire vraie de Maria Altmann, descendante d'une famille juive autrichienne réfugiée aux États-Unis, engagée dans un combat judiciaire pour récupérer La femme en or, un portrait de sa tante réalisé par le grand Gustav Klimt, alors devenue... la pièce maîtresse du Musée du Belvédère, à Vienne, et peut-être de toute la création contemporaine autrichienne. Que dire ? Malgré les rebondissements et ellipses du scénario, on peut imaginer comment le film s'achèvera dès l'instant où les enjeux sont posés. En ce sens, il est dommage qu'il soit si convenu, voire caricatural: la brave grand-mère opiniâtre face à la froideur administrative d'un État étranger, c'est à la fois vrai et un peu simpliste. Il n'aurait pas été hors de propos que la position des Autrichiens, convaincus que La femme en or était une Joconde viennoise, nous soit présentée de manière plus explicite et nuancée. Cela dit, le film s'appuie sur un joli duo Helen Mirren / Ryan Reynolds et de bons seconds rôles (Daniel Brühl, Jonathan Pryce...). Bon point !

La femme au tableau
Film britannico-américain de Simon Curtis (2015)

Vous l'aurez compris: j'ai passé un bon moment, même si je regrette que ce long-métrage choisisse de traiter son histoire à la manière hollywoodienne, au détriment d'une certaine "sensibilité européenne". Les acteurs ne sont pas en cause, qui suivent donc le fil jusqu'au bout avec un professionnalisme confirmé et d'indéniables qualités de jeu. Sur un thème connexe, Monuments men n'avait rien de plus costaud !

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Je constate que les avis sont contrastés...

Un exemple: Pascale paraît beaucoup moins enthousiaste que Dasola.

jeudi 24 mars 2022

Une alliance spatiale

On dirait qu'il y a moins de blockbusters, mais je n'ai  pas assez d'info pour vous confirmer à coup sûr qu'en France, le cinéma américain s'est montré - un peu - plus discret compte tenu de la crise sanitaire. Aujourd'hui, je reviens sur un film inédit dans nos salles: Prospect. Film découvert... sur une obscure chaîne de mon fournisseur Internet.

Il y a des amateurs (ou -trices) de Games of thrones, parmi vous ? Dans la troupe du film, vous reconnaîtrez sans nul doute l'interprète d'Oberyn Martell, personnage de la série au sort... disons mémorable. Vous l'aurez compris: si j'en parle, c'est parce que Pedro Pascal, l'acteur, est l'un des deux principaux protagonistes de Prospect. L'autre est incarné par Sophie Thatcher, 18 ans, sans lien de famille avec Margaret et qui, dans le scénario, répond au prénom de Cee. Arrivée avec son père sur une planète lointaine, l'ado doit travailler avec lui pour chercher des pierres censées leur apporter la fortune. Manque de chance: patibulaires... mais presque, d'autres chercheurs de gemmes sont sur le coup. Je vous épargne allégrement les détails ! Pile comme dans le long-métrage d'hier, un duo improbable se forme dans une jungle pour mieux échapper aux dangers qu'elle renferme. Confortablement calé dans mon fauteuil, j'ai fait un beau voyage grâce à ce petit film de SF un peu cheap, oui, mais assez bien ficelé. Certains le présentent comme un western: ce n'est pas du tout idiot...

Prospect - L'ambre de la lune verte
Film américain de Zeek Earl et Christopher Caldwell (2018)

Quatre étoiles enthousiasmées pour cet opus qui a su me surprendre sur la forme, à défaut d'être tout à fait original quant au fond. Franchement, pour une production que j'imagine modeste, ça passe ! On n'arrive évidemment pas au niveau d'un Dune, hein ? Mon plaisir s'avère toutefois plus important que devant d'autres "mastodontes" tels que District 9 ou Prometheus - aux promesses à moitié tenues...

mercredi 23 mars 2022

Des fadas en Guyane

Ma première rencontre - le 19 décembre dernier - avec l'inspiration d'Antonin Peretjatko m'a laissé un souvenir suffisamment agréable pour expliquer mon envie de voir les deux autres films du réalisateur. Je commence avec La loi de la jungle, classé huitième du top 2016 proposé par la rédaction de Cahiers du cinéma. Un choix qui a surpris.

Vous les identifiez ? Vimala Pons et Vincent Macaigne sont les héros improbables de cette très étrange comédie. Stagiaires au ministère de la Norme, ils ont pour mission de vérifier qu'un terrain forestier guyanais pourra bel et bien accueillir un grand centre de vacances destiné... aux amateurs de sports d'hiver ! Ils croiseront la route d'autres olibrius à la santé mentale douteuse: un huissier de justice diablement acharné, de pseudo-guérilleros censés être assez solides pour survivre longtemps en milieu hostile, un jeune ingénieur SNCF mandaté pour tracer une ligne TGV et quelques faux autochtones prêts à se nourrir de cervelles humaines fraichement récoltées ! Autant vous le dire: ce film pas sérieux est tombé à pic, étant donné que l'autre soir, j'avais juste envie d'une histoire "vide-neurones". C'est ce que j'ai eu, avec en prime le plaisir d'un casting assez élégant pour réunir Mathieu Amalric, Pascal Légitimus et Jean-Luc Bideau. Bémol: tout à fait farfelu, l'humour de La loi de la jungle s'essouffle un peu sur la durée. J'admets que je ne l'ai pris qu'au premier degré...

