jeudi 28 février 2019

Musique et préjugés

1962, aux États-Unis. Un très talentueux pianiste (classique et jazz) embauche un chauffeur pour le conduire en tournée. Si l'anecdote paraît très banale, elle ne l'était pas à l'époque: le pianiste était noir et le chauffeur blanc. Que Don Shirley ait pu recruter Tony Vallelonga paraissait alors, pour beaucoup, une pure incongruité. Euphémisme...

Cette histoire, Green book - Sur les routes du Sud nous la raconte aujourd'hui en nous démontrant la totale absurdité de la situation. Édifiant à bien à des points de vue, le film n'oublie pas de se moquer de ces fichus préjugés raciaux: c'est, entre autres, une comédie. D'après moi, il est important de préciser que le scénario a été co-écrit par Nick Vallelonga, le fils du chauffeur, ce qui lui vaut les foudres d'une partie de la famille de Don Shirley. Que dire ? Chacun jugera selon ses goûts, en son âme et conscience: j'y vois, moi, une preuve supplémentaire que les questions de racisme et de discrimination sont encore loin d'être réglées aux States. Bref... toute considération politique mise à part, ce long-métrage m'a offert un bon moment. Même s'il semble parfois se répéter un peu, il ne m'a JAMAIS ennuyé !

Je veux d'abord saluer la performance des acteurs, avec un plaisir d'autant plus manifeste que j'ai découvert le très bon Mahershala Ali. Oui, il est servi par un scénario aux petits oignons et des dialogues souvent savoureux, mais, sans forcer, sa stature et son charisme viennent immédiatement imposer et crédibiliser son personnage. Face à cela, Viggo Mortensen donne une réplique parfaitement juste. Sincèrement, je n'en attendais pas moins de lui, mais je veux saluer cette performance pour ce qu'elle est: une parfaite interprétation. Formellement, le film est toujours efficace et souvent emballant. Toujours très amateur des oeuvres en costumes, je me suis régalé devant cette impeccable reconstitution de l'Amérique des sixties. Évidemment, tout est encore plus flagrant en musique: la bande originale est une véritable merveille, avec d'excellents morceaux jazzy et un peu de classique, là où vous ne l'attendriez peut-être pas. Au final, voilà donc le premier de mes feel good movies de 2019 ! Parfois, une bonne histoire bien racontée est largement suffisante...

Green book - Sur les routes du Sud
Film américain de Peter Farrelly (2018)

L'auteur - avec son frère cadet Bobby - des énôôôôôrmes comédies que sont Dumb and dumber et Mary à tout prix démontre donc ici qu'il avait autre chose de bien plus subtil à proposer. Belle surprise ! Non sans audace, certains ont comparé le film à Intouchables. Mouais... on parle de couleurs de peau, OK, mais pas de handicap ! Personnellement, je ferais davantage le lien avec BlackKklansman...

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Une petite précision s'impose...

J'ai écrit le gros de cette chronique avant la cérémonie des Oscars. Dans la nuit de dimanche à lundi, Green book... en a reçu trois: ceux du meilleur film, du meilleur scénario original et du meilleur acteur dans un second rôle (!!!) pour Mahershala Ali. Une moisson honorable.

Et pour poursuivre votre chemin...

Je peux vous proposer de vous diriger vers chez Pascale ou Dasola. Et, entre deux étapes, vous pourrez vous arrêter chez Princécranoir.

mercredi 27 février 2019

Du côté de Nice...

Un peu d'histoire pour commencer: Ernst Lubitsch vit - et travaille - aux États-Unis depuis quinze ans quand, en 1938, son douzième film parlant, La huitième femme de Barbe Bleue, apparaît sur les écrans. Le cinéaste a 46 ans et est un jeune citoyen américain: le régime nazi lui avait retiré sa nationalité allemande, dès 1935. Tout un symbole...

Un an avant le début de la guerre, le film témoigne d'une frivolité certaine. J'en parle positivement: il s'agit d'une comédie remarquable et en partie scénarisée par un élève de Lubitsch, débarqué aux States pour fuir les troubles de la vieille Europe - un certain Billy Wilder. Inspirée d'une pièce de théâtre, l'histoire est celle d'un Américain quelque peu arrogant, Michael Brandon, en voyage sur la Côte d'Azur. C'est à Nice que notre homme rencontre la jeune fille d'un aristocrate fauché: la belle s'appelle Nicole de Loiselle et elle a du tempérament ! Assez en tout cas pour suggérer au bellâtre une technique pour lutter contre ses insomnies... et lui permettre d'acheter un bas de pyjama ! Par souci de préserver la surprise, je passe sur les détails (comiques) de ce pas de deux, mais le duo Gary Cooper / Claudette Colbert mérite largement le détour. Il se pourrait même qu'il vous surprenne. Folie douce et ton libéré font tout le sel des dialogues (et situations) !

Nous sommes face à un bel exemple de ce que la grande machine hollywoodienne appelait alors la screwball comedy. Plutôt "débridés" et gentiment audacieux pour les moeurs de leur époque, ces films peuvent encore séduire aujourd'hui par leur réelle qualité d'écriture. Personnellement, j'ai aussi aimé La huitième femme de Barbe Bleue pour son côté "carton-pâte", conséquence de son tournage en studio. Loin de me déranger, cette drôle de reconstitution de la Riviera française ajoute à mon plaisir: à tort ou à raison, j'y vois l'hommage lointain d'un exilé nostalgique, bien qu'aussi en avance sur son temps. Cela dit, j'ai aussi appris qu'une première version de cette histoire avait déjà été tournée à Hollywood à l'époque du muet, en 1923. Aujourd'hui, ce film ancien (d'une heure à peine) a disparu des radars. J'espère que vous saurez quoi faire si cette anecdote vous rend triste. Ah ! Je ne vous ai rien appris de la Tchécoslovaquie. Le film le fera...

La huitième femme de Barbe Bleue
Film américain d'Ernst Lubitsch (1938)

J'ai pris une bonne dose de plaisir devant le film et je suis content d'avoir à le présenter vendredi lors d'une soirée de mon association ! Après, histoire de, je peux dire que, du même cinéaste, j'ai préféré deux des Lubitsch suivants: Rendez-vous et Ninotchka. J'en verrai d'autres avec bonheur, c'est sûr ! Et je confirme que l'ami Billy Wilder est lui aussi l'un de mes chouchous: Certains l'aiment chaud forever !