La loi de la jungle
Film français d'Antonin Peretjatko (2016)

Mon bilan est globalement positif, mais j'attendais (un peu) mieux. L'abattage du duo Pons / Macaigne joue pour beaucoup dans ma note généreuse. Je n'irai certes pas jusqu'à comparer leur évident talent avec celui d'un Pierre Richard ou d'un Bébel déterminé à faire rire. D'autres l'ont fait, mais je vais me contenter de rappeler l'existence de Terrible jungle ! Là, oui, une comparaison semble envisageable...

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Et si d'autres avis peuvent vous aider à y voir clair...

Vous lirez sûrement avec joie ceux de Pascale, Laurent, Strum et Lui.

lundi 21 mars 2022

Serial losers

Constat: à ce jour, je suis passé à côté du phénomène "Palmashow". La folle histoire de David Marsais et Grégoire Ludig, 38 et 39 ans aujourd'hui, a commencé avec leurs premiers sketchs... au collège ! Un long parcours les a entraînés jusqu'à la télé et l'écriture d'une série de 4 saisons et 395 épisodes. Et ils ont déboulé au cinéma dès 2013...

Neuf ans plus tard, les voilà placés en têtes d'affiche d'une comédie récente: Les vedettes. Stéphane et Daniel sont collègues de travail dans un magasin du genre Darty, mais ils se détestent cordialement. Le premier se verrait bien manager, tandis que le second tire au flanc et ressasse jusqu'à la nausée sa frustration d'ancien chanteur raté. Bientôt, Dan repère toutefois que Stéph est capable de retenir les prix exacts de l'ensemble des produits qu'ils sont censés mettre en vente. Convaincu que c'est la solution à ses problèmes d'argent, il l'embarque de force pour participer à un jeu télévisé. Et les ennuis commencent ! Sur cette base, le scénario du film dresse le portrait de deux crétins bien incapables de saisir la moindre petite chance de s'en sortir enfin. C'est drôle un moment, mais ne tient qu'imparfaitement la distance...

En réalité, malgré de bonnes intentions, la comédie s'essouffle vite. Les péripéties paraissent un peu répétitives et la supposée critique de la petite lucarne trop limitée pour être véritablement corrosive. Dommage, d'ailleurs: compte tenu de la belle expérience dont le duo principal peut se prévaloir sur ce point, j'en attendais plus de piquant. Je n'ai pas pour autant envie d'être méchant avec Marsais et Ludig. Leur grande complicité ne saurait sérieusement être remise en cause. Assez bien reçu par la presse spécialisée, leur film tient de la blague potache plutôt que d'une représentation - décalée - de notre société contemporaine. Bref, si pamphlet il y a, il est décidément bien sage ! J'ai déjà vu pire: au moins reste-t-on ici à l'écart de toute vulgarité. David, Grégoire, je suppose que vous ferez mieux la prochaine fois...

Les vedettes
Film français de Jonathan Barré (2022)

Un bilan un peu meilleur que celui de ces comédies franchouillardes régulièrement placées tout en haut de notre box-office national. Logiquement, pas de suite en vue - et c'est aussi une bonne chose. Maintenant et jusqu'à présent, je crois que je préfère le Palmashow ailleurs: comme flics dans le Santa & Cie d'Alain Chabat ou éleveurs de mouche chez Quentin Dupieux (Mandibules). À voir... et à suivre !

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En attendant un nouveau retour...

Vous pourrez compter sur une chronique proposée par Princécranoir.

dimanche 20 mars 2022

Y'a d'la joie !

Je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce qui est mentionné sur l'image. Juste que je suis content du retour de ce rendez-vous, annulé en 2020 et 2021 du fait de la crise sanitaire. Je veux croire qu'il va permettre aux salles de mieux faire face aux lourdes baisses de fréquentation. Un sondage récent citait les tarifs et le manque de films intéressants en causes premières du désintérêt des Français pour le septième art. Je vois tant de belles choses que je trouve cela bien triste et injuste. Cela dit non sans vous souhaiter à tou(te)s le plus joli des Printemps !

vendredi 18 mars 2022

Éphémère

Sélectionné à Cannes pour la Semaine de la critique et diffusé depuis dans plusieurs festivals internationaux, Piccolo corpo a su m'attirer comme un film tout à la fois très concret et relativement mystérieux. D'une grande beauté, les images que j'avais aperçues avant la séance laissaient présager d'un voyage à nul autre pareil. J'ai pris un ticket...

1901, dans un modeste village de pêcheurs, en Italie. Le bébé d'Agata meurt dès sa naissance. Le prêtre n'a pas eu le temps de le baptiser. Selon les croyances d'alors, la petite âme errera donc dans les Limbes et ne trouvera jamais le repos. Une situation à laquelle tout le monde semble se résoudre, mais que la mère, elle, refuse avec obstination. N'écoutant que son espoir, elle prend donc la route vers un sanctuaire lointain où, paraît-il, les bébés morts-nés peuvent revivre le temps d'un souffle et d'un sacrement pour, ensuite, rejoindre le paradis. Sachez-le, à toutes fins utiles: de tels endroits ont réellement existé ! Ce n'est qu'en 2007 que le pape Benoît XVI, prédécesseur de François, déclara que les Limbes, elles, n'existaient plus. Il me paraît important d'ajouter que le scénario de ce premier film n'a pas écrit comme celui d'un pamphlet contre les tenants d'une foi ou de toute autre idéologie hostile aux droits des femmes. Piccolo corpo est plutôt allégorique...

Le photogramme ci-dessus le prouve: le cadre est aussi magnifique qu'attendu. Le long-métrage a été tourné en à peine cinq semaines ! Nous quittons un rivage ensoleillé pour marcher vers une montagne percée de mines et un lac d'altitude enveloppé de neige. L'impression laissée par ces paysages est forte: on dirait presque un autre monde. Piccolo corpo doit également sa singularité à son choix de faire appel à des comédiens majoritairement amateurs et de les faire s'exprimer dans des langues méconnues: les dialectes de la Vénétie et du Frioul. Sitôt la projection débutée, j'ai oublié mon quotidien et j'ai plongé dans cet univers différent, éloigné de toute modernité - un ailleurs européen, qui semble souvent enfermé dans de vieilles superstitions et où chaque être paraît ne pouvoir guère compter que sur lui-même. Le récit est aussi nimbé de mysticisme, mais il nous invite toutefois à observer les choses comme elles sont, au-delà donc des apparences. Pour cela, rien de tel que se laisser aller à une humble contemplation. Et la conclusion devrait, à mon avis, ne laisser personne indifférent...

Piccolo corpo
Film italien de Laura Samani (2021)

Une bien belle réussite pour un coup d'essai: la scénariste-réalisatrice soutient qu'elle n'a pas voulu donner à son travail des résonances contemporaines, mais vous n'êtes sûrement pas obligés de la croire ! Pour ma part, j'en retiens surtout une forme de poésie proche de celle que j'avais perçue il y a peu en regardant Heureux comme Lazzaro. Décalé dans l'Italie actuelle, L'été de Giacomo vous plaira peut-être...

mercredi 16 mars 2022

Après la bombe

Que je m'intéresse au cinéma japonais est un secret de Polichinelle pour les habitué(e)s de ce blog. Il me semble que les films historiques présentent un attrait particulier pour mieux comprendre ce peuple lointain. C'est ce qui explique mon souhait de découvrir Pluie noire. Non sans avoir tout de même hésité, j'ai fini par céder à cette envie !

6 août 1945, très tôt dans la matinée. Dans l'idée de mettre un terme définitif au long conflit qui oppose son pays au Japon, le président américain Harry S. Truman a décidé de larguer une première bombe atomique sur la ville côtière de Hiroshima. Quelque 75.000 personnes meurent dans l'instant et deux tiers du bâti est intégralement détruit. C'est de manière tout à fait explicite et saisissante que Pluie noire présente ce terrible événement et ses conséquences sur la population civile. L'originalité du scénario tient à ce que, rapidement, il avance dans le temps et nous conduit quelques années plus tard, en 1950. L'intention est en effet de s'intéresser aux "survivants" de la bombe. J'ai mis des guillemets car leur sort est tout aussi funeste, bien sûr. Mais il n'est pas question de n'observer que les conséquences tardives d'une exposition aux radiations: le film traite aussi de l'évolution sociétale du Japon d'après-guerre, les vieilles traditions et croyances populaires étant difficilement transposables à ce "monde nouveau". Tout cela est très intéressant et admirablement mis en scène. Bravo !

Pluie noire
Film japonais de Shôhei Imamura (1989)

Pas de pleurs, pas de cris: je n'ai pas retrouvé dans cet opus le côté hardcore du cinéaste (voir  Profonds désirs des dieux, notamment). Cette profonde dignité en rend le visionnage un peu moins difficile. Jusqu'alors, mon dernier souvenir cinéma lié à la bombe atomique était un dessin animé, le remarquable Dans un recoin de ce monde. Je vous conseillerais également de jeter un oeil sur Lumières d'été...

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Attention à ne pas confondre...
La même année, Ridley Scott a sorti un film intitulé... Black rain ! Flics new-yorkais, Michael Douglas et Andy Garcia arrêtent un yakuza et le ramènent dans son pays pour qu'il y soit jugé. Bref, rien à voir...

Un tout petit point historique...
Le premier président américain à faire un voyage officiel à Hiroshima fut Barack Obama, en mai 2016 et en marge d'une réunion du G7. D'aucuns ont déploré que la démarche puisse passer pour des excuses.