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Vous ne pouvez pas voir le film tout de suite ?
La lecture de la belle chronique de Strum peut vous faire patienter. Vous en trouverez également une autre du côté de "L'oeil sur l'écran".

lundi 25 février 2019

Patrick Wang en aparté

Je ne crois pas vous l'avoir déjà dit: c'est à mon association cinéma que je dois la découverte récente de A bread factory (1 et 2). Cerise sur le gâteau: j'ai également accueilli Patrick Wang ! Le réalisateur est venu à notre rencontre et j'ai ensuite échangé avec lui par mail...

Bien qu'encore méconnu en France, l'Américain a plusieurs talents dont la complémentarité fait de lui un cinéaste vraiment intéressant. Les secrets des autres, son deuxième film, est celui par lequel j'ai pu le découvrir. Surprise: il est également... économiste de formation ! Voici ses réponses - traduites - à quelques-unes de mes questions...

Patrick, quelle a été votre première idée avant de décider de réaliser A bread factory ?
Je crois que l'une des premières inspirations derrière A bread factory est la tournée des cinémas français que j'ai faite pour montrer Les secrets des autres. Je me souviens de la beauté de ces espaces communautaires et de la lutte pour les maintenir en vie.

Peut-on considérer In the family, Les secrets des autres et A bread factory comme une trilogie ?
Je crois en effet qu'ils sont liés et forment une sorte de cycle.

Considérez-vous A bread factory comme deux films ou un seul ? Pourquoi ?
Je pense généralement à eux comme deux films, du simple fait du volume de travail qu'ils ont demandé, mais aussi parce que chacun peut, dans une certaine mesure, exister indépendamment de l'autre. Cela dit, le fait que les gens puissent les considérer comme un film unique ne me pose aucun problème.

Il y a beaucoup d'acteurs, dans A bread factory. Comment les avez-vous rencontrés ? Et comment avez-vous décidé de travailler avec eux ?
Il y en a à peu près une douzaine avec lesquels j'avais déjà travaillé. Parfois, notre collaboration précédente et notre amitié étaient déjà importantes, comme avec Trevor St. John et Brian Murray. Quelqu'un comme Zachary Sayle avait déjà eu un petit rôle dans In the family et, en travaillant avec lui sur A bread factory, j'ai appris jusqu'où il pouvait aller. Cela dit, pour la plupart des acteurs, il s'agit de rencontres lors d'auditions. C'est pour moi la meilleure façon de choisir le casting d'un film. J'aime travailler avec des acteurs avec des backgrounds très différents les uns des autres.

Est-ce que les deux films ont la même équipe technique ? Les avez-vous tournés simultanément ?
Oui, les deux films ont les mêmes techniciens. Nous avons tourné les deux films ensemble... et parfois les deux le même jour.

Est-ce que vous avez envie de raconter au public des choses qui se passent aux État-Unis aujourd'hui ? Ou s'agit-il d'une pure fiction ?
Je pense qu'il s'agit d'une histoire à propos de la manière dont différentes forces sociales entrent en collision. Ibsen a travaillé ainsi, Brecht également. Il me semble que A bread factory est pertinent aux États-Unis aujourd'hui, de la même façon que Ibsen et Brecht le sont. Ils regardent avec honnêteté la manière dont ces forces sociales humaines interagissent.

Pourquoi avoir décidé de faire de A bread factory un film ? Aurait-il été possible de raconter la même histoire dans une pièce de théâtre ?
Je n'y ai jamais pensé en tant que pièce... et ça ne m'intéresse pas de le faire. De la même façon que ça ne m'intéresse pas d'y penser en tant que roman.

Considérez-vous le cinéma comme le meilleur moyen de raconter une histoire ?
Je pense qu'il y a beaucoup de belles formes pour raconter des histoires. Pour ce qui me concerne personnellement, le cinéma est, en ce moment, la meilleure forme pour raconter les histoires qui m'intéressent. Pour en recevoir, actuellement, je préfère les nouvelles et les romans.

Vous écrivez également des films, des chansons et des pièces. Vous avez été acteur. Est-ce que vous aimez toutes les formes d'art ? Vous sentez-vous libre de créer ?
Oui, j'aime toutes ces choses. Je me sens heureux d'avoir pu expérimenter toutes ces choses par simple curiosité, sans objectif pratique ou professionnel. Je pense que c'est ce qui procure de la liberté.

Pourrez-vous tourner d'autres films à l'avenir ? Y a-t-il déjà une autre histoire que vous voudriez raconter ?
Je ne sais pas.

Est-ce que vous considérez vos films "américains" ?
Oui. 

Qu'attendez-vous de vos visites dans d'autres pays pour présenter votre travail ?
Je ne sais pas ce que que je peux attendre. J'ai l'impression que chaque film, chaque projection est un recommencement. J'attends de voir ce que les spectateurs ont à me dire.

En France, les films américains sont souvent considérés comme des blockbusters. Est-ce qu'il vous arrive de regarder aussi ce type de films ?
Oui, en général quand je prends l'avion.

Qu'est-ce que vous connaissez des films européens et français ? Est-ce que vous en aimez certains ?
Parmi mes réalisateurs de films préférés, il y a Tony Richardson, Luchino Visconti, Ingmar Bergman, Jacques Tati, René Clément et Jacques Rivette.

Quels sont vos meilleurs souvenirs à l'étranger ? Aimeriez-vous pouvoir voyager de nouveau, un jour prochain ?
Je suis Taïwanais et les Taïwanais sont connus pour deux choses: la convivialité et la nourriture. Je pense que c'est ce dont je me souviendrai, les amitiés et la nourriture !

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Il est temps de dire merci...

Patrick Wang est un chic type, qui s'est montré ouvert (et très drôle) lors de notre traditionnel débat - après la projection du premier volet de A bread factory. Je souhaite l'en remercier chaleureusement. Désormais, je compte bien voir son premier film: In the family. Même si ce n'est pas pour tout de suite, j'en reparlerai sûrement...

samedi 23 février 2019

Deuxième fournée

Vous vous souvenez ? Le tout premier film que je vous ai présenté cette année était le premier volet de A bread factory. Il m'aura fallu patienter près de deux mois pour que je puisse découvrir le second ! C'est avec curiosité que j'ai retrouvé Dorothea, Greta et les autres. Nous revoilà à Checkford, petite ville - imaginaire - des États-Unis...