Pour en revenir au film du jour...
Une autre chronique est disponible dans la Kinopithèque de Benjamin.

lundi 14 mars 2022

D'autres monstres

Meilleure photo, meilleurs décors, meilleurs costumes: s'il rate l'Oscar du meilleur film le 27 mars prochain, Guillermo del Toro se consolera peut-être avec une, deux ou même trois autres statuettes dorées. Nightmare Alley, son dernier opus, a certes de sérieux concurrents. N'empêche: devant ce film spectaculaire, je me suis vraiment régalé !

Dans une pièce assez mal éclairée, un homme fait de gros efforts pour tirer un paquet imposant jusqu'à un trou des lames du plancher. C'est quand il a achevé sa besogne qu'on comprend que ledit paquet renferme un cadavre. Le possible assassin reprend alors son souffle pour, ni une ni deux, craquer une allumette et mettre le feu au corps. Bientôt, toute la maison s'embrase: il la quitte sans se retourner. Quelques minutes plus tard, nous apprenons que ce personnage s'appelle Stanton Carlisle et nous le voyons rejoindre la petite équipe d'un cirque itinérant. Une fascinante entrée en matière pour un film d'une durée totale de deux heures et demie. Du cinéma "gourmand"...

J'ai été ravi d'y retrouver un nombre important d'actrices et d'acteurs de talent, à l'image du duo Rooney Mara - Bradley Cooper ci-dessus. La liste complète serait fastidieuse à reproduire, mais je vais citer quelques noms majeurs: Cate Blanchett, Willem Dafoe, Ron Perlman, Toni Colette, Richard Jenkins et Mary Steenburgen sont de la fête ! Après une très longue première partie pour présenter les personnages importants de ce drôle d'univers circassien, le scénario nous entraîne vers un autre horizon: celui du New York chic du début des années 40. Nightmare Alley ne perd alors rien de ses impressionnantes qualités plastiques, tout en endossant les oripeaux d'un film noir "classique"...

Je ne voudrais surtout pas vous gâcher le plaisir de la découverte ! C'est pourquoi je préfère ne pas donner trop de détails sur l'identité des différents protagonistes et les divers enjeux qui les rassemblent. Je vais simplement vous indiquer que le récit s'intéresse à la notion subjective (?) de vérité et, en écho, à tout ce qui relève de l'illusion. Guillermo del Toro nous ouvre les portes d'un monde où le mensonge règne en maître: qui se croit assez fort pour décider de son destin risque fort, à chaque instant, d'être trahi par plus mali(g)n(e) que lui. J'ai trouvé cette tortueuse histoire franchement jubilatoire pour cela ! Elle s'autorise quelques facilités, c'est vrai. Mais rien de scandaleux...

Je crois savoir que, derrière la caméra, le réalisateur (et scénariste) mexicain est souvent admiré et adulé pour les incroyables univers auxquels il donne vie. Notons-le: Nightmare Alley n'est pas son film le plus fantasmagorique, à l'exception peut-être d'une belle séquence de vrai-faux spiritisme nocturne - au final plutôt gore, à vrai dire. Conclusion: même s'il s'avère moins effrayant que d'autres, je dirais qu'il vaut mieux éviter de montrer ce film à une âme sensible, jeune ou moins jeune. Cette réserve émise, je me place sans hésitation dans le camp des défenseurs de ce cinéma léché, mais très efficace. Si tous les blockbusters étaient de cet acabit, j'en verrais davantage !

Nightmare Alley
Film américain de Guillermo del Toro (2021)

On n'est bien sûr pas obligé d'adhérer à ce genre de films, "costauds" et ultra-explicites. Le souhait de tout montrer fait que j'ai ressenti quelques petites longueurs, qu'un véritable classique hollywoodien n'aurait sans doute pas (tiens, au fait... je vous parle d'un remake !). Peu adepte du film noir en général, j'ai aimé que GDT y introduise une part de son imaginaire monstrueux. Et La forme de l'eau, déjà...

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Bon, mon avis n'est pas unanime...

Certaines critiques de la presse sont plutôt bonnes, d'autres mitigées. Qui sait ? Pascale et Princécranoir vous aideront peut-être à trancher.

dimanche 13 mars 2022

Après le deuil

Si j'en crois ses notes sur Allociné, Les revenants est plus apprécié par la presse que par le public. Je veux dire aujourd'hui que ce film mérite mieux que le dédain qu'il subit parfois. Il ne s'agit certes pas d'un long-métrage distrayant, mais ses thématiques nombreuses valent bien qu'on s'y arrête un instant. Et le rythme du récit y invite...

Le deuil est-il un sentiment réversible ? C'est le tout premier sujet qu'aborde Les revenants. Au début du film, de nombreuses personnes décédées quittent le cimetière de la ville et reviennent dans le monde des vivants. Rien d'horrible à l'image: ces étranges "morts-vivants" sont semblables à ce qu'ils étaient au moment de leur disparition. Examinés par des médecins, ils s'avèrent même en parfaite santé. Seule différence: la température de leur corps a (légèrement) baissé. La société se doit donc de s'organiser pour les accueillir de nouveau comme si rien ne s'était passé. Cela peut sembler relativement facile dans la mesure où celles et ceux qui reviennent n'étaient pas partis depuis plus de dix ans. Mais ce n'est pas aussi évident, en réalité ! Déconseillé aux moins de douze ans, le long-métrage nous interroge nécessairement sur nos sentiments intimes et nos destins cabossés. J'ai trouvé qu'il le faisait intelligemment, en nous donnant le temps d'y réfléchir sereinement, sans répondre unilatéralement à la question du pourquoi. Ce qui ouvre des pistes - qu'il ne referme pas tout à fait.