Le centre culturel découvert au premier épisode est toujours ouvert. Comme précédemment, il demeure le centre névralgique des activités de la petite communauté. Cela étant souligné, cette fois, le scénario prend d'autres directions, tout en restant proche des personnages. Parce qu'ils sont nombreux, les récits s'enchevêtrent, d'autant plus qu'on parle encore de ceux qui étaient présents dans le premier opus et qui n'apparaissent plus physiquement dans ce nouveau film. Difficile de renouer tous les fils, à quelque huit semaines d'intervalle ! Tant pis: on peut aussi voir cette suite comme une oeuvre à part entière et se laisser guider là où la caméra veut nous accompagner...

Je dois bien dire de toute façon que A bread factory surprend souvent. Ici, la clientèle d'un bar nous offre une pure scène burlesque à grands renforts de claquettes. Là, des touristes descendent d'un bus et font des selfies en chantant, dans une ambiance de comédie musicale. Ailleurs, une comédienne débutante répète une tragédie grecque classique et, au moment de sa réplique, reste bouche bée devant le talent de sa partenaire. Tout cela nous dit-il quelque chose de ce que l'Amérique est devenue aujourd'hui ? Je n'ai pas de réponse définitive: c'est possible, oui, mais ça n'est pas forcément l'intention. Rien n'est asséné, dans ce récit. Tout est sujet à (ré)interprétation. Seule certitude: c'est une autre image que celles que les médias renvoient habituellement, d'où l'intérêt de voir aussi ce type de films. Las ! Nous n'étions que quatorze dans la salle, présentateur compris. Même un vendredi soir de pluie, c'est peu, pour une séance unique ! Sans porter le film aux nues, je suis ma foi bien content de l'avoir vu. Et j'ai adoré la fin, mélancolique mais digne d'une parade de cirque...

A bread factory - Un petit coin de paradis
Film américain de Patrick Wang (2018)

Désolé: comme la dernière fois, je suis en peine pour trouver un film comparable. Il faut que je voie d'autres oeuvres de John Cassavetes pour vérifier que les personnages y sont croqués avec une intensité équivalente - ce qu'Une femme sous influence me suggère, de fait. Bon... en attendant, je vous renvoie à Patrick Wang et à son film précédent: Les secrets des autres. Je n'ai pas dit mon dernier mot...

vendredi 22 février 2019

Retour à l'école

Vous souvenez-vous de l'époque où vous alliez à l'école ? Peut-être côtoyez-vous des enfants scolarisés ? Dans l'un ou l'autre cas, je crois que Primaire pourrait vous intéresser. Et même si vous répondez non aux deux questions, j'espère vous encourager à voir ce joli petit film. Il ne paye pas de mine, dites-vous ? Je peux vous le concéder, mais...

Florence est enseignante dans une école de Grenoble. Elle s'occupe d'enfants en CM2, le tout dernier échelon avant l'entrée au collège. Énergique, la jeune femme tâche de concilier au mieux les impératifs de son travail avec une vie personnelle pas toujours drôle. La chose se complique lorsqu'un nouvel élève rejoint sa classe: on découvrira rapidement qu'il vit seul, plus ou moins abandonné par sa mère. Rassurez-vous: Primaire n'est absolument pas un film plombant. Même s'il aborde des sujets difficiles, il illustre d'abord le combat d'une professionnelle de l'éducation pour donner corps à ses idées. Dans le même temps, quand il aborde le versant intime de cette vie trépidante, il n'est jamais larmoyant et, au contraire, souvent juste. L'équilibre peut paraître un peu précaire parfois, mais Sara Forestier joue avec une telle intensité qu'il n'y a vraiment pas lieu de chipoter. Ou alors si, à la rigueur, mais sur d'autres aspects du long-métrage...

Bien sévère toutefois qui trouverait qu'ici, certain(e)s comédien(ne)s sont à côté de la plaque. Aujourd'hui encore, je me crois bien obligé de citer Vincent Elbaz, remarquable en vrai-faux papa de substitution. Derrière, toute la distribution se met à l'unisson et les enfants eux-mêmes font énormément pour la crédibilité de cette histoire. Sans doute sont-ils bien dirigés, mais tout de même: leur force commune fait qu'on a l'impression d'avoir affaire à une classe réelle. Je vous assure que le décor n'explique pas tout de ce sentiment. Après avoir vu le film, j'ai d'ailleurs lu ici et là qu'il avait une portée documentaire. Il y a du vrai, mais je trouve cette (bonne) remarque un rien réductrice: Primaire est en réalité une fiction... bien écrite. Sur le plan formel, c'est aussi une oeuvre maîtrisée, tourbillonnante bien sûr, vu son sujet, mais qui ne tombe pas dans la frénésie. J'insiste: je ne m'étais pas imaginé que ça pourrait autant me plaire !

Primaire
Film français d'Hélène Angel (2017)

Un beau plaidoyer pour l'école, mais pas une oeuvre militante. L'intelligence du propos de la scénariste-réalisatrice est indéniable. C'est donc avec plaisir que j'ai rattrapé ce film: je l'avais laissé passer deux fois, au cinéma d'abord, puis lors d'une séance-bibliothèque. Bon... je vous suggère aussi un documentaire: Ce n'est qu'un début. Et je compte bien écrire, un jour, sur L'esquive ou Entre les murs... 

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En attendant, si vous souhaitez lire d'autres avis...

Je trouve ceux de Pascale et Laurent très complémentaires au mien.

mercredi 20 février 2019

Bien mal acquis...

Je l'ai suggéré la semaine dernière: j'ai vu La chute de l'empire américain en avant-première. Avis aux amateurs: c'est aujourd'hui que le film - débarqué du Québec - sort dans les salles françaises. Rares sont les longs-métrages de nos "cousins" canadiens à franchir l'Atlantique: en soi, c'est déjà une raison pour s'intéresser à celui-là...

Le titre vous dit quelque chose ? Rien d'étonnant. Du déclin annoncé dès 1986 à la chute désormais constatée, un seul mot a été modifié par rapport à celui d'un autre film du même réalisateur. On dira donc que Denys Arcand fait preuve d'une vraie constance, tout en s'ouvrant à l'idée que les deux longs-métrages n'ont pas d'autre point commun. La chute de l'empire américain désigne pour héros un personnage étonnant: Pierre-Paul, chauffeur-livreur de son état. Le jeune homme est le témoin direct d'un hold-up qui tourne mal. Un bon moment s'écoule avant l'arrivée de la police, ce qui fait qu'il se retrouve seul face à sa bonne conscience et devant une très grosse somme d'argent en petites coupures. Vous devinez la suite ? Oubliant ses scrupules d'honnête citoyen, Pierre-Paul s'empare du magot, pour ne réaliser que tardivement qu'il risque de s'attirer de sérieux ennuis. La suite consistera à nous (dé)montrer comment il pourra s'en sortir... ou pas.

Parti voir le film sans a priori, en me fiant au bon jugement des amis qui me l'avaient proposé, je suis malheureusement resté sur ma faim. Le pitch me laissait espérer un récit joyeusement immoral: j'ai trouvé que de trop grosses ficelles empêchaient cette honorable promesse initiale d'être véritablement tenue. La chute de l'empire américain s'appuie assurément sur une description caustique de notre monde occidental, mais il n'est pas parvenu à me faire croire à son histoire. Je me suis de ce fait raccroché aux acteurs, l'absence presque totale de visages connus me réservant au moins le plaisir de la découverte. Les intonations québécoises, elles aussi, m'ont permis de m'évader quelques instants de mon quotidien, vers un autre pays francophone. Tout cela n'aura pas suffi pour que je m'emballe: j'en suis désolé. J'espère bien ne pas vous décourager si j'ajoute que le long-métrage est assez plan-plan sur la forme. Il y avait sans doute mieux à faire...

La chute de l'empire américain
Film canadien de Denys Arcand (2018)

Deux heures dix minutes de projection... et un peu d'ennui poli. Franchement, en guise de critique acerbe du capitalisme, je crois préférable de (re)voir Le loup de Wall Street, bien plus percutant. N'est pas Martin Scorsese qui veut, me direz-vous: c'est vrai aussi ! Disons qu'au style Denys Arcand, je préfère celui de son frère Gabriel. Lui a parlé d'inégalité sociale dans un film digne: Le démantèlement

lundi 18 février 2019

Affaires de famille

Allez, encore un peu de légèreté pour aujourd'hui ! Le cinéma français ne nous réserve pas que de grandes productions: il est capable aussi d'imaginer toutes sortes de petits films, vite regardés, vite oubliés. C'est en toute connaissance de cause que je classe mes deux du jour dans cette catégorie. Mais je ne vais pas me montrer trop méchant...

Mes trésors / Pascal Bourdiaux / 2017
Fichtre ! Je réalise que Jean Reno a dépassé le cap des 70 ans ! Ouverte au théâtre en 1977, sa carrière fait de lui l'un des visages familiers de notre cinéma. Ici, celui qui fut apnéiste et tueur à gages fait équipe avec deux filles (celles du Patrick qu'il incarne) et choisit d'endosser le costume d'un voleur de haut niveau. Le brave homme tente un dernier coup chez les rupins, dans la station de Courchevel. Au scénario: un hôtel, un Stradivarius et une possible réconciliation familiale. En un mot comme en cent, ce sont surtout les personnages de Reem Kherici et de Camille Chamoux qui tirent le tout vers le haut. Tout est relatif, bien sûr: nous sommes en altitude, mais tout cela n'atteint pas des sommets. Je n'en demandais pas tant, pour une fois.

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Mes recherches sont restées vaines...

Je n'ai pas trouvé d'autre chronique chez mes camarades blogueurs.

Il a déjà tes yeux / Lucien Jean-Baptiste / 2017
Tout est bien qui finira bien. Quand j'ai lancé le film, je savais déjà comment il allait se terminer. Il est ici question d'un jeune couple amoureux, en cours d'installation dans un joli petit appartement situé au-dessus d'un fleuriste, et qui décide d'adopter un bébé. Une idée que Sali et Paul parviennent à concrétiser, la seule surprise véritable venant du fait que le petit Benjamin est blanc... et que ses parents de coeur sont noirs. Quand on y pense, c'est vrai qu'on imagine souvent l'inverse, pas vrai ? De cette pseudo-incongruité, le scénario fait un ressort comique efficace, dynamisé entre autres par le talent du duo Aïssa Maïga / Lucien Jean-Baptiste (acteur et réalisateur). L'ensemble reste assez convenu, pour être franc, mais le côté tendre de la chose finit par emporter le morceau. Allez ! Mention spéciale pour les autres interprètes qui pimentent le tout avec leurs rôles secondaires et notamment à Vincent Elbaz, très drôle en pote relou. Là encore, rien d'indispensable, mais l'intention première est louable.

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Cette fois, ma quête a été fructueuse...

Vous pourrez donc voir que Pascale et Dasola ont aussi parlé du film.

dimanche 17 février 2019

Le premier vol

Stop ! Après les deux films sérieux dont je viens de parler, je crois que vous méritez une petite pause. C'est pourquoi je suis content d'enchaîner aujourd'hui avec le joli Gus petit oiseau, grand voyage. Sortie d'un studio français, cette histoire de piafs m'a bien plu. J'admets humblement que j'en ai connu de plus originales, mais bon...

Une petite boule de plumes jaunes n'a encore jamais quitté son nid quand sa mère adoptive (une coccinelle !) l'incite à prendre son envol. Finalement, c'est parce qu'il semble désigné par un vieil animal blessé pour prendre sa place dans la volée que notre ami finit par conduire ses congénères sur les routes - incertaines - de la grande migration hivernale. Bon... je vous épargne la liste des péripéties à venir ! Comme je l'ai suggéré plus haut, Gus petit oiseau, grand voyage n'est pas le plus inventif de tous les dessins animés contemporains. Malgré cela, j'ai pris du plaisir à le regarder: soigné sur le plan formel, le film est aussi assez rythmé pour que l'on ne s'ennuie pas...

Tout cela s'adresserait plutôt aux petits qu'aux grands, sans doute. Pour autant, il n'est pas question de leur raconter n'importe quoi ! Rigoureuse, la production a consulté un ornithologue, qui s'est dit conquis par le scénario et y a apporté un peu de son expertise scientifique. C'est ainsi que certaines scènes s'inspirent directement de ce qui peut réellement se passer dans la nature. Guilhem Lesaffre témoigne d'un bonheur communicatif: "J’ai vu dans cette aventure une excellente opportunité de sensibiliser un large public au monde des oiseaux, souligne-t-il. Cette dimension pédagogique et militante me tenait à coeur". Elle est la clé de Gus petit oiseau, grand voyage. Au reste, le film est drôle, touchant, emballant parfois et sincère toujours. Un ballet aérien familial... et ce n'est déjà pas si mal, non ?

Gus petit oiseau, grand voyage
Film français de Christian de Vita (2015)

Petit film, grand plaisir ? C'est un peu exagéré, mais c'est l'idée ! Évidemment, on peut toujours regretter l'absence d'un second degré propre à amuser les adultes, mais, pour les enfants, c'est bien ainsi. L'intrigue m'a rappelé celle de Destination Pékin et, puisqu'on parle donc de déplacement climatique, j'ai repensé aussi à L'âge de glace. Face à ses rivales, l'animation française a encore beaucoup à donner !

samedi 16 février 2019

Une goutte d'eau...