Les revenants
Film français de Robin Campillo (2004)

Le premier opus écrit et réalisé par M. 120 battements par minute. J'avoue que c'est aussi pour cette raison que j'ai regardé le film. Maintenant, sur la question du deuil, je l'ai trouvé à la fois intelligent et sensible. D'autres beaux films existent évidemment sur ce sujet délicat: je pense à Vers l'autre rive, Valley of love ou Sous le sable. Bientôt, il est d'ailleurs possible que je vous reparle de résurrection...

samedi 12 mars 2022

Mars attaque

Qui a tiré le premier ? Han ou Greedo ? Je reviendrai (un autre jour) sur la polémique issue de la saga Star Wars, mais je suis sûr de moi ce midi quand je certifie que La guerre des mondes génération 1953 a été déclenchée par les Martiens. Étaient-ils les premiers ? À voir. Quoi qu'il en soit, dans ce film vintage, ils sont tout à fait agressifs...

Ce qui ressemble de loin à un météore s'est abattu sur une montagne californienne. La population, fascinée, se rassemble donc sur le site. Certains imaginent déjà qu'ils pourront tirer profit du phénomène pour établir un parc d'attractions. Il leur faut au moins patienter jusqu'à la fin d'un incendie et le refroidissement complet de l'objet tombé du ciel. Mais, à peine le premier scientifique arrivé sur place pour faire quelques analyses, voilà qu'une soucoupe volante s'extirpe du cratère fumant et élimine au passage trois curieux aux intentions pourtant pacifiques. Il est permis d'envisager ce début de conflit armé comme une métaphore de ce que les Américains des années 50 craignaient de devoir subir en provenance de l'Union Soviétique. Mars-Moscou, même combat ? Si tant est qu'elle existe, la menace rouge n'est jamais directement citée dans La guerre des mondes. Pourtant, les petits hommes verts s'attaquent surtout aux États-Unis et à leurs alliés. Le mal absolu trouve à s'incarner grâce à des effets spéciaux très corrects (pour l'époque) et voit sa propagation freinée par un soudain sursaut de foi chrétienne ! J'évite de tout divulguer pour ne pas vous gâcher la surprise, mais c'est presque drôle, ouais...

La guerre des mondes
Film américain de Byron Haskin (1953)

Attention: ce "vieux coucou" n'est pas un nanar. S'il prête à sourire désormais, c'est parce que les valeurs qu'il met en avant et le jeu outré de certains acteurs paraissent clairement d'un autre temps. N'empêche: j'ai une certaine dose d'affection pour ces longs-métrages pionniers de la SF au cinéma: Les survivants de l'infini, Planète interdite ou L'étoile du silence, venu tout droit d'Allemagne de l'Est !

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Cosmique, comique... et culte ?

Vous en jugerez aussi chez Benjamin et du côté de "L'oeil sur l'écran".

jeudi 10 mars 2022

Un idéal malien

J'ai hésité, tergiversé, atermoyé... et finalement, mon dictionnaire des synonymes ne m'aura pas empêché d'aller voir Twist à Bamako. Robert Guédiguian, une fois n'est pas coutume, est sorti de Marseille et a laissé Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin et Gérard Meylan en France pour aller tourner en Afrique ! De quoi me rendre curieux...

Les très nombreuses questions actuelles liées à la présence de l'armée française au Mali et à son retrait programmé ont bel et bien achevé de me convaincre de m'intéresser à cet opus. Nous sommes en 1962 et l'immense pays d'Afrique de l'Ouest est désormais indépendant. Soucieux d'autonomie, son gouvernement veut remplacer le système des chefferies hérité de la colonisation par un régime socialiste strict, avec l'État à la tête de toutes les activités et une redistribution égalitaire entre tous ceux qui créent de la richesse - et ce sans aller jusqu'à copier les modèles russe ou chinois, présumés totalitaires. Twist à Bamako oriente alors notre regard vers un jeune homme idéaliste, Samba, persuadé que ses grandes pensées collectivistes permettront au peuple de jouir ENFIN de la plus complète liberté. Cette liberté que le film illustre notamment par l'ouverture de clubs permettant à chacun(e) de boire et danser jusqu'au bout de la nuit. Extrêmement populaires, ils seront bientôt décriés par un système soucieux d'orthodoxie économique et de rééducation de la jeunesse...