Je suis certain que vous l'avez déjà vérifié: un simple mot de travers suffit parfois à faire dégénérer une situation tout à fait ordinaire. C'est aussi ce qu'illustre mon film du jour - L'insulte - qu'un ami proche m'a permis de découvrir après que je l'ai manqué au cinéma. Une belle façon d'ajouter le drapeau libanais sur Mille et une bobines !

Franck, merci: dans l'ensemble, j'ai trouvé ce film très intéressant. Dans un quartier populaire de Beyrouth, d'autant plus en surchauffe que des travaux semblent s'y éterniser, un conflit oppose un habitant plutôt mal luné à un chef de chantier d'origine palestinienne. J'insiste sur cette nationalité, car il s'avère qu'elle va jouer un rôle essentiel dans la discorde entre les deux hommes. Vous pourrez constater aussi qu'en réalité, la moindre goutte d'eau pourrait faire déborder le vase. Très bien écrit, le scénario de L'insulte repose sur un postulat crédible, sinon réaliste. Du coup, à mesure que l'intrigue se développe et que la situation s'envenime, on reste scotché à l'écran. Pari gagné !

Après un certain temps passé à suivre les protagonistes de ce récit dans la rue, la caméra nous entraîne enfin à l'intérieur, dans le secret des cabinets d'avocats, puis sous la lumière crue d'un prétoire. L'intelligence du film est alors de nous prouver que la vérité absolue d'un événement du quotidien n'est pas forcément facile à établir. Dépourvu de tout manichéisme, L'insulte nous démontre avec talent que chaque personnage a des raisons pour agir comme il le fait. Évidemment, dans le contexte général du Moyen-Orient, ce constat apparaît d'une force peu commune, mais tout ce qui est exprimé ici peut aussi être d'une portée plus universelle. Pour tout dire, le film m'a (un peu) moins convaincu dès le moment où il a tenu à s'appuyer sur l'histoire récente du Liban pour transcender son point de départ. Disons-le plus simplement: pour une fois, réfléchir autour d'exemples symboliques plutôt que sur des faits réels m'avait paru plus judicieux. Malgré cela, je vais me répéter: le film est vraiment très intéressant. Et il n'est pas nécessaire d'être un as en géopolitique pour l'apprécier !

L'insulte
Film libanais de Ziad Doueiri (2017)

Allez, hop: quatre étoiles pleines pour ce long-métrage bien ficelé ! J'insiste: il est vraiment très facile d'accès, même pour celles et ceux qui n'ont jamais observé le Liban et ses voisins que de très loin. Inspiré d'une histoire vraie, Incendies est sans doute plus complexe pour les profanes. Côté Moyen-Orient encore, je recommande Omar aux coeurs bien accrochés. À défaut, vous avez toujours Cupcakes... 

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Vous voudriez lire d'autres chroniques ?
Aucun problème: cette fois, c'est par exemple chez Dasola qu'il faudra vous rendre. Vous pourrez aussi vous tourner vers "L'oeil sur l'écran".

vendredi 15 février 2019

La loi du silence

Mon film d'aujourd'hui aura bientôt quatre ans, mais son terrible sujet revient régulièrement hanter l'actualité: El club évoque frontalement les crimes pédophiles commis par certains prêtres catholiques. Attention: il s'agit bel et bien d'une fiction et pas d'un documentaire. Je l'ai découverte un samedi, à la bibliothèque dont je parle parfois...

Une fois encore, le talentueux Pablo Larrain nous ouvre une fenêtre sur son pays: le Chili. Encore méconnu du grand public, le réalisateur n'en est pas moins une valeur sûre du cinéma international, auteur régulier de longs-métrages ancrés dans le réel et souvent édifiants. Presque entièrement tourné à huis clos, El club brosse un portrait sans concession d'hommes de Dieu envoyés dans une maison isolée pour faire oublier leurs turpitudes passées. Vous imaginez sans doute que ce n'est pas si simple: de fait, l'un des habitants du village voisin s'approche du petit groupe et interpelle violemment le dernier arrivé. Résultat: alors qu'il semblait prêt à une discussion, ce dernier sort avec une arme... et se tire une balle dans la tête ! Un ecclésiastique est alors envoyé auprès des survivants et chargé de mener l'enquête sur la manière dont les événements se sont déroulés exactement. Bien sûr, il suscitera l'hostilité de ses coreligionnaires, d'autant que...

Pas de surprise: d'emblée, la photo "brumeuse" du film nous maintient dans le flou et renforce l'impression que la lumière a du mal à passer. Éprouvant, le propos est d'autant plus fort qu'il s'inscrit dans un Chili encore traumatisé par les années Pinochet. Comment tourner la page du passé quand l'omerta a très longtemps été de mise sur des sujets aussi sensibles ? El club pose la question et n'offre qu'une réponse partielle - et, à mes yeux, sans nul doute l'une des plus pessimistes. Grand Prix du jury à la Berlinale 2015, le long-métrage m'a semblé d'une noirceur insondable, mais il mérite qu'on s'y intéresse de  près. La raison est simple: je trouve qu'il possède de très grandes qualités formelles, qui m'ont aidé à m'immerger pleinement dans le récit. L'interprétation des acteurs n'est pas en reste: ce défilé de rôles ingrats apparaît parfaitement assumé par chacun des comédiens. Après la projection, j'ai repris mon souffle, mais sans regret aucun...

El club
Film chilien de Pablo Larrain (2015)

Si vous cherchiez une comédie, un seul conseil: passez votre chemin ! Ou pas tout à fait: No, du même réalisateur, vaut aussi le détour. J'ajoute simplement que les deux films sont vraiment très différents. J'aimerais à présent revoir La jeune fille et la mort (Roman Polanski) pour un autre contexte d'omerta en Amérique du Sud. Il arrive aussi que le crime soit tu dans notre pays: on le vérifiera avec 38 témoins.

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Si un avis différent vous intéresse...

Vous pouvez aller lire aussi la chronique (assez négative) de Pascale.

mercredi 13 février 2019

Influence(s)

Aujourd'hui, si je suivais l'ordre de mes visionnages, je devrais parler d'un film... qui ne sortira dans les salles que mercredi prochain ! J'imagine que cela peut bien attendre une semaine de plus, en fait. C'est pourquoi je vous propose autre chose: un mot sur les résultats d'une étude présentée par deux chercheurs de l'Université de Turin...