Il est bien difficile, devant ce film, de ne pas (re)penser au Mali d'aujourd'hui et d'oublier qu'il a été tourné... à Thiès, deuxième ville du Sénégal, pour des raisons de sécurité. J'ai lu certaines critiques négatives à l'égard de ce choix, au motif qu'il donnerait de la capitale malienne une pâle copie de ce qu'elle était au début des années 60. D'aucuns pointent en outre divers anachronismes, dans les choix d'accompagnement musical, notamment. Je peux certes concevoir que la reconstitution soit imprécise, mais cela ne me choque pas. Comme de fait tant d'autres films du même auteur, Twist à Bamako nous parle de l'élan d'une jeunesse vers plus de liberté et de justice sociale, en brossant large, mais sans oublier pour autant les espoirs individuels de chacune et chacun des protagonistes. Quelques scènes maladroites ne sauraient occulter un message fort, qui, à mon sens, concerne la France autant que le Mali, l'Europe autant que l'Afrique. Robert Guédiguian, homme de gauche, est aussi un poète: sa façon de nous parler d'amour est ici particulièrement poignante. À (re)voir !

Twist à Bamako
Film français de Robert Guédiguian (2022)

Le cinéaste marseillais a aussi bénéficié ici de l'apport de producteurs italiens, canadiens et sénégalais. Son propos évite tout manichéisme outrancier et m'a donc fait réfléchir bien après la séance. Sa vision historique est aussi intéressante que dans L'armée du crime (2009). Pour regarder l'Afrique en face, Félicité et Lingui méritent d'être vus. Mais, cette fois, j'ai surtout repensé à Timbuktu. Le Mali, toujours...

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Un dernier mot de remerciement...

Je veux l'adresser à Pascale, l'une des personnes qui m'ont convaincu d'aller voir ce film précieux. Le dernier jour - et à la dernière séance !

mardi 8 mars 2022

Femmes, femmes...

Comment réagir à ce jour spécial ? Je ne doute pas que vous sachiez que nous célébrons la Journée internationale des droits des femmes. Dans le sillage du mouvement #MeToo, le petit monde du cinéma occidental s'interroge sur ses pratiques. Et moi, j'ai décidé de reparler de six réalisatrices dont le travail m'a récemment plu ou questionné...

Julia Ducournau
- Titane (vu le 2 septembre 2021)
Est-elle incontournable ? Je le crois. La lauréate de la Palme d'or 2021 devrait se voir ouvrir de nouvelles portes et s'imposer durablement dans le paysage cinématographique français. Ce serait cool pour elle. Moi ? Sur les bases d'un premier film prometteur, j'espère mieux d'elle qu'une récompense cannoise, si prestigieuse soit-elle au demeurant. Son goût pour le cinéma de genre a créé une attente. Et tant mieux...

Fanny Liatard
- Gagarine (vu le 27 juin 2021)
Ciel, il y a un homme sur la photo ! Pas de panique: pour nous offrir l'un des films les plus singuliers de l'année écoulée, la jeune cinéaste aura travaillé en binôme avec Jérémy Trouilh, après déjà deux courts communs et des études en duo sur les bancs de Sciences Po Bordeaux. J'attends la suite avec une certaine envie, a fortiori si le tandem continue de mettre en avant la nouvelle génération d'acteurs. Sympa !

Charlène Favier
- Slalom (vu le 12 juin 2021)
Il fallait sans doute un certain culot pour réaliser un tout premier long sur le thème du harcèlement sexuel dans le milieu du sport pro. Témoignant de faits qu'elle a elle-même subis, la réalisatrice a frappé à la bonne porte en choisissant l'intense Noée Abita comme interprète principale. Il paraît qu'elle prépare désormais un film (biographique) sur Oksana Shachko, cofondatrice du mouvement Femen ! À suivre...

Sophie Deraspe
- Antigone (vu le 19 septembre 2020)
Son choix de donner un visage moderne à la grande figure classique aura-t-elle offert un passeport pour la France au film de la cinéaste québécoise ? Je l'ignore, mais je peux toutefois le supposer. Je note qu'apparemment, ses oeuvres précédentes n'ont pas été distribuées dans notre beau pays francophone et reste à l'affût des suivantes. Idem pour la jeune actrice Nahéma Ricci, très investie dans son rôle !

Zoé Wittock
- Jumbo (vu le 12 juillet 2020)
Après la relecture du théâtre grec, je passe à un tout autre univers ! J'en reviens au cinéma de genre, avec cette fois une réalisatrice belge derrière la caméra d'un premier long-métrage. J'ai déjà dû dire que cette histoire de fille tombée raide dingue d'un manège forain peut difficilement faire l'unanimité, mais cela ne m'empêchera pas d'essayer de retenir le nom de l'artiste. Elle a su titiller ma curiosité...

Florence Miailhe
- La traversée (vu le 4 novembre 2021)
Elle est assurément la plus âgée des réalisatrices citées aujourd'hui. Et alors, me direz-vous ? Même si elle a dû attendre d'avoir 65 ans pour sortir un premier long d'animation, ma dernière "égérie du jour" m'a aussitôt convaincu de son immense talent. Son style graphique est somptueux, au bénéfice du public, saisi entre plaisir et émotion. En réalité, je dirais que ne suis pas tout à fait revenu de ce voyage...

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Une petite conclusion, malgré tout ?

Elle me permet de citer Marie Amiguet, créditée comme coréalisatrice de La panthère des neiges et, dans ce même film, invisible à l'écran. Compte tenu du sujet, c'est presque normal... mais la dimension symbolique de cette "absence" est forte ! Je reparlerai des données chiffrées sur la présence des femmes dans les métiers du cinéma. Même si des entraves sont levées, l'égalité réelle paraît encore loin...

lundi 7 mars 2022

Petit oiseau blessé

Ça alors ! Les passions bizarres se suivent sur Mille et une bobines ! Aujourd'hui, j'évoque celle qui enflamme Gloria et Paul, deux jeunes d'une quinzaine d'années s'étant rencontrés... à proximité de l'hôpital psychiatrique où la demoiselle est internée ! Ado livré à lui-même après la fuite de son père, le garçon, de nuit, libère son amoureuse...

Pour mieux cerner cette histoire, à défaut de la comprendre, je crois utile de citer la citation de Boileau-Narcejac qui l'introduit: "Il suffit d'un peu d'imagination pour que nos gestes ordinaires se chargent soudain d'une signification inquiétante, pour que le décor de notre vie quotidienne engendre un monde fantastique". Le tandem d'auteurs prévient aussi: "Il dépend de chacun de nous de réveiller les monstres et les fées". Il y a les deux dans Adoration, ce très étrange film belge que j'avais loupé au cinéma et que j'ai rattrapé sur le portail cinéma de mon fournisseur d'accès Internet. Cette cavale éperdue d'âmes fragiles est aussi étrangement réaliste que d'apparence fantastique. Si vous vous laissez prendre au jeu, vous pourriez être émus, pleurer, rire, avoir peur, être étonnés, voire passer par plusieurs sentiments au cours d'une même scène, ici et là. Vous verrez que le petit couple évoluant à l'écran traverse plusieurs tunnels. Je vous laisse découvrir si, à l'autre bout, ils trouvent de la lumière ou encore de l'obscurité. Voilà un film peu banal ! Attention, OK ? Il peut s'avérer... éprouvant !

Adoration
Film belge de Fabrice du Welz (2020)

Je pourrais admettre que mon titre est énigmatique, mais cet opus l'est aussi - dans une certaine mesure. C'est un conte (plutôt) cruel ! Thomas Gioria, le jeune comédien, est très bon, et sa partenaire, Fantine Harduin, impressionnante, mais parfois un peu "too much". Benoît Poelvoorde est là aussi, dans un rôle décisif bien qu'assez bref. Dans un style proche, je recommande un autre film belge: Les géants.

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Vous voulez un dernier tuyau ?

Je crois que Pascale est en adoration devant le film. Non, j'exagère...

samedi 5 mars 2022

New York 1957

Je suppose que vous le savez: fin 2021, Steven Spielberg est revenu sur les écrans avec un remake de West Side story. Le premier film était sorti en 1961, avait décroché un total de dix Oscars l'année suivante, et dépasse désormais en notoriété la comédie musicale originelle, créée à Broadway quatre ans auparavant. Le pur classique !

Petite piqûre de rappel, si nécessaire: West Side story nous ramène dans le New York des fifties. Deux bandes, les Jets et les Sharks, rivalisent de racisme: les premiers se croient seuls Américains légitimes, puisque d'origine européenne, tandis que les autres disent qu'ils ont le droit de vivre au même endroit, après avoir quitté l'île caribéenne de Porto Rico, un territoire de fait associé aux États-Unis. Et voilà que soudain, Maria, une fille du "camp" hispanique, et Tony, un garçon de l'autre côté, se rencontrent et tombent amoureux ! Évidemment, même en reprise, c'est un sujet en or pour Spielberg. Lui-même, né en 1946, dit que cette histoire ne l'a jamais quitté. OK.

L'Amérique post-Trump est peut-être aussi un terreau ultra-favorable pour ressortir cette ancienne rengaine des tiroirs. De par le respect absolu des codes du genre, je n'ai rien relevé de vraiment honteux dans ce West Side story nouvelle génération. Je vais sûrement revoir la version 1961 pour appuyer mon propos, mais il me semble honnête de parler de copie quasi-conforme. Un choix qu'on peut discuter ? Oui. Si les chorégraphies de Jerome Robbins et la musique emblématique de Leonard Bernstein semblent incontournables, je n'aurais pas crié au scandale devant une modernisation du film au contexte sociétal d'aujourd'hui. Bon, on peut juger aussi que le récit reste intemporel...

Gare ! Tout n'est pas beau dans ce film de 2021: mon principal grief concernera l'usage de la lumière, qui procure parfois un sentiment d'artificialité très frustrant (comme devant une scène de théâtre). Cela étant dit, d'autres plans flattent la rétine, à l'image notamment de celui qui illustre la grande confrontation Jets-Sharks, en ombres mélangées filmées du dessus. Certains peuvent reprocher à Spielberg d'avoir ripoliné l'apparence d'un quartier populaire, dont les habitants devraient plutôt vivre dans la crasse, mais je ne suis pas convaincu qu'une vision plus sombre ait caractérisé le film d'il y a soixante ans. Moderne ou non, West Side story est surtout un conte, à mes yeux...