Vous vous en souvenez ? En novembre dernier, après un week-end passé dans la capitale piémontaise, j'avais publié un compte-rendu très enthousiaste de ma visite au Museo Nazionale del Cinema. Ensuite, la semaine dernière, j'ai entendu dire que deux scientifiques italiens - Livio Bioglio et Ruggero Pensa - avaient exploré le corpus cinématographique international pour en extraire les vingt films considérés comme "les plus influents". En s'aidant pour leurs travaux de la base de données IMDb, ils ont alors comptabilisé les références que les longs-métrages pouvaient ainsi se faire les uns aux autres. Au-delà de la démarche, le classement est-il probant ? Vous jugerez...

Avec les réserves d'usage, je crois qu'il pourrait vous surprendre. C'est pourquoi j'ai cru bon d'ajouter un lien, dès que c'était possible...
1. Le magicien d'Oz / Victor Fleming / 1939
2. Stars wars épisode IV / George Lucas / 1977
3. Psychose / Alfred Hitchcock / 1960
4. King Kong / M.C. Cooper et E.B. Schoedsack / 1933
5. 2001: l'odyssée de l'espace / Stanley Kubrick / 1968

6. Metropolis / Fritz Lang / 1927
7. Citizen Kane / Orson Welles / 1941
8. Naissance d'une nation / D.W. Griffith / 1915
9. Frankenstein / James Whale / 1931
10. Blanche Neige et les sept nains / David Hand / 1937

11. Casablanca / Michael Curtiz / 1943
12. Dracula / Tod Browning / 1931
13. Le parrain / Francis Ford Coppola / 1972
14. Les dents de la mer / Steven Spielberg / 1975
15. Nosferatu le vampire / Friedrich Wilhelm Murnau / 1922

16. La prisonnière du désert / John Ford / 1956
17. Cabiria / Giovanni Pastrone / 1914
18. Docteur Folamour / Stanley Kubrick / 1964
19. Autant en emporte le vent / Victor Fleming / 1939
20. Le cuirassé Potemkine / Sergueï Eisenstein / 1925

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Et maintenant, on peut prolonger le débat...

Avec onze films chroniqués sur les vingt, je suis plutôt "influencé" ! Maintenant, je suis également à l'écoute, si vous avez des réactions. Quitte bien sûr à ce que l'on discute plutôt de vos influences à vous...

lundi 11 février 2019

Le cerveau au repos

Est-ce que ce serait parti pour durer ? Je ne sais pas, mais rassembler deux films dans une même chronique me plaît décidément beaucoup. Pour ma livraison d'aujourd'hui, je me penche sur deux productions fort dispensables, de celles que j'appelle parfois des "vide-neurones". Ouais... il peut arriver que ce soit tout ce que j'ai envie de regarder !

Space jam
Film américain de Joe Pytka (1996)

Produit par Ivan Reitman, ce film mélange allégrement personnages réels et créatures de cartoons. Une sinistre troupe d'extraterrestres attaque les Looney Tunes (Bugs Bunny, Vil Coyote, Titi...) et menace de les réduire en esclavage... s'ils perdent un match de basket ! Heureusement pour la bande, un certain Michael Jordan, reconverti au baseball, accepte malgré tout de remonter sur le parquet en vue d'équilibrer les chances des deux équipes. Une idée folle, non ? Si. Autant vous le dire: si vous n'entrez pas dans son délire, Space jam n'a que très peu de chances de vous plaire. Pourtant, plutôt correct d'un strict point de vue formel, il a deux ou trois atouts dans son jeu. Parmi eux, je retiens surtout un sens du rythme impeccable, proche en somme de celui des dessins animés ! Et la présence de Bill Murray !

Guardians
Film russe de Sarik Andreasyan (2016)

Vous en avez marre des superhéros made in Marvel ou DC Comics ? Ceux qui se réunissent ici pour sauver le monde sont d'inspiration soviétique. Une femme invisible, une espèce de moine orthodoxe capable de se transformer en monstre de pierre, un expert des arts martiaux et un homme-ours: cette petite troupe a plutôt belle allure. L'armée la somme de se retourner contre celui qui fut son créateur ! Bon... vous l'aurez compris: Guardians ne se distingue pas vraiment par un scénario innovant. L'aspect très fauché des effets spéciaux complète le tableau d'une série B dérivant gentiment vers le nanar. Dommage, car il y avait sans doute un certain potentiel pour inventer un divertissement geek plus solide autour de ce monde imaginaire. NB: les autres films du cinéaste sont pour beaucoup inédits en France.

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Pas besoin d'en dire davantage...

Mes films d'aujourd'hui sont à classer au rayon des plaisirs coupables. Surtout le second ! Navré, mais je n'ai pas trouvé d'autre chronique...

samedi 9 février 2019

La force des liens

J'avais laissé passer le dernier film de Hirokazu Kore-eda. Ma fidélité au réalisateur japonais ne pouvait pas être prise en défaut deux fois d'affilée. Même si j'ai bataillé pour trouver le créneau, j'ai donc tenu à voir Une affaire de famille en salles et... je l'ai vraiment a-do-ré ! Certaines Palmes d'or paraissent contestables: celle-ci tient son rang !

Kore-eda nous mène vers ce qui fait la quintessence de son cinéma. Avec une profonde délicatesse, il nous offre le portrait complexe d'une vraie-fausse entité familiale. Dans le groupe de cinq personnes que nous découvrons, nous trouvons ainsi un homme et une femme adultes, qui semblent former un couple, une fille un peu plus jeune que ces deux-là, un petit garçon et une vieille dame (leur logeuse). Tous vivent chichement, le vol venant pour partie combler le manque d'argent. Bientôt, le groupe évolue encore, avec l'arrivée d'une fillette apparemment abandonnée par ses parents légitimes. Le scénario pose alors la question cruciale: au fond, qu'est-ce qu'une famille ? Est-ce simplement un ensemble d'individus unis par les liens du sang ? Ou peut-il s'agir de personnes rassemblées par une certaine affection commune ? Cette interrogation, le film nous l'adresse avec douceur. Même si les personnages sont des marginaux, tout ce qui est montré relève du quotidien ordinaire. C'est, je crois, parce que la caméra nous invite à faire partie de ce groupe que tout cela est si touchant...