J'ai lu aussi que des effets numériques avaient été utilisés pour lisser ces images et... faire disparaître la transpiration des comédien(ne)s ! Il faut bien admettre qu'ils donnent de leur personne, toutes et tous. Certains numéros de danse sont tout simplement bluffants et, à eux seuls, peuvent justifier que l'on porte un intérêt à ce film nouveau. J'aime moins le côté paillettes et la musique, mais cela fait partie intégrante du tout et me semble dès lors difficilement dissociable. Côté casting, pas de faute de goût, mais pas de révélation non plus. Un personnage inédit est joué par Rita Moreno, 90 ans, déjà présente dans le premier film. West side story n'a (presque) pas pris une ride !

West Side story
Film américain de Steven Spielberg (2021)

Une machine à Oscars ? Nous aurons bientôt la réponse: le film apparaît sept fois parmi les nominés de la cérémonie du 27 mars prochain - avec une bonne chance pour Ariana DeBose en second rôle. Après moult hésitations, je suis content d'avoir réussi à le rattraper sur grand écran. Même si, dans la même configuration, La La Land me convient mieux. Et Chantons sous la pluie au rayon "classiques" !

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Notre ami Steven a toujours la cote...

La preuve: le film a attiré Pascale, Princécranoir, Strum et Benjamin. Et Vincent aussi, qui en parle peu, mais le place au sommet de 2021 !

jeudi 3 mars 2022

Modern love

Film, réalisation, scénario original: Licorice Pizza n'est pas le favori numéro 1 des Oscars 2022, mais il pourrait repartir de la cérémonie officielle du 27 mars avec trois des plus prestigieuses statuettes. Pour ma part, j'ai aimé le nouveau Paul Thomas Anderson - un film fluide et positif ! Pourtant, ce n'était pas forcément gagné d'avance...

Mon ami Hugo a bien raison: en choisissant l'imparable Life on Mars ? de David Bowie pour allié sonore, le producteur-réalisateur-scénariste avait presque gagné dès la bande-annonce. La nostalgie fait son effet devant ces images de la San Fernando Valley, un territoire du comté de Los Angeles, au cours des années 70. Un monde que le réalisateur connaît pour y avoir déjà tourné et passé une partie de son enfance. Gary, son héros, n'a d'ailleurs que 15 ans quand il rencontre Alana, venue dans son collège pour tenir lieu d'assistante à un photographe scolaire. Aussitôt sous le charme, le jeune garçon drague l'inconnue qui, pourtant, l'a d'emblée avisé qu'elle avait dix ans de plus que lui. Bientôt, il le fait avec d'autant plus d'efficacité qu'il arrête les cours pour se consacrer pleinement à sa carrière d'acteur et aux affaires qu'il monte avec son premier cachet. Licorice Pizza mise sur un duo étonnant, vous l'aurez compris, et votre plaisir me paraît presque sûr si ledit duo vous convainc jusque dans sa supposée invraisemblance. Alana Haim et Cooper Hoffman, les deux comédiens, le mériteraient !

Je relève au passage que la fille, connue par ailleurs pour ses talents d'auteure et de musicienne, joue avec une bonne partie de sa famille. Le garçon, lui, succède à son paternel (feu Philip Seymour Hoffman) devant la caméra de PTA. On peut aussi s'amuser à noter l'apparition de la fille de Steven Spielberg et celle du père de Leonardo DiCaprio. Bradley Cooper et Sean Penn passent également faire un petit coucou. Finalement, Licorice Pizza ne raconte pas grand-chose de plus fort qu'une histoire d'amour adolescente. Ses très nombreuses digressions font le sel du récit et, par la grâce de superbes plans et d'un montage maîtrisé, les deux heures et quart du film ne sont jamais pesantes. "Il est clair qu'on y a mis une énergie et un entrain particuliers", a dit l'homme derrière ce bel objet, interrogé sur les effets du contexte sanitaire. Et d'ajouter que le film aurait dû être tourné avant la crise. Cette énergie et cet entrain, je les ai trouvés très communicatifs. Nostalgique sans être mélancolique, le récit est sans défaut apparent et plane loiiiiiin du tout-venant du cinéma américain. Bravo et merci !

Licorice Pizza
Film américain de Paul Thomas Anderson (2021)

Je n'avais pas aimé le premier film que j'ai vu de ce cinéaste important de notre époque, mais j'ai appris à apprécier son travail. Certain(e)s affirment que ce nouvel opus s'apparente à un autre, sorti il y a déjà... vingt ans (!): le très sympathique Punch-drunk love. Dans le registre des amours improbables, je vois peu d'équivalents possibles. Les combattants et Le nom des gens ont un côté farfelu...

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D'autres avis sur la toile ?

Vous pourrez en trouver chez Pascale, Dasola, Princécranoir et Strum.