Beaucoup de choses sont dites avec peu de mots. Quelques images suffisent souvent à nous faire comprendre que la situation évolue petit à petit, au fil du temps qui passe. En laissant quelques éléments sensibles hors-champ ou parfois dans le flou, Kore-eda nous plonge dans l'intimité de ses personnages et compte sur notre intelligence émotionnelle pour comprendre également tout ce qu'il n'explicite pas. Chacun interprètera les choses comme il l'entend, mais il est certain que, dans sa conclusion, le récit est à tout le moins mélancolique. L'air de rien, le réalisateur nous dit aussi quelque chose de son pays. Il l'a souligné: "Une telle famille au Japon n'existerait pas longtemps. La société se chargerait très vite de la disloquer". Je veux le préciser à celles et ceux qui pourraient s'en inquiéter: Une affaire de famille n'est pas pour autant un brûlot politique, ni même un film militant. C'est, comme je l'ai dit précédemment, une oeuvre délicate. Portée par une très belle forme d'humanisme, elle m'a mis la larme à l'oeil. Son auteur se maintient dans le panthéon de mes cinéastes préférés !

Une affaire de famille
Film japonais de Hirokazu Kore-eda (2018)

Yasujiro Ozu et Akira Kurosawa ont bel et bien trouvé leur héritier. Film après film, la belle sensibilité humaniste de Hirokazu Kore-eda continue de faire merveille: vous pourrez la retrouver avec émotion dans Nobody knows, Notre petite soeur et d'autres films indexés ici. Cet esprit se retrouve aussi dans Still the water ou The long excuse. Je vous recommande également une oeuvre franco-nipponne: Takara.

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Le saviez-vous ? La France l'intéresse...
Hirokazu Kore-eda y a tourné son dernier film. Son titre: La vérité. Au casting: Juliette Binoche, Catherine Deneuve et Ludivine Sagnier, ainsi que l'Américain Ethan Hawke. La post-production est en cours...

Et si vous, vous vous intéressez au film...
Vous le croiserez aussi chez Pascale, Dasola, Princécranoir et Strum. Vincent y a vu une "raison majeure de se réjouir en salles" l'an passé.

vendredi 8 février 2019

Le choix des armes

Figure désormais familière du cinéma français, Reda Kateb y trace son chemin et, un film après l'autre, y démontre qu'il a autre chose qu'une "gueule". C'est pour lui que j'ai regardé La résistance de l'air. Son affiche en noir et blanc est trompeuse: le long-métrage conserve des couleurs, même si elles ne sont pas toujours éclatantes. Ma foi...

Vincent construit une maison pour s'installer avec sa copine, Delphine, et leur petite fille. La maladie de son père le force à l'héberger provisoirement, ce qui complique encore sa situation financière. Limite précaire, le jeune champion de tir au fusil voit les ennuis s'accumuler et n'arrive plus réellement à distinguer le bout du tunnel. Fragilisé, il croit bien faire en acceptant le soutien d'un autre membre de son club sportif, mais... il se pourrait que sa situation s'aggrave encore, en réalité. La résistance de l'air est un film noir, pessimiste. Dès le début, une scène d'assassinat donne le ton: le scénario tourne autour de morts violentes et ne laisse que peu de place à la lumière...

La piètre qualité de la séquence d'ouverture m'a fait craindre le pire. Heureusement, par la suite, les choses vont en s'améliorant (un peu). Tout premier long-métrage de son réalisateur, La résistance de l'air peut surtout compter sur le côté carré de Thomas Bidegain, complice habituel de Jacques Audiard et co-auteur du scénario avec Noé Debré. Les acteurs, eux aussi, font le job: j'ai aimé revoir quelques visages connus et par exemple ceux de Ludivine Sagnier, Johan Hendelbergh, Tchéky Karyo ou Pascal Delomon. Sans atteindre les hauts sommets du polar à la française, le film tient plutôt son rang, honorablement. Évidemment, il ne faut pas trop lui en demander et son côté franchement invraisemblable ne plaide pas toujours en sa faveur. Désormais, c'est à vous d'aller découvrir la signification de son titre...

La résistance de l'air
Film franco-belge de Fred Grivois (2015)

De bonnes idées, quelques petites imperfections, une interprétation d'ensemble à la hauteur de ce qu'on peut attendre: j'ai trouvé cet opus tout à fait correct. La France est bel et bien une terre de polars cinématographiques, mais rares sont les véritables chefs d'oeuvre. Pour les amateurs du genre, Une nuit ou Coup d'éclat font l'affaire. Par sa noirceur, Les Ardennes, film belge, les dépasse en intensité...

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Si vous souhaitez prolonger votre enquête...
Vous noterez que le témoignage de Pascale vient corroborer le mien.

jeudi 7 février 2019

Et de cent !

18 octobre 2013 - 11 janvier 2019: après un démarrage tranquille suivi d'une adhésion depuis un peu plus de cinq ans, j'ai découvert cent films avec mon association ! Diamantino était le dix-septième que je présentais. Aujourd'hui, pour fêter ce compte rond, l'idée m'est venue de vous révéler quelques chiffres sur mon parcours associatif !

Le nombre de films vus par décennie...
Années 2010: 61 films
Années 1960: 11 films
Années 1980: 7 films
Années 1970: 7 films
Années 2000: 5 films
Années 1990: 3 films
Années 1950: 3 films
Années 1940: 2 films
Années 1920: 1 film

Les différents (38 !) pays concernés...
France
19 films

États-Unis
10 films

Italie
8 films

Japon
7 films

Allemagne
4 films

Brésil / Chili / Corée du Sud / Grande-Bretagne / Portugal
3 films

Algérie / Cambodge / Chine / Espagne / Iran / Russie / Roumanie / Suède / Tchécoslovaquie
2 films

Argentine / Australie / Belgique / Bouthan / Canada / Colombie / Cuba / Égypte / Finlande / Géorgie / Grèce / Inde / Lituanie / Mali / Mauritanie / Philippines / Taïwan / Turquie / Union soviétique
1 film

Dix moments mémorables (parmi d'autres)...
Ma première soirée avec l'asso pour Femmes entre elles
La découverte de mon tout premier Ingmar Bergman: Persona
La belle soirée de notre festival 2016 avec Inland en copie 35mm
Le choc procuré par ce que L'image manquante dit du Cambodge
La séance d'Aquarius en compagnie d'un ami connaisseur du Brésil
Ma présentation de Mademoiselle... devant une salle quasi-pleine !
L'émotion XXL face à un Cyrano de Bergerac aussi italien que muet
Les deux lancements ratés avant la projection de Certaines femmes
Le vrai sentiment de malaise devant un documentaire: Titicut follies
Ma rencontre récente avec Patrick Wang, autour de A bread factory

Dix sorties récentes à voir et revoir...
Les 7 déserteurs / Paul Vecchiali / 2018
The long excuse / Miwa Nishikawa / 2017
Western / Valeska Grisebach / 2017
Ali, la chèvre et Ibrahim / Sherif El Bendari / 2016
Los nadie / Juan Sebastian Mesa / 2016
Diamond Island / Davy Chou / 2016
The assassin / Hou Hsiao-hsien / 2015
L'idiot / Yuri Bykov / 2014
Titli - Une chronique indienne / Kanu Behl / 2014
La terre éphémère / George Ovashvili / 2014

Vous aurez noté que je ne vous reparle pas des films de patrimoine. Non pas qu'il n'y ait rien à en redire, mais ça finirait par être longuet !

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Et du coup, je vous redonne la parole...
Mon cent-unième film avec l'asso sera chroniqué d'ici la fin du mois. Avez-vous des questions ? Des observations ? L'envie d'en savoir davantage ? Je me tiens prêt à répondre en section "commentaires"...

mardi 5 février 2019

Après le foot

Elles passent leur temps sous l'oeil des caméras: les stars du foot international en tirent largement profit, mais je me dis également que cette exposition constante doit avoir quelque chose de pesant. Sorti fin novembre, Diamantino traite cette question de manière décalée et dresse ainsi le portrait d'un footballeur franchement naïf...

Toute ressemblance avec un joueur réel est tout sauf fortuite. Portugais, les deux réalisateurs ont créé un personnage fictif ressemblant trait pour trait à Cristiano Ronaldo, le célèbre attaquant de "leur" équipe nationale, quintuple vainqueur du fameux Ballon d'or. Ils en ont fait un ahuri, maître à jouer de tout un pays, mais auteur d'un incroyable loupé technique en finale de la Coupe du monde. Depuis cet échec, qui a causé la mort de son père, le pauvre garçon déprime à temps complet. Il tient alors à... adopter un petit réfugié ! De quoi provoquer le courroux de ses deux soeurs, aussi bling-bling que vénales, et qui décident de le vendre à une entreprise de clonage soucieuse de redonner au Portugal son prestige d'antan. J'ajoute que, pour compléter le tableau, le prétendu enfant recueilli par le footeux dépité est en réalité une agente d'Interpol, en charge d'une enquête sur ses éventuelles malversations financières. Ce scénario est zinzin !

C'est sans l'avoir vu au préalable (et donc avec quelques inquiétudes) que j'ai présenté Diamantino lors d'une soirée de mon association. Beaucoup de choses pouvaient me déplaire, à commencer par le cadre footbalistique, ce sport ne m'ayant jamais véritablement intéressé. Pourtant, je peux dire que le film est une bonne surprise: sa fantaisie le classe au rang des OVNI de cinéma et c'est très bien ainsi. Concrètement, nous avons affaire à un pudding: sur le plan formel comme d'un point de vue narratif, les réalisateurs envoient du lourd. D'aucuns jugeront qu'ils tournent leur pays en ridicule, voire pire. Maintenant, pour qui s'accroche à sa douce folie, ce long-métrage témoigne aussi d'une étonnante liberté créative, consolidée d'ailleurs par la prestation mémorable de Carloto Cotta, le très expressif acteur principal. Avis aux curieux parmi vous: au printemps dernier, le film est reparti de Cannes avec le Grand Prix de la Semaine de la critique. C'est une première oeuvre au format long pour ses deux auteurs ! Leur intention affichée: écrire un conte de fées moderne. Défi relevé.

Diamantino
Film portugais de Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt (2018)

Après Les bonnes manières débarqué du Brésil, c'est le second film lusophone que je vois par hasard et découvre aussi fou, fou, fou ! Franchement, j'ai passé un bon moment, pendant et après la séance. Maintenant, si vous avez une autre vision du foot, je vous conseille de jeter un oeil à Looking for Eric, qui a largement  ma préférence. Sinon, ma foi, vous pourrez vous retourner vers À nous la victoire...

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Je ne suis pas le seul à m'être laissé prendre...

On dirait bien que Pascale est encore plus enthousiaste sur le film !

lundi 4 février 2019

Rêves de filles

Comment épouser un millionnaire... très explicite, le titre du film témoigne d'emblée de sa frivolité. Le cinéma américain des fifties avait, je trouve, le chic pour nous proposer des comédies légères autour de personnages féminins quelque peu "évaporés". Je dois dire que je me suis bien amusé avec celui-là - et son joli trio d'actrices...

Vous les reconnaissez ? Betty Grable, Lauren Bacall et Marilyn Monroe font ici leur maximum pour attirer l'attention de ces messieurs. Chacune a un rêve quelque peu différent... et plus ou moins cynique. Quoi qu'il en soit, le réaliser passe inévitablement par un mariage avec un homme riche. Misogyne, ce scénario ? Je ne pense pas. Sorti aujourd'hui, le film serait sans doute considéré très réactionnaire. Pourtant, son aspect vintage et la "douceur" de son humour suffisent à discréditer l'idée de son machisme latent. Certes, les filles paraissent écervelées ou manipulatrices parfois, mais les garçons n'ont pas tous le beau rôle. Ils peuvent eux aussi être un rien filous...

Résultat: le ton général paraît finalement plus tendre que caustique. Les comédiennes y sont évidemment pour beaucoup, le plaisir naissant également du constat que leurs personnages se complètent idéalement. Un bémol: c'est vrai que Lauren Bacall et Marilyn Monroe éclipsent très légèrement Betty Grable, de huit et dix ans leur aînée. En face, le casting masculin est très bien aussi, mais je crois inutile de citer trop de noms: selon moi, Comment épouser un millionnaire pourrait très bien être qualifié de film féminin (si ce n'est féministe). Formellement, il conserve le charme un peu suranné des productions sorties des studios hollywoodiens, le grand soin apporté aux costumes permettant d'oublier la quasi-absence de scène tournée en extérieurs. Dans le genre, j'ai vu mieux, mais je ne veux pas bouder mon plaisir !

Comment épouser un millionnaire
Film américain de Jean Negulesco (1953)

Un divertissement au goût popcorn, à regarder d'un oeil affectueux. J'ai relevé une petite blague sur Humphrey Bogart, assez bien sentie ! Léger comme une bulle de savon, le long-métrage a le bon goût d'éviter l'outrance dans la caricature. Vous avez évidemment le droit de préférer la finesse d'un Lubitsch (Rendez-vous) ou bien le glamour d'un Wilder (Ariane). Autant vous le dire: c'est mon cas également...

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Pour aller (un peu) plus loin...

Je vous conseille à présent de lire la chronique de "L'oeil sur l'écran